ŒUVRES LYRIQUES FRANÇAISES
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
G
GABELOUS (LES)
Opéra bouffe en trois actes, livret d’Albert Barré, musique d’Antoine Banès (1912).
GABRIELLE D'ESTRÉES ou LES AMOURS D’HENRI IV
Opéra en trois actes, livret de Claude Godard d'Aucour de Saint-Just, musique d’Etienne-Nicolas Méhul. Création à l'Opéra-Comique (salle Feydeau) le 25 juin 1806. Les allusions politiques qu'on trouva dans cette pièce n'ont pas été étrangères au succès qu'elle obtint, mais il dura peu. Elle renferme des tirades sur les agitations de la France, sur le chef qui lui a rendu le bonheur et la tranquillité, et qui, passant dans les travaux, dit un journaliste de cette époque, le temps que la jeunesse perd dans les plaisirs (comme cela est de saison dans l'opéra qui a pour titre Gabrielle d'Estrées !) ne cessa de rencontrer ce qui forme et déclare (sic) les grands hommes, etc., etc. Napoléon Ier se montra sensible à ces plates adulations et protégea le compositeur.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GABRIELLE DE PASSY
Parodie en deux actes, livret de Barthélemy Imbert et Louis d’Ussieux, musique de vaudevilles. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 30 août 1777. C’est une parodie de Gabrielle de Vergy, tragédie de Pierre-Laurent Buirette de Belloy (Théâtre-Français, 1777).
GABRIELLE DE VERGY
Opérette bouffe, livret de Henri Blondeau et Hector Monréal, musique de Frédéric Demarquette, représentée au théâtre des Folies-Marigny le 11 novembre 1871. C'est encore là une parodie d'une légende poétique, dramatique et touchante. Le public qui fréquente ce théâtre et se gaudit de ce genre de pièces a applaudi le duo entre la dame de Fayel et le troubadour, ainsi que la marche des chevaliers.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1872]
GABRIELLE ET PAULIN
Opéra-comique, musique de Leblanc, représenté au théâtre des Beaujolais en 1788.
GAETANE
Comédie lyrique en deux actes, livret d’André Lénéka, musique d’Édouard Kann, représentée au théâtre des Arts, à Rouen, le 24 mars 1898.
GAGEURE D’ADRIENNE (LA)
Opéra-comique en un acte, livret d’Eugène Adenis, musique de Jules Duprato, publié, mais non représenté.
GAGEURE IMPRÉVUE (LA)
Opéra-comique en un acte, livret de Pierre Bertin, d'après la comédie de Michel-Jean Sedaine, musique d’Henri Sauguet.
Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 04 juillet 1944. Mise en scène de Pierre Bertin et Paul-Emile Deiber. Maquette du décor et des costumes de Jacques Dupont.
Mmes Odette TURBA-RABIER (la Marquise), MONDA-MILLION (Mlle Adélaïde), Christiane GAUDEL (Gotte), Marguerite LEGOUHY (la Gouvernante d'Adélaïde).
MM. Emile ROUSSEAU (le Marquis de Clainville), Paul DERENNE (Détieulette), Louis MORTURIER (Monsieur Dubois), Henry BUCK (Lafleur).
Chef d'orchestre : Roger DÉSORMIÈRE.
10e représentation le 10 octobre 1969.
Mmes Caroline DUMAS (la Marquise), Suzanne MISSILIER (Mlle Adélaïde), Georgette RISPAL (Gotte), Jeannine COLLARD (la Gouvernante d'Adélaïde).
MM. Michel TREMPONT (le Marquis de Clainville), André MALLABRERA (Détieulette), Stanislas STASKIEWICZ (Monsieur Dubois), Robert ANDREOZZI (Lafleur).
Chef d'orchestre : Jean-Claude HARTEMANN.
12 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950, 4 en 1969, soit 16 au 31.12.1972.
GAGNE-PETIT (LE)
Opérette en un acte, livret de MM. Bouveret et de Fortière, musique de Georges Rose, représentée au concert de l'Époque le 12 octobre 1889, et ensuite au petit théâtre lyrique de la Galerie Vivienne le 24 mars 1895.
GALANTE AVENTURE
Opéra-comique en trois actes, livret de Louis Davyl et Armand Silvestre, musique d'Ernest Guiraud. Création à l'Opéra-Comique le 23 mars 1882. => fiche technique
GALATÉE
Mélodrame, par Poultier d'Almotte, musique de Bruni, représenté au Théâtre-Français au mois de février 1795. Cette pièce fait suite au Pygmalion de J.-J. Rousseau. La musique n'y joue qu'un rôle secondaire.
GALATHÉE
[ou Galatée]
Opéra-comique en deux actes, livret de Michel Carré et Jules Barbier, musique de Victor Massé.
Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 14 avril 1852. Décors de Philippe Chaperon.
Mmes Palmyre WERTHEIMBER (Pygmalion), Delphine UGALDE (Galathée).
MM. SAINTE-FOY (Midas), MOCKER (Ganymède).
Chef d'orchestre : Théophile TILMANT.
A l'Opéra-Comique, le rôle de Pygmalion fut chanté pour la première fois par un homme le 20 octobre 1852 pour les débuts de Jean-Baptiste FAURE.
100e représentation le 06 juillet 1860 avec la distribution de la création, sauf M. Charles PONCHARD (Ganymède).
Représentation du 26 juin 1898.
Mmes DUMONT (Pygmalion), MARIGNAN (Galathée).
MM. BARNOLT (Midas), BERTIN (Ganymède).
448e représentation le 23 janvier 1908.
Mmes BOYER DE LAFORIE (Pygmalion), Angèle PORNOT (Galathée).
MM. Georges MESMAECKER (Midas), Maurice CAZENEUVE (Ganymède).
Chef d'orchestre : Eugène PICHERAN.
Reprise du 16 mars 1911 (453e représentation) dans une mise en scène de Paravey.
Mmes CHARBONNEL (Pygmalion), NICOT-VAUCHELET (Galathée).
MM. Georges MESMAECKER (Midas), Maurice CAZENEUVE (Ganymède).
457 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950, dont 9 entre le 01.01.1900 et le 31.12.1950.
« Le théâtre représente l'atelier de Pygmalion. Le célèbre statuaire a chargé son serviteur Ganymède, être paresseux et gourmand, de la garde de la statue de Galatée, qu'il vient d'achever et dont il est éperdument épris. Midas, opulent sybarite, arrive et demande à voir le chef-d'œuvre. L'infidèle Ganymède, corrompu par quelques écus, écarte le rideau qui voile la statue. Pygmalion entre sur ces entrefaites, il s'emporte contre son esclave et chasse Midas de chez lui. Resté seul avec son idole, l'artiste s'exalte : il veut qu'elle réponde à son ardeur insensée ou détruire l'œuvre de ses mains. Un chœur invisible chante les vers suivants :
O Vénus, des amours suivie,
Ton haleine aux douces chaleurs
Pénètre les bois et les fleurs,
O Vénus ! source de la vie !
PYGMALION.
O Vénus ! sois-moi clémente !
Exauce les vœux
D'un cœur malheureux !
Sur cette beauté charmante,
Répands en ce jour
La vie et l'amour !
O Vénus, que ma voix tremblante
Monte jusqu'à toi !
La lumière pour elle et le bonheur pour moi !
Que par toi sa bouche respire,
Que ton souffle vienne enflammer
Cette lèvre qui peut sourire
Et ce regard qui peut aimer !
Que par toi ce marbre soit femme !
Et que par ton pouvoir vainqueur
Il reçoive une âme,
Il reçoive un cœur !
O ciel ! que vois-je ! est-ce un prestige !
Est-ce une fièvre de mes yeux ?
Sur elle, sur son front, sur sa bouche... ô prodige !
La vie et la chaleur semblent tomber des cieux !
Déjà dans son oeil étincelle
Un regard frais et pur !
Déjà, déjà le sang ruisselle
Dans ses veines d'azur ;
Dans son corps, une âme nouvelle
Semble se révéler,
Elle écoute et cherche autour d'elle !
Dieux ! elle va parler !
Le livret de Galatée a des qualités littéraires incontestables et il offre de fort beaux vers. Mais la partie trop comique, la familiarité, nous dirions presque la bassesse du dialogue, gâtent un sujet éminemment lyrique, qui pouvait rester intéressant et réussir sans ces concessions faites à la portion la moins éclairée des habitués de Feydeau. Galatée, à peine devenue femme, a mille caprices, désespère Pygmalion par son ingratitude ; elle préfère à son amant mélancolique l'imbécile Ganymède ; elle accepte les présents du vieux Midas, dont elle se moque. Elle fait pis encore ; elle s'enivre de vin de Chio.
Ah ! verse encore !
Vidons l'amphore !
Qu'un dot divin,
De ce vieux vin,
Calme la soif qui me dévore !
Le vin
Est un trésor divin !
Enfin, après cent tours de sa façon, elle se dispose à fuir avec Ganymède, lorsque Pygmalion, guéri à jamais de sa passion par ce nouvel outrage, demande que Galatée redevienne statue :
O toi qui donnas la vie et la beauté,
Pour la seconde fois que ne peux-tu m'entendre,
Vénus ! que ne peux-tu lui rendre
Son immobilité !
L'artiste est exaucé, et il vend sans regret la statue à Midas. Ses amis entrent, et Pygmalion leur promet de se consoler en leur compagnie de sa déception. Cette fin est vulgaire et dépare le caractère de l'auteur du chef-d'œuvre.
Oui, mes amis, soyez contents,
Dans la coupe aux flots écumants,
Je veux noyer une folle chimère,
Et j'ai retrouvé mes vingt ans !
A moi, folles maîtresses,
Ephémères tendresses,
Qui ne durent qu'un jour.
M. Jules Barbier aurait dû laisser à M. Scribe cette lapalissade, ces éphémères qui ne durent qu'un jour, comme aussi ne pas imiter de si près la coupe du brindisi de la Reine de Chypre :
Tout n'est dans ce bas monde
Qu'un jeu,
dans cette strophe du finale :
Loin des esprits moroses,
Vivons ;
Et sur des lits de roses,
Buvons.
La pièce de Galatée renferme, comme nous l'avons dit, des choses charmantes et des inégalités regrettables.
La partition de M. Victor Massé a été fort goûtée ; elle renferme des mélodies heureuses, d'un tour élégant, et instrumentées avec esprit. Les couplets de la paresse :
Ah ! qu'il est doux
De ne rien faire,
Quand tout s'agite autour de nous !
et le brindisi : Ah ! verse encore, ont obtenu le plus grand succès. Les rôles de Pygmalion et de Galatée ont été créés par Mlle Wertheimber et Mme Ugalde ; ceux de Midas et de Ganymède, par Sainte-Foy et Mocker. Cet ouvrage est resté au répertoire. La partition en a été réduite pour le piano par M. Vauthrot. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GALLIA
Cantate funèbre pour voix seule, chœur et orchestre, d'après les paroles des Lamentations de Jérémie, texte et musique de Charles Gounod.
Créée au Royal Albert-Hall de Londres le 01 mai 1871 sous la direction de l’auteur, pour l’inauguration de l'Exposition universelle.
Première au Conservatoire de Paris vers août 1871 avec Mme Georgina Weldon.
Première à l’Opéra-Comique (2e salle Favart) le 08 novembre 1871, dans une version scénique, avec Mme Georgina Weldon.
Première au Théâtre de l'Opéra (Palais Garnier) le 05 avril 1883, à l'occasion d'un Gala au bénéfice des inondés d'Alsace-Lorraine.
Mme Fidès DEVRIÈS et les Chœurs de l'Opéra.
Chef d'orchestre : Charles GOUNOD.
Seule audition à l’Opéra au 31.12.1961.
« Quatre grandes compositions avaient été demandées, pour l’inauguration de l'Exposition universelle, à quatre artistes différents : M. Arthur Sullivan pour l'Angleterre, Gounod pour la France, Ferdinand Hiller pour l'Allemagne, et M. Ciro Pinsuti pour l'Italie. Gounod, qui s'était réfugié en Angleterre aux approches de la guerre franco-allemande, traduisit lui-même, à cet effet, un épisode des Lamentations de Jérémie qui s'appliquait dans son esprit à la situation cruelle de la France à cette époque, et c'est sur ce texte qu'il écrivit sa musique, musique vraiment inspirée, d'un accent douloureux et d'un style plein de noblesse, dont le succès fut très grand en France lorsqu'on l'y put connaître. Voici le titre inscrit par l'auteur sur la partition originale de son œuvre : « Gallia, élégie biblique avec chœurs, soli, orchestre et orgue, composée pour l'ouverture de l'Exposition internationale de Londres et exécutée pour la première fois le 1er mai 1871 dans Royal-Albert-Hall. Charles Gounod. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
GAMINE DE PARIS (LA)
Opérette en trois actes, livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo, musique de Gaston Serpette, représentée aux Bouffes-Parisiens le 30 mars 1887.
« M. Serpette, qui, en sa qualité d'ancien prix de Rome, vaut beaucoup mieux que le genre auquel il s'est volontairement condamné, se fait toujours remarquer par le soin et l'élégance avec lesquels est écrite même la musique de ces piécettes sans grande valeur ; il y a, dans la Gamine de Paris, plusieurs morceaux pleins d'esprit et d'une forme piquante, tels que le duo du premier acte : Je ne vous promets pas, ma belle, l'autre duo : Hercule, vous manquez d'audace, l'air de la baronne, la scène amusante de la rencontre, enfin le duo des deux femmes : Vrai Dieu ! je saurai bien, ma chère... La pièce était fort bien jouée par Mlles Marguerite Ugalde (Titine), Mily-Meyer, Gilberte et Tassilly, MM. Piccaluga, Maugé, Lamy, Gourdon et Jannin. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
GAMINE DU VILLAGE (LA)
Opérette en un acte, livret d’Alexis Bouvier, musique de Frédéric Barbier, représentée aux Folies-Marigny le 15 juillet 1863. => fiche technique
GAMMES D’OSCAR (LES)
Folie musicale en un acte, livret de William Busnach, musique de Georges Douay, représentée aux Folies-Marigny le 20 mai 1865.
