Cigale

 

affiche pour la création de Cigale par Maurice Leloir (1904)

 

Divertissement-ballet en deux actes, livret d'Henri CAIN, musique de Jules MASSENET.

 

 

   partition

 

A mademoiselle Chasles de l'Opéra-Comique

 

 

Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 04 février 1904. Chorégraphie de Mme Mariquita. Décors de Lucien Jusseaume. Costumes de Charles Bianchini.

 

10 représentations à l’Opéra-Comique au 31 décembre 1950.

 

 

 

personnages

Opéra-Comique

04 février 1904 (création)

Opéra-Comique

06 décembre 1913 (7e)

Cigale Mlles Jeanne CHASLES Mlles Sonia PAVLOFF
la Pauvrette Germaine DUGUÉ Germaine DUGUÉ
le Petit Ami MARY MARY
Cigales Gina LUPARIA Gina LUPARIA
Georgette RICHAUME MM. Robert QUINAULT
Madame Fourmi MM. Georges MESMAECKER Georges MESMAECKER
le Garçon de Banque DELAHAYE Maurice CAZENEUVE
les Cigales - les Flocons de neige - les Anges    
Figuration : les Paroissiennes, les Voisines, etc.    
une Voix seule (soprano) et des Voix (chœur invisible) (on peut au besoin faire chanter le solo par tout le chœur)    
Chef d'orchestre Eugène PICHERAN  

 

Acte I. Intérieur rustique, la Chambre de Cigale.

Acte II. l'Hiver dans la campagne.

 

 

 

 

 

Cigale est le titre du nouveau ballet que vient de représenter l'Opéra-Comique. Il est dû à M. H. Cain et à M. Massenet. C'est Mme Mariquita qui l'a réglé et c'est Mlle Chasles qui en danse le principal rôle. On ne lira pas à ce propos, sans intérêt, ces lignes consacrées à l'éminente maîtresse de ballet et à la toute gracieuse interprète.

 

 

 

Massenet lisant sa partition Cigale à ses interprètes

(derrière lui, Mme Mariquita, Henri Cain, Mlle Luz de Chavita et Jeanne Chasles)

 

Comment monte-t-on un ballet ? Comment arrive-t-on à traduire en gestes et en mouvements d’ensemble une action dramatique ou comique et l’état d’esprit d’une foule ? Comment peut-on adapter avec précision des pas sur de la musique comme on le ferait pour des paroles sur une mélodie ? La chose semble un peu mystérieuse et, de fait, il est difficile de l’expliquer, car c’est un travail tout intérieur qui ne s’appuie sur aucune règle et dépend absolument de la personnalité du maître de ballet. 

Il y a deux méthodes : celle qui consiste à écrire tous les pas, à noter au moyen de croquis les groupements, la disposition que doivent prendre, sur la scène, les ensembles ; l’autre qui laisse à la mémoire le soin de tout coordonner et de ne rien oublier. C’est de cette dernière façon que travaille Mme Mariquita. 

Mme Mariquita est universellement connue ; les ballets qu’elle a montés, depuis cette année 1874 où Sari, alors directeur des Folies-Bergère, lui demandait de régler un divertissement intitulé les Fausses Almées, sont innombrables. Et dans tous, à la Porte Saint-Martin, aux Folies-Bergère, au Châtelet, à la Gaîté et maintenant à l’Opéra-Comique, on admire une ingéniosité qui n’appartient qu’à elle, une imagination toujours en éveil et une inimitable fantaisie. C’est surtout cette qualité qui distingue Mme Mariquita : c’est une fantaisiste ; pour elle, le ballet-pantomime n’est qu’une jolie fantaisie rythmée. 

Sa manière de travailler révèle, du reste, ce don particulier. Après s’être bien pénétrée, au moyen du livret et de longues conversations avec l’auteur, du sujet du ballet, après avoir entendu plusieurs fois la musique, et avoir pris connaissance des costumes, ce qui a une grande importance, Mme Mariquita ne commence pas à régler, comme le font beaucoup de maîtres de ballet, dans son cabinet, mais seulement aux répétitions. Les rôles distribués, elle prend la partition au début, et au fur et à mesure que se dessine l’œuvre, elle imagine la mimique, les jeux de scène, les variations, les ensembles. Elle prend chaque passage, le mime elle-même entièrement, ou indique les pas, suivant le cas, et ses interprètes le reprennent après elle en y mettant leur personnalité propre et leur grâce particulière. Elle est une véritable collaboratrice, imagine des effets, trouve le moyen de faire occuper la scène par une seule danseuse pendant trois ou quatre pages de musique, alors que le livret, pour tout ce temps, indique seulement trois ou quatre gestes. C’est à un tel point que M. Catulle Mendès, après toutes les lectures et auditions d’un de ses ballets aux Folies-Bergère, lui dit au moment où on descendait en scène pour la première fois : « Et maintenant allons faire le scénario ? » 

C’est ainsi que fut montée Cigale, avec cette décision et cette imagination sûre. Le nouveau ballet fut, du reste, également favorisé sous le rapport de ses interprètes : Mlle Chasles en a dansé le rôle principal. 

