Jules MASSENET

 

 

 

Jules Emile Frédéric MASSENET dit Jules MASSENET

 

compositeur français

(lieu-dit la Terrasse, Montaud, Loire, 12 mai 1842* – Paris 6e, 13 août 1912*)

 

=> sa généalogie

 

 

Il était le plus jeune d’une famille de 12 enfants. Après avoir reçu de sa mère les premières leçons, il entra à 9 ans au Conservatoire de Paris, où il fut l’élève de Savard (solfège), Laurent (piano), Bazin et Reber (harmonie), Ambroise Thomas (composition). Grand prix de Rome en 1863, il envoya d’Italie une Messe de Requiem à 8 voix, parcourut l’Allemagne et la Hongrie, et rapporta de ces voyages les Scènes de bal et les Scènes hongroises. De retour à Paris, il fit entendre une suite symphonique : Pompeia, et un opéra-comique : la Grand’Tante (Opéra-Comique, 1867). Il publia dans le même temps ses premières mélodies et ses poèmes : Poème d’avril et Poème du souvenir, son recueil de Chants intimes, etc. La direction de l'Opéra-Comique lui demanda alors d'écrire en trois semaines la musique de Don César de Bazan. L'œuvre mal venue fut froidement accueillie (1872). Son auteur se releva avec éclat en donnant à l'Odéon un drame sacré : Marie-Magdeleine (1873), qui consacrait son talent et sa célébrité. S’il compose quelques œuvres symphoniques, quelques pièces religieuses et de la musique de chambre, son activité principale n’en est pas moins orientée vers le théâtre, où il remporte de brillants et durables succès (entre autres, Hérodiade, Manon, Werther, Thaïs). Il dirigea l’orchestre de l’Opéra de Paris au cours de galas pour les premières auditions de ses œuvres Marche héroïque de Szabadi (07 juin 1879) et Chansons du bois d'Amaranthe (24 décembre 1907). Le 1er octobre 1878, il est nommé professeur de composition au Conservatoire de Paris et ne donna sa démission que le 18 octobre 1896, lorsqu’on lui proposa le poste de directeur, offre qu’il crut devoir décliner. Le 30 novembre 1878, il succéda à François Bazin comme membre de l'Académie des Beaux-arts. Il fut nommé chevalier (25 juillet 1876), officier (31 décembre 1887), commandeur (31 décembre 1895), puis grand officier (14 décembre 1900) de la Légion d'honneur.

Compositeur fécond, d’un rare talent de mélodiste, ayant un sens remarquable de la prosodie théâtrale et des situations dramatiques, particulièrement doué pour l’expression du charme et de la langueur, Massenet a exercé une influence séductrice considérable sur le public et les musiciens de sa génération. Mais il fut aussi un professeur remarquable, à qui les élèves qu’il a formés ont rendu volontiers hommage, entre autres : Alfred Bruneau, Gustave Charpentier, Gabriel Pierné, Florent Schmitt.

On lui doit Mes souvenirs (1848-1912). Alfred Bruneau a écrit un Massenet en 1935.

En 1899, Massenet acheta le château d’Égreville (Seine-et-Marne) pour en faire une résidence d’été. Son domicile parisien était au 46 rue du Général Foy à Paris 8e, puis au 48 rue de Vaugirard à Paris 6e, où il est décédé en 1912 à soixante-dix ans (une plaque commémorative est apposée sur cet immeuble). Il est enterré au cimetière d'Égreville.

 

=> Massenet par Arthur Pougin (1880)

=> Jules Massenet par Alfred Carel (Histoire anecdotique des Contemporains, 1885)

=> Massenet par Albert Wolff (la Gloire à Paris, 1886)

=> Jules Massenet par Hugues Imbert (1897)

=> la Musique française moderne par Georges Servières (1897)

=> Massenet : étude critique et documentaire, par Eugène de Solenière (1897)

=> Massenet par Louis Schneider (1908)

=> l'Oratorio moderne : Massenet par Louis Schneider (1909)

=> Jules Massenet par Octave Séré (1912)

=> Mes Souvenirs (1848-1912) par Jules Massenet (préface de Xavier Leroux)

=> Jules Massenet par Camille Saint-Saëns (1913)

=> Massenet par René Brancour (1922)

=> Massenet anecdotique par Antoine Banès (1923)

=> Massenet par Charles Bouvet (1929)

=> Jules Massenet par José Bruyr (1946)

=> M. Massenet par René Berthelot (1962)

 

 

 

 

œuvres lyriques

 

Esméralda, opéra (1865 ; non représenté)

la Coupe du roi de Thulé, opéra en 3 actes, livret de Louis Gallet et Edouard Blau (1867 ; non représenté)

la Grand'Tante, opéra-comique en 1 acte, livret de Jules Adenis et Charles Grandvallet (Opéra-Comique, 03 avril 1867) => fiche technique

Manfred, opéra, livret de Jules-Emile Ruelle sur le poème de lord Byron (1869 ; inachevé)

Méduse, opéra en 3 actes, livret de Michel Carré (1870 ; non représenté)

Don César de Bazan, opéra-comique en 3 actes, livret d'Adolphe Dennery et Jules Chantepie (Opéra-Comique, 30 novembre 1872) => fiche technique

l'Adorable Bel-Boul, opérette en 1 acte, livret de Paul Poirson et Louis Gallet (Cercle de l'Union artistique [Cercle des Mirlitons], 17 avril 1873) => partition ; livret

Bérengère et Anatole, saynète en 1 acte, paroles d'Henri Meilhac et Paul Poirson (Cercle de l'Union artistique, 1876, avec Jeanne Granier)

le Roi de Lahore, opéra en 5 actes, livret de Louis Gallet (Opéra de Paris, 27 avril 1877) => fiche technique

Robert de France, drame lyrique (1880 ; non représenté)

Hérodiade, opéra en 4 actes, livret d'Henri Grémont [Georges Hartmann] et Paul Milliet (Monnaie de Bruxelles, 19 décembre 1881 ; Opéra de Paris, 22 décembre 1921) => fiche technique

les Girondins, drame lyrique (1881 ; non représenté)

Montalte, drame lyrique (1883 ; non représenté)

Manon, opéra-comique en 5 actes, livret d'Henri Meilhac et Philippe Gille (Opéra-Comique, 19 janvier 1884) => fiche technique

le Cid, opéra en 4 actes, livret de Louis Gallet, Adolphe d'Ennery et Edouard Blau (Opéra de Paris, 30 novembre 1885) => fiche technique

Esclarmonde, opéra romanesque en 4 actes, livret d'Alfred Blau et Louis de Gramont (Opéra-Comique, 15 mai 1889) => fiche technique

le Mage, opéra en 4 actes, livret de Jean Richepin (Opéra de Paris, 16 mars 1891) => fiche technique

Werther, drame lyrique en 4 actes, livret de Paul Milliet, Edouard Blau et Georges Hartmann (v. allemande, Vienne, 16 février 1892 ; v. fr., Opéra-Comique, 16 janvier 1893) => fiche technique

Kassya, drame lyrique en 4 actes, livret d'Henri Meilhac et Philippe Gille, musique de Léo Delibes, terminée et orchestrée par Massenet (Opéra-Comique, 24 mars 1893)

Thaïs, comédie lyrique en 3 actes, livret de Louis Gallet (Opéra de Paris, 16 mars 1894) => fiche technique

le Portrait de Manon, opéra-comique en 1 acte, livret de Georges Boyer (Opéra-Comique, 08 mai 1894) => fiche technique

la Navarraise, épisode lyrique en 2 actes, livret d'Henri Cain et Jules Claretie (Londres, 20 juin 1894 ; Opéra-Comique, 03 octobre 1895) => fiche technique

Sapho, pièce lyrique en 5 actes, livret d'Henri Cain et Arthur Bernède (Opéra-Comique, 27 novembre 1897) => fiche technique

Cendrillon, conte de fées en 4 actes, livret d'Henri Cain (Opéra-Comique, 24 mai 1899) => fiche technique

Grisélidis, conte lyrique en 3 actes et 1 prologue, livret d'Armand Silvestre et Paul Morand (Opéra-Comique, 20 novembre 1901) => fiche technique

le Jongleur de Notre-Dame, miracle en 3 actes, livret de Maurice Léna (Monte-Carlo, 18 février 1902 ; Opéra-Comique, 10 mai 1904) => fiche technique

Chérubin, comédie chantée en 3 actes, livret d'Henri Cain et Francis de Croisset (Monte-Carlo, 14 février 1905 ; Opéra-Comique, 23 mai 1905) => fiche technique

Ariane, opéra en 5 actes, livret de Catulle Mendès (Opéra de Paris, 31 octobre 1906) => fiche technique

Thérèse, drame musical en 2 actes, livret de Jules Claretie (Monte-Carlo, 07 février 1907 ; Opéra-Comique, 19 mai 1911) => fiche technique

Bacchus, opéra en 4 actes, livret de Catulle Mendès (Opéra de Paris, 02 mai 1909) => fiche technique

Don Quichotte, comédie héroïque en 5 actes, livret d'Henri Cain (Monte-Carlo, 19 février 1910 ; Opéra [5e acte], 10 décembre 1911 ; Opéra-Comique, 07 octobre 1924) => fiche technique

Roma, opéra tragique en 5 actes, livret d'Henri Cain (Monte-Carlo, 17 février 1912 ; Opéra de Paris, 24 avril 1912) => fiche technique

Panurge, haulte farce musicale en 3 actes, livret de Georges Spitzmüller et Maurice Boukay (Gaîté, 25 avril 1913) => fiche technique

Cléopâtre, drame passionnel en 4 actes, livret de Louis Payen (Monte-Carlo, 23 février 1914) => fiche technique

Amadis, opéra légendaire en 4 actes, livret de Jules Claretie (Monte-Carlo, 01 avril 1922) => fiche technique

 

ballets

 

le Carillon, légende mimée et dansée en 1 acte, livret d'Ernest Van Dyck et Camille de Roddaz (Opéra de Vienne, 21 février 1892) => fiche technique

Divertissement des Roses (les Rosati), ballet en 1 acte (Opéra-Comique, 09 décembre 1901) => fiche technique

Cigale, divertissement-ballet en 2 actes, livret d'Henri Cain (Opéra-Comique, 04 février 1904) => fiche technique

Espada, ballet en 1 acte de René Maugars (Théâtre de Monte-Carlo, 13 février 1908, avec Mlle Trouhanova) => partition

Scènes alsaciennes, actualité patriotique et militaire en 1 acte, argument d’Archaimbaud et Henry Durier (Opéra-Comique, 18 mars 1915) => fiche technique

 

oratorios, drames sacrés, cantates et scènes lyriques

 

Mademoiselle de Montpensier, cantate, livret d'Edouard Monnais (1862)

Messe de Requiem à huit voix (v.1863)

David Rizzio, cantate, livret de Gustave Chouquet (grand prix de Rome, 1863) créée à Paris, à l'Institut, par Caroline Duprez, Gustave Roger et Marc Bonnehée

Paix et liberté !, cantate scénique (Théâtre-Lyrique, 15 août 1867)

Noce flamande, pour chœurs et orchestre (1867)

Marie-Magdeleine, drame sacré en 3 actes, livret de Louis Gallet (Odéon, 11 avril 1873 ; Opéra-Comique, 24 mars 1874) => fiche technique

Ève, mystère en 3 actes, livret de Louis Gallet (Concerts Lamoureux, 18 mars 1875) => fiche technique

Narcisse, idylle antique pour solo et chœur, livret de Paul Collin (1877) => fiche technique

la Vierge, légende sacrée en 4 scènes, livret de Charles Grandmougin (Concerts historiques de l’Opéra, 22 mai 1880) => fiche technique

Biblis, scène religieuse pour mezzo-soprano, ténor, baryton, chœurs et orchestre, poème de Georges Boyer (juillet 1887)

la Chevrière, petit conte rustique pour 2 voix, paroles d'Edouard Noël (1895 ; orchestrée en 1901)

la Terre promise, oratorio en 3 parties, d'après des textes de la Vulgate (1897-1899 ; Eglise Saint-Eustache, 15 mars 1900) => fiche technique

Suite parnassienne, fresque musicale en 4 parties, livret de Maurice Léna (1913) => partition

Scènes chorales pour 2 voix de femmes et solo

 

                             

 

Villanelle, chœur à 4 voix d'hommes sans accompagnement, paroles de Jules Ruelle

 

musiques de scène

 

les Erinnyes, tragédie antique de Leconte de Lisle (Odéon, 06 janvier 1873) : intermède => fiche technique

Un drame sous Philippe II, drame en 4 actes de Georges de Porto-Riche (Odéon, 14 avril 1875) : Sarabande espagnole du XVIme siècle => partition ; livret

la Vie de bohème, comédie en 5 actes de Théodore Barrière et Henry Murger (Odéon, 19 novembre 1875) => livret

l'Hetman, drame en 5 actes de Paul Déroulède (Odéon, 02 février 1877) => livret

Notre-Dame de Paris, drame en 5 actes de Paul Foucher, d'après Victor Hugo (théâtre des Nations, 04 juin 1879) : chanson d'Esméralda