GANDOLFO
Opérette en un acte, livret d’Henri Chivot et Alfred Duru, musique de Charles Lecocq, représentée aux Bouffes-Parisiens le 17 janvier 1869. Le livret a été tiré d'un conte de Boccace. La nature de l'intrigue, le choix des personnages donnent à ce petit ouvrage un caractère archaïque qui ne manque pas d'intérêt, et idéalise un peu ce que la donnée du scenario offre de trop hardi. Angela, épouse du vieux juge Gandolfo, se pique de se montrer plus habile qu'une certaine femme qui s'est laissé surprendre avec son amant par le juge, son mari. Elle est courtisée elle-même par deux amants, Stenio et le capitan Sabrino-Sabrinardini ; Gandolfo intervient inopinément au milieu de ce trio ; Angela s'y prend de telle sorte que Gandolfo complète le quatuor en invitant ces messieurs à souper ; le juge prend même le jeune Stenio à son service, comme secrétaire. La musique de M. Charles Lecocq est jolie, animée, correcte, et toujours en rapport avec les situations. Ce compositeur parait doué de beaucoup de facilité pour ce genre d'ouvrages. J'ai remarqué la sérénade chantée par Stenio ; l'air du matamore : C'est moi qui suis l'Invincible ; et un brindisi plein de verve. Jouée par Désiré, Lanjallais, Mlles Périer, Bonelli, Breton.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1872]
GARÇON DE CABINET
Opérette en un acte, paroles de M. de Najas, musique de M. Talexy, représenté aux Folies-Marigny en mai 1872.
GARÇON DE CHEZ PRUNIER (LE)
Opérette en trois actes, livret d'André Barde et Michel Carré fils, musique de Joseph Szulc. Création au Théâtre des Capucines le 19 janvier 1933 avec Mmes Pierrette Madd (Clo Morfontaine), Christiane d'Or (Louise) ; MM. Dorville (Auguste), Edmond Roze (Leclercq-Morizot).
"Clo Morfontaine se fait passer pour la femme du financier Etienne Balancier, tandis que son ancien mari, Auguste, garçon chez Prunier, fait la cour à la soubrette Louisa et se transforme pour elle en chauffeur au service de Dalancier. Surprise : en Clo Morfontaine, Auguste reconnaît sa propre femme. Ce point de départ nous conduit naturellement à d'amusantes péripéties : un acte sur la Côte d'Azur, où tout se brouille ; un troisième acte à Paris où tout s'arrange. La musique de J. Szulc est fort plaisante ; elle est d'un auteur plein d'entrain et de goût qui a fait applaudir des couplets comme J'ai l'air un peu bêta comme ça et l’Amour c'est charmant quand ça commence." (Larousse Mensuel Illustré, 1933)
GARDE-CHASSE (LE)
Opérette en un acte, livret de Maxime Guy et Maurice Millot, musique de Lucien Collin, représentée à l’Eden-Concert le 24 mars 1888.
GARDE-CHASSE ET LE BRACONNIER (LE)
Opéra-comique en un acte, livret anonyme, musique de Johann Shobert. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 18 janvier 1766.
GARDE DE NUIT (LA)
Opéra-comique en trois actes, musique de Wanson, représenté à Liège, au mois de mars 1836.
GARDE DE NUIT (LA)
Opéra-comique en trois actes, musique du comte de Feltre, représenté chez la princesse de Vaudemont en 1831.
GARDES-FRANÇAISES (LES)
Comédie en un acte mêlée de chants, paroles et musique d'Hervé, représentée à l’Odéon le 16 décembre 1849.
GARDES-FRANÇAISES (LES)
Opéra-comique en un acte, musique de José Protti, compositeur espagnol, représenté au Grand-Théâtre de Marseille le 13 avril 1856.
GARDEUSE D’OIES (LA)
Opérette-bouffe en trois actes, livret d’Eugène Leterrier et Albert Vanloo, musique de Paul Lacôme, représentée à la Renaissance le 26 octobre 1888. Interprètes : Mlles Mily-Meyer, Antonia Aussourd et Mathilde, MM. Maugé, Jacquin, Lamy. M. Lacôme n'est généralement pas heureux avec ses livrets, de la valeur desquels il se montre trop peu soucieux. La partition qu'il a écrite pour la Gardeuse d'oies valait beaucoup mieux que le texte informe qui lui avait servi de prétexte. Ceci a tué cela.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
GARGANTUA
Scènes rabelaisiennes en trois actes, livret d’Armory et Antoine Mariotte, musique d'Antoine Mariotte. Création à l'Opéra-Comique le 17 février 1935. => fiche technique
GARNISAIRE (LE)
Opérette en un acte, musique de Georges Douay, représentée en 1872.
GASCON, GASCON MALGRÉ LUI (LE)
Opéra-comique en un acte, paroles de Guillet et Eugène Hus, musique de Bianchi, joué aux Variétés le 30 novembre 1807.
GASCON TEL QU’IL EST (LE)
Comédie lyrique en trois actes, paroles de Pompigny, musique de Foignet père, représentée au théâtre Montansier le 10 juillet 1797.
GASCONNADE (LA)
Opéra-comique en un acte, paroles de Leroi, musique de Pierre Gaveaux, représenté à Feydeau en 1795.
GASPARO
Opéra-comique en un acte, livret de Pierre-Jean-Baptiste Desforges et Emile Van der Burch, musique de Victor Rifaut. Création à l'Opéra-Comique (salle de la Bourse) le 14 janvier 1836, sans succès.
GASTIBELZA ou LE FOU DE TOLÈDE
Drame lyrique en trois actes, livret de Dennery et Eugène Cormon, musique d’Aimé Maillart, représenté à l'Opéra-National (salle du Cirque Olympique) le 15 novembre 1847, avec Mmes Chérie Coureau (Sabine), Hetzel, MM. Chenets (Gastibelza), François Marcel Junca (le Roi), Pauly (comte de Saldagne), Fosse, Vallon, Camille Delsarte.
Représenté au Théâtre-Lyrique le 23 mai 1858 avec Mlles Borghèse (Sabine), Faivre, MM. Michot (Gastibelza), Armand Potel (Mathéo), Cibot.
Représentations au Théâtre-Lyrique : 14 en 1858, 1 en 1859.
« La musique de Monpou a rendu populaire la ballade de Gastibelza, le fou de Tolède, l'homme à la carabine, et tous les carrefours ont retenti de ce refrain :
Le vent qui souille à travers la montagne,
Me rendra fou.
Cette chanson a fourni le sujet de la pièce. Gastibelza, le chasseur, assiste à une fête que donne au roi d'Espagne le comte de Saldagne. Dona Sabine, noble dame aimée de Gastibelza, pénètre dans le palais pour y rechercher les preuves de l'innocence de son père, accusé d'avoir tué le fils du roi. Comme elle s'est procuré l'anneau du comte, Gastibelza soupçonne sa fidélité, devient fou et croit se venger en emportant les papiers qui justifient le père de dona Sabine. Ils ne se retrouvent, ainsi que la raison du farouche chasseur, qu'au moment où s'apprête le supplice du prétendu meurtrier. La partition de Gastibelza a fait concevoir des espérances que son auteur a pleinement justifiées. Le trio du premier acte, dont la situation est imitée du duo de l'Honnête homme de Robert le diable, renferme des phrases d'un accent dramatique excellent. On a remarqué le chœur ironique des seigneurs, et, au troisième acte, l'air pathétique de Gastibelza. Les rôles ont été créés par Chenets, Junca, Pauly, Fosse, Delsarte, frère de l'habile professeur de ce nom, Mlles Chérie Couraud et Hetzel. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Aimé Maillart avait obtenu le prix de Rome en 1841 ; il est mort en 1870 après avoir donné une dizaine d'opéras au Théâtre-Lyrique et à l'Opéra-Comique (Les Dragons de Villars, la Croix de Marie, Lara, etc.). Il débutait par Gastibelza, dont le livret, aux sombres couleurs de mélodrame, était la paraphrase de la ballade de Victor Hugo, mise en musique par Monpou. — Gastibelza n'a été repris qu'une fois, en mai 1858. »
[Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877]
GASTON
Opérette en trois actes, livret de Raoul Praxy et Fernand Beissier, lyrics de Louis Hennevé, musique de Gaston Gabaroche. Création à la Comédie-Caumartin le 08 mars 1930, avec Mmes Pierrette Caillol (Nono-Nanette), Alice Furt (Nouche), Yvonne Louis (Rose-Marie) ; MM. Gaston Gabaroche (Gaston), Reda Caire (Max de Reuze), Louis Scott (Guy de Saint-Avertin).
« Pour retenir dans son hostellerie normande, dépourvue de clients, deux nobles sexagénaires, Jean et Guy, Max de Reuss, l'hôtelier, fait venir des figurants parmi lesquels se trouve une jolie fille, Nouche. Celle-ci, amoureuse de Max et courtisée par les clients, obtient d'eux une commandite, et, après quelques bons tours, épouse Max. Quelques mélodies aimables accompagnent cette agréable anecdote. »
(Larousse Mensuel Illustré, avril 1930)
GÂTEAU À DEUX FÈVES (LE)
Divertissement en un acte, livret de Pierre-Yvon Barré et Pierre-Antoine-Augustin de Piis, musique de vaudevilles. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 06 janvier 1782.
GAUDRIOLE (LA)
Opéra-comique en trois actes, paroles de Charles Nuitter et Etienne Tréfeu, musique d’Albert Vizentini, représenté à Aix-les-Bains, le 12 septembre 1897.
GAZZA LADRA (LA), Voir la Pie voleuse.
GEISHA (LA)
[The Geisha]
Opérette anglaise en deux actes, livret d’Owen Hall, lyrics de Harry Greenbank, musique de Sidney Jones.
Première représentation à Londres, Daly’s, le 25 avril 1896.
Représenté à Paris, à l’Athénée-Comique, le 08 mars 1898, dans une version française de Charles Clairville, Antony Mars et J. Lemaire.
Représenté en français à Monte-Carlo le 02 décembre 1904.
GELOSO IN CIMENTO (IL)
[en français le Jaloux à l'épreuve]
Opéra italien en trois actes, musique d'Anfossi, représenté à Rome en 1775, et à l'Académie royale de musique le 18 janvier 1779 avec Pinetti (Fabio), Cherardi (D. Perichetto), Tosoni (Rosbif), Focchetti (Paterio); Rosina Baglioni (Vittorina), Mme Chiavacci (D. Flavia) et Farnesi (Modesta).
« Au milieu des ouvrages offerts aux amateurs de la musique italienne par le directeur De Vismes, ceux-ci préférèrent, et avec raison, la Frascatana de Paisiello, et la Buona figliuola de Piccinni, aux opéras d'Anfossi, quoique ce compositeur ne manquât pas assurément de mérite. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GÉMEAUX (LES)
Parodie en trois actes, livret de Pierre-Thomas Gondot, musique de vaudevilles. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 10 mai 1777. C’est une parodie de Castor et Pollux de Rameau.
GÉNÉRAL SUÉDOIS (LE)
Opéra-comique en deux actes, livret de Jacques-Marie Boutet de Monvel, musique d’Angelo Tarchi. Création à l’Opéra-Comique (1re salle Favart) le 24 mai 1799.
GENEVIÈVE
Opéra-comique, musique d’Adolphe Adam, représenté à Stuttgard en décembre 1856.
GENEVIÈVE DE BRABANT
Opéra bouffe en deux actes et sept tableaux, livret d'Adolphe Jaime et Etienne Tréfeu, musique de Jacques Offenbach.
Première représentation au théâtre des Bouffes-Parisiens, le 19 novembre 1859, décors de Cambon et Thierry, costumes dessinés par Doré, Stop et Cornilliet, machines de Henry. Avec Mmes Lise Tautin (Mathieu Lansberg ; Gracioso ; le Chevalier noir ; Isoline ; la Bohémienne), Maréchal (Geneviève), Chabert (Eglantine ; Ugolin), Cico (Lahire ; Edwige), Rose-Deschamps (Blondette), Naldy (Irma), Lasserre (Silvia), Taffanel (Emma), Kid (premier page), Jeanne (deuxième page), Fassio (Gilda), Lécuyer (Marthe), MM. Léonce (Sifroid), Désiré (Golo), Prosper Guyot (Charles-Martel), Duvernoy et Caillat (Almanzor), Bonnet (le jeune Arthur), Desmonts (le poète Narcisse), Jean-Paul (le premier savant), Adolphe Jacques Tautin (le deuxième savant).
42 représentations.
Nouvelle version : opéra bouffe en trois actes et neuf tableaux, livret d'Hector Crémieux et Etienne Tréfeu, nouvelle partition de Jacques Offenbach, représentée au Théâtre des Menus-Plaisirs le 26 décembre 1867.
Cette version a été remaniée par Offenbach en opéra-féerie en cinq actes et quatorze tableaux, représenté à la Gaîté-Lyrique le 25 février 1875 sous la direction d’Albert Vizentini.
« Il s'agissait — excusez du peu ! — de trouver le pendant d'Orphée aux enfers, dont le succès miraculeux fut chiffré par deux cent vingt-sept représentations consécutives. Ce n'était pas là une mince ambition ; aussi, M. Offenbach avait-il mis tout son monde sur pied. Les habitants de la rue Monsigny — côté impair — pouvaient sans quitter leurs pantoufles, juger de l'activité qui régnait au théâtre. Il ne fallait pour cela que plonger du regard au travers de ses murs presque transparents à force de fenêtres.
