Poème d'avril

 

 

 

Recueil de huit mélodies, poésies d'Armand SILVESTRE, musique de Jules MASSENET, op. 14 (1866), dédicacé à Ernest Reyer : 1. Prélude ; 2. Sonnet matinal ; 3. Double jeunesse ; 4. Riez-vous? ; 5. Vous aimerez demain ; 6. Que l'heure est donc brève ; 7. Ton baiser ; 8. Adieu.

 

   partition

 

 

 

 

1.  Prélude

 

Une rose frileuse, au cœur noyé de pluie,

Sur un rameau tremblant vient de s'épanouir,

Et je me sens repris de la douce folie

De faire des chansons et de me souvenir !

 

Les amours trépassés qui dormaient dans mon âme,

Doux Lazare sur qui j'ai tant versé de pleurs,

Soulèvent, en riant, leur suaire de fleurs,

Et demandent le nom de ma nouvelle dame.

 

Ma mignonne aux yeux bleus, mets ta robe et fuyons

Sous les bois remplis d'ombre et de mélancolie

Chercher le doux remède à la douce folie.

Le soleil m'a blessé de ses premiers rayons !

 

 

 

Sonnet matinal

Edmond Clément, ténor, et Frank La Forge, piano

Victor 64294, mat. B-11189-1, enr. à Camden, New Jersey, le 06 novembre 1911

 

2. Sonnet matinal

 

Les Étoiles effarouchées

Viennent de s'envoler des cieux.

J'en sais deux qui se sont cachées,

Mignonne, dans vos jolis yeux ;

 

A l'ombre de vos cils soyeux

Et sous vos paupières penchées :

Attendez ! Mes baisers joyeux

Les auront bientôt dénichées !

 

Vous feignez de dormir encor :

Éveillez-vous, mon doux trésor !

Éveillez-vous, mon doux trésor,

Éveillez-vous !

 

L'aube pleure sous les feuillées,

Le ciel désert est plein d'ennui,

Ah ! Ouvrez les yeux, et rendez-lui

Les deux étoiles envolées.

 

Éveillez-vous, mon doux trésor !

Éveillez-vous !

 

 

 

3. Double jeunesse

 

Voici que les grands lys ont vêtu leur blancheur,

Sur les gazons tremblants l'aube étend sa fraîcheur ;

C'est le printemps ! c'est le matin ! Double jeunesse !

 

Ma mie, en s'éveillant, m'a dit : « Le beau soleil !

Le temps est donc venu que tout charme renaisse.

Partout des chants ! Partout des fleurs ! Double réveil ! »

 

Mais le tiédeur de l'air la rendant moins farouche,

Je me penchai vers elle et je posai ma bouche

Sur son front et sur ses cheveux,

Sur son front et sur ses cheveux !

Double trésor !

 

 

 

4. Riez-vous ?

 

Riez-vous ? Ne riez-vous pas ?
Quand vous l'avez dit tout à l'heure,
Ce mot ! Vous l'avez dit si bas !
Je n'ai pas compris, mais je pleure.
Riez-vous ? Ne riez-vous pas ?
 
Pitié ! votre bouche m'effleure.
Ce bruit ! Vous l'avez fait si bas !
Si c'est un baiser, que je meure !
Riez-vous ? Ne riez-vous pas ?
 
Si c'est un baiser, que je meure !
Sur mon cou je sens votre bras
Vous m'avez baisé tout à l'heure !
Je n'ose y croire, mais je pleure.

Riez-vous ? Ne riez-vous pas ?

 

 

 

5. Vous aimerez demain

 

Le doux printemps a bu, dans le creux de sa main,
Le premier pleur qu'au bois laissa tomber l'aurore ;
Vous aimerez demain, vous qui n'aimiez encore,
Et vous qui n'aimiez plus, vous aimerez demain !
Le doux printemps a bu dans le creux de sa main.
 
Le printemps a cueilli, dans l'air, des fils de soie
Pour lier sa chaussure et courir par les bois.
Vous aimerez demain pour la première fois,
Vous qui ne saviez pas cette immortelle joie.
Le printemps a cueilli, dans l'air, des fils de soie.
 
Le printemps a jeté des fleurs sur le chemin,
Que mignonne remplit de son rire sonore.
Vous aimerez demain, vous qui n'aimiez encore,
Et vous qui n'aimiez plus, vous aimerez demain !
Le printemps a jeté des fleurs sur le chemin.

 

 

 

6. Que l’heure est donc brève

 

Que l'heure est donc brève,
Qu'on passe en aimant !
C'est moins qu'un moment,
Un peu plus qu'un rêve.
 
Le temps nous enlève
Notre enchantement.
Que l'heure est donc brève,
Qu'on passe en aimant !
En aimant !
 
Sous le flot dormant
Soupirait la grève ;
M'aimais-tu vraiment ?
Fût-ce seulement
Un peu plus qu'un rêve ?
Que l'heure est donc brève,
Qu'on passe en aimant !
En aimant !

 

 

 

7. Ton baiser

 

Sur la source elle se pencha :
La source doubla son image,
Et ce fut un charmant mirage,
Qu'un peu de vent effaroucha.
 
Sous les grands bois elle chanta :
L'oiseau doubla son chant sauvage,
Et ce fut un charmant ramage,
Que le vent lointain emporta.
 
Quand j'effleurai son doux visage,
Sa bouche ma bouche doubla
Le vent peut balayer la plage,
Mignonne, que me fait l'orage ?
Ton baiser reste toujours là,
Ton baiser reste là, toujours là !

 

 

 

8. Adieu

 

Nous nous sommes aimés trois jours ;
Trois jours elle me fut fidèle.
Trois jours ! La constance éternelle 
Et les éternelles amours !
 

(Complainte)

 

Je pars ! Adieu, ma chère âme,
Garde bien mon souvenir !
Quoi ! Si tôt partir, madame,
Ne devez-vous revenir ?
 
Si, je reviendrai peut-être…
Si, bien sûr, je reviendrai !
Va m'attendre à la fenêtre ;
De plus loin te reverrai.
 
J'attendis à la fenêtre
Le retour tant espéré,
Mais, ni bien sûr, ni peut-être,
Ni jamais la reverrai !
 
Bien fol qui croit quand sa dame
Lui jure de revenir.
Je meurs ! Adieu ! Adieu, ma chère âme,
J'ai gardé ton souvenir !

 

 

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