Nana-Sahib, drame en vers en 7 tableaux de Jean Richepin (Porte-Saint-Martin, 20 septembre 1883) => livret

Théodora, drame en 5 actes de Victorien Sardou (Porte-Saint-Martin, 26 décembre 1884)

le Crocodile, pièce en 5 actes de Victorien Sardou (Porte-Saint-Martin, 21 décembre 1886) => partition

Brumaire, drame d'Edouard Noël (1899) : ouverture => livret

Phèdre, tragédie en 5 actes de Jean Racine : ouverture (Concerts Colonne, 22 février 1874) puis musique de scène (Odéon, 08 décembre 1900) => fiche technique

le Grillon du foyer, comédie en 3 actes de Ludovic de Francmesnil, d'après Charles Dickens (Odéon, 01 octobre 1904) => fiche technique

le Manteau du Roi, drame en 4 actes de Jean Aicard (Porte-Saint-Martin, 22 octobre 1907) => livret

     "La musique de Massenet, très douce, lointaine, semble-t-il, et comme vaporeuse, de rêve elle aussi, s'adapte admirablement à la conception du poète." (Louis Gourbeyre, Larousse Mensuel Illustré, octobre 1908)

Perce-Neige et les Sept Gnomes, conte en vers en 4 journées de Jeanne Dortzal (théâtre Femina, 02 février 1909)

Jérusalem, drame de Georges Rivollet (Opéra de Monte-Carlo, 14 janvier 1914) => partition

 

œuvres instrumentales

 

Grande ouverture de concert (1863)

Devant la Madone (souvenir de la campagne de Rome), pièce pour flûte, hautbois, clarinette et violons (nuit de Noël 1864) => partition ; enregistrement ci-dessous

Scènes de bal, pour piano (1865)

Pompeia, suite symphonique (1866)

10 pièces de genre, pour piano, op.10 (v. 1866) => partition

3 pièces pour piano à 4 mains, op.11 (1867) => partition

Suites d'orchestre : 1. Suite d'orchestre (1867) => partition ; 2. Scènes hongroises (1871) => partition ; 3. Scènes dramatiques (1873) => partition ; 4. Scènes pittoresques (1871) => partition ; enregistrements ci-dessous ; 5. Scènes napolitaines (1864) => partition ; 6. Scènes de féerie (1881) => partition ; 7. Scènes alsaciennes (1881) => partition ; enregistrements ci-dessous [On en a tiré le ballet Scènes alsaciennes (Opéra-Comique, 18 mars 1915)]

le Roman d'Arlequin, pantomime au piano (1871) => partition

Improvisations, 20 pièces pour le piano (1874) => partition

Marche héroïque de Szabadi, pour orchestre (Opéra de Paris, 07 juin 1879) => partition

Parade militaire, morceau de genre pour orchestre (1887) => partition

Visions..., poème symphonique (1891) => partition

Toccata pour piano (1892) => partition

Deux Impromptus pour piano (1896) => partition

Année passée, 12 pièces pour piano à quatre mains (1897) => partition

Fantaisie pour violoncelle et orchestre (1897) => partition

Un moment musical, pour piano (v.1897) => partition

Valse folle, pour piano (1898) => partition

Valse très lente, pour piano (1901) => partition

Pièces pour petit orchestre (1901) => partition

Concerto pour piano et orchestre (Conservatoire, février 1902) => partition

Musique pour bercer les petits enfants, pour piano (1902) => partition

2 pièces pour piano (1907) => partition

Elévation, pour orgue (1911) => partition

Prélude en ut majeur, pour orgue (1912) => partition

1 quatuor à cordes

 

 

         

 

Nocturne pour le piano

 

 

 

liste des œuvres instrumentales et transcriptions pour piano (novembre 1911)

 

 

    

 

Devant la Madone (Nuit de Noël 1864)

Musique de la Garde Républicaine dir César Bourgeois

Pathé saphir 80 tours n° 6354, mat. 5721, enr. vers 1910

 

 

                                  

 

Scènes pittoresques

1. Marche ; 2. Air de ballet ; 3. Angélus ; 4. Fête bohème

Musique de la Garde Républicaine dir César Bourgeois

Pathé saphir 80 tours n° 6215, mat. 5249 et 5265 et n° 6352, mat. 5250 et 5266, enr. vers 1910

 

 

 

 

              

 

Scènes pittoresques

1. Marche ; 2. Air de ballet ; 3. Angélus ; 4. Fête bohème

Orchestre de l'Opéra-Comique dir André Cluytens

enr. en 1955

 

 

 

 

                                       

Scènes alsaciennes

1. Dimanche matin ; 2. Au cabaret ; 3. Sous les tilleuls ; 4. Dimanche soir

Musique de la Garde Républicaine dir César Bourgeois

Pathé saphir 80 tours n° 6243, mat. 5317 et 5318, n° 6354, mat. 5720, et n° 6267, mat. 5332 et 5333, enr. vers 1910

 

 

                        

 

Scènes alsaciennes

1. Dimanche matin ; 2. Au cabaret

Orchestre Symphonique dir Pierre Chagnon

Columbia D 19054, mat. L 865-1 et L 866-2, et D 19053, mat. L 863-1 et L 867-2, enr. av. 1930

 

 

              

 

Scènes alsaciennes

1. Dimanche matin ; 2. Au cabaret

London Symphony Orchestra dir Piero Coppola

Gramophone L 901, mat. 52-924 et 52-925, enr. vers 1930

 

 

              

 

Scènes alsaciennes

3. Sous les tilleuls ; 4. Dimanche soir

Grand Orchestre Symphonique dir Gustave Cloëz

Odéon 170.011, mat. XXP 6514-1 et XXP 6515-1, enr. le 01 juin 1928

 

 

              

 

Scènes alsaciennes

1. Dimanche matin ; 2. Au cabaret ; 3. Sous les tilleuls ; 4. Dimanche soir

Orchestre de l'Opéra dir André Cluytens (3. clarinette solo : André Dionet ; violoncelle solo : Gaston Marchesini)

enr. en 1955

 

 

Les Scènes alsaciennes de M. J. Massenet, suite instrumentale exécutée le 19 mars, au Concert du Châtelet, ont obtenu le plus grand et le plus légitime succès.

Elles sont inspirées de souvenirs empruntés à un ouvrage de M. Alphonse Daudet. Les quatre parties en sont très variées et traitées tour à tour avec une ingéniosité, une délicatesse et une vigueur qui en font une des plus heureuses conceptions du maître.

C’est d’abord l’impression du Dimanche matin : les rues désertes, l’église pleine, les chants religieux entendus de loin ; – puis les bruyantes scènes du cabaret, la chanson des gardes forestiers se rendant au tir, les sonneries du cor traversant l’espace et apportant avec elles comme des bouffées de l’air balsamique de la forêt. – Le deuxième morceau, écrit avec une grande fermeté, avec une magistrale sûreté de main a eu, comme le suivant, les honneurs du bis.

« Sous les tilleuls », après l’heure du cabaret, vient l’heure de l’idylle, dans le grand silence des après-midi d’été, tout au bout du pays, dans la longue avenue où les amoureux marchent la main dans la main. – Voilà une inspiration délicieuse ; la délicatesse y va jusqu’à l’extrême ténuité ; sur un fond vaporeux, le violoncelle et la clarinette dialoguent tendrement, duo exquis disant, mieux encore que la voix, les pures ivresses, les chastes aveux des âmes naïves.

Pour la fin, c’est le grand tournoiement des danses, les motifs populaires enlevant vigoureusement les robustes filles aux bras de leurs valseurs. L’heure tinte ! un roulement de tambour, une sonnerie de clairons ! C’est la retraite, la retraite française qui passe au loin...

Et, bien que cette page soit écrite simplement sur des souvenirs de l’Alsace heureuse et libre, en l’écoutant, on lui prête un sentiment plus poignant, une signification plus douloureuse.

Alsace ! Alsace !... Tandis que les petits tambours s’éloignent dans la brume du soir, que les dernières sonneries claires s’évaporent dans l’espace, une larme vient aux yeux et l’on songe à ceux qui, là-bas, le cœur palpitant, répètent : « France ! France ! », ayant encore dans l’oreille cette retraite joyeuse qui, depuis douze ans, ne sonne plus...

(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, mars-avril 1882)

 

 

recueils de mélodies

 

Chansons des bois d'Amaranthe, cycle de 5 mélodies, poésies de Marc Legrand : 1. O bon printemps (trio) ; 2. Oiseau des bois (duo) ; 3. Chères fleurs (quatuor) ; 4. O ruisseau (trio) ; 5. Chantez (quatuor)

 

Chants intimes, recueil de 3 mélodies, poésies de Gustave Chouquet (1866) : 1. Déclaration ; 2. A Mignonne ; 3. Berceuse => partition

 

Expressions lyriques, recueil de 10 mélodies avec déclamation rythmée (v.1902-1912) : 1. Dialogue (Marc Varenne) ; 2. les Nuages (Comtesse de Louvencourt) ; 3. En voyage (Théodore Maurer) ; 4. Battements d'ailes (Jeanne Dortzal) ; 5. la Dernière lettre de Werther à Charlotte (Duc R. de Gontaut-Biron) ; 6. Comme autrefois (Jeanne Dortzal) ; 7. Nocturne (Jeanne Dortzal) ; 8. Mélancolie (anonyme) ; 9. Rose de Mai (S. Poirson) ; 10. Feux-follets d'amour... (Madeleine Grain) => partition

 

Lui et elle, recueil de 2 mélodies, poésies de Thérèse Maquet (1890) : 1. Lui ; 2. Elle => partition

 

Poème d'amour, recueil de 6 mélodies, poésies de Paul Robiquet (1878-1880) : 1. Je me suis plaint ; 2. La nuit, sans doute ; 3. Ouvre tes yeux bleus... ; 4. Puisqu'elle a pris ma vie ; 5. Pourquoi pleures-tu ? ; 6. Oh ! ne finis jamais => fiche technique

 

Poème d'avril, recueil de 8 mélodies, op.14, poésies d'Armand Silvestre (1866) : 1. Prélude ; 2. Sonnet matinal ; 3. Double jeunesse ; 4. Riez-vous ? ; 5. Vous aimerez demain ; 6. Que l'heure est donc brève ; 7. Ton baiser ; 8. Adieu => fiche technique

 

Poème d'hiver, recueil de 5 mélodies, poésies d'Armand Silvestre (1882) : 1. C'est au temps de la chrysanthème ; 2. Mon cœur est plein de toi ; 3. Noël ; 4. Tu l'as bien dit ; 5. Ah ! du moins, pour toi je veux être => partition

 

Poème d'octobre, recueil de 6 mélodies, poésies de Paul Collin (1876) : 1. Prélude ; 2. Automne ; 3. les Marronniers ; 4. Qu'importe ; 5. Roses d'octobre ; 6. Pareils à des oiseaux => partition

 

Poème d'un soir, recueil de 3 mélodies, poésies extraites des Gloses orphiques de Georges Vanor (1895) : 1. Antienne ; 2. Fleuramye ; 3. Defuncta nascuntur => partition

 

Poème des fleurs (le), suite pour voix de femmes, poésies de Biagio Allievo traduites par Armand Gasquy (1907) : 1. Prélude ; 2. l'Hymne des fleurs ; 3. la Danse des rameaux ; 4. Chanson de mai => partition

 

Poème du souvenir, recueil de 6 mélodies, poésies d'Armand Silvestre (vers 1868) : 1. A la trépassée (Lève-toi) ; 2. L'air du soir ; 3. Un souffle de parfums ; 4. Dans l'air plein de fils de soie ; 5. Pour qu'à l'espérance ; 6. Epitaphe => partition

 

Poème pastoral, recueil de 6 mélodies (1872) : 1. Pastorale avec chœur (Florian) ; 2. Musette (Florian) ; 3. Aurore (Cocorico) (Armand Silvestre) ; 4. Paysage (Florian) ; 5. Crépuscule (Armand Silvestre) ; 6. Adieux du berger (Florian) => fiche technique

 

Quelques chansons mauves, cycle de 3 mélodies, poésies d'André Lebey (1902) : 1. En même temps que ton amour ; 2. Quand nous nous sommes vus ; 3. Jamais un tel bonheur

 

Trois mélodies, deux duos et un trio, op.2, poésies de Camille Distel (vers 1868) : 1. Bonne nuit ! ; 2. le Bois de pins ; 3. le Verger ; 4. Marine ; 5. Joie ! ; 6. Matinée d'été => partition

 

Trois poèmes chastes, recueil de 3 mélodies : 1. le Pauv' petit (Légende) (Georges Boyer) ; 2. Vers Bethléem (Paul Le Moyne) ; 3. la Légende du baiser (Jean de Villeurs)

 

mélodies

 

A Colombine, sérénade d'Arlequin, poésie de Louis Gallet (1872)