Là, c'était le coffre fort aux grosses recettes que l'on ouvrait à deux battants, de l'autre côté de la façade, un homme qui semblait prisonnier dans une espèce de cellule travaillait sans trêve ni merci à copier et collectionner des parties d'orchestre. Plus haut c'était l'atelier du costumier tout ruisselant d'étoffes chatoyantes. A la porte veillait un cerbère qu'on eût pris à son képi et à sa tunique pour un lycéen dans sa vingtième année de rhétorique. Cet impassible gardien de la porte, — à qui il faudrait offrir par souscription une hallebarde d'honneur, —avait peine à surveiller le va-et-vient frénétique des artistes, des régisseurs, des machinistes et des habilleuses qui entraient et sortaient avec une agitation voisine de l'effarement.
Ce n'était plus un théâtre, mais une ruche, et, pour compléter l'illusion, il s'en échappait de temps à autre comme des bourdonnements. C'étaient des voix confuses et encore mal disciplinées qui répétaient au son d'une chanterelle obstinée :
O seigneur Public ! que d'efforts pour contenter tes insatiables appétits !
De tout cela il est advenu que Geneviève reste sensiblement inférieure à Orphée. Il y avait des remaniements à faire dans ce fouillis de scènes mal cousues, il eût fallu ôter ceci, remettre cela, raccourcir ce dialogue, développer cette idée... que sais-je ? être drôle, enfin. Ce travail d'émondage nous paraissait si urgent et nous le croyions si bien dans les intentions des auteurs le soir de la première représentation que nous nous serions porté garant du succès.
Le beau côté de la chose était le côté musical. Il y avait de la mélodie dans cette partition et cet avantage n'est point déjà si commun pour qu'on s'ôte le plaisir d'en signaler la bonne fortune. Les couplets de Mathieu Laensberg avaient très bonne tournure ; ceux de Sifroid Une poule sur un mur… étaient fort divertissants. Quant au final du premier acte, il était d'une allure excellente, le quatuor de chasse fut trouvé original, et la ronde de la bohémienne vous donnait le vertige : celui qui dans un bal travesti s'empare de vous au moment où — après le punch — vous voyez grouiller la mascarade en uin tourbillon semblable aux rosaces de la fantasmagorie.
Léonce remplissait le rôle de Sifroid ;
Désiré celui de Golo ;
Mlle Maréchal celui de Geneviève ;
Mlle Tautin en jouait cinq de caractères différents.
Quant à celui de la biche, il était tenu par un caniche au blanc pelage. Cette variété canine s'est acquis une grande réputation pour sa fidélité et son talent au jeu de dominos ; mais comme rien n’est parfait en ce monde, il se trouve que le caniche manque essentiellement des qualités du comédien. Voyez plutôt celui des Bouffes qui, chaque soir, oubliant le rôle qu'on lui avait appris à grand renfort de morceaux de sucre, s'ingéniait à dévorer le souffleur. Nous avons été plusieurs fois témoin de cette scène, qui aurait pu devenir tragique. Peut-être l'animal avait-il quelque vengeance à assouvir, peut-être aussi son instinct stupide lui faisait-il voir dans l’honnête employé une sorte de gibier blotti dans son terrier. La passion de la chasse l'aura entraîné. »
[Albert de Lasalle, Histoire des Bouffes-Parisiens, 1860]
« Même parti pris de parodier les allégories les plus gracieuses, les légendes les plus touchantes, en les faisant voir travesties par le gros côté de la lorgnette et en prenant soin d'en salir les verres. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Une version en cinq actes, livret de MM. Hector Crémieux et Etienne Tréfeu, a été représentée au théâtre de la Gaîté en 1875, avec l'addition de huit morceaux nouveaux, la plupart écrits pour Mlle Thérésa. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, suppl. 1877]
GÉNIE ASOUF (LE)
Opéra-comique, musique de Vandenbroeck, représenté au théâtre de la Cité en 1798.
GÉNIE DE LA BOURGOGNE (LE)
Divertissement, musique de Campra, représenté à l'Académie royale de musique en 1732.
GÉNIE DE LA FRANCE (LE)
Cantate, paroles de M. d'Erville, musique de Hector Salomon, exécutée au Théâtre-Lyrique (place du Châtelet) le 15 août 1866.
GÉNIE DES DAMES (LE)
Comédie italienne, livret et musique anonymes. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 31 août 1773.
GÉNIES (LES)
Opéra composé d'un prologue et de quatre entrées, paroles de Fleury, musique de Mlle Duval, représenté à l'Opéra le 18 octobre 1736.
"Les entrées ont pour titres : les Nymphes ou l'Amour indiscret ; les Gnomes ou l'Amour ambitieux ; les Salamandres ou l'Amour violent ; les Sylphes ou l'Amour vengé. Voilà bien des amours dans un seul ouvrage. L'auteur accompagna elle-même son opéra sur le clavecin de l'orchestre, singularité qui fut alors très remarquée ; mais le succès n'en fut pas plus brillant."
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
"Mlle Duval accompagnait elle-même sur le clavecin de l'orchestre l'œuvre qu'elle avait composée et qu'on représenta seulement neuf fois."
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GÉNIES TUTÉLAIRES (LES)
Divertissement en un acte, composé à l'occasion de la naissance du duc de Bourgogne, par Moncrif, musique de Rebel et Francœur, représenté à l'Opéra le 21 septembre 1751.
GENTIL-BERNARD ou L’ART D’AIMER
Opéra-comique, livret de Jacques-Laurent, musique de Paul Bastide, représenté au Grand-Casino de Vichy le 22 juillet 1919.
GENTIL CRAMPON
Opérette en trois actes, paroles d’Eugène Larcher, A. Monnier et Montignac, musique d’Edmond Diet, représentée à l'Athénée-Comique le 1er novembre 1897.
GEORGE DANDIN
Opérette en un acte, musique d’Antonio Gordon, représentée aux Folies-Bergère le 15 novembre 1876.
GEORGE DANDIN ou LE MARI CONFONDU
Opéra-comique en deux actes, livret de Félix Coveliers, d'après la comédie de Molière, musique d’Émile Mathieu, représenté au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, le 21 décembre 1877, avec Mmes Redouté, Lurie, Ismaël, MM. Dauphin, Lefèvre, Guillen.
La pièce a été taillée dans celle de Molière par Félix Coveliers. L'ouvrage n'a pas réussi.
En 1874, Charles Gounod avait commencé la composition d'un George Dandin, opéra-comique sur le texte de la comédie de Molière, inachevé [ouverture orchestrée et une dizaine de numéros à l'état d'ébauche].
GEORGE DANDIN ou LE MARI CONFONDU
Opéra-comique en trois actes, livret de Marcel Belvianes (1893-), d'après la comédie de Molière et le conte de Boccace, musique de Max d'Ollone.
Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 19 mars 1930. Mise en scène de Georges Ricou. Décors de Raymond Deshays. Costumes dessinés par Marcel Multzer exécutés par Mme Solatgès et Henri Mathieu.
Mmes Emma LUART (Angélique), Marie-Thérèse GAULEY (Claudine), TIPHAINE (Madame de Sotenville).
MM. Marcel CLAUDEL (Clitandre), Louis MUSY (George Dandin), André BALBON (Monsieur de Sotenville), René HÉRENT (Lubin), CAMY (Colin).
Quatuor des Masques :
Mmes Odette ERTAUD (l'Arlequine), QUÉNET (le Mezzetino).
MM. Pierre FOUCHY (le Tabarin), Paul PAYEN (le Trivelin).
Chef d'orchestre : Louis MASSON
8 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
« Les auteurs ne se sont mis en tête que d'écrire une œuvre agréable, rien de ce qui était douloureux dans l'œuvre de Molière ne reste. Tout est d'ailleurs écrit dans une langue musicale savante et fine, sans rien de vulgaire. Mme Luart chante à ravir, d'une voix cristalline ; M. Musy dessine avec beaucoup de souplesse le personnage difficile de George Dandin, et M. Claudel sait être amoureux sans être ridicule. »
(Larousse Mensuel Illustré, mai 1930)
GEORGET ET GEORGETTE
Opéra-comique en un acte, en prose, mêlé d'ariettes et de vaudevilles, livret d’Harny de Guerville, musique de Charles-Guillaume Alexandre et vaudevilles, créé sur le théâtre de la Foire Saint-Laurent le 28 juillet 1761. Première à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 14 juillet 1764.
« Cette pièce, fort plaisante, a pour auteur Harny de Guerville. Le fond en est puisé dans le conte des Oies du frère Philippe ; une des scènes reproduit celle du rendez-vous de Joconde ; enfin les scènes V et VI sont imitées d'une pièce anglaise, The tempest, qu'on trouve dans les Fragments de Destouches. On voit que Harny ne s'est pas mis en frais d'imagination ; il s'est contenté de donner des noms nouveaux à ses personnages. La musique a été composée par Alexandre, violoniste distingué du XVIIIe siècle, qui a fait représenter trois opéras à la Comédie-Italienne. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GEORGETTE ou LE MOULIN DE FONTENOY
Opéra bouffe en un acte, livret de Gustave Vaez et Alphonse Royer, musique d'Auguste Gevaert, représenté au Théâtre-Lyrique (boulevard du Temple) le 28 novembre 1853, avec MM. Gustave Sujol, Louis Joseph Cabel, Honoré Grignon, Leroy et Mlle Caroline Girard (Georgette).
Représentations au Théâtre-Lyrique : 16 en 1853, 27 en 1854.
« La jolie meunière a quatre prétendants : le notaire, M. Corbin, le régisseur, M. Clovis, fermier, et André, son neveu. Il va sans dire que les trois premiers sont vieux, ridicules, bafoués, bernés de mille manières, et qu'André seul a su régner sur le cœur de Georgette. La pièce est amusante. La musique a fixé sur son auteur l'attention du monde musical. Après une petite ouverture vive et accorte, instrumentée avec élégance, on a remarqué les couplets de Georgette, le trio des prétendants : Pour couronner un si beau feu, qui est écrit dans un style bouffe excellent ; le duo : Le cœur me bat, le mien de même, et un quatuor comique bien traité. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Premier essai dramatique de M. Gevaert, qui, depuis, a parcouru une grande partie de sa carrière à Paris (Quentin Durward, le Capitaine Henriot, etc.), et est allé la terminer à Bruxelles, où il occupe actuellement le poste de directeur du Conservatoire. »
[Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877]
GÉORGIENNES (LES)
Opéra bouffon en trois actes, livret de Jules Moinaux, musique de Jacques Offenbach, représentée aux Variétés le 16 mars 1864. La scène se passe dans un petit village de Géorgie, dont un pacha fait le siège pour remonter son sérail. Les femmes font uns sortie et s'emparent du pacha lui-même. Cette pièce burlesque n'a pas eu de succès. La musique en a paru assez agréable ; on a remarqué le chœur des Géorgiennes, l'air du pacha, les couplets du capitaine Zulma-Bouffar, et enfin une espèce de Marseillaise, chantée par des femmes. Cette opérette a été jouée par Léonce, Pradeau et Mlle Saint-Urbain.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GERTRUDE
Opéra en un acte, musique de Paul Dupuch, non représenté, devait être donné à l'Opéra-Comique vers le 15 juin 1860 avec Mmes Casimir, Léonie Bousquet, MM. Warot, Prilleux, Pierre Julien Davoust.
GERVAIS ou LE JEUNE AVEUGLE
Opéra en un acte, musique de Beauvarlet-Charpentier, représenté au théâtre des Jeunes-Artistes en 1802. Ce compositeur était un organiste d'une certaine réputation, mais dont les ouvrages sont bien médiocres.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GERVAISE
Opéra-comique en un acte, livret d’Hippolyte Lefebvre et Alexis Bouvier, musique de Frédéric Barbier, représenté au Théâtre-International le 17 juin 1867.
GHEYSA
Opéra en quatre actes, musique de Paul Aube, représenté à Toulon en janvier 1875.
GHISELLE
Drame lyrique en quatre actes, livret de Gilbert Augustin-Thierry, musique de César Franck.
La partition de cet ouvrage était complètement terminée, moins l'instrumentation, qui était écrite seulement pour le premier acte, avec de simples indications pour le reste. A l'aide de ces indications, plusieurs élèves de Franck, Vincent d’Indy, Samuel Rousseau, Arthur Coquard, Ernest Chausson et Pierre Onfroy de Bréville, se sont chargés d'écrire l'orchestre des trois autres actes, en se conformant exactement à ses volontés.
Première représentation à l’Opéra de Monte-Carlo, le 06 avril 1896, après le décès du compositeur, mise en scène de Raoul Gunsbourg, avec Mmes Emma Eames (Ghiselle), Blanche Deschamps-Jehin (Gudruhna) et Ada Adini (Frédégonde), MM. Vergnet (Gontran), Melchissédec (Teudebert) et Mauzin (l’évêque Ambrosius), sous la direction de Léon Jehin.
GHYSLAINE
Drame lyrique en un acte, livret de Gustave Guiches et Marcel Frager, musique de Marcel Bertrand. Création à l'Opéra-Comique le 26 février 1908. => fiche technique
GIAFFAR ET ZAÏDE
Opéra, musique d'Eule, représenté à Hambourg en 1800.
GIANNI SCHICCHI
Opéra bouffe en un acte, livret de Gioacchino Forzano (1884-1970) d’après un épisode de l’Enfer de Dante ; version française de Paul Ferrier ; musique de Giacomo Puccini [troisième opéra de son Triptyque (Il Trittico), précédé de Il Tabarro et Sœur Angelica].