Elle aussi est une personnalité. On se souvient qu’elle entra à l’Opéra-Comique poussée par la très légitime ambition de créer des rôles à sa taille et de cultiver librement un air qui lui est si cher. 

Dès l’abord, elle se fit remarquer avec Séverin dans Chant d’habits de Catulle Mendès et J. Bouval. Mais ce fut surtout le Cygne de Ch. Lecocq et Mendès qui détermina le mouvement du public en sa faveur et qui fit d’elle, du jour au lendemain, une des artistes les plus justement fêtées de Paris. 

L’œuvre nouvelle du maître Massenet met en scène en la rajeunissant la délicieuse fable de la Cigale et la Fourmi. Le librettiste y a trouvé matière à nombre d’épisodes gracieux et essentiellement musicaux. Le compositeur, qui se révèle artiste consommé jusqu’en ses moindres fantaisies, a déployé toutes les ressources d’une imagination sans cesse renouvelée et d’un souffle toujours éloquemment poétique. Qu’il me suffise de citer avec la Ronde, dont nous avons le plaisir de donner la surprise à nos lecteurs dans notre Album, le Réveil de Cigale, d’une grâce pénétrante, l’Arrivée du garçon de banque, où la muse bouffonne du Maître s’est révélée à nouveau ; un vieux Noël d’une touchante simplicité, les élégantes variations sur Au clair de la lune, la Mort de Cigale, d’une si profonde émotion. 

Le succès le plus vif a accueilli l’œuvre charmante de l’auteur de Manon dont l’inspiration n’a jamais semblé si alerte et si vive et qui a su encore une fois renouveler sa manière. Les interprètes doivent pourtant prendre leur bonne part dans ce succès. 

Avec des artistes tels que Mme Mariquita et Mlle Chasles Cigale ne pouvait être qu’un spectacle du goût le plus délicat. 

Ce n’est pourtant pas tout et l’interprétation dans son ensemble fut d’un choix non moins heureux avec Mlle Dugué, si jolie même en pauvresse, Mlle Mary, « petit ami » svelte et déluré, M. Mesmaecker, réjouissante Mère Fourmi, avec la gracieuse Mlle Richaume. Toutes et tous ont joint leurs efforts artistiques pour faire du nouveau ballet un spectacle d’une perfection rare, résultat auquel même des auteurs familiers du succès comme MM. Cain et Massenet ne sont certes pas insensibles.

 

(Dominique Boulay, Musica, mars 1904)

 

 

 

 

Massenet et Henri Cain lisant leur œuvre à leurs interprètes dans l'atelier d'Henri Cain

 

 

 

 

 

Cette œuvre avait été improvisée par le librettiste et le musicien pour une fête de charité qui n'eut pas lieu. Ils ont eu la généreuse pensée de donner la première de Cigale à l'occasion de la représentation annuelle au bénéfice du petit personnel de l'Opéra-Comique.

Henri Cain a modernisé la fable de la Cigale et la Fourmi. Il a imaginé le scénario suivant :

Au premier acte, Cigale vit heureuse au printemps dans son intérieur rustique. Une jeune Pauvrette frappe à sa porte ; Cigale lui donne sa mante, son pain, son lait et la console de ses peines de cœur.

Mme Fourmi se rit de cette générosité, Cigale lui donne le gâteau qui cuisait dans le four. Cigale insouciante fait des papillotes avec un « billet » qu'apporte un garçon de banque ; enfin, ayant tout donné, elle se livre elle-même à son Petit Ami.

Nous sommes en hiver, au deuxième acte ; Cigale grelotte sur la grand' route neigeuse, au clair de lune. Mme Fourmi, chaudement emmitouflée, vient de rentrer de la messe de minuit ; Cigale frappe à sa porte et la supplie, après avoir vainement supplié les éléments ; Mme Fourmi refuse tout secours : « Hé bien ! danse maintenant », lui dit-elle. Et voici sur la route, deux amoureux qui passent tendrement enlacés : ce sont le Petit Ami et la Pauvrette !

Alors Cigale se laisse mourir de froid sur la neige, les anges l'entourent et, dans le lointain, chantent des voix mystérieuses.

La musique de Cigale est pimpante, les idées sont séduisantes et spirituelles, l'orchestration est légère. C'est une petite partition délicatement ciselée, un divertissement auquel le compositeur lui-même s'est diverti. Le réveil de Cigale, l'entrée du garçon de recettes, la scène de Cigale et du Petit Ami, l'interlude sur un vieux Noël, la valse-tourbillon des Autans et les amusantes variations sur Au Clair de la lune, avec le dénouement ému de la mort de Cigale, sont autant de pages de choix, et du meilleur choix.

(Louis Schneider, Massenet, 1908)

 

 

Original de la partition de Cigale (page 1)

 

 

Cigale (même partition, page 24 ; différence des écritures de Massenet)

 

 

 

 

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