A deux pleurer !, poésie de Jean-Louis Croze (1897) => partition

A Mignonne => recueil Chants intimes

A la trépassée (Lève-toi) => recueil Poème du souvenir

Adieu => recueil Poème d'avril => fiche technique

Adieux du berger => recueil Poème pastoral

Ah ! du moins, pour toi je veux être => recueil Poème d'hiver

Air du soir (l') => recueil Poème du souvenir

Alcyons (les), poésie de Joseph Autran (1881) => partition

Âme des fleurs (l'), poésie de Paul Delair (vers 1890) => fiche technique

Âme des oiseaux (l'), poésie d'Elena Vacarescu (1895) => partition

Âmes obscures, poésie d'Anatole France (1912) => partition

Âmes (les), poésie de Paul Demouth (1898) => partition

Amour pleure (l') (Chanson de jadis), poésie de Madeleine Postel (1912) => partition

Amoureuse, poésie de Stop (1898) => partition

Amoureuses sont des folles... (les), poésie du Duc de Tarente (1902) => partition

Amoureux appel, poésie de Georges de Dubor (1900) => partition

Amours bénis, poésie d'André Alexandre (1899) => partition

Ange et l'enfant (l'), poésie de Marie Barbier (1899) => partition

Anniversaire, poésie d'Armand Silvestre (1880) => partition

Antienne => recueil Poème d'un soir

Au très aimé, poésie de Caroline Duer (1900) => partition

Au-delà du rêve, poésie de Gaston Hirsch (1903) => partition

Aubade, poésie de Gabriel Prévost (1877) => partition

Aube païenne, poésie de Lucien Rocha (1912) => partition

Aurore (Cocorico) => recueil Poème pastoral

Automne => recueil Poème d'octobre

Ave Margarita !, poésie d'Edouard Noël (1902) => partition

Ave Maria (sur la Méditation de Thaïs) => partition

Avec toi !, poésie de Julien Gruaz (1902) => partition

Aveu, poésie de Paul Bourguignat (1884) => partition

Avril est amoureux, poésie de Jacques d'Halmont (1900) => partition

Avril est là !, poésie de François Ferrand (1899) => partition

Battements d'ailes => recueil Expressions lyriques

Beaux yeux que j'aime, poésie de Thérèse Maquet (1891) => partition

Belles de nuit (les), poésie de Thérèse Maquet (1887) => partition

Berceuse => recueil Chants intimes

Bois de pins (le) => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

Bonne nuit ! => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

C'est au temps de la chrysanthème => recueil Poème d'hiver

C'est l'amour, poésie de Victor Hugo (1908) => partition
Ce que disent les cloches,
poésie de Jean de la Vingtrie (1900) => partition

Ce sont les petits que je veux chanter, poésie d'Edouard Grieumard (1899) => partition

Chanson andalouse, poésie de Jules Ruelle (1891) => partition

Chanson de Capri, poésie de Louis Gallet (1872) => partition

Chanson de mai => recueil le Poème des fleurs

Chanson des lèvres (la), poésie de Jean Lahor (1897) => partition

Chanson désespérée, poésie d'Edmond Teulet (1905) => partition

Chanson juanesque, poésie de Félicien Champsaur (1905) => partition

Chanson pour elle, poésie d'Henri Maigrot (1897) => partition

Chant de guerre cosaque, poésie d'Elena Vacarescu (1886) => partition

Chant provençal, poésie de Michel Carré (1871) => fiche technique

Chantez => recueil Chansons des bois d'Amaranthe

Chères fleurs => recueil Chansons des bois d'Amaranthe

Come into the garden, Maud, poésie d'Alfred Tennyson (1880) => partition

Comme autrefois => recueil Expressions lyriques

Coupe d'ivresse (la), poésie d'H. Ernest Simoni (1899) => partition

Crépuscule => recueil Poème pastoral => fiche technique

Crucifix (le), poésie d'Alphonse de Lamartine (26 août 1862) => partition

Dans l'air plein de fils de soie => recueil Poème du souvenir

Dans le sentier, parmi les roses, poésie de Jean Bertheroy (1891) => partition

Danse des rameaux (la) => recueil le Poème des fleurs

Déclaration => recueil Chants intimes

Defuncta nascuntur => recueil Poème d'un soir

Départ, poésie d'Emile Guérin-Catelain (1893) => partition

Dernière chanson (la), poésie de Louis Lefebvre (1898) => partition

Dernière lettre de Werther à Charlotte (la) => recueil Expressions lyriques

Devant l'infini, poésie d'Emile Trolliet (1892) => partition

Dialogue => recueil Expressions lyriques

Dialogue nocturne, duo pour soprano et ténor, poésie d'Armand Silvestre (1871) => partition

Dites-lui que je l'aime, poésie de Georges Fleury-Daunizeau (1910) => partition

Double jeunesse => recueil Poème d'avril => fiche technique

Élégie, poésie de Louis Gallet (vers 1872) => fiche technique

Elle => recueil Lui et elle

Elle s'en est allée, poésie de Lucien Solvay (1895) => partition

En avant !, poésie de Marc Legrand

 

 

En même temps que ton amour => recueil Quelques chansons mauves

En voyage => recueil Expressions lyriques

Enchantement !, poésie de Jules Ruelle (1890) => fiche technique

Enfants (les), poésie de Georges Boyer (1881) => partition

Épitaphe => recueil Poème du souvenir

Épithalame, poésie d'Armand Silvestre (1891) => partition

Esclave (l'), poésie de Théophile Gautier (1868) => fiche technique

Et puis..., poésie de Maurice Chassang (1905) => partition

Éternité, poésie de Mary Girard (1899) => partition

Être aimé, poésie de Victor Hugo (1893) => partition

Éveil, poésie d'Alfred Gassie (1906) => partition

Éventail (l'), poésie de Stop (1891) => partition

Extase printanière, poésie d'André Alexandre (1902) => partition

Extases (les), poésie d'Annie Dessirier (1912) => partition

 

 

 

Femmes de Magdala (les), poésie de Louis Gallet (1872) => partition

Feux-follets d'amour... => recueil Expressions lyriques

Fleur et le papillon (la), poésie de Victor Hugo (25 août 1862) => partition

Fleuramye => recueil Poème d'un soir

Fleurs (les), duo, poésie de Jacques Normand (1894) => partition

Fourvières, poésie de Maurice Léna (1893) => partition

Gavotte de Puyjoli (la), poésie d'Edouard Noël (1909) => partition

Guitare, poésie de Victor Hugo (1886) => partition

Heure vécue, poésie de Mme M. Jacquet (1912) => partition

Heure volée (l'), poésie de Catulle Mendès (1902) => partition

Heureuse souffrance (l'), poésie de Georges de Dubor (1902) => partition

Horace et Lydie, duo, poésie d'Alfred de Musset (1886) => partition

Hymne d'amour, poésie de Paul Desachy (1895) => partition

Hymne des fleurs (l') => recueil le Poème des fleurs

Il pleuvait, poésie d'Armand Silvestre (1871) => partition

Improvisateur (l'), poésie de Giuseppe Zaffira, traduit par Romain Bussine (1864) => partition

Ivre d'amour, poésie de Grégoire d'Akhtamar (1906) => partition

Jamais un tel bonheur => recueil Quelques chansons mauves

Jamais plus !, poésie d'Olga de Sarmento (1912) => partition

Je cours après le bonheur !, poésie de Guy de Maupassant (1888) => partition

Je m'en suis allé vers l'amour, poésie de Théodore Maurer (1902) => partition

Je me suis plaint => recueil Poème d'amour => fiche technique

Je t'aime !, poésie de Suzanne Bozzani (1893) => partition

Joie ! => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

Jour de noces, poésie de Stéphan Bordèse (1886) => partition

Larmes maternelles, poésie de Michel Delines (1893) => partition

Le sais-tu ?, poésie de Stéphan Bordèse (1880) => partition

Légende du baiser (la) => recueil Trois poèmes chastes

Lettre (la), poésie de Catulle Mendès (1907) => partition

Loin de moi ta lèvre qui ment, poésie de Jean Aicard (1881) => partition

Lui => recueil Lui et elle

Ma petite mère a pleuré, poésie de Paul Gravollet (1902) => partition

Madrigal, poésie d'Armand Silvestre (1869) => partition

Mains (les), poésie de Noel Bazan (1899) => partition

Marchande de rêves (la), poésie d'Armand Silvestre (1905) => partition

Marine => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

Marquise !, poésie d'Armand Silvestre (1888) => fiche technique

Marronniers (les) => recueil Poème d'octobre

Matinée d'été => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

Mélancolie => recueil Expressions lyriques

Mélodie des baisers (la), poésie d'André Alexandre (1906) => partition

Menteuse chérie !, poésie de Ludana (1912) => partition

Mères (les), poésie de Georges Boyer (1892) => fiche technique

Mienne !, poésie d'Ernest Laroche (1893)

Mon cœur est plein de toi => recueil Poème d'hiver

Mon page, poésie de Maurice de Théus (1900) => partition

Mort de la cigale (la), poésie de Maurice Faure (1911) => partition

Mousmé !, poésie d'André Alexandre (1901) => partition

Musette => recueil Poème pastoral

Narcisse à la fontaine, poésie de Paul Collin (1877) => partition

Ne donne pas ton cœur, poésie de Paul Mariéton (1892) => partition

Néére, poésie de Michel Carré, extrait des Erynnies (1872) => partition

Neige (la), poésie de Stéphan Bordèse (1890) => partition

Nid (le), poésie de Paul Demouth (1898) => partition

Nocturne => recueil Expressions lyriques

Noël => recueil Poème d'hiver

Noël de fleurs, poésie de Louis Schneider (1912) => partition

Noël des humbles (le), poésie de Jean Aicard (1908) => partition

Noël païen, poésie d'Armand Silvestre (1886) => fiche technique

Nuages (les) => recueil Expressions lyriques

Nuit (la), poésie de Victor Hugo (1912) => partition

Nuit d'Espagne, poésie de Louis Gallet (1872) => fiche technique

Nuit, sans doute (la) => recueil Poème d'amour => fiche technique

O bon printemps => recueil Chansons des bois d'Amaranthe

O ruisseau => recueil Chansons des bois d'Amaranthe

Oh ! ne finis jamais => recueil Poème d'amour => fiche technique

Oh ! si les fleurs avaient des yeux !..., poésie de G. Buchillot (1903) => partition

Oiseau des bois => recueil Chansons des bois d'Amaranthe

Oiselets (les), poésie de Jacques Normand (1877) => partition

On dit !, poésie de Jean Roux (1901) => partition

Orphelines, poésie de Ludana (1906) => partition

Ouvre tes yeux bleus... => recueil Poème d'amour => fiche technique

Pareils à des oiseaux => recueil Poème d'octobre

Pastorale avec chœur => recueil Poème pastoral

Pauv' petit (le) => recueil Trois poèmes chastes

Paysage => recueil Poème pastoral

Pensée d'automne, poésie d'Armand Silvestre (1887) => fiche technique

Pensée de printemps, poésie d'Armand Silvestre (1893) => partition

Petit Jésus (le), poésie de Georges Boyer (1899) => partition

Petite Mireille, poésie de Fernand Beissier (1899) => partition

Pitchounette, farandole, poésie de Jacques Normand (1897) => partition

Plus vite, poésie d'Elena Vacarescu (1886) => partition

Poésie de Mytis, poésie anonyme (1902) => partition

Poète est roi ! (le), poésie de Georges Boyer (1889) => partition

Poète et le fantôme (le), poésie anonyme (1891) => partition

Portrait d'une enfant (le), poésie de Ronsard (1868) => fiche technique

Pour Antoinette, poésie de Paul de Chabaleyret (1899) => partition

Pour qu'à l'espérance => recueil Poème du souvenir

Pourquoi pleures-tu ? => recueil Poème d'amour => fiche technique

Prélude => recueil Poème d'avril => fiche technique

Prélude => recueil Poème d'octobre

Prélude => recueil le Poème des fleurs

Première danse, poésie de Jacques Normand (1899) => partition

Premiers fils d'argent, poésie de Marie de Valandré (1897) => partition

Printemps dernier, poésie de Philippe Gille (1884) => partition

Printemps visite la Terre (le), poésie de Jeanne Chaffotte (1901) => partition

Puisqu'elle a pris ma vie => recueil Poème d'amour => fiche technique

Quand nous nous sommes vus => recueil Quelques chansons mauves

Quand on aime, poésie d'Eugène Manuel (1887) => partition

Que l'heure est donc brève => recueil Poème d'avril => fiche technique

Qu'importe => recueil Poème d'octobre

Regard d'enfant, poésie de Léon-Gabriel Pélissier (1898) => partition

Rêverie sentimentale, poésie de Caroline Duer (1910) => partition

Rien n'est que de France, poésie d'Armand Silvestre (1891) => partition

Rien ne passe !, poésie de Lucien Monrousseau (1911) => partition

Riez-vous ? => recueil Poème d'avril => fiche technique

Rivière (la), poésie de Camille Bruno (1900) => partition

Rondel de la Belle au bois, poésie de Julien Gruaz (1900) => partition

Rose de Mai => recueil Expressions lyriques

Roses d'octobre => recueil Poème d'octobre

Sainte Thérèse prie, poésie de Pierre Sylvestre (1902) => partition

Sentier perdu (le), idylle, poésie de Paul de Choudens (1877) => partition

Séparation, poésie de Paul Mariéton (1886) => partition

Septembre, poésie d'Elena Vacarescu (1891) => partition

Sérénade, poésie de Molière (1880) => partition

Sérénade aux mariés, poésie de Jules Ruelle (1868) => fiche technique

Sérénade d'automne, poésie d'Augustine Malvine Blanchecotte (1871) => partition

Sérénade du passant, poésie de François Coppée (1869) => fiche technique

Sevillana, poésie de Jules Ruelle (1895) => fiche technique

Si tu l'oses !, poésie de Daniel Garcia-Mansilla (1897) => partition

Si tu m'aimes, poésie d'Anne Girard-Duverne (1912) => partition

Si tu veux, Mignonne..., poésie de Georges Boyer (1876) => partition

Si vous vouliez bien me le dire, poésie de Ludana (1907) => partition

Sœur d'élection, poésie d'Emile Trolliet (1900) => partition

Soir de rêve, poésie d'Antonin Lugnier (1912) => partition

Soleil couchant, poésie de Victor Hugo (1912) => partition

Sonnet, poésie de Georges Pradel (1869) => partition

Sonnet matinal => recueil Poème d'avril => fiche technique

Sonnet païen, poésie d'Armand Silvestre (1869) => partition

Souhait, poésie de Jacques Normand (1880) => partition

Sous les branches, poésie d'Armand Silvestre (1868) => partition

Souvenance !, poésie de Paul Mariéton (1897)