Personnages : Gianni Schicchi [prononcez Skiki], cinquante ans (baryton) ; Lauretta, sa fille, vingt et un ans (soprano) ; Zita, dite la vieille, cousine de Buoso Donati, soixante ans (mezzo-soprano) ; Rinuccio, neveu de Zita, vingt-quatre ans (ténor) ; Simone, cousin de Buoso, soixante-dix ans (basse) ; Betto di Signa (basse) ; Ciesca (mezzo-soprano) ; Nella (soprano) ; un médecin (basse) ; un notaire (basse).
L’action se déroule à Florence, en 1299.
Créé à New York, Metropolitan Opera, le 14 décembre 1918, avec Giuseppe De Luca (Gianni Schicchi), Florence Easton et Giulio Crimi, sous la direction de Roberto Moranzoni.
Première fois en Europe, à Rome (Théâtre Costanzi) le 19 juin 1919.
Première à la Monnaie de Bruxelles le 05 janvier 1922, avec Mmes Richardson (la Zita), Terka-Lyon (la Ciesca), Flo Mally (Laurette), Prick (Nella), MM. Van Obbergh (Gianni Schicchi), Descamps (Rinuccio), Maudier (Gherardo), Smeets (Simone), Boyer (di Nicolao), Chantraine (Maestro Spinelloccio), Dalman (Niarco), Raidich (Betto), Delaxe (Pinellino), Coutelier (Guccio), la petite Govaert (Gherardino).
Première à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 06 novembre 1922, dans la version française et dans une mise en scène d’Albert Carré.
Mmes Germaine EPICASTE – débuts – (Lauretta), TIPHAINE (Zitta), Lucienne ESTÈVE (la Ciesca), BILLA-AZÉMA (Nella).
MM. VANNI-MARCOUX (Gianni Schicchi), Victor PUJOL (Rinuccio), DUPRÉ (Simone), René HÉRENT (Betto), Louis GUÉNOT (Marco), Willy TUBIANA (di Nicolas), Georges MESMAECKER (Maestro Spinelloccio), ROUSSEL (Gherardo), ÉLOI (Pinellino), IMBERT (Guccio), ABRAMOFF (Gherardino).
Chef d'orchestre : Alphonse CATHERINE.
Représentation du 26 novembre 1922 avec les créateurs sous la direction d'Alphonse Catherine.
24e représentation le 05 mai 1932.
Mmes Jane ROLLAND (Lauretta), TIPHAINE (Zitta), Marinette FENOYER (la Ciesca), DIETZ-MONIN (Nella).
MM. André BALBON (Gianni Schicchi), Victor PUJOL (Rinuccio), DUPRÉ (Simone), LE PRIN (Betto), Louis GUÉNOT (Marco), Gabriel JULLIA (di Nicolas), Alban DERROJA (Maestro Spinelloccio), ROUSSEL (Gherardo), POUJOLS (Pinellino), IMBERT (Guccio), petit BOUVIER (Gherardino).
Chef d'orchestre : Elle COHEN.
35e représentation le 20 mai 1937.
Mmes Jane ROLLAND (Lauretta), TIPHAINE (Zitta), Marinette FENOYER (la Ciesca), Madeleine DROUOT (Nella).
MM. André BALBON (Gianni Schicchi), Victor PUJOL (Rinuccio), Louis MORTURIER (Simone), LE PRIN (Betto), Louis GUÉNOT (Marco), Gabriel JULLIA (di Nicolas), Alban DERROJA (Maestro Spinelloccio), GÉNIO (Gherardo), POUJOLS (Pinellino), Louis DUFONT (Guccio), petit BOUVIER (Gherardino).
Chef d'orchestre : Jean MOREL.
Nouvelle présentation le 22 février 1967 dans la version française lors de la première intégrale du Triptyque (Gala de l'Association des Anciens Elèves de la rue Saint-Guillaume). Mise en scène de Jean Le Poulain. Maquettes du décor et des costumes de Georges Wakhévitch. Décor construit par la Maison Delorme et Cie et peint par Jean Bertin.
Mmes Florence RAYNAL (Lauretta), Solange MICHEL (Zita), Janine BOULOGNE (Nella), Andrée GABRIEL (la Ciesca).
MM. Michel ROUX (Gianni Schicchi), Bernard MURACCIOLE (Rinuccio), Raphaël ROMAGNONI (Gherardo), Yves BISSON (Betto), Roger SOYER (Simone), Jacques LINSOLAS (Marco), Jacques LOREAU (Maestro Spinelloccio), Bernard GONTCHARENKO (Ser Amantio Di Nicolao), Raymond STEFFNER (Pinellino), Claude GENTY (Guccio), Jean-Luc COTTINEAU (Gherardino).
Chef d'orchestre : Antonio de ALMEIDA.
Représentation du 30 mars 1968 dans la même présentation [avec le Téléphone et le Médium de Menotti].
Mmes Caroline DUMAS (Lauretta), Edmée SABRAN (Zita).
MM. Michel ROUX (Gianni Schicchi), Gérard DUNAN (Rinuccio), Robert ANDREOZZI (Gherardo).
Chef d'orchestre : Richard BLAREAU.
43 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950, 13 en 1967, 11 en 1968, soit 67 au 31.12.1972.
L'action se déroule à Florence, en 1299.
ACTE UNIQUE. — La chambre à coucher de Buoso Donati.
Buoso vient de mourir ; les parents se lamentent. Mais le bruit court bientôt que les moines hériteront de ses biens. La découverte du testament vient, hélas ! pleinement confirmer cette crainte. S'adressant à Gianni Schicchi, paysan plein de ressources et de ruses, les parents lui demandent aide et conseils. Schicchi refuse tout d'abord, puis cède aux supplications de sa fille Lauretta, fiancée de Rinuccio, un des neveux du défunt [Air de Lauretta : O mio babbino caro... / Petit papa que j'aime...].
Comme le décès de Buoso Donati n'est pas encore connu, Gianni Schicchi se substituera à lui pour dicter, soi-disant in extremis un testament tout différent, à un notaire qui n'y verra goutte. La mise en scène est aussitôt apprêtée. Chacun confie à Schicchi ses désirs personnels. Mais il convient de prendre garde, car la justice de Florence ne badine guère !
Le notaire, Ser Amantio di Nicolai entre. La dictée du testament commence. Mais, ô surprise, Donati-Schicchi attribue le meilleur de l'héritage « à son bon, son fidèle, son meilleur ami, Gianni Schicchi ! »
Les parents, écumant de rage, veulent
intervenir : le prétendu moribond leur rappelle opportunément la sentence qui
les menace tous. Le notaire s'étant retiré, les parents de Buoso Donati, dans
une terrible colère, se précipitent tous sur Gianni Schicchi qui a grand peine à
se
défendre, mais les chasse finalement de la maison, laquelle est sienne
désormais !
Gianni Schicchi ouvre lentement la fenêtre. On aperçoit Florence inondée de soleil. Sur la petite terrasse, Rinuccio et Lauretta s'embrassent. S'adressant au public, Gianni Schicchi conclut en réclamant la circonstance atténuante...
« Ce petit ouvrage, signé Puccini, et qui nous ramène aux origines mêmes de l'opéra-bouffe, faisait d'abord partie d'un « triptyque » musical, composé d'un drame dans la note réaliste : la Houppelande ; d'un « miracle » : Sœur Angelica — et du Gianni Schicchi, d'ailleurs absolument indépendant (car nous ne sommes pas en présence d'une « trilogie »). C'est, à peu de chose près, une nouvelle version du Légataire universel de Regnard — empruntée du moins à la même source : un vieux fabliau français du XVIe siècle, imité lui-même de l'Italien Marco Cadamasto de Lodi — lequel devait avoir lui aussi bien d'autres modèles, sans compter les traditions. L'anecdote que nous allons narrer passe, au surplus, pour historique.
Gianni Schicchi, livret de Giocchino Forzano, d'abord représenté à la Monnaie de Bruxelles, a été créé en France, d'après la version de Paul Ferrier, le 6 novembre 1922, sur la scène de l'Opéra-Comique.
En 1898, M. Théodore Dubois, répondant à une enquête organisée par notre confrère Jules Huret sur les tendances de l'Opéra-Comique à cette époque, estimait que ce théâtre s'était, depuis trop longtemps, éloigné du genre qui lui valut autrefois ses plus brillants succès : « Il doit, selon moi — disait-il — y revenir dans une certaine mesure, et accueillir à bras ouverts la comédie lyrique et les ouvrages d'une gaîté spirituelle. Nous sommes trop enclins actuellement à la mélancolie — et des œuvres de la nature et de la valeur musicale de Falstaff et du Médecin malgré lui ne seraient donc, à mon avis, pas pour déplaire. En un mot, il convient de laisser le drame lyrique à l'Opéra... »
Il semble bien que le Gianni Schicchi réponde exactement au vœu si judicieusement exprimé par l'éminent professeur. C'est une œuvre franchement gaie, qui demande à être enlevée dans un mouvement très alerte. Elle a eu la chance de rencontrer un interprète extraordinaire à l'Opéra-Comique dans le fameux tragédien lyrique Vanni Marcoux, le créateur de Don Quichotte, de Lorenzaccio et de Mefistofele, le grime incomparable qui modifie non seulement sa physionomie, mais sa stature — et que nous avons récemment encore si fort admiré sur l'écran, dans son incarnation du sinistre « Wagner » de Don Juan et Faust.
Le riche florentin Buoso Donati a passé de vie à trépas. Il est aussi mort qu'un clou de porte, comme disent les Anglais, et vous pouvez en croire ses héritiers. Ils mènent un deuil hébraïque — ce qui est exagéré n'existe pas ; leur principal tourment est dans l'incertitude où nous les voyons quant au testament : Buoso passe pour avoir laissé son patrimoine aux couvents de la ville, et il y en a ! La chose est exacte ; et le testament, enfin découvert après une recherche fébrile où toute la parenté procède à d'étranges avancements d'hoirie par préciput et hors part, en donne tristement confirmation. Dès lors, il ne s'agit que de parer le coup.
Il est dans Florence un certain Gianni Schicchi, sorte d'aventurier sans excédent de scrupules, bon raillard en son temps, et prompt à obliger, moyennant qu'il y trouve son équitable (?) bénéfice, les gens à court d'expédients. Le personnage a d'ailleurs existé : Dante l'a mis dans son « Enfer », en bonne place. C'est un précieux coquin qui sait les lois pour les tourner — la connaissance du Code étant, affirme Courteline, le commun apanage des jurisconsultes et des malfaiteurs. Sa fille, Lauretta, est aimée de Rinuccio, l'un des héritiers lésés — lequel n'a d'espoir dans le consentement de la famille à ce mariage que s'il tire ses parents d'affaire. Il court chercher l'officieux Gianni Schicchi. Celui-ci ne se soucie guère de rendre service à ces gens ; mais Lauretta le prend par les sentiments paternels... C'est à voir. D'abord, Florence ignore encore le décès de Buoso ; Gianni a une idée géniale : il se fera passer pour le défunt, et — tel Crispin dans la pièce de Regnard — il dictera un autre testament au notaire qu'il envoie quérir. Les héritiers sont dans l'enthousiasme ; ils assiègent leur sauveur de sollicitations et ils lui prodiguent des flagorneries d'une répugnante bassesse... qui se changeront tout à l'heure en imprécations furibondes lorsqu'ils constateront que le maître fourbe n'a eu garde de s'oublier dans le partage des biens, et qu'il s'est légué à lui-même la part du lion... Impossible de le dénoncer sans avouer leur collaboration à cette condamnable comédie, jouée avec le masque de la Mort. »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GIAOUR (LE)
Opéra en trois actes, musique de Bovery, représenté à Lyon, Amsterdam et Anvers de 1840 à 1848.
GIAOUR (LE)
Opéra, musique de M. Hermann, représenté à Bordeaux dans le mois de janvier 1866. Le principal rôle a été chanté par Wicart.
GIAOUR (LE)
Drame lyrique en trois actes et quatre tableaux de Chekri-Ganem et Adrien Peytel, musique de Marc Delmas.
Création au Casino de Vichy le 27 juillet 1928, avec Mme Marise Beaujon (Adriné) ; MM. René Maison (Joannès), Paul Cabanel (le Capitaine). Chef d'orchestre : M. Paul Bastide.
« Joannès, lieutenant de l'armée turque, retrouve après de longues années son amie d'enfance Adriné. Celle-ci veut le ramener en Arménie, et le décider à combattre contre les Turcs. Le lieutenant s'y refuse et Adriné le poignarde. Sur ce drame rapide, le compositeur a écrit une partition pleine d'allant et d'émotion dont on a retenu la Chanson des achats, la Chanson du jasmin, et aussi le duo du dernier acte. »
(Larousse Mensuel Illustré, septembre 1928)
GIBBY LA CORNEMUSE
Opéra-comique en trois actes, livret d’Adolphe de Leuven et Brunswick, musique de Louis Clapisson. Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 19 novembre 1846. Personnages : Mary (soprano), Edith (soprano), Gibby (ténor), Georges (ténor), Jacques II (baryton), Patisson (basse), Casteley (basse), Pakson (basse).