Souvenez-vous, Vierge Marie ! (Prière de Saint Bernard), poésie de Georges Boyer (1880) => partition

Souvenir de Venise, poésie d'Alfred de Musset (1872) => partition

Stances, poésie de L. Gilbert (1869) => partition

Sur une poésie de Van Hasselt (l'Attente), poésie d'André Henri Constant van Hasselt (1902) => partition

Ton baiser => recueil Poème d'avril => fiche technique

Ton souvenir, poésie d'Emilie Feillet (1909) => partition

Tout passe !, poésie de Camille Bruno (1909) => partition

Tristesse, poésie de P. Carrier (1894)

Tu l'as bien dit => recueil Poème d'hiver

Un adieu, poésie d'Armand Silvestre (1869) => partition

Un souffle de parfums => recueil Poème du souvenir

Veillée du petit Jésus (la), poésie d'André Theuriet (1876) => partition

Verger (le) => recueil Trois mélodies, deux duos et un trio

Vers Bethléem => recueil Trois poèmes chastes

Vie d'une rose (la), op.12 n°3, poésie de Jules Ruelle (1868)

Vieilles lettres, poésie de Jacques Normand (1898) => partition

Voix de femmes, poésie de Pierre d'Amor (1901) => partition

Voix suprême, poésie d'Antoinette Lafaix-Gontié (1912) => partition

Vous aimerez demain => recueil Poème d'avril => fiche technique

Vous qui passez, poésie de Paul de Chabaleyret (1899) => partition

Yeux clos (les), poésie de G. Buchillot (1905) => partition

 

 

Jules Massenet jeune

 

 

Jules Massenet par Paul Maurou en 1877

 

 

 

Jules Massenet, dessin d'Ernesto Fontana

 

 

 

 

Jules Massenet en 1877 [photo Pierre Petit]

 

 

 

 

Entré fort jeune au Conservatoire de Paris, il remporta en 1859 le premier prix de piano, puis étudia l'harmonie sous la direction de M. Reyer, la composition sous celle de M. Ambroise Thomas, et obtint en 1863, outre le premier prix de fugue, le premier grand prix de composition avec une cantate intitulée David Rizzio. M. Massenet partit alors pour Rome, et visita ensuite l'Allemagne et la Hongrie, où il composa, en 1865, ses Scènes de bal pour piano. De retour à Paris au commencement de 1866, il fit jouer au Casino une fantaisie symphonique, intitulée Pompeia, qui frappa les connaisseurs par l'habileté de l'instrumentation et la vigoureuse originalité des idées. L'année suivante, les Concerts populaires donnèrent sa première Suite d'orchestre, comprenant quatre morceaux d'une instrumentation très brillante.
Le 3 avril 1867, M. Massenet débuta au théâtre eu faisant représenter à l'Opéra-Comique un petit acte, la Grand'tante, qui fit peu de bruit. Il composa ensuite la cantate officielle du 15 août 1867, Paix et liberté ; deux gracieuses fantaisies, le Poème d'avril et le Poème du souvenir, sur des paroles d'Armand Silvestre ; les Chants intimes, mélodies vocales ; l'Improvisateur, scène italienne pour piano ; la deuxième Suite d'orchestre, exécutée aux Concerts populaires le 26 novembre 1871 ; Introduction et variations, badinage musical plein de grâce et de délicatesse ; le Roman d'Arlequin, pantomimes
enfantines pour piano, etc. Au mois de décembre 1872, M. Massenet a fait représenter à l'Opéra-Comique une pièce en trois actes, Don César de Bazan, qui a eu du succès et dans laquelle on trouve plusieurs morceaux charmants, entre autres la berceuse du second acte et l'ariette de Lazarille. Marie-Magdeleine, drame sacré en trois parties, que le jeune compositeur a fait exécuter au concert spirituel de l'Odéon en avril 1873, l'a mis tout à coup complètement en relief, et lui assigne une place honorable parmi nos meilleurs compositeurs dramatiques. Sans user outre mesure des ressources de l'orchestration, il est arrive à une grande puissance d'expression, surtout dans sa troisième partie, qui renferme des beautés de premier ordre.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866)

 

Les dernières œuvres de M. Massenet sont : la musique écrite pour les Erinnyes, tragédie de Leconte de Lisle (1873) ; Eve, oratorio qui obtint un éclatant succès au cirque des Champs-Elysées, où il fut interprété en 1875, et le Roi de Lahore, opéra en cinq actes joué au grand Opéra en avril 1877. L'année précédente, M. Massenet avait été décoré de la Légion d'honneur.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1er supplément, 1878)

 

Depuis 1877 M. Massenet a donné au théâtre : Hérodiade, opéra en quatre actes (Monnaie de Bruxelles, 1881 ; Paris, Théâtre-Italien, direction Maurel, 1884 ; etc.) ; Manon, drame lyrique (Opéra-Comique, 1884) ; le Cid (Opéra, 1885) ; Esclarmonde, opéra en quatre actes et huit tableaux (Opéra-Comique, 1889). En dehors du théâtre, il a fait entendre : la Vierge, oratorio exécuté à l'Opéra en 1882 ; des suites d'orchestre : scènes napolitaines, scènes alsaciennes, scènes de féerie (concerts du Châtelet, 1880-1883) ; le poème de Biblis, à la société chorale de Saint-Bris ; Souvenez-vous, Vierge Marie, prière pour soprano et chœurs (concerts Pasdeloup, 1881). Il a publié également quelques mélodies qui ont eu un grand succès. Il a remplacé Bazin en 1878 comme professeur au Conservatoire. Elu membre de l'Institut en 1880, M. Massenet est officier de la Légion d'honneur depuis le 1er janvier 1888.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)

 

 

 

 

 

Jules Massenet vers 1884

 

 

 

 

Jules Massenet [photo Nadar]

 

 

 

 

 

 

 

Jules Massenet en mars 1907

 

 

 

 

Jules Massenet [photo Pierre Petit]

 

 

 

Jules Massenet, texte de Willy, caricature d'Aroun-al-Rascid [Umberto Brunelleschi] (l'Assiette au beurre, 27 septembre 1902)

 

 

 

Admis au Conservatoire en 1852, il obtint en 1859 le premier prix de piano. En 1863, il recevait le premier prix de fugue et remportait le premier grand prix de Rome avec une cantate intitulée David Rizzio. A son retour il fit exécuter au Casino une grande œuvre symphonique : Pompeia, qui fut bien accueillie; aux concerts des Champs-Elysées, deux fantaisies pour orchestre (1866). L'année suivante, Pasdeloup donna aux Concerts populaires sa première Suite d'orchestre, et l'Opéra-Comique la Grand'tante, un acte joliment troussé. Jusqu'en 1871, le jeune artiste sembla rester silencieux. Pourtant il publia le Poème d'Avril, le Poème du Souvenir, les Chants intimes, etc., pages colorées et charmantes, pleines de sentiment et d'humour, qui furent bien vite appréciées. En 1871, les Scènes hongroises firent leur première apparition aux Concerts populaires; Don César de Bazan fut joué l'année suivante à l'Opéra-Comique. Cet ouvrage trop hâtivement et peut-être trop légèrement conçu, n'obtint que peu de succès. En revanche, avec Marie-Magdeleine et les Erynnies (Odéon, 1873), avec Ève (Société de l'harmonie sacrée, 1875), Massenet retrouva sa vraie voie; l'accueil le plus chaleureux répondit à ses efforts. Enfin l'Opéra lui ouvrit ses portes. En 1877, il y donna le Roi de Lahore, opéra en quatre actes magistralement traité, et il est juste de dire ici en passant que si le succès de cet ouvrage n'a pas été plus considérable, il faut en accuser le livret plutôt que fa musique. En 1889, Massenet a encore donné à Bruxelles un autre opéra : Hérodiade, avec un éclat retentissant. A l'heure présente, l'ouverture de Phèdre, la Vierge, les Scènes dramatiques et pittoresques, d'autres Suites d'orchestre, les Scènes de bal, plusieurs mélodies et quelques productions légères, complètent ce que l'on connaît des œuvres de Massenet. D'une facture irréprochable, évitant toujours la banalité, elles indiquent chez le jeune et éminent compositeur une facilité prodigieuse à s'assimiler les styles les plus divers, une science admirable de l'orchestre, une habileté de main incomparable, un goût distingué et comme un peu féminin ; enfin une élégante recherche de l'effet qui, n'étant pas exagérée, conduit l'esprit aux impressions les plus heureuses.

(Georges Baudoüin, Petite Encyclopédie musicale, 1884)

 

 

 

 

 

Jules Massenet dans sa propriété d'Égreville

 

 

 

 

la maison de Massenet à Égreville

 

 

 

 

la propriété de Massenet à Égreville

 

 

 

La mort de ce maître illustre et populaire est un grand deuil pour l'art français et pour la maison des Annales, qu'il honora toujours d'une affectueuse sympathie. Les auditrices de notre Université doivent d'inoubliables joies à sa bonne grâce autant qu'à son génie. Tous ceux qui l'approchaient le chérissaient. Dans les pages qui suivent, on trouvera l'expression de ces sentiments :

 

Enfance et jeunesse

 

Lui aussi, Massenet, a connu les âpretés de la lutte et les inquiétudes des débuts. Lui aussi s'est heurté, jadis, aux injustices et aux surdités. Surdité, absurdité, dirait Victor Hugo. J'ai là des extraits de lettres où Massenet se peint à ces heures difficiles où l'artiste hésite, se cherche, doute de cet avenir qu'il voudrait si éclatant et si fier.

Le 12 septembre 1854 (Massenet a douze ans alors), il écrit de Chambéry à son « cher Adolphe », — qui est cet Adolphe ? — il plaisante sur son voyage. Il croit qu'il ne rentrera à Paris qu'à l'âge de quinze ans pour faire triompher son bon M. Laurent, avec un premier prix.

« Tu peux dire à M. Laurent ce que je viens de dire, et qu'il prenne, s'il le croit nécessaire, des précautions pour que je puisse rentrer sans renvoi au Conservatoire. »

Ce Laurent, c'est son premier maître.

Et telle autre lettre de Massenet à Edouard Blau nous montre un Massenet aussi dévoué à un maître vivant qu'il est reconnaissant encore à son maître mort. Edouard Blau lui avait apporté un Noël qui tentait l'auteur de Marie-Magdeleine. Voici ce que Massenet répond. Il est rempli de terreur quand il s'agit de soi-même.

« Aussi, dit-il, n'ai-je pas été la sincérité en personne quand je suis venu vous remercier de votre collaboration. Le Noël m'avait empoigné, et je n'ai pas dû vous dire tout de suite que mes convictions musicales ne m'indiquaient pas pour faire ce beau travail qui devait être digne de Franck. Franck a le manuscrit, que je lui ai vu destiné dès la première lecture, à lui l'auteur de Ruth et des Béatitudes, un chef-d'œuvre encore inconnu. Il l'a depuis le soir de notre entrevue et en a l'âme remplie. »

Mais Massenet, qui est, on le voit, généreux, et honore le génie d'autrui, sait aussi, à l'occasion, se défendre, et lorsqu'il y a plus de quarante années, arrivant de Rome et faisant jouer par Pasdeloup, au cirque Napoléon du boulevard du Temple, sa Première suite d'orchestre, Albert Wolff l'ayant taquiné, dans le Figaro, pour la façon dont le public avait accueilli ce début, le jeune musicien répliquait vivement par une lettre au chroniqueur du Figaro (4 janvier 1868).

Ce que Wolff appelait une symphonie était une suite d'orchestre et non une symphonie. Ce n'était pas la première fois qu'on l'exécutait et elle avait été applaudie et louée. L'article était drôle, le musicien en avait ri. Seulement, Wolff était sujet à l'erreur, « comme tous les gens d'esprit qui, du reste, ont cela de commun avec les imbéciles ».

Et le débutant ajoutait :

« Il y a deux ans, monsieur, j'étais encore à Rome, où les jeunes compositeurs vivent dans l'admiration des belles choses du passé, et dans la plus profonde ignorance d'une foule de petits agréments qui les attendent à leur retour à Paris. »

A ce moment même, un autre musicien, jeune aussi, protestait noblement, dignement contre ces « petits agréments » infligés à un camarade qu'il ne connaissait pas. C'est M. Théodore Dubois. Il écrivait, prenant la défense de Massenet, à Albert Wolff :

« J'admets de la façon la plus large l'appréciation par la presse des œuvres livrées au public, mais alors faites de la vraie critique, franche, loyale, artistique et raisonnée ; analysez les morceaux et dites pourquoi ils vous déplaisent. Le public qui vous lit dit, en se frottant les mains : « Ah ! ah ! quel four ! Ce Wolff est vraiment très drôle ! » Mais il n'est nullement renseigné sur la valeur de l'œuvre, et vous, vous jetez, de gaieté de cœur, le découragement dans l'esprit d'un jeune compositeur qui peut avoir du talent et de l'avenir. »

Nous sommes loin de ces temps-là ! Le « jeune compositeur qui peut avoir de l'avenir » a conquis une place glorieuse, comme son défenseur d'alors, dans l'histoire de la musique, et le musicien qui, revenant de Rome avec la tête et le cœur pleins des grandes choses vues et admirées, se heurtait, étonné, à la critique boulevardière et à la blague parisienne qui n'épargnent personne, sera demeuré un des Français de France qui font le plus d'honneur à la patrie.

Lorsque Massenet obtint, au Conservatoire, le premier prix de piano, Laurent, son « bon maître », lui fit cadeau de la partition des Nozze di Figaro, qui lui avait été donnée à lui-même lorsque ce prix de piano lui avait été décerné, en 1822.

Laurent lui disait, dans sa lettre d'envoi :
« Continue ta carrière et tu deviendras un grand artiste. »

Le vieux Laurent était prophète.
(Jules Claretie de l’Académie française)

 

 

 

le château de Massenet à Egreville (ancienne résidence de la duchesse d'Etampes)

 

 

Les impressions du timbalier

 

— Si je me souviens du boulevard du Temple ? Oh ! certes oui..., et avec quel plaisir attendri ! J'y ai vécu cinq ans, de 1856 à 1861, — époque où j'obtins mon prix de Rome... Quels beaux rêves j'y ai faits !...

C'est Massenet, le maître aimé et admiré, qui nous racontait, un jour, avec une communicative émotion, sa jeunesse si pauvre, si studieuse, si gaie aussi ; et nous écoutions, délicieusement attentifs, ce glorieux artiste évoquant, avec tout son esprit et tout son cœur, un passé si cher :

— J'avais quinze ans ; j'étais élève au Conservatoire, et, le soir, pour vivre, timbalier au Théâtre-Lyrique, dont le péristyle s'ouvrait alors à l'endroit qu'occupe aujourd'hui la station du Métropolitain sur la place de la République. Ce modeste emploi me rapportait tout juste quarante-cinq francs par mois ! Et pourtant, je dois l'avouer, je « blousais » de remarquable façon, à ce point que Berlioz voulut bien, un jour, m'en complimenter et ajouter :

» — De plus, vous êtes juste, ce qui est rare !

» Bien « blouser » et être « juste » sont les rêves d'un timbalier, et ce fut mon premier succès ! J'habitais rue de Ménilmontant, numéro 5, une chambrette haut perchée dans une étrange maison occupée presque totalement par le personnel acrobatique du Cirque : des clowns, des écuyères, des équilibristes, de gentilles clownesses qui faisaient leur petit ménage et surveillaient le pot-au-feu tout en répétant des exercices professionnels, en se disloquant, en jonglant, en s'insinuant au travers d'étroits cerceaux... Le dimanche matin, on partait en bande joyeuse déjeuner sur l'herbe..., à la campagne..., et, quand on avait dépensé trente sous, on s'accusait de prodigalité !... Etions­nous jeunes !... Après avoir passé la journée au Conservatoire, je me rendais, à cinq heures et demie, rue Basse-du-Temple, une ruelle parallèle au boulevard, où s'ouvraient les entrées des artistes et du personnel. Les spectacles commençaient alors à six heures. Quelle cohue, quelle foule, quelle Cour des Miracles ! Songez que toute la figuration, tous les machinistes, toutes les habilleuses, tous les chœurs des dix théâtres groupés sur ce boulevard du Temple se trouvaient confondus dans cette petite rue étroite, boueuse, encombrée de marchands de vin, de saucisses, de chaussons aux pommes... Et c'était sale, et c'était vermineux, et ça sentait l’ail… Mais combien amusant, pittoresque, vivant !...

» Une fois dans mon orchestre, j'y travaillais pendant les repos, — il y avait alors beaucoup de « parlé » dans les opéras-comiques. J'avais tracé des portées de musique sur les peaux de mes instruments et c'est là que je piochais mes devoirs de fugue, — mes blanches timbales me servant de tableau noir, c'était tout profit : je ne perdais pas mon temps et j'économisais quelques feuilles de papier à musique à trois sous le cahier de cinq feuilles !... Pendant l'entr'acte, nous nous réunissions dans l'ancienne écurie du Théâtre-Historique, que le bon Dumas avait construit pour y loger les chevaux de d'Artagnan et de Bussy d'Amboise ; M. Réty, le directeur, en avait fait notre foyer, — pauvre foyer qu'éclairaient deux lumignons fumeux... Que de belles batailles artistiques se sont livrées dans ce théâtre jeune, vaillant et qui marchait de l'avant !... C'est là qu'en 1861 on a donné la Statue, une œuvre magistrale de notre grand Reyer, et la première de Faust, le 19 mars 1859 ! Gounod, l'admirable Gounod, nous avait tous conquis, nous avions foi dans son beau talent ; Mme Miolan-Carvalho était sublime. Quelle grande artiste ! — Nous répétions dans l'emballement, sous la direction du bon Léo Delibes, alors chef de chant... On savait la cabale organisée... Pensez donc ! cette musique nouvelle était si dissemblable de celle qui triomphait alors !... Au théâtre, on était nerveux, inquiet, on trouvait cela trop long... Et Gounod pleurait..., oui, pleurait... devant les coupures qu'on le contraignait à faire dans sa partition. Le soir de la première, Faust fut applaudi, mais pas autant que nous l'espérions et que ce bel ouvrage le méritait : tout le premier acte fut acclamé, on bissa le chœur des Vieillards, la Valse ; quant à l'acte du Jardin, on ne le comprit pas... Pourtant, Mme Carvalho, Barbot et Balanqué, qui faisait Méphisto, y avaient été parfaits ; Léon Carvalho avait réglé une adorable mise en scène : pour la première fois, on vit, au théâtre, la lune se lever sur un jardin embaumé de fleurs naturelles... Rien n'y fit... Aux actes suivants, on bissa le chœur des Soldats et le trio final... Pendant douze ou treize représentations, la lutte continua, tenace, entre les siffleurs obstinés et les enthousiastes de l'œuvre nouvelle, et le commissaire de police — par ordre — se tenait en permanence dans la salle, prêt à mettre le holà entre les deux partis. Ce n'est que deux ans plus tard, lors d'une reprise tentée par Carvalho, que le succès s'affirma, indiscuté, triomphal !... Que de souvenirs encore !... Orphée surtout, avec l'admirable Mme Viardot, — en 1859... J'entends encore cette gamme chromatique montante et descendante qu'elle lançait à la fin du premier acte... C'est bien loin, tout cela, et, cependant, c'est inoubliable !... »

Massenet avait raison et tous ceux qui ont connu cet amusant boulevard du Temple en ont gardé un ineffaçable souvenir ; nos pères, nos grands-pères en parlaient avec émotion et le tableau qui le retrace, dans une des salles du musée Carnavalet, est l'une des haltes préférées du public parisien.

(Georges Cain)

 

 

 

un aspect des jardins dans le domaine d'Egreville

 

 

Massenet et Leconte de Lisle

 

C'est en 1873 que se fit notre première rencontre. Je venais d'être nommé directeur de l'Odéon, et j'avais, comme entrée de jeu, reçu une tragédie en deux acte de Leconte de Lisle. Le pauvre genre tragique était, en ce temps-là, presque aussi méprisé qu'aujourd'hui, et il fallait un certain courage pour oser mettre une tragédie à la scène.

Il est vrai que les Erinnyes, — tel était le titre de l'œuvre, — c'était, à tout prendre, plutôt un « drame antique » qu'une « tragédie ». On pouvait, à la rigueur, esquiver le danger du titre.

Je me dis alors que la musique, qui adoucit les mœurs, — on le dit, du moins, — pourrait peut-être apporter quelque atténuation à la cruauté du sombre drame et le soutenir. C'est la méthode allemande, dans laquelle se pratique volontiers la « musique de scène », celle que, là-bas, on appelle la « musique de support ». Cette musique, à qui la demander ? Là était la difficulté.

Je ne voulais pas d'un vieux compositeur à lunettes. J'étais jeune, alors, et je rêvais d'un compositeur qui fût jeune, comme moi. J'étais fort en peine, et me confiai au commissaire du gouvernement, un musicien (comment dirai-je ?...) malchanceux, qui avait commis, lui-même, un opéra, un certain Mahomet, qui resta pour compte, et ne vit jamais La Mecque.

Par exemple, il connaissait à fond tout le jeune personnel musical de l'époque, et, après avoir réfléchi, me dit :

— Je crois que j'ai votre affaire, un tout jeune homme plein de talent, qui, jusqu'à présent, n'a pas réussi..., mais ça ne prouve rien, fit-il en poussant un soupir. (Sans doute, il pensait à lui-même.) Il s'appelle Jules Massenet. C'est un prix de Rome d'il y a déjà dix ans, 1863... Dame ! on piétine longtemps avant de percer.

Il poussa un nouveau soupir.

— Prix de Rome d'il y a dix ans, mais ce doit être déjà un homme fait ? Vous m'aviez annoncé un jeune homme.

— Oh ! fit-il, il n'avait guère plus de vingt ans, quand il a décroché son prix. Alors, faites votre compte...

Deux jours après, je recevais la visite du jeune homme en question.

Je lui expliquai ce dont il s'agissait, et lui mis le manuscrit entre les mains. Il lut presque d'un trait, et, pendant qu'il lisait, silencieux, tisonnant sans bruit, je l'observais du coin de l’œil. Je suivais l'expression de ses traits mobiles, le mouvement de ses lèvres, et je comprenais qu'il y avait comme une musique secrète qui chantait en lui. A mesure qu'il lisait, il composait ; la vibration venait d'elle-même et les motifs se formaient.

— C'est très beau ! dit-il. Je vois ce qu'il faut faire... Vous me permettez d'essayer ?

— Certes, et j'ai la conviction que vous réussirez...

— Je ferai de mon mieux ! fit-il presque malicieusement.

Il se mit au piano, — il y avait là un piano boiteux, discord, comme un vieux serviteur sans ouvrage, — il frappa quelques accords, et, sur ce chaudron, se mit à esquisser ce qui, quelques jours plus tard, devait être l'ouverture des Erinnyes.

Maintenant, il s'agissait de faire accepter par Leconte de Lisle l'hypothèse d'une partie musicale. Il n'était pas très mélomane, l'auteur des Erinnyes. Il professait un peu, à l'égard de l'art musical, l'opinion de Théophile Gautier, qui le qualifiait, en riant, de « bruit coûteux et inutile ».

— Pourquoi faire de la musique ? fit-il, grognon, avec une moue de ses lèvres plutôt dédaigneuses... Cela empêchera d'entendre mes vers !

J'insistai, très résolu à ne pas céder. Il fallut bien qu'il se prêtât à ce qu'il appelait ma fantaisie.

La partition des Erinnyes fut écrite en moins d'un mois, exactement trois semaines, et on prit jour pour l'audition, qui se fit au foyer des artistes avec un piano moins mauvais que l'autre, et frais accordé.

Il y avait, comme assistants, Leconte de Lisle, Charles Edmond, un de ses amis et des miens, alors bibliothécaire du Sénat ; l'éditeur de Massenet, ce brave Hartmann, mort il y a déjà nombre d'années, ma chère femme, et moi.

Massenet se mit au piano. Il jouait délicieusement, et exécuta sa partition presque de mémoire, car il regardait à peine son cahier, dont Hartmann tournait les feuillets, pour la forme.

Nous étions tous attentifs, silencieux, pleins d'admiration à mesure que se développait le superbe thème musical, dont le compositeur nous indiquait le placement et les phases.

Seul, l'auteur du poème souffrait visiblement, nous considérant avec quelque émoi, et son œil crispé derrière son monocle semblait dire :

— Voilà une musique qui empêchera d'entendre mes vers !

Quand le compositeur eut donné ses derniers accords, ce fut un murmure de félicitations.