« Le roi Jacques VI, fils de Marie Stuart, se trouve entouré de courtisans qui conspirent sa perte. Un pauvre berger écossais, joueur de cornemuse, déjoue le complot et sauve les jours du monarque, en même temps qu'il charme ses ennuis en lui chantant des ballades nationales. Jacques, à son tour, dissipe les scrupules superstitieux de Gibby le pâtre, et lui fait épouser la gentille Marie Pattison, qu'il aime. Cet opéra renferme des morceaux remarquables et abonde en heureuses mélodies. L'ouverture a de la couleur locale ; un air montagnard dialogué entre le hautbois, les flûtes et les violoncelles, lui donne de l'unité et de l'intérêt. Les couplets : Dans mon métier de tavernier, le duo syllabique, l'imitation de l'orage par l'orchestre, sont les parties les plus saillantes du premier acte. Le morceau capital du second acte, et même de tout l'ouvrage, est le duo du déjeuner entre le roi et le pâtre. Le compositeur y a introduit un air national d'un beau caractère. Roger jouissait alors de tout l'éclat de sa voix sympathique et vibrante. Il électrisait la salle en chantant cette phrase : l'Ennemi a pâli ; le trio qui suit : Non, ce n'est point un rêve, offre des harmonies suaves et distinguées ; le chœur : Oui, cet hymen-là bientôt se fera, est un canon d'un joli effet. Le troisième acte contient encore deux beaux morceaux : l'air pathétique de Roger : Non, non, je n'ai pas le courage de désoler ainsi son cœur, et son duo avec Marie Pattison. Honoré Grignon, Bussine et Hermann-Léon, Henri et Mlle Delille ont créé les rôles dans cet opéra, qui nous paraît avoir été, avec celui de la Fanchonnette, la meilleure partition écrite par M. Clapisson. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GIL-BLAS
Opéra-comique en cinq actes, livret de Michel Carré et Jules Barbier, musique de Théophile Semet, représenté au Théâtre-Lyrique (boulevard du Temple) le 24 mars 1860, avec Mmes Delphine Ugalde (Gil-Blas), Amélie Faivre (Aurore), Caroline Girard (Laure), Caroline Vadé (Florimonde), Adèle Vadé (Léonarde), Victorine Moreau (Perrette), MM. Meillet (Melchior Zapata), Joseph-Adolphe Lesage (Don Vincent), Auguste Legrand (Don Cléophas), Emile Wartel (le Docteur Sangrado), Adolphe Girardot (Quinola), Serène (Rolando), Armand Potel (Nunez), Gabriel (Corcuelo), Leroy (Chinchilla), Bénié (Domingo).
Représentations au Théâtre-Lyrique : 37 en 1860, 19 en 1861, 5 en 1862.
« Quelque séduisant que soit le titre, la pièce manque d'intérêt. Ce n'est qu'une suite d'aventures, d'épisodes qui exigent une exposition nouvelle, une nouvelle mise en scène. De tous les romans, celui de Le Sage se prêtait le moins à un arrangement dramatique, parce que, d'une part, il offre plutôt une étude psychologique qu'une action, et, d'autre part, parce qu'on n'y rencontre aucune trace de sensibilité. Le Gil Blas de M. Semet est d'ailleurs une partition importante et qui renferme de fort jolis morceaux : la chanson à boire de Gil Blas ; les couplets d'Aurore : Quel dommage ; ceux de la soubrette et du comédien Zapata, au troisième acte ; et enfin ceux que chante Gil Blas pour se faire convier au festin et qui ont obtenu un grand succès. Le morceau qui a le plus de valeur comme inspiration musicale est le petit chœur de valets au cinquième acte. Mme Ugalde a joué et chanté le rôle de Gil Blas avec un talent remarquable. Elle a été secondée par Mlle Girard et par Meillet. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Le roman de Lesage, arrangé en livret d'opéra-comique, ne rendit point à la scène ce qu'on aurait pu en attendre. — La partition, écrite d'un style clair, et d'ailleurs assez inconsistant, contenait une chanson espagnole qui était une trouvaille mélodique. La « sérénade de Gil-Blas » a usé tous les cylindres d'orgues de Barbarie pendant deux ou trois ans. Au théâtre, Mme Ugalde (rôle de Gil Blas) était obligée de la répéter trois fois ; après la seconde audition, le public du boulevard du Temple, médiocre latiniste, demandait encore bis ! sans se douter qu'il devait crier ter ! Le terme, en effet, n'est pas plus en usage que la chose. »
[Albert de Lasalle, Mémorial du Théâtre-Lyrique, 1877]
GILET DE FLANELLE (LE)
Opérette en un acte, paroles de MM. Savard et Sauger, musique de Charles Pourny, représentée au concert de l'Eldorado en 1877.
GILLE ET GILLOTIN
Opéra-comique en un acte, en vers, livret de Thomas Sauvage, musique d’Ambroise Thomas. Création au Théâtre National de l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 22 avril 1874, mise en scène de Charles Ponchard, décors de V. Duvignaud, avec Mlles Reine (Rosaure), Ducasse (Gillotin), Nadaud (Jacquette), MM. Thierry (Roquentin), René Neveu (Brisacier), Ismaël (Gille).
« Le succès du Caïd, dont la musique est de M. A. Thomas, et celui de Gille ravisseur, dont le livret a été composé par M. Sauvage, avaient sans doute engagé les deux auteurs à donner au public un opéra bouffon, d'autant plus que ce genre prenait chaque jour plus d'extension. Mais, soit que la situation du compositeur ne s'accordât plus avec un canevas aussi léger que celui de Gille et Gillotin, soit que sa collaboration avec Goethe dans Mignon, avec Shakespeare dans Hamlet l'ait engagé à suivre l'exemple de M. Gounod et à donner à ses inspirations personnelles le concours de ces poètes de génie, M. Thomas s'opposa à ce qu'on jouât cet ouvrage, et il fallut un jugement du tribunal de première instance de la Seine pour triompher de sa répugnance. L'intrigue de la pièce est mince et commune. Gille est au service de M. Roquentin, dont la nièce est mariée secrètement à un sergent aux gardes. Ayant un matin oublié sou sabre chez sa femme, celle-ci le lui jette par la fenêtre, enveloppé dans une veste appartenant à Gillotin, le fils de Gille. Ce vêtement est lacéré dans le trajet. Roquentin, que le bruit a attiré, soupçonne le propriétaire de la souquenille de vouloir séduire sa nièce. Le pauvre Gillotin n'aspire pas si haut. Il aime Mlle Jacquette, la chambrière, et supplie Rosaure, sa maîtresse, de l'aider à obtenir le consentement de son père. Dans son ardeur, il lui baise les mains. Surpris dans cette audacieuse attitude, il est dénoncé par la jalouse Jacquette, non seulement comme un séducteur, mais pour avoir mangé le godiveau commandé par M. Roquentin en l'honneur du sergent, son convive. L'affaire s'embrouille de plus en plus, et le sergent en arrive à déclarer son mariage avec la nièce de Roquentin. Gille, qui garde depuis quinze ans une lettre qu'il ne doit remettre à son maître que le jour où il le verra de bonne humeur, se décide. M. Roquentin apprend par cette lettre que Brisacier, le sergent aux gardes, est son fils. Il ne peut donc que se féliciter de son mariage clandestin avec sa nièce. La partition de Gille et Gillotin fourmille de jolis détails, et il est regrettable que le musicien se soit donné tant de peine inutile pour traduire des situations aussi peu intéressantes, des puérilités dépourvues d'esprit, des scènes de mangeaille d'une longueur démesurée. Que Gille vole un gâteau, qu'il l'avale gloutonnement ou qu'il s'en emplisse la bouche de façon à étouffer, c'est bien dans le rôle des Gilles passés, présents et futurs ; mais qu'on soit obligé d'entendre la longue description d'un godiveau, et dans des couplets en la, et dans un duo en mi bémol, c'est vraiment faire la part trop grande aux gillotinades. On comprend difficilement qu'un compositeur se résigne à traiter avec une conscience scrupuleuse et un soin minutieux dans les détails de l'harmonie et de l'orchestration des vers tels que ceux-ci :
ROSAURE.
Non ! ce n'est pas l'alouette
Qui t'invite à la retraite.
C'est la voix du rossignol,
Qui, la nuit, chante en bémol
Comme un galant Espagnol.
Au mauvais goût de cette parodie de la scène du balcon de Roméo et Juliette s'ajoutent encore la vulgarité et l'ineptie des paroles.
L'ouvrage débute par une petite introduction instrumentale sur le motif de la retraite délicatement orchestré. Les morceaux les plus goûtés sont le duo de Jacquette et Gillotin : Jacquette, entends-moi ! le quatuor, les couplets de Gillotin : Oh ! oh ! oh ! quel gâteau ! et les couplets militaires de Brisacier : Ne me déchire pas, ô ma Toinon fidèle ! Quant au sextuor, c'est un pastiche de ces beaux finales si dramatiques, si pathétiques que tout le monde a admirés dans les opéras de Donizetti. L'intention des auteurs est ici manifeste. Ils ont pensé obtenir un grand effet comique en faisant chanter à tout ce petit monde de Gilles et de Jacquettes des phrases pompeuses réservées aux sujets héroïques du grand opéra. Les formes amples de ces chefs-d’œuvre de style, d'inspiration, de passion, tels que le septuor de Lucie ou le finale d'Ernani, sont parodiés avec beaucoup d'habileté sans doute ; mais depuis que M. Ambroise Thomas a inauguré dans son Caïd, en 1849, en collaboration du même M. Sauvage, ce genre de parodie musicale, la voie qu'il a ouverte a été tellement fréquentée que Gille et Gillotin n'ont plus été en 1874 que des passants attardés et à peine remarqués. Je considère cette idée de tourner en ridicule les procédés dont tel ou tel grand maître s'est servi pour écrire des chefs-d’œuvre, comme de nature à dessécher dans l'âme des jeunes artistes cette fleur de l'admiration qui doit s'épanouir librement, cette foi qui, sans être aveugle, se laisse emporter sur les ailes du génie ; l'habileté, l'élégance, la ciselure des détails ne sont pas des qualités maîtresses. Il vaudrait mieux développer les facultés supérieures par l'amour de l'art et le respect des maîtres. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1876]
GILLE RAVISSEUR
Opéra-comique en un acte, livret de Thomas Sauvage, musique d’Albert Grisar. Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 21 février 1848, avec Mmes Léocadie Lemercier (Isabelle), Blanchard (Javotte), MM. Mocker (Gille), Hermann-Léon (Crispin), Emon (Léandre), Sainte-Foy (Valentin), Honoré Grignon (Cassandre), Duvernoy (Pancrace).
« Dans cette charmante fantaisie, on voit reparaître les personnages si aimés du public de l'ancien théâtre de la foire, Léandre, Gilles, Crispin, Cassandre et Colombine. Le beau Léandre enlève la pupille de Cassandre, en même temps que Crispin, valet de celui-ci, vole une pendule à son maître. Le tuteur, furieux, poursuit les ravisseurs, qui troquent leurs habits ; les équivoques les plus bouffonnes se succèdent. Pupille et pendule se retrouvent ; celle-ci dans les mains du tuteur, et celle-là épouse de Léandre. Gilles reste ébahi comme toujours, et ne comprend pas. La musique que M. Grisar a écrite sur ce canevas est d'une grâce, d'une finesse et d'un sentiment exquis. Le style est de convention, ainsi que la donnée de la pièce l'exigeait, mais cette difficulté n'en est jamais une pour le talent souple et ingénieux de M. Grisar. Après l'ouverture, fort jolie, nous rappellerons le trio : Voici l'heure où ma belle, qui résume les qualités les plus saillantes de la comédie musicale ; le duo bouffe entre Gille et Crispin : Pour cette affaire ; les couplets de Colombine : Le gros Mondor, et l'air bouffe de Gille : Joli Gille, joli Jean. Ce petit ouvrage est resté longtemps au répertoire comme lever de rideau. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GILLES DE BRETAGNE
Opéra en quatre actes et cinq tableaux, livret d’Amélie Perronnet, musique de Henri Kowalski, représenté à l’Opéra-National-Lyrique le 24 décembre 1878. C'est un mélodrame sombre, dont le dénouement n'est que fatal. Le duc François a fiancé sa pupille, la comtesse de Dinan, au seigneur de Montauban ; mais la jeune comtesse a donné son cœur à Gilles de Bretagne, frère du duc, qui, de retour d'une ambassade en Angleterre, demande sa main. Le duc refuse. La comtesse imagine alors de se compromettre : elle donne un narcotique à son amant et le montre à toute la cour endormi chez elle. Le mariage est donc inévitable. Le seigneur de Montauban fait accuser son rival de trahison et de sorcellerie. On instruit le procès, et Gilles de Bretagne va être exécuté. La comtesse implore la clémence du duc François en faveur de son époux. Il n'est rendu à la liberté que pour tomber frappé à mort par Montauban. Le duc reconnaît trop tard qu'il a été trompé par ce traître et le fait arrêter.
Quoique ce livret pèche sur plus d'un point, et surtout sous le rapport littéraire, il offre des situations poétiques et dramatiques. Les rôles secondaires sont intéressants. Il y a un seigneur de Richemont, oncle de Gilles, qui est sympathique ; une suivante, Agnèle, gracieuse ; un archer, Gildas, jeune et amoureux. Des airs nationaux bretons donnent une couleur locale suffisante.