— C'est très beau ! lui dis-je à mon tour, et vous avez rendu admirablement les situations !

Je le pris à part, avec Hartmann.

— Quel orchestre vous faut-il ? lui demandai-je.

— Le moins de musiciens possible ! s'écria l'auteur du poème, — il ne faut pas que ça fasse de bruit...

— Je couperai tout ce qu'on voudra..., fit Massenet, un peu interdit. Je crains d'être indiscret, de gêner...

— Laissez donc, et, je vous en prie, ne coupez pas une note, lui dis-je à demi voix. Il faudra bien qu'il laisse aller les choses. Je le veux ainsi. Il devrait être trop heureux d'être soutenu d'une partition pareille. Qu'il ne m'ennuie pas, d'ailleurs, sans cela j'ajoute un ballet, avec une « pyrrhique », puisque nous sommes en Grèce.

La terreur du ballet rendit Leconte de Lisle plus aimable ; il balbutia même quelques menus éloges à son musicien.

— Et le chef d'orchestre ?

— Ça, c'est le plus important...

— J'en ai un à vous proposer, dit Hartmann.

— Qui cela ?

— Un inconnu, un bon gros garçon, excellent musicien, du nom de Colonne. Voulez-vous l'accepter de confiance ?

— Puisque vous en répondez...

Le lendemain, je vis arriver un gros blond, de figure aimable et souriante, porteur d'une lettre d'Hartmann. C'était Edouard Colonne. Il a fait son chemin depuis.

Colonne se chargea de tout ; lui-même composa son orchestre, — vingt-quatre musiciens en tout, mais quels musiciens ! L'un des premiers violons était, entre autres, simplement Ysaÿe, — aujourd'hui, le premier des virtuoses sur son instrument ; il fit les répétitions, et « conduisit ». On arriva sans encombre à la première représentation. Les répétitions furent plutôt aimables. Leconte de Lisle s'était résigné : la crainte du... ballet avait été pour lui le commencement de la sagesse.

La première représentation fit quelque effet, grâce surtout à Mme Marie Laurent, très belle dans le rôle de Klytemnestra. La partition fut à peine remarquée. Ils avaient des oreilles et n'entendirent pas. Il y eut même un critique — non des moindres — qui la déclara inutile. Malgré le succès relatif de première, on fit des recettes misérables. La tragédie manquait de fervents, et, pourtant, celle-là était superbe. Au bout de dix représentations, elle rentra dans le néant.

Dix ans plus tard, lorsque Porel fut directeur de l'Odéon, il reprit les Erinnyes, avec l'orchestre de Colonne ; le succès fut très grand, triomphal, puis-je dire, et la partition portée aux nues.

On avait mis dix années à s'apercevoir que Massenet avait écrit un pur chef-d'œuvre !

(Félix Duquesnel)

 

 

 

autographe de Massenet sur une carte postale du château d'Egreville (la tourelle où le maître travaillait)

 

 

Souvenirs de collaboration

 

Voici comment commença notre longue collaboration avec Massenet :

Un soir, dans mon atelier, après avoir travaillé ma journée comme peintre, je me délassais en écrivant Cendrillon, quand des amis, parmi lesquels Armand Silvestre, Benjamin Constant et Thomé, envahirent mon habitation en poussant des cris féroces :

— A table ! On a faim. Quand dévore-t-on ?

Je n'eus que le temps d'enfouir mon manuscrit dans un tiroir..., mais on avait vu mon geste.

— Tu écris donc des pièces, cachottier ? Depuis quand ?

— Depuis le lycée.

— Tu ne nous as jamais parlé de ça...

— Dame, je suis peintre ; si je deviens auteur, j'aurais trop peur qu'on ne se payât ma tête.

— Où est ta cage aux ours ?

— Dans le bahut.

Et, aux yeux étonnés des camarades, apparut une pile de manuscrits. On en choisit un : au poids. Il paraissait le moins redoutable, étant le moins épais.

C'était la Navarraise, écrite en m'inspirant de la Cigarette du maître Jules Claretie.

Armand Silvestre commença à lire à haute voix la Navarraise en prenant l'accent auvergnat, afin « que ce soit plus espagnol ».

Au bout de quelques minutes, le bon et grand poète avait abandonné le « fouchtra » pour lire avec toute son âme cet essai littéraire.

Il y mit tant de cœur que les auditeurs eurent l'illusion que ce n'était pas trop mal... Quelques jours après, Massenet, prévenu par de charmantes indiscrétions que son ami Henri Cain commettait des livrets, arriva à mon atelier et partit en emportant sous son bras la Navarraise, qui fut la première des œuvres qu'a suivie une longue et délicieuse collaboration.

Si vous saviez comme c'était commode de collaborer avec Massenet... On n'avait qu'à l'écouter.

Demandez plutôt à Léna, l'auteur de ce bijou littéraire qui s'appelle le Jongleur de Notre-Dame. Demandez plutôt à l'auteur du livret de Panurge dont on dit merveille..., à Couyba, un délicieux poète qui, depuis, a mal tourné... (il est devenu ministre).

Travailler avec Massenet, quelle joie, quel enseignement !

(Henri Cain)

 

 

Massenet au piano, d'après une caricature de Sem

 

 

Les doutes et les scrupules de Massenet


La critique musicale, peu bienveillante et même cruelle envers Massenet, à qui elle semblait vouloir faire expier l'éclat trop fructueux de ses triomphes, affectait de le considérer comme un improvisateur. C'est là une légende erronée et calomnieuse. Nul compositeur n'eut le travail d'enfantement plus anxieux... Je reçus naguère, sur ce point, les confidences amicales d'un de ses collaborateurs, Louis Gallet. Il me peignit un Massenet que j'ai tout lieu de croire ressemblant. J'ai retrouvé les notes qu'il me dicta. Je les transcris :

« ...Donc, Massenet commence par s'engouer d'une figure historique ou légendaire, et, presque toujours, d'une figure de femme. Il en devient amoureux. Il l'emporte avec lui, il y rêve nuit et jour et n'arrive que longtemps après à l'exécution. C'est à ce moment que le librettiste entre en scène. On prend rendez-vous. Et Massenet passe infailliblement par trois phases qui se succèdent dans un ordre invariable...

» Première phase : l'enthousiasme... Massenet est heureux, il applaudit, il approuve, il est ravi du scénario ; il accable l'auteur de suaves compliments. Et, le lendemain, il écrit une lettre pleine de fièvre et d'exaltation. Tout va bien... Mais attendez ! Le revirement s'apprête.

» Seconde phase : l'inquiétude... Une deuxième missive arrive, le surlendemain. Et celle-ci est plus indécise. Le musicien a relu le livret, il a relevé des imperfections, il y demande des changements, sous une forme d'ailleurs exquise et toujours polie : « Cher ami, ne croyez-vous pas comme moi ? etc. Si vous partagez mon sentiment, je vous prierai de vouloir, etc. » Comment résister à des requêtes si gracieusement présentées ? Le librettiste se met en quatre, il sue sang et eau. Il rogne, il ajoute, il transpose et interpose. L'ours, léché et reléché, prend sa physionomie définitive.

» Nous touchons à la troisième phase : l'équilibre... Massenet est en possession de son sujet. Il en a arrêté les grandes lignes, fixé le détail. Le plus difficile est achevé. Il n'a plus qu'à s'occuper de l’ « écriture ». Et, là, il est sans rival. Sa science, son adresse, ses ressources techniques tiennent du prodige. Il s'avance, avec la sûreté d'un bon pilote, parmi les récifs.

» Il lui arrive souvent d'être troublé, sa sensibilité féminine est accessible aux impatiences. Il connaît les abattements, les dégoûts passagers. Son collaborateur le voit entrer chez lui, dolent, la mine tirée.

» — Qu'avez-vous donc ?

» — Décidément, j'y renonce ! Ce que j'ai fait, aujourd'hui, est exécrable.

» — Allons, vous voulez rire !

» Il le remonte, et, peu à peu, Massenet reprend courage. Il n'était peut-être qu'à demi sincère en étalant tout à l'heure sa lassitude. (Qui peut lire dans le cœur des musiciens ?) Il avait besoin de se faire consoler ! Et c'est 'un sentiment naturel, qu'éprouvent beaucoup d'artistes. Ils exagèrent leur mal pour le mieux guérir ; ils écoutent avec douceur la voix amie qui les réconforte, cette voix fût-elle un tantinet sceptique et moqueuse. Et, d'ailleurs, ces incertitudes sont un gage de probité. Il n'y a que les médiocres qui soient sûrs d'eux-mêmes. Les hommes supérieurs sont perpétuellement craintifs. »

Tel fut, je pense, le vrai Massenet, un être tendre, ombrageux, jaloux de dissimuler, sous une feinte gaieté, ses souffrances secrètes, avide d'affection, prompt à se forger des tourments, mobile, impressionnable à l'excès, vibrant, comme une harpe éolienne, à tous les souffles. Un écorché-vif. Une sensitive...

(Adolphe Brisson)

 

 

 

les obsèques de Massenet - le convoi, d'une émouvante simplicité, se rendant, à travers la campagne, au petit cimetière d'Egreville

 

 

Un soir de « première »

 

Un gros bourg du Nord, une de ces villes grandies trop vite au souffle industriel de notre temps et qui gardent la gaucherie des villages étouffés par de grands faubourgs manufacturiers, avec une forêt de hautes cheminées, de longues rues où s'ouvrent des teintureries, des tanneries, des peignes à tisser, des fonderies de fer et de cuivre : tel est Armentières. Le soir, quand les métiers se taisent, la ville retombe au calme morne de la province ; les heures lentes sonnent au beffroi ; dans les rues désertes et sombres, les devantures éclairées des estaminets font, çà et là, de grands trous lumineux ; la conversation de deux passants, l'aboi lointain d'un chien ou le fracas de ferrailles et de vitres de l'omnibus du chemin de fer, coupent, de temps à autre, le monotone silence de la cité endormie.

Et si vous me demandez à quoi rime cette description, c'est que, le soir où, pour la première fois, le Mage se jouait à l'Opéra, Massenet, exilé volontaire, se trouvait là-bas, à Armentières, au cœur du plus industriel, — assurément, — mais du moins artistique — peut-être — de nos départements. Et le contraste me séduit ; et je songe aux impressions que dut, ce soir-là, éprouver le maître ; et je le vois, rêvant à la fenêtre de quelque auberge, écoutant la pluie s'égoutter des toits, guettant les heures tombant du beffroi, laissant son esprit s'assoupir à l'engourdissement d'une soirée provinciale, tandis qu'à soixante lieues de lui, autour de l'Opéra, s'amassent des foules élégantes attirées par son œuvre. Il est là, regardant la rue déserte, aux larges pavés luisants où se reflètent de rares lumières, et voilà l'heure où la salle, là-bas, se remplit d'étincelantes toilettes ; des profondeurs de l'orchestre, sortent, en ce moment, les premiers accords ; voilà que le rideau solennellement se lève, découvrant les lointains bleus et les murs ensoleillés d'une ville antique de l'Asie ; son nom, là-bas, est dans toutes les bouches ; ici, où nul ne le connaît, il se laisse bercer à son rêve reposant ; la petite ville où il s'est réfugié s'endort peu à peu ; derrière les volets clos, les dernières lumières s'éteignent ; on n'entend plus que le bruit mat du choc des billes, derrière les rideaux blancs de l'estaminet voisin ; et, en l'esprit calmé du musicien, se déroule et se joue, enrichie de toutes les splendeurs sonores d'un idéal orchestre, l'épopée qu'il a créée : au milieu des lueurs roses de l'incendie, s'écroule le temple de Djahi ; les flammes s'écartent devant Zoroastre et son amante..., et les applaudissements éclatent, et le rideau tombe, et la foule, charmée, s'écoule.

Voilà à quoi je pensais, lorsque, sonnant à la porte de Massenet, me fut faite cette réponse inattendue :

— M. Massenet est à Armentières.

— A Armentières ! ce n'est pas possible !

Mon étonnement fut grand, d'abord ; puis, à songer, je trouvai très suggestifs cette fuite devant l'œuvre achevée, ce recueillement de l'artiste au solennel moment où sa création est livrée au public, cet isolement à l'heure du triomphe, loin des importuns et des indifférents.

Oui, je songeais à tout cela... Et c'était, évidemment, l'ombre du maître qui, le soir de la première, recevait dans les coulisses de l'Opéra les félicitations de ses admirateurs.

(G. Lenotre)

 

(les Annales Politiques et Littéraires, 25 août 1912)

 

 

 

 

 

Jules Massenet dans son cabinet de travail [photo Dornac]

 

 

 

Jules Massenet [photo H. Manuel]

 

 

 

 

Jules Massenet dans son salon de la rue de Vaugirard

 

 

 

fragment d'un autographe musical : la Mort de la cigale, mélodie de Massenet, spécialement transcrite par l'auteur pour les Annales [Journal de l'Université des Annales, 25 novembre 1911]

 

 

 

 

Au lendemain de la fondation de La Bonne Chanson, Théodore Botrel recevait de Massenet une lettre d'encouragement et de félicitations dont nous reproduisons ci-dessus la dernière formule.