La partition de Gilles de Bretagne est un ouvrage sérieux, consciencieusement travaillé et renferme beaucoup de mélodies agréables et plusieurs morceaux remarquables. On pourrait reprocher à l'auteur d'avoir donné la forme de la romance à de nombreux passages et d'avoir abusé de points d'orgue trop connus. Je signalerai, dans le premier acte : le joli allegretto C'est ton Agnèle ; le duo de Gildas et de Richemont, dans le style de l'opéra-comique ; l'andante religioso ; dans le second acte : le duo de la comtesse et de Gilles, A vos pieds pour ma folle audace, dont l'andante est poétique, mais que des modulations discordantes déparent lorsque la comtesse propose à son amant le breuvage préparé pour elle-même ; le finale allegro vivo, l'insulte et la menace, très dramatique et bien conduit ; dans le troisième acte : un chœur charmant, Jour d'hymen, jour d'allégresse, sur un motif d'orchestre alla polacca ; un autre chœur dansé ; de jolis airs de ballet ; dans le quatrième acte enfin, le fabliau en duo Comme un passereau fidèle et le trio Ne sois pus en peine, plus vocal que scénique. Les airs bretons, dont l'authenticité n'est rien moins que certaine, n'ont pas été heureusement harmonisés par M. Kowalski. Il est tombé dans l'erreur commise par plusieurs compositeurs à cet égard : pour donner une forme archaïque à la mélodie et même à l'accompagnement, il a supprimé certains demi-tons et imaginé des agencements de son, baroques. Pour que ces sortes d'effets soient acceptables pour l'oreille, il faut qu'ils appartiennent aux modes qui leur sont propres, tels que le dorien et l'hypodorien. La note sensible, qu'on appelait d'un autre nom au moyen âge, était pratiquée plus fréquemment qu'on ne le croit. En somme, L'opéra de Gilles de Bretagne ne peut manquer de plaire aux amateurs de la mélodie sans parti pris. Le tissu musical en est serré et les phrases du chant sont trop touffues, trop continues. L'attention de l'auditeur a besoin de se diviser entre l'orchestre et les voix ; les chanteurs eux-mêmes doivent laisser reposer leur organe pendant quelques mesures assez fréquemment, surtout pendant un ouvrage d'une aussi longue durée. Distribution : Gilles de Bretagne, M. Valdéjo ; Montauban, M. Lauwers ; le duc François, M. Garnier ; Gildas, M. Caisso ; Richemont, M. Gresse ; la comtesse, Mme Boidin-Puisais et ensuite Mlle Thérèse Panchioni ; Agnèle, Mlle Rebel ; un héraut, M. Labarre.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1880]
GILLES EN DEUIL
Opéra-comique, musique d’Alexandre Piccinni, représenté au théâtre des Variétés vers 1804.
GILLES, GARÇON PEINTRE, Z'AMOUREUX-T-ET RIVAL
Parodie en un acte, livret d’Antoine-Alexandre-Henri Poinsinet, musique de Jean-Baptiste de Laborde, créée au théâtre de la Foire Saint-Germain le 02 mars 1758. Première à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 26 février 1767. C’est une parodie du Peintre amoureux de son modèle de Duni.
« L'acteur Bouret jouait, dit-on, très bien le rôle de Gilles, et faisait à un mannequin l'aveu de sa flamme d'une façon fort plaisante. La musique fut l'œuvre de début de Benjamin de Laborde, l'auteur de l'Essai sur la musique ancienne et moderne, vaste compilation plutôt littéraire qu'artistique, dans laquelle la partie musicale est la plus faiblement traitée. Laborde a fait représenter sans succès sept ou huit opéras. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GILLETTE DE NARBONNE
Opéra-comique en trois actes, livret d’Henri Chivot et Alfred Duru, d’après la Femme vaillante, conte de Boccace, musique d’Edmond Audran.
Première représentation à Paris, Bouffes-Parisiens, le 11 novembre 1882, avec Mmes Marie Grisier-Montbazon (Gillette), Gélabert (Rosita), Rivero (Chateauneuf), D'Arly (Boislaurier) ; MM. Morlet (Roger), Lamy (Olivier), Maugé (Griffardin), Riga (le Roi René), Desmonts (le Sénéchal), Jorge (Richard), Larroque (Landry) ; sous la direction de Marius Baggers.
Reprise au Théâtre de la Porte-Saint-Martin le 23 juin 1935 avec Mmes Fanély Revoil (Gillette), Suzanne Laydeker (Rosita), Violette Fleury (Charteauneuf), Rigat (Boislaurier) ; MM. André Baugé (Roger), André Noël (Olivier), Edmond Castel (Griffardin), Tiske (Barigoul).
"On a revu sans déplaisir cette opérette à la mode ancienne, dont le sujet, quoique emprunté à Boccace, n'effarouche plus personne. La musique d'Audran non plus. Ce sont gentils couplets, bien troussés, alertes et pleins de charme." (Larousse Mensuel Illustré, 1935)
« Principaux personnages : Le comte Roger de Lignolle ; le roi René ; Olivier, son fils ; Griffardin, précepteur d'Olivier ; Gillette, fille de Gérard de Narbonne ; Rosita, femme de Griffardin.
Comme le dit le couplet final, c'est un « fabliau de Boccace » qui a servi de thème à MM. Chivot et Duru. Il avait déjà servi à Shakespeare et après tant de siècles n'a rien perdu de son charme. L'action se passe en Provence et dans la campagne de Naples, aux environs de 1440, sous le règne du bon roi René, qui guerroie encore autour de Naples, dont les Napolitains l'ont chassé.
Le roi René est tombé très gravement malade. Gillette est fille de feu Gérard de Narbonne, un médecin fameux. Elle a hérité de son père quelques-uns de ses secrets et s'est rendue de Narbonne à Aix-en-Provence pour offrir ses services au royal patient. Elle a quitté pour cela secrètement le château de la comtesse de Lignolle, où elle a été élevée auprès du comte Roger, aujourd'hui un brillant officier et un bourreau de cœurs. Le cœur de Gillette n'est pas non plus resté insensible ; elle aime Roger en secret. Au premier acte, nous la trouvons sous les traits d'une chanteuse ambulante, car c'est en chantant qu'elle a pourvu à sa subsistance depuis le jour où elle s'est embarquée pour ce qu'elle considère comme sa mission : la guérison du roi.
Et elle a réussi : le bruit court que le roi va beaucoup mieux ; aussi tout est-il à la joie. Mais procédons par ordre. Nous faisons d'abord connaissance avec le prince Olivier et son précepteur, le ridicule Griffardin. Celui-ci vit dans des transes perpétuelles : marié à la jeune et jolie Rosita, il doit tenir, jusqu'à la majorité de son élève, c'est-à-dire pendant six mois encore, son mariage secret, car le précepteur du prince doit être célibataire. Mais sa femme, une bouillante Napolitaine, s'impatiente et est venue le rejoindre à Aix. Elle se cache dans une hôtellerie, et comme on la croit demoiselle, elle est très courtisée et son mari souffre toutes les affres de la jalousie.
Arrive Gillette, qui chante aux assistants les beautés de la Provence. A peine a-t-elle fini que Roger de Lignolle survient. Comme Gillette l'aime de tout son cœur, ce petit cœur bat la campagne et, quand Roger, qui la trouve jolie, et qui du reste fait la cour à toutes les femmes, lui débite quelques galanteries, elle ne doute pas que son amour ne soit partagé. Aussi, quand survient le roi, complètement guéri, et qu'il lui demande de fixer elle-même sa récompense pour cette cure miraculeuse, elle n'a pas un instant d'hésitation et demande la main du comte. Le roi l'accorde, il a engagé sa parole et il faut bien que Roger s'exécute, mais l'orgueilleux seigneur enrage d'avoir été, comme il le croit, joué par une rusée petite intrigante et sitôt le mariage béni, il repart pour la guerre aux environs de Naples, en laissant à Gillette un papier où il est dit qu'il consentira à l'appeler sa femme le jour où elle pourra montrer à son doigt l'anneau d'or qui ne le quitte jamais et lui présenter un enfant dont il sera le père. C'est sur ce cruel affront que se termine le premier acte.
Le rideau se relève sur un paysage de la campagne napolitaine. Il y a là d'un côté une auberge, de l'autre un petit pavillon. Cette auberge a pour hôtesse Rosita, la femme de Griffardin. Dans les environs guerroient les soldats du roi René. Griffardin, qui a accompagné son élève à l'armée, est de plus en plus jaloux : sa femme est en effet serrée de très près à la fois par Roger et par Olivier. Elle a cependant bravement résisté jusqu'ici. Elle a même interdit à Roger de remettre seul les pieds à l'auberge, ce qui nous vaut de voir le capitaine amoureux se présenter avec toute sa compagnie, Olivier compris. La vertu de Rosita supporte en notre présence un double et rude assaut, mais cette dualité est son salut : les deux prétendants se disputent, chacun prétendant au succès. Quand Griffardin paraît, ils le prennent pour arbitre et lui confient les enjeux d'un pari qu'ils ont fait. C'est lui, sort cruel, qui devra remettre au vainqueur le prix de son propre déshonneur !
On ne sait comment finirait l'aventure si Gillette ne survenait, costumée en jeune officier. Elle a suivi son mari à l'armée, bien résolue à le reconquérir. A Roger, elle se présente comme son frère jumeau, Henri Gérard, lequel a bien voulu favoriser le stratagème en lui prêtant ses vêtements. Elle joue à merveille son rôle et apprend ainsi les projets amoureux de Roger et d'Olivier. Elle promet à l'un et à l'autre de leur obtenir les faveurs de Rosita, donne au nom de la belle un rendez-vous à Roger, puis s'arrange à envoyer Rosita dans une direction et Olivier dans une autre. Quand Roger se présente, c'est avec sa propre femme qu'il s'enferme dans le petit pavillon dont Gillette su se procurer la clef. Mais il n'en obtient l'entrée qu'au prix de la fameuse bague, qui ne devait jamais quitter son doigt.
Pendant que le mystère d'amour s'accomplit à la cantonade, arrivent Griffardin, soupçonneux, Olivier furieux d'avoir été joué et qui, pour se venger, révèle au pauvre mari que sa femme est là, enfermée avec un galant. Mais que veut dire cela ? Rosita arrive à son tour ! Ce n'est donc pas elle qui est enfermée avec Roger.
Grand bruit, appel aux armes. Roger sort du pavillon et part pour se battre, ce qui évite des explications difficiles et permettra à Gillette de s'en aller sans être suivie.
Le troisième acte se passe environ dix mois plus tard. Dans le château de Lignolle, tout est à la joie. On prépare le baptême du bébé de la comtesse. Le père est, à ce qu'on croit, encore prisonnier à Naples, mais le bon roi René, mis par Gillette au courant de tout, a si bien manœuvré que Roger va arriver tout à l'heure. La comtesse manifeste la plus vive gaieté et est très entourée. Elle a fait venir Rosita auprès d'elle. Rosita, qui est aujourd'hui aux yeux de tous Mme Griffardin et qui couronne de son mieux la flamme du jeune prince Olivier, resté seul maître du terrain, Rosita est même marraine du poupon, avec Olivier pour compère. Depuis qu'il est trompé, Griffardin vit dans la plus béate sécurité, persuadé qu'il est qu'Olivier est l'amant de Gillette et le père du nouveau-né.
Le roi René arrive pour le baptême. Il est suivi de près par Roger, un Roger en loques, sortant d'une dure captivité et fourbu par une longue chevauchée. Le pauvre mari est estomaqué de tomber au milieu d'une si joyeuse compagnie et surtout de trouver sa femme si insouciante, si gaie, si coquette. La jalousie éveille chez lui l'amour et le voici aux pieds de celle qu'il a si durement traitée. Pour lui accorder sa grâce, celle-ci lui demande de montrer l'anneau auquel il paraissait tenir si fort. Le voici fort embarrassé, quand apercevant Rosita, à qui il croit avoir donné le bijou, il le lui réclame et s'aperçoit, à sa profonde stupéfaction, qu'elle ignore tout de la fameuse heure d'amour. Pendant qu'il cherche le mot de cette énigme, Griffardin lui révèle qu'il est père sans le savoir. Sa rage ne connaît alors plus de bornes et il va tirer vengeance de la coupable et d'Olivier, qu'il croit son complice, lorsque Gillette lui met sous les yeux l'anneau conquis par ruse de bonne guerre. et tout finit dans une réconciliation générale. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
« Gillette de Narbonne est de haute lignée ; ses origines, illustres, la font remonter à Boccace, et descendre de cette « comtesse de Roussillon » dont Shakespeare a narré l'histoire dans sa comédie héroïque : Tout est bien qui finit bien. Leurs légendes sont identiques. Elles avaient primitivement rempli nous ne savons plus trop quel mélodrame octogénaire, représenté entre 1835 et 1840 au Vaudeville ou aux Nouveautés, bien que ce ne fût ni une nouveauté, ni un vaudeville, sous le même titre de Gillette de Narbonne. MM. Duru et Chivot (pères heureux de la Mascotte) avaient probablement oublié ce précédent — si bien qu'il y eut réclamation de dommages et intérêts formulée par les héritiers des auteurs défunts. A ce compte-là, il est remarquable que l'on n'ait enregistré aucune protestation lorsque Félicien David fit représenter son opéra-comique du Saphir, emprunté au même fabliau — et aussi que MM. les librettistes soient à même de s'abriter dans le « domaine public » contre toutes revendications possibles exercées par la postérité de Shakespeare et de Boccace, après s'être à ce point inspirés du Decamerone (Giornata III, novella 9) et de All is well that ends well.
Les contes du Florentin ont, en effet, tout ce qu'il faut pour alimenter le théâtre — l'exemple du grand Will le prouve — et, singulièrement, les scenarii d'opérette. Il y a eu nombre de pièces extraites de ces nouvelles. Chivot et Duru en avaient eux-mêmes, quelques mois avant la première de Gillette, accommodé certaines dans leur opéra-bouffe de Boccace — suivant encore en cela de vieilles traditions dramatiques. Mais il leur fallut un livret entier pour la charmante idylle de Gillette, qui avait le périlleux honneur de succéder à la Mascotte — également agrémentée d'une partition d'Audran — sur la scène et dans l'orchestre des Bouffes-Parisiens, le 11 novembre 1882 (direction Cantin) — et sous les traits de Mme Grisier-Montbazon, qui fut aussi « Bettina ».