Le grand musicien dont la mort prématurée laisse tant de regrets, a été un compositeur aimé et apprécié du grand public. Il a su amalgamer des tendances diverses et parfois contradictoires. « Massenet, dit Jean Chantavoine, avait débuté comme compositeur de théâtre à la fin du régime meyerbeerien, assoupli et détendu par Gounod. Il a commencé par adopter, sans chercher plus loin, cette forme d'art : à Meyerbeer il a pris l'appareil pompeux, chez Gounod l'exemple de la tendresse et de la grâce qu'il a faite seulement plus sensuelle, par la force de sa nature. »

Massenet a été le champion de la musique claire, facile, compréhensible pour tous. Il n'a jamais écrit pour un groupe fermé d'amateurs et son beau talent s'est librement épanoui en des œuvres exquises que tout le monde connaît.

(la Bonne Chanson n° 60, octobre 1912)

 

 

 

 

 

Jules Massenet [cliché Nadar]

 

 

 

La musique française a fait, en la personne de Massenet, une des pertes les plus sensibles qui lui aient été depuis longtemps infligées. La nouvelle de sa mort n'a point surpris ceux qui avaient été, il y a quelques mois, témoin du déclin où sombrait son ardeur vivace. Subitement, tout trahissait en lui les symptômes d'un mal inexorable. Mais, pour le public, le grand public, depuis les admiratrices dont l'adulation élégante et passionnée n'a cessé de lui faire cortège, jusqu'aux artisans qui fredonnent Manon ou Werther, il semblait que Massenet ne dût jamais disparaître, tant son nom évoquait une vision de jeunesse éternellement amoureuse ; il semblait que cette sève ne dût jamais tarir, qui nourrit pendant plus de cinquante ans l'incroyable fécondité de son labeur.

 

Massenet (Jules) – il avait horreur de son prénom – était fils d'un ancien officier supérieur du génie devenu maître de forges et qui dirigeait à Montaud une fabrique de faux. M. Massenet avait épousé en secondes noces Mlle Adélaïde Royer de Marancourt, fille d'un commissaire des guerres du premier Empire, qui fut la mère du compositeur.

 

Excellente pianiste, Mme Massenet inculqua à son fils les premières notions de musique. Massenet a complaisamment commémoré, dans le livre de ses Souvenirs, qui paraissait précisément à l'heure de son agonie, le jour où, à l'âge de six ans, il fit ses débuts sur le clavier. Et il observe – faut-il l'en croire ? – que ces leçons précoces l'ont peut-être détourné de sa vocation véritable, l'étude des sciences exactes...

 

En 1848, Massenet dut, pour raisons de santé, venir s'installer avec sa famille à Paris. En 1853, il se présenta au Conservatoire et fut admis dans la classe de piano professée par Adolphe Laurent, après une exécution d'un finale de Beethoven qui lui valut les encouragements d'Auber. Il entrait en même temps dans la classe de solfège de Savard. Momentanément interrompu dans ses travaux par le séjour de ses parents à Chambéry, où M. Massenet était allé chercher un climat plus favorable que l'atmosphère parisienne à ses forces délabrées, l'enfant fut bientôt pris d'une violente nostalgie du Conservatoire : il vint demander asile à une de ses sœurs, Mme Cavaillé-Massenet, qui l'accueillit avec bonté. En 1856, il obtint un premier accessit de piano ; en 1859, un premier prix. En 1860, il entrait dans la classe d'harmonie de Reber, dans la classe d'orgue de Benoist, où il ne se distingua pas ; en 1861, dans la classe de composition professée par Ambroise Thomas, tout en travaillant l'harmonie sous la direction de son premier maître, Savard. Ses ressources étaient précaires ; il jouait le soir, moyennant une rétribution minime, du triangle et des timbales dans des orchestres de théâtre. En 1862, il remportait le second prix de contrepoint, et il était mentionné au concours de Rome. L'année suivante, il se voyait décerner en même temps le premier prix de contrepoint et fugue et le grand prix de l'Institut. C'était, dès lors, avec les émoluments assez piètres dévolus aux pensionnaires de la villa Médicis, l'insouciance, la liberté de penser et de se recueillir pendant quatre années, l'enchantement de la Ville éternelle, propice aux harmonieuses méditations. A cette époque, Liszt se trouvait à Rome, en pleine crise de mysticisme ; à la veille d'entrer dans les ordres, il avait résolu de renoncer aux leçons qu'il donnait à un certain nombre de femmes et de jeunes filles. Il pria Massenet de continuer sa tâche auprès d'une de ses élèves préférées, Mlle de Sainte-Marie. Un roman s'ébaucha entre les deux jeunes gens, qui devait, quelques obstacles enfin écartés, se terminer par un mariage. Cependant, Massenet travaillait avec acharnement. Il adressait à l'Académie des beaux-arts, à titre d'envois réglementaires, une Ouverture de concert et un Requiem ; il écrivait une Suite symphonique, des Fantaisies pour orchestre, des mélodies, le Poème d'avril. Après un séjour en Allemagne, en Bohème, en Hongrie, il revenait en 1866 à Rome, où il épousait enfin sa fiancée. L'existence militante, la carrière de Massenet commençait. Bien qu'une grande partie de son temps fût absorbée par des leçons, par des concerts plus ou moins fructueux, il ne cessait de composer. Il réussissait à faire entendre une suite d'orchestre : Pompéia, dont il a repris quelques fragments dans les Erinnyes, la Noce flamande (chœur et orchestre), la Première Suite d'orchestre, enfin un opuscule en un acte, la Grand'Tante, que l'Opéra-Comique représentait en 1867, et où Reyer discerna dès l'abord cette abondance mélodique, cette habileté, ce sens du théâtre, qui n'ont cessé de compter parmi les dons les plus précieux de Massenet. Dès lors, l'histoire de sa vie se confond avec celle des partitions qu'il a entassées sans se lasser : opéras, opéras-comiques, oratorios, dont les manuscrits relatent le plus souvent au jour le jour, en annotations marginales, ses faits et gestes, ou ses impressions. Levé quotidiennement dès l'aube, Massenet, pendant plus d'un demi-siècle, a produit sans relâche. La vogue, les distinctions flatteuses, la fortune même ne l'ont pas fait attendre. Il était nommé en 1876 chevalier de la Légion d'honneur, en 1878 professeur de contrepoint, de fugue et de composition au Conservatoire, où il succédait à Bazin, qui n'avait pu naguère le tolérer dans sa classe. La même année, il était élu membre de l'Académie des beaux-arts, l'emportant de cinq voix sur Saint-Saëns, à qui il écrivait le soir même : « Mon cher confrère, l'Institut vient de commettre une grande injustice. » Il se voyait enfin promu officier de la Légion d'honneur en 1888, commandeur en 1895, grand officier en 1898, après avoir connu sur toutes les scènes du monde les succès les plus rares et la faveur d'une popularité universelle.

 

Massenet n'a vécu que pour sa musique. « Du travail, du travail ! », c'est le leitmotiv de cette autobiographie à laquelle nous faisions allusion et dont ses différents ouvrages marquent les étapes. Le théâtre l'a, avant tout, attiré. Ce fut pour lui une véritable joie que de voir transporter sur la scène de l'Opéra-Comique, en 1906, cet oratorio de Marie-Magdeleine, conçu à Rome, que Mme Viardot avait, en 1873, vengé du dédain de Pasdeloup et qui demeurera une des inspirations les plus séduisantes et les plus significatives non seulement de la jeunesse, mais de toute la vie du maître.

 

La Grand'Tante avait été représentée à l'Opéra-Comique en 1867. Elle était suivie, en 1872, sur la même scène, de Don César de Bazan. Un an après, Marie-Magdeleine triomphait à l'Odéon. Eve en 1875, la Vierge en 1877 étaient moins favorablement accueillies. Enfin (le 27 avril 1877), le Roi de Lahore marquait à l'Opéra le premier grand succès dramatique de Massenet. Hérodiade ne réussissait pas moins brillamment au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, le 19 décembre 1881. Elle fut reprise à Paris en 1884 et en 1903. Puis ce sont, le 19 janvier 1884, à l'Opéra-Comique, l'ensorcelante Manon ; le Cid (Opéra, 30 novembre 1885) ; Esclarmonde (Opéra-Comique, 14 mai 1889), dont le nom reste étroitement associé à celui de Sybil Sanderson, qui la créa ; le Mage, en collaboration avec Jean Richepin (Opéra, 16 mars 1891) ; le délicieux Werther, refusé par Carvalho, alors directeur de l'Opéra-Comique, joué à l'Opéra de Vienne le 16 février 1892, repris à l’Opéra-Comique le 16 janvier 1893 par le même Carvalho ; un ballet : le Carillon (Opéra de Vienne, 21 février 1892) ; Thaïs, d'après le roman d'Anatole France (Opéra, 16 mars 1894) ; un acte : le Portrait de Manon (Opéra-Comique, 8 mai 1894) ; la Navarraise (Londres, Covent-Garden, 20 juin 1894 ; Paris, Opéra-Comique, 8 octobre 1895) ; Sapho (Opéra-Comique, 27 novembre 1897) ; Cendrillon (Opéra-Comique, 24 mai 1899) ; Grisélidis (Opéra-Comique, 20 novembre 1901) ; le Jongleur de Notre-Dame (Monte-Carlo, 8 février 1902 ; Paris, Opéra-Comique, 10 mai 1904) ; la Cigale, ballet en 2 actes (Opéra-Comique, 4 février 1904) ; Chérubin (Monte-Carlo, 14 février 1905 ; Opéra-Comique, 23 mai 1905) ; Ariane (Opéra, 31 octobre 1906), sur un livret de Catulle Mendès ; Thérèse (Monte-Carlo, 7 février 1907) ; Bacchus (Opéra, 5 mai 1909) ; Don Quichotte (théâtre de la Gaîté-Lyrique, 29 décembre 1910), et Roma (Opéra, 24 avril 1912).

 

Ajoutons à cette nomenclature la courte idylle de Narcisse, des mélodies, dont quelques-unes, comme la Pensée d'automne, ont été partout jouées à satiété ; la fameuse Sérénade écrite pour le Passant de Coppée ; le Poème du souvenir ; quelques morceaux de piano, entre autres un Concerto qui fut assez peu goûté en 1902 et 1903 au Conservatoire, et au Châtelet des suites d'orchestre, parmi lesquelles les Scènes pittoresques, les Scènes alsaciennes, l'ouverture de Phèdre, un opéra : Méduse (1870), qui n'a jamais été joué, non plus que le ballet : le Preneur de rats de Hameln ; deux opérettes en un acte, etc. Massenet laisse dans ses cartons un Amadis de Gaule qui nous sera sans doute révélé quelque jour, et des suites d'orchestre auxquelles il travaillait depuis quelques années, ainsi qu'un traité de composition.

 

On n'est pas moins frappé, en parcourant cette liste, par la diversité que par le nombre des sujets que Massenet a traités. Son œuvre s'étend depuis les temps antédiluviens jusqu'à nos jours. Bible, mystères, féeries, fables antiques ou fableaux, romans de chevalerie ou du XVIIIe siècle, le roman contemporain, toutes les littératures, tous les pays, toutes sortes d’événements ou d'épisodes l'ont inspiré. On peut expliquer ces vagabondages par d'autres préoccupations que celle de guetter, comme on le lui a reproché, à la recherche d'un succès rémunérateur et afin de pouvoir les satisfaire, les caprices de la mode, les exigences de l'actualité. Qu'il y ait dans Esclarmonde des traces de wagnérisme, dans la Navarraise quelques taches de vérisme italien fâcheusement voyantes, cela ne saurait suffire pour incriminer Massenet de s'être avili en une contrefaçon consciente et volontaire et surtout intéressée. Il n'est pas nécessaire d'aller jusque-là. Cette inquiétude, cette mobilité ne viennent-elles pas de la qualité toute féminine de sa sensibilité ; d'une sensualité qui le faisait plus apte à être vivement touché que profondément ému ; de cet irrésistible besoin de conquérir, de plaire, et surtout, ce qui est plus noble, comme on l'a justement remarqué, d'être aimé, de se faire plus ondoyant, plus divers, d'enrichir et de renouveler, pour ainsi dire, sa parure ? On découvrirait aisément, dans chacun de ses scénarios, ce qui l'a séduit, en dehors même de l'amour qui a fait vibrer toutes les cordes de sa lyre, le rêve crépusculaire des légendes, par exemple, le pittoresque de l'exotisme, la somptuosité d'un décor qui peut-être le fascinait plus encore que le mouvement de l'action dramatique. Surtout, il n'eût point été indispensable que les noms de Thaïs ou Sapho ornassent la couverture de romans en vogue pour éveiller en lui un écho.

 

Massenet a été un musicien admirablement doué ; et les initiés trouveront que ce n'est pas un mérite fort commun, même actuellement. Sans doute, il n'a rénové ni l'opéra, ni le drame lyrique ; il n'a pas évolué comme un Beethoven ou un Wagner ; il s'est, toute une vie, miré complaisamment comme son Narcisse dans l'onde transparente et berceuse de sa mélodie ; il semble qu'il ait parfois rencontré la violence ou la brutalité là où il cherchait la force soutenue. Qui sait si, précisément, il ne l'a pas senti ? Le Massenet qui épiait anxieusement sur le visage de ses élèves le reflet de leurs impressions quand il feuilletait avec eux Werther, qui fuyait les répétitions générales et les premières de ses ouvrages, est touchant et sincère. Il a eu, du moins, l'abondance, l'eurythmie, l'originalité, l'invention mélodique ; il a enrichi l'expression musicale, il a été le chantre incomparable de l'amour, le plus pur, le plus passionné, jusque dans l'érotique impudeur de l'épithalame d'Esclarmonde. Il a été tout charme, toute caresse. Il a eu le secret de ces mélodies sinueuses, souples, ondulantes, un peu errantes parfois, dont l'enveloppement est irrésistible Et si, longtemps, on a « fait » du Massenet, ce n'est nullement par esprit de lucre, parce que la « recette » était profitable, mais parce que toute âme musicale devait être pénétrée par cette essence sonore. L'influence de Massenet, bon gré mal gré, comme celle d'un Gounod ou d'un Franck, n'a pas pu ne pas s'imposer. Il a fallu en subir quelques jours ou quelques années l'envoûtement : Debussy lui-même, dans des œuvres relativement récentes, n'y a point échappé. Il écrivait merveilleusement pour la voix ; sa musique se chante toute seule. Il fut, disions-nous, intimement musicien. Il a eu, comme Mozart, comme Rameau, la plus pénétrante intuition du mystère sonore. Il se meut, il baigne dans la musique. Soudain, un rien, une note fugitive, une modulation inattendue révèlent son sens aigu des plus rares affinités harmoniques. Dans son métier, qui était prodigieux, l'instinct avait sa large part : par ses qualités de clarté, de séduction, d'enjouement, d'aisance élégante, par sa force expressive, par son art subtil et consommé au point qu'on s'y méprend et qu'on ne le distingue pas de la nature même, Massenet est très français. Il l'est encore par la vivacité, par la sobriété du coloris, par le chatoiement de cet orchestre miroitant, divers, toujours transparent. Il serait superflu d'insister sur des chefs-d’œuvre comme Manon, dont la popularité le dispute à celle de Faust ou de Carmen, surtout comme Werther, qui est constamment exquis, où Massenet a mis – il l'a dit lui-même – « toute son âme et toute sa conscience d'artiste » ; d'où tout excès, toute complaisance pour sa « manière » sont absentes. Il n'est pas un seul de ses ouvrages, même parmi les moins heureusement venus, où l'on ne puisse se réjouir de quelque trouvaille : depuis cette Marie-Magdeleine dont Saint-Saëns a dit que c'était du « Gounod raffiné, condensé, cristallisé », depuis les Erinnyes où il a « fait son miel dans la gueule du lion », depuis le Roi de Lahore avec sa langueur, son charme contemplatif ou son pittoresque étincelant, en passant par le Cid, par Thaïs même, par le Jongleur de Notre-Dame, où il n'y a pas un seul rôle de femme, par cette Cendrillon qui inspirait au critique de la « Revue des Deux Mondes », Bellaigue, ces quelques lignes, où Massenet est fidèlement représenté : « Alors que tant d'autres se débattent, comme il se débrouille ! Harmonie, tonalité, modulations, alliance ou succession des notes, des phrases, des accords et des sonorités, souplesse et liberté du discours, développement symphonique, je ne sache pas une partie et comme un coin d'art, infiniment complexe, où la dextérité de cette main, je ne dirai pas ne s'applique, mais ne se joue. »

 

« Art d'émotion, écrivait récemment Saint-Saëns, donc art de décadence. Peu importe ! Comme je me suis efforcé de le démontrer ailleurs, décadence, en art, est souvent loin d'être synonyme de déchéance. »

 

Et il ajoutait : « On a beaucoup imité Massenet, il n'a imité personne. »

 

Massenet a été un incomparable professeur. Il est très significatif que des compositeurs ou des critiques qui ont été ses élèves, comme Bruneau, Charpentier, Reynaldo Hahn, Leroux, Pierné, Vidal, etc., entre autres, dont l'art et les doctrines n'ont rien de commun entre eux et s'écartent souvent de l'esthétique du maître, aient célébré sa mémoire avec le plus touchant unisson. Son urbanité, son tact lui conciliaient d'abord les sympathies. Il laissait la plus grande liberté à l'initiative de l'élève et à sa nature. Il est faux qu'il n'ait enseigné, comme on l'a prétendu, que des procédés, des trucs de métier, et imposé sa propre musique comme un idéal. Evidemment, il avait une conception du théâtre un peu extérieure ; il craignait trop aisément que l'interprétation des vers d'une cantate ne fût pas toujours assez scénique. Mais il n'aimait pas qu'on le copiât. « Ce sont les imitations qu'on fait de nous qui nous vieillissent », disait-il. Il examinait les manuscrits qui lui étaient soumis avec un soin minutieux et les faisait toujours jouer, afin que son auditoire tout entier bénéficiât de sa critique. Il tâchait de deviner la personnalité de l'auteur et ne reprenait que ce qui, dans l'œuvre qu'on lui présentait, lui paraissait la mal traduire. La « musique » était sa préoccupation première ; jamais il ne la subordonnait aux vains artifices de la combinaison, encore que l'habileté de sa plume fût incomparable. « Qui l'a vu, me disait-on, corriger un aride mélange de contrepoint à quatre parties ne l'oubliera jamais. » Ce qu'on n'oubliera pas non plus. c'était son érudition, ses entretiens vivants, pleins d'aperçus ingénieux, de rapprochements suggestifs, où l'exemple le plus topique venait toujours appuyer le précepte. Il analysait et commentait avec une rare pénétration les œuvres classiques ou modernes, prodiguait les conseils de morale esthétique. « Trouver n'est rien, c'est choisir qui est tout », répétait-il. Et le mot est curieux sur les lèvres de celui à qui l'on a maintes fois reproché de n'avoir pas toujours choisi.

 

Massenet était l'amabilité, l'exubérance, la courtoisie, la cordialité même. On a dressé la statistique des épithètes laudatives qui fourmillent dans ses Souvenirs. Elle est effrayante. Il avait beaucoup d'esprit, du plus fin, du plus nuancé. On composerait un volume avec ses « mots ». « – Supposez, messieurs, qu'on vous ait crié bis ! » insinuait-il au cours d'une répétition aux musiciens d'un orchestre, pour les inviter à reprendre un passage médiocrement exécuté. Comme un ténor extrêmement fier de son « beau physique » lui confessait un jour qu'il avait ressenti la veille, en chantant, une telle émotion qu'il avait failli « se trouver mal » : « – Ça, répliqua Massenet avec vivacité, ce n'est pas possible ! »

 

On a pu dire qu'il ne se passait pas un jour sans qu'on jouât du Massenet en quelque partie du monde. Si le temps opère dans son œuvre une sélection, même sévère, il semble que Manon ou Werther, comme Faust ou Carmen, resteront impérissables. Et il y aura, à leurs côtés, place pour Marie-Magdeleine, peut-être pour Hérodiade, pour le Roi de Lahore. Quoi qu'il en soit, l'œuvre de Massenet demeure un des événements les plus considérables dans l'évolution de notre musique. Sa personnalité est une des plus originales et des plus saillantes, des plus nettement accusées qu'elle ait connues.

 

(Paul Locard, Larousse mensuel, novembre 1912)

 

 

 

 

 

Jules Massenet vu par Sem

 

Jules Massenet vu par Charles Giraud

 

 

 

 

 

Massenet pendant une répétition de Don Quichotte à la Gaîté-Lyrique par Paul Delaroche

 

 

Il y a donc déjà un demi-siècle que J. Massenet a quitté ce monde, après soixante-dix années d'une existence si bien remplie qu'elle lui vaut, sans conteste, une place à part au firmament de la musique française tant il est vrai aussi que son inspiration ne connut point de ralentissement et que son ardeur à produire ne connut point de repos.

 

De la Grand’Tante (1867) à Cléopâtre (1912) l'illustre musicien a composé vingt-six ouvrages lyriques sans compter les cantates, oratorios, et musiques de scène ainsi que trois ballets. Six opéras et opéras-comiques au moins, soit le quart de cette production, se sont maintenus au répertoire international : Hérodiade, Manon, Werther, Thaïs, le Jongleur de Notre-Dame, et Don Quichotte. Merveilleuse moisson, certes, et l'on peut penser que d'autres ouvrages du maître mériteraient aussi d'être tirés de l'oubli.

 

Quand l'Opéra de Belgrade, il y a quelques années, vint présenter au Théâtre des Nations Don Quichotte dans une mise en scène quasi abstraite, nombre de jeunes mélomanes qui n'avaient précédemment que dédain pour Massenet, découvrirent avec étonnement que sa musique n'avait pas vieilli. Car il est vrai que les partitions ont résisté vaillamment à l'épreuve du temps alors que certains livrets, dont beaucoup furent composés par les poètes du Parnasse ou sous leur influence, appartiennent, pour nous, à un autre temps. Esclarmonde, Grisélidis ou Amadis étaient sans doute trop liés à la mode d'alors, celle de Catulle Mendès et de Burne Jones, pour ne pas disparaître avec elle. Mais il n'est nullement invraisemblable de croire que cette mode réapparaîtra, sous une forme ou sous une autre, avec le retour possible au goût des choses précieuses.

 

Certes, tout a été dit sur la musique de Massenet. Peut-être n'a-t-on pas assez insisté sur son originalité qui la différencie de celle d'autres grands compositeurs français du XIXe siècle qui connurent aussi la gloire, tels que Gounod, Saint-Saëns, ou Léo Delibes. Il est vrai que Massenet eut le don extraordinaire de l'invention mélodique, celle qui résiste au temps car elle captive l'auditeur, celle qui possède l'élégance et la grâce, qui suscite l'émotion tendre ou dramatique et qui sait exprimer si véritablement les sentiments humains, d'autant mieux qu'elle est soutenue par une orchestration adroite, élégante et noble.

 

Les contemporains de Massenet ne s'y trompèrent point. Quand certains dénonçaient le « wagnérisme » de Manon (!) suivant une formule déjà consacrée par l'usage et qui consistait à qualifier de wagnérisme toute la musique sortant de l'ordinaire, ils rendaient inconsciemment hommage à son auteur. C'est la réaction confuse mais maladroite d'observateurs superficiels en présence d'une façon nouvelle d'écrire pour les voix, de traiter les récitatifs et les airs, d'associer la symphonie au chant. Comme le fut également Gounod — mais plus sensuel encore que sentimental, il fut par excellence le musicien de la Femme et de l'Amour.

 

A l'homme de théâtre que fut Massenet, nous devons également une production de haute qualité dans d'autres genres : nombreuses pièces de piano, six volumes de mélodies, plusieurs suites symphoniques dont la très remarquable Première suite d'orchestre qu'il écrivit à la Villa Médicis en 1864 à l'âge de vingt-deux ans, les scènes alsaciennes et les scènes pittoresques. Il ne semble pas qu'on ait rendu pleine justice à cette partie de son œuvre, trop effacée par les éclatants succès remportés à la scène, mais comment ne pas remarquer également que les mélodies les plus célèbres de Massenet ne sont pas des pièces vocales mais instrumentales ? C'est le violoncelle qui chante l'Elégie des Erynnies et le « Clair de Lune » de Werther, le violon qui exprime la méditation de Thaïs.

 

L'influence de Massenet sur les compositeurs de la génération suivante fut considérable. Sans nul doute, il a contribué à ouvrir la voie au vérisme italien et même les premières œuvres de Claude Debussy se ressentent de la manière gracieuse et caressante de l'auteur de Manon. Quant aux élèves dont il fut le Maître ou qu'il forma au Conservatoire de 1878 à 1886, comme Alfred Bruneau, Gabriel Pierné, Paul Vidal, Xavier Leroux, Gustave Charpentier, Henri Rabaud, Georges Enesco et Florent Schmitt, tous, certes, ne se rangent pas parmi ses disciples. Toutefois ceux-là même, qui, dotés d'une forte personnalité, s'écartèrent de son esthétique, reconnaissaient ce qu'ils lui devaient quant à leur métier de compositeur.

 

Massenet fut bien ainsi, à tous points de vue, un Maître.

 

(Georges Auric, revue l'Opéra de Paris, 1961)

 

 

 

 

 

 

immeuble du 48 rue de Vaugirard à Paris 6e (face au Jardin du Luxembourg), où Massenet a vécu plusieurs années [photos ALF, 2020]

 

 

 

 

 

 

 

maison de la belle-mère de Massenet, 64 avenue Franklin-Roosevelt à Avon (Seine-et-Marne), où il vint souvent de 1871 à 1880 [photos ALF, 2014]

 

 

 

 

plaque apposée dans l'église d'Égreville [photo ALF, 2020]

 

 

 

tombe de Jules Massenet au cimetière d'Égreville [photo ALF, 2020]

 

 

 

 

 

 

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