***
Le « bon roi René » d'Anjou, duc de Lorraine et de Bar, qui, de 1438 à 1442 (tous les dictionnaires vous le diront) posséda le royaume de Naples, vient d'être chassé de ses Etats par les Italiens rebelles. Il s'est retiré dans sa petite cour d'Aix-en-Provence — mais cet échec a eu sur la santé du prince un fâcheux contre-coup, provoquant l'accès de fièvre maligne qui mit ses jours en péril... une quarantaine d'années avant la fin de sa vie. — René, premier du nom, fut en effet guéri par un remède mystérieux : c'était le secret du savant mire Gérard de Narbonne, qui l'avait transmis en mourant, comme le plus clair de son héritage, à Gillette, l'aînée de ses enfants. Elle s'est mise courageusement en route, chantant le long du chemin pour gagner sa vie, et elle est venue proposer au roi le spécifique merveilleux qui l'a promptement rétabli.
Remis sur pied, le monarque ne songe qu'à reconquérir son royaume. Il a réuni ses meilleurs guerriers — mais, avant tout, il veut récompenser Gillette... Or, la gentille Provençale a reconnu parmi les seigneurs rassemblés le comte Roger de Lignolles, qui fut, dans son enfance, le camarade tendre de ses jeux. Roger est galant — un peu trop... Dès qu'il voit une femme, il fait le siège de son cœur : celui de Gillette était pris d'avance par ce beau cavalier ; il n'a qu'à évoquer passionnément leurs doux souvenirs de jeunesse pour que la pauvre petite s'imagine aimée comme elle aime — et, paternel, le roi l'encourageant à solliciter une grâce, elle demande naïvement la main du comte de Lignolles. Croyant les amoureux d'accord, René d'Anjou a engagé sa parole royale, et il ne la reprendra pas devant l'étonnement, respectueux d'abord, puis révolté, du grand vassal — qui, en disant « Je t'aime ! » n'avait jamais entendu aliéner sa liberté... Tant pis ! le roi exige que tous les serments soient tenus : il faut s'incliner. C'est la rage au cœur que Roger donnera son nom à Gillette ; — mais le mariage célébré, le comte estime qu'il a suffisamment obéi; et puisqu'on a repris la guerre avec les Napolitains, il va repartir à la tête de sa compagnie, sur-le-champ. Avant de s'éloigner, il déclare ironiquement à sa femme anéantie qu'elle doit renoncer à trouver en lui d'autres sentiments que ceux d'un étranger..., à moins qu'elle ne réussisse à lui présenter un anneau, bijou de famille qu'il porte et emporte à son doigt — et à mettre au monde un enfant dont, indéniablement, il soit le père !
La comtesse de Lignolles n'hésite pas ; elle se travestit en écuyer et nous la retrouvons sous ce déguisement dans les Etats de Naples, où elle rejoint Roger — lequel ne la reconnaît pas et la prend tout d'abord pour son petit beau-frère Henri de Narbonne, qu'il n'a point revu depuis son enfance et qui ressemblait à Gillette. Celle-ci parvient à gagner la confiance du comte en lui disant beaucoup de mal de son épouse... « une intrigante, qui méconnaît ses devoirs de sœur en lui refusant de l'argent..., etc. » Plus à l'aise, Roger lui avoue de son côté qu'on ne s'ennuie pas en campagne... L'auberge où il loge est tenue par une Italienne fort accorte, la brune Rosita, qu'il serre de très près : malheureusement il a un rival dans la personne du jeune prince Olivier, l'héritier présomptif du roi René, que son père a envoyé faire ses premières armes sous la surveillance de son précepteur Griffardin — vilain pédant, couard et grognon. Le caractère difficile de ce Mentor a bien quelques excuses : il est marié précisément à l'hôtelière poursuivie par son élève et par le comte, et sa situation devient d'autant plus délicate que cette union, clandestine, est ignorée d'Olivier et de Roger, qui ont pris le piteux magister pour confident de leurs espoirs... En outre, ils ont fait un pari : Quel est celui qui, le premier, obtiendra les faveurs de la piquante étrangère ? — et ils déposent les enjeux entre les mains de son mari !... « Je suis le caissier de mon déshonneur ! » s'exclame, indigné, le pauvre homme. Il se méfie à juste titre de Rosita : elle est coquette, et, de plus, excédée de la jalousie du vieil époux qui la séquestre chaque fois qu'il sort, dans sa chambre. Aussi, malgré l'envie qu'elle a de le tromper, elle n'a pu jusqu'à présent y parvenir... Gillette arrive à temps ! Elle manœuvre si bien qu'elle éloigne tout le monde, obtient de Rosita un rendez-vous pour Roger, et, au dernier moment, se substitue dans l'obscurité à la belle hôtesse. — Le comte de Lignolles, très emballé, fait hommage à la jeune femme de l'anneau qu'elle lui demande en échange de ses caresses... Nuit d'amour !
Au petit jour, l'ennemi attaque. Roger s'élance hors de la chambre sans avoir reconnu sa compagne, qui disparaît. Le sort des armes n'est décidément pas favorable à son maître, que nous revoyons confiné dans ses terres de Provence. Il se console en visitant benoistement ses vassaux — et, pour le moment, il honore de sa présence le castel de Lignolles, où l'on célèbre l'avènement d'un nouveau-né... Seul, Roger manque à cette fête, car il a été fait prisonnier en Italie. Mais le bon roi René vient de traiter secrètement de sa rançon. Bientôt le comte arrive à toute bride, s'attendant à trouver une épouse en larmes — et il tombe en pleines réjouissances : Gillette est là, fort en beauté, magnifiquement parée, très courtisée... Que signifie ? C'est à peine si elle daigne lui faire aumône d'un regard... La jalousie conjugale commence à s'éveiller — lorsque les cloches retentissent pour la cérémonie du baptême : un enfant, maintenant ! Le seigneur de Lignolles bondit ; il cherche éperdument sur qui venger son honneur... Gillette a pitié de Roger : malicieuse, elle évoque l'image du petit écuyer qui l'a si bien servi auprès des Napolitaines — puis, le voyant tout effaré, finit par lui tendre l'anneau dont il l'avait défiée de s'emparer, et qu'il a passé à son doigt la nuit même où elle a conçu l'héritier qu'elle lui présente.
… On entrevoit d'ailleurs le frais minois de cette Rosita dont il avait cru faire la conquête, et qui a fini par obtenir de Griffardin, rassuré, qu'on lui assurât à la cour une charge de dame d'honneur — pour la plus grande satisfaction du prince Olivier, élève du mari et ami de sa femme... Ce trio perpétue les traditions des ménages de fabliau.
***
« S'il est, après les « fours », une chose que les hommes de théâtre doivent particulièrement redouter — remarqua cette année même le critique des Premières illustrées — ce sont les grands succès... car ils obligent. Et il est très dur de prolonger la renommée que nous assurent cinq cents représentations d'affilée. Le triomphateur est visé par les bons petits camarades ; on l'attend, on l'épie, on le guette... on veut à toute force que sa réussite tienne au seul hasard, et qu'il soit incapable de recommencer. Et il semble toujours que le public de Paris éprouve le besoin de se venger d'un monsieur qui a su le distraire ou le subjuguer. »
Ce petit morceau n'a pas vieilli. Gillette de Narbonne non plus. Nous prenons encore un plaisir extrême à écouter, avec l'accompagnement de sa claire musique méridionale, cette « chante-fable », comme on disait au temps du bon roy René... Le sujet est de toute époque ; sur lui, avec bien peu de différence, Nuitter et Beaumont avaient presque simultanément brodé le libretto de le Cœur et la Main — qui lui ressemble comme celui de le Jour et la Nuit. Il n'est pas jusqu'à Véronique, la petite cadette de l'Opérette française, qui ne se soit souvenu de la recette « pour conquérir son mari » — au temps du bon roi Louis-Philippe.
Du reste, tout le répertoire de la Renaissance italienne et de la période romantique est plein de ces équipées amoureuses — et, au fait, peut-être la vie... »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GINEVRA
Opéra-comique en trois actes et quatre tableaux, livret de Julien Luchaire, d'après Boccace, musique de Marcel Delannoy.
Personnages : Ambrogio de Ferraris, marchand génois (baryton ou basse chantante) ; Bernabo (ténor), Lapo (ténor ou baryton Martin), Guido (baryton-basse) ; le Chanteur (ténor) ; Hassan (ténor léger) ; le Sultan d’Acre (baryton ou basse chantante) ; Grimaldi (ténor) ; Fieschi (basse) ; Ginevra de Andreis, épouse de Bernabo (soprano) ; la Nourrice (mezzo-soprano ou alto) ; Catherine, maîtresse d'Ambrogio (soprano) ; Rose Embaumée, favorite du Sultan (soprano coloratura) ; la Fille blonde, maîtresse de Lapo (soprano) ; Mathilde, épouse de Lapo (soprano) ; la Fille brune (mezzo-soprano bas) ; la Fille rousse (mezzo-soprano) ; Cecca (mezzo-soprano) ; Lisa (mezzo-soprano bas) ; Chœurs : les Galants, les Epouses, les Marchands génois, vénitiens, pisans, siciliens, nègres et sarrazins ; Musiciens (figurants) ; danseurs et danseuses.
Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 25 juillet 1942. Mise en scène de Jean Mercier. Chorégraphie de Constantin Tcherkas. Décors et costumes de Roger Chapelain-Midy.
Mmes Irène JOACHIM (Ginevra), SCHENNEBERG (la Nourrice), Odette TURBA-RABIER (Rose embaumée), Martha ANGELICI (Catherine), Marthe SERRES (la fille blonde), Marc WALTER (la fille rousse), Suzanne DARBANS (la fille brune).
MM. Henry ETCHEVERRY (Ambroglio), Camille ROUQUETTY (Barnabo), BONNEVAL (Lapo), Julien GIOVANETTI (Guido), Jean VIEUILLE (le Sultan), Paul DERENNE (le chanteur), Alban DERROJA (le Cocu public), Pierre GIANNOTTI (Grimaldi), Camille MAURANE (Doria), Gabriel JULLIA (Fieschi).
Chef d'orchestre : Roger DÉSORMIÈRE.
21 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
Résumé.
Bernabo, qui parie sur la vertu de sa femme avec son ami Ambrogio, risque d'en être bien sévèrement puni... Mais Ambrogio renonce au jeu, tout en semblant apporter les preuves du contraire. Bernabo ne sait que penser, surtout que Ginevra, troublée, aspire à connaître des plaisirs jusqu'alors ignorés d'elle. Mais, à la joie générale, c'est dans les bras de son légitime époux que, finalement, elle les goûtera !
L'action se passe successivement à Paris, à Gênes et dans les Jardins du Sultan d'Acre, aux alentours du XIVe ou du XVe siècle.
ACTE I. — A Paris, chez Catherine.
Les marchands génois Lapo, Bernabo, Ambrogio et Guido qui ont festoyé avec leurs maîtresses : la Fille brune, la Fille rousse, la Fille blonde et Catherine, songent à la conduite de leurs épouses durant leur absence.
Un vieil homme digne et inquiet, le Cocu public (rôle parlé) ne les rassure guère. Seul Bernabo demeure persuadé que Ginevra lui demeure fidèle. Il parie sur sa vertu et Ambrogio relève le défi.
Catherine, demeurée seule, rêve un instant à la fenêtre toute grande ouverte sur le paysage des toits de Paris [Chanson de Catherine : Sept pair' de souliers...].
ACTE II. — 1er TABLEAU : A Gênes, dans le jardin de Ginevra.
Le Cocu public, puis Ambrogio lui-même conversant avec Cecca nous apprennent que Bernabo, qui va rentrer le surlendemain, est bien près de gagner son pari...
Mathilde intervient, puis Ginevra s'apprête à présider une cour d'amour. Un Chanteur et des musiciens se font entendre sur la terrasse. Successivement Grimaldi, l'ambassadeur de Venise et le général génois Fieschi exposent leur point de vue sur l'amour.
Demeuré seul avec Ginevra, Ambrogio devient pressant. Passent Mathilde et Fieschi, puis Lisa et Doria, enfin Cecca et Grimaldi qui, tous, échangent des baisers passionnés. Ginevra, brusquement révoltée, échappe à Ambrogio et disparaît en remontant l'escalier.
Cecca revient alors et promet à Ambrogio de lui remettre la clé de la chambre de Ginevra, qu'elle aura auparavant fait boire plus que de raison.
2e TABLEAU : La Chambre de Ginevra.
La porte s'ouvre violemment sous la poussée des Galants et des Epouses, que Cecca s'essaie vainement d'arrêter. Lisa et Mathilde, entrées à leur tour, les chassent définitivement. Ginevra, un peu grise, tente, sans succès, de retenir Lisa et Mathilde. Cecca demeure encore un moment avec elle, puis la Nourrice borde son lit [Berceuse : Au petit grillon...].
Lorsqu'elle s'est retirée, Ambrogio entre à pas de loup. Mais, troublé par la pureté de Ginevra, il la regarde, extasié, et se contente de lui dérober sa ceinture...
ACTE III.
1er TABLEAU : Un chemin dans les rochers, au bord de la mer.
Lapo, Guido et Bernabo sont rejoints par Ambrogio, qui prétend avoir séduit Ginevra. L'exhibition de la ceinture dérobée la veille dans l'alcôve impressionne très vivement le mari, qui crie vengeance. Lapo cherche à le consoler. Bernabo s'enfuit, entraînant son Valet maure (rôle muet).
Ginevra, courant vers Lapo, s'enquiert de son mari. Lapo lui raconte alors le pari dont sa vertu était l'enjeu. Elle tombe en pleurs dans les bras de Lapo qui l'embrasse. Le Valet maure de Bernabo observe la scène, poignard en main.
Entre Guido, sombre et gêné. Ginevra s'accuse devant lui et Guido veut l'obliger à lui révéler la trahison de Cecca. Ginevra gifle Guido, Guido la gifle. Elle le chasse. Le valet maure s'approche ; Ginevra défaille et appelle au secours. Le Valet maure jette son poignard et la reçoit dans ses bras.
Cependant, les hautes voiles d'une galère se montrent par-dessus la ligne des rochers...
[Interlude (Divertissement italien et adresse au public du Grand Eunuque : le Cocu public)].
2e TABLEAU : Les Jardins du Sultan d'Acre.
Rose embaumée et Hassan discutent au sujet du Capitaine des Gardes (lequel n'est autre que Ginevra qui s'est embarquée sur la galère apparue à la fin du tableau précédent pour aller en quête de l'amour).
Ginevra entre sous son déguisement. Hassan sort et Rose embaumée, s'approchant d'elle, découvre qu'elle est une femme.
Une grande foule envahit la scène. Le Grand Eunuque (rôle parlé) présente au Sultan les sept membres de la Mission : Doria, Grimaldi, Fieschi, Ambrogio, Bernabo, Lapo et Guido. Tous chantent la foire d'Acre, le négoce et la paix. Puis on entend, par Hassan et Rose embaumée, le dialogue (traduit plastiquement par des danseurs) de la Rose et du Rossignol [Ballet général avec chœurs].
Les quatre marchands génois s'approchent des Concubines et le Capitaine des Gardes marque de l'impatience. Les trois Epouses échangent des amabilités avec Rose embaumée et les Concubines vocalisantes.
Le Sultan fait sortir tout le monde pour demeurer seul avec le Capitaine, dont il découvre, ravi d'ailleurs, le véritable sexe.
Ambrogio, qui avait reconnu Ginevra, s'approche avec la fameuse ceinture, que Ginevra reprend d'un geste vif en prêtant l'oreille aux chants voluptueux d'Hassan et de Rose embaumée.
Successivement, Lapo, puis Guido la reconnaissent. Ambrogio vient aussi à elle. Elle coquette, puis les congédie tous et disparaît dans sa chambre. Bernabo entre, Ginevra revient, jouant les dépravées. Bernabo, dépité, veut s'éloigner. Ginevra le retient dans un rire, lui donne un baiser troublant.
Suit une scène muette où Lapo, Ambrogio et Guido heurtent tour à tour à la porte close de Ginevra. Le Sultan arrive et, tonnant de colère, fait ouvrir la porte à laquelle ils viennent chacun d'écouter...
Le couple Bernabo-Ginevra apparaît. Entraînant Ginevra à l'intérieur, Bernabo referme violemment la porte. Tous implorent l'indulgence du Sultan. L'imploration se change ensuite en menace. Ambrogio, furieux, déclare qu'il retourne à Paris. Dans la joie générale le pardon est accordé. Tous acclament Bernabo, « cet heureux homme qui s'est lui-même fait cocu ».
GIOCONDA (LA)
Opéra dramatique italien en quatre actes et cinq tableaux, livret de Tobia Gorrio (anagramme d’Arrigo Boito), d’après Angelo, tyran de Padoue de Victor Hugo (1835) ; traduction rythmique en français de Paul Solanges ; musique d’Amilcare Ponchielli.
Personnages : La Gioconda, chanteuse de ballades (soprano) ; Laura Adorno, femme d’Alvise (mezzo-soprano) ; Alvise Badoero, un des chefs de l’Inquisition d’Etat (basse) ; la Cieca, mère aveugle de la Gioconda (contralto) ; Enzo Grimaldo, prince génois (ténor) ; Barnabé, espion de l’Inquisition (baryton) ; Zuane, batelier (basse) ; un chanteur (basse) ; Isépo, écrivain public (ténor) ; un pilote (basse) ; des moines, des sénateurs, des marins, des charpentiers, des seigneurs et leurs épouses, des gens du peuple, des masques, des gardes, etc.
L’action se déroule à Venise, au XVIIe siècle.
Première représentation à la Scala de Milan le 08 avril 1876 avec Maddalena Masi (la Gioconda), Biancolini-Rodriguez, Gayarre, Aldighieri, Maini, sous la direction de Franco Faccio.
Représenté à Rome en décembre 1877 et à Gênes en décembre 1879 avec des modifications.
Version définitive représentée à la Scala de Milan le 12 février 1880.
Première en français à la Monnaie de Bruxelles le 28 décembre 1887, avec Mmes Litvinne (Gioconda), Martini (Laura Adorno), Van Besten (la Cecca), MM. Engel (Enzo Grimaldo), Seguin (Barnaba), Vinche (Alvise Badoër), Seuille (Iseppo), Pother (Suane).
Premières en français à Rouen le 14 mars 1895, à Genève le 03 avril 1902, à Monte-Carlo le 04 février 1908, à Montréal en 1914.
Résumé.
La Gioconda est une chanteuse des rues qui aime
sans retour Enzio, l'amant de Laura, femme d'Alvise Badoer. Barnaba, un infâme
scélérat qui lui voue une passion violente, essaie de faire
tomber Enzio et Laura dans un piège, mais celui-ci échoue, grâce à la Gioconda,
dont la mère a été sauvée par Laura. Alvise empoisonne alors sa femme, mais la
Gioconda, par reconnaissance filiale substitue au poison un narcotique et se
fait livrer par Barnaba le soi-disant cadavre de sa rivale. Obligée d'assister
malgré elle à la rencontre des deux amants et de favoriser leur fuite, elle se
tue sous les yeux de Barnaba revenu toucher le prix de ses services...
L'action se déroule à Venise, au XVIIe siècle.
ACTE I. — « La Bocca dei leoni ».
Durant le Carnaval, la Gioconda repousse avec dégoût les avances de Barnaba, un ignoble personnage qui sert d'indicateur au Conseil d'inquisition. Barnaba dénonce alors comme sorcière la Cieca mère de la Gioconda, une pauvre aveugle qui monterait sur le bûcher sans l'opposition opportune d'Alvise Badoer et de Laura. En remerciement, la Cieca remet à Laura un rosaire porte-bonheur [Air de la Cieca : Voce di donna, o d'angelo...]. Mais Barnaba a aperçu parmi la foule Laura faisant des signes à son amant Enzio, prince génois exilé, pour lequel la Gioconda a conçu une vive passion. Barnaba aborde Enzio [Duo Enzio-Barnaba : Enzio Grimaldo, Principe di Santatior...] et lui propose de fuir sur un bateau avec Laura qu'il compte bien amener au rendez-vous [Duo Enzio-Barnaba : O grido di quest' anima...], puis il dénonce les amants au mari. La Gioconda de son côté, se désespère, car elle sait maintenant qu'Enzio en aime une autre.
L'acte se termine sur une entrée des masques, un chœur, une prière et une forlane [Ballet].
ACTE II. — « Il Rosario ».
Barnaba guette dans l'ombre en un lieu écarté du port [Air de Barnaba : Ah ! pescator affonda l’esca...]. Enzio arrive et, en attendant Laura, exprime son amour et sa joie. Laura le rejoint [Duo Enzio-Laura : Laggiù nelle nebbie remote...]. La Gioconda survient alors ; une explication violente s'engage entre les deux femmes... [Duo Gioconda-Laura : L'amo come il fulgor del creato...]. Mais, soudain, la Gioconda aperçoit aux mains de Laura le rosaire de sa mère : elle a donc une dette à acquitter et fait échapper Laura, ce que Barnaba, revenu, constate avec dépit. Quand les gens de l'Inquisition viennent s'emparer d'Enzio, celui-ci met le feu à son navire et se jette à la mer.
ACTE III. — « Ca d'Oro ».
1er TABLEAU : Au palais d'Alvise Badoer.
Une fête se déroule dans la salle à côté. Alvise déclare à sa femme qu'elle doit mourir et lui remet le poison. Dès que Laura est seule, la Gioconda survient et donne à Laura un narcotique, dont l'effet abusera Alvise. Laura s'endort ; son mari, revenu, la croit morte.
2e TABLEAU : Dans la salle de fête.
[Ballet : La « Danse des heures ».] Parmi les masques se trouve Enzio. Barnaba fait irruption avec la Cieca qu'il dénonce comme sorcière et traîtresse, l'ayant trouvée priant auprès du cadavre de Laura. Enzio sursaute et, jetant son masque, donne libre cours à son désespoir. Alvise écarte la draperie et l'on aperçoit Laura, inanimée. La Gioconda promet à Barnaba d'être à lui s'il réussit à sauver Laura.
ACTE IV. — « Il Canal Orfano ».
Dans un endroit écarté, la Gioconda veille. Deux hommes apportent Laura toujours sous l'effet du narcotique... [Air de la Gioconda : Suicidio !]. Enzio, qui a réussi à s'échapper grâce à la Gioconda, arrive et se précipite au chevet de Laura. Dévorée de jalousie, la Gioconda fait alors croire à Enzio que Laura est morte. Fou de douleur et de rage, Enzio se jette sur la Gioconda, le poignard levé, mais à cet instant Laura se réveille et l'appelle. Les amants tombent dans les bras l'un de l'autre. Il ne reste plus à la Gioconda, désespérée, qu'à les aider à quitter Venise.
La pauvre femme songe alors à Barnaba qui va venir réclamer le prix de ses services. Lorsqu'il entre, elle se poignarde afin de ne lui livrer qu'un cadavre [Duo Gioconda-Barnaba : Ebbrezza delirio...]. Pour se venger, Barnaba lui crie qu'il a empoisonné sa mère.
« J'ai signalé déjà l'apparition de cet ouvrage ; mais il a subi des transformations si nombreuses, qu'il convient d'en exposer le sujet et d'en décrire la partition d'après la forme qui paraît définitive. L'opéra de la Gioconda est, depuis l'Aïda de M. Verdi, l'œuvre dramatique la plus saillante qu'ait produite l'école moderne italienne. Ce n'est pas que la pièce offre quelque originalité, quelqu'une de ces créations qui restent à l'état de type dans l'imagination du spectateur, ni qui réponde aux sentiments naturels les plus forts et les plus vrais ; non, tout y est exagéré, enflé, gonflé, boursouflé, excessif, hyperbolique ; en un mot, c'est un amalgame des procédés dramatiques de Schiller, de Byron, de M. Victor Hugo et de M. Somma. Lucrezzia Borgia, Angelo, Ernani, Un Ballo in maschera semblent avoir fourni à l'auteur du livret les situations les plus fortes de son drame.
La Gioconda est une cantatrice qui s'est éprise d'un proscrit caché, à Venise, parmi les mariniers de l'Adriatique, Enzo Grimaldo, prince génois. Celui-ci aime, de son côté, Laura Adorno, sa compatriote, femme d'Alvise Badoero, l'un des chefs de l'Inquisition de l'Etat vénitien, et il en est aimé. Le traître du drame est Barnabà, personnage odieux, espion à la solde des inquisiteurs. La Gioconda a une mère aveugle, et la cieca joue dans la pièce un rôle sympathique et touchant. Dans le premier acte, la scène représente une cour du palais ducal ; au fond, l'escalier des Géants et, sur le côté, la Bocca dei leoni, où l'on jetait les dénonciations anonymes contre les ennemis de la république et contre les citoyens qu'en voulait signaler à la vindicte du conseil des Dix. C'est un jour de fête populaire. Les mariniers donnent le spectacle des régates. La Gioconda guide la cieca, et, pendant qu'elle prodigue ses soins à sa mère, Barnabà lui déclare son amour, qu'elle repousse. Cet homme se venge de son mépris en ameutant le peuple contre la pauvre vieille, qu'il accuse de sorcellerie. Enzo prend sa défense. Le magistrat Alvise arrive avec sa femme Laura, qui est masquée. Il fait arrêter la cieca et va la livrer au tribunal ; Laura intercède en sa faveur et obtient sa liberté. Enzo et Laura échangent des signes d'intelligence amoureuse, que surprend Barnabà. Celui-ci dicte à l'écrivain Isépo une dénonciation à l'adresse d'Alvise et la jette dans la « gueule des lions. » Gioconda a entendu cet entretien et apprend ainsi que Laura, à qui elle doit la vie de sa mère, est sa rivale. Barnabà, resté seul avec Enzo, lui dit qu'il connaît son véritable nom et sa passion pour l'épouse d'Alvise ; qu'il ne le trahira pas ; qu'il servira même ses amours en lui ménageant une occasion d'enlever Laura, mais à la condition qu'il cessera de protéger Gioconda. Le second acte se passe sur la rive d'une petite île voisine et aussi à bord d'un brigantin. Il fait nuit. Barnabà amène Laura au rendez-vous. Enzo et son amante se préparent à s'enfuir à Gênes. Pendant que Laura est restée seule sur le pont du navire, Gioconda parait ; dans un accès de jalousie, elle veut poignarder sa rivale, lorsqu’elle la voit, dans son effroi, prendre un rosaire pour prier. Gioconda reconnaît ce rosaire, que sa mère, dans sa reconnaissance pour sa libératrice, lui a donné. Cette vue change tout à coup ses sentiments, ou plutôt sa résolution. Elle ne veut plus que sauver sa rivale de la fureur de son époux, qui, averti par Barnabà, se dirige, dans une barque, vers le brigantin d'Enzo. Elle force Laura à prendre son voile et à descendre dans la barque qui l'a amenée et où se trouvent des mariniers qui lui sont dévoués, et elle s'écrie : È salua ! O madre mia, quanto mi costi ! Ce mouvement dramatique est d'une grande beauté. Enzo revient, trouve sur le pont Gioconda, au lieu de sa maîtresse ; il apprend d'elle la trahison de Barnabà et que le mari outragé est à sa poursuite. Un coup de canon retentit. Les matelots accourent avec des torches. Enzo en saisit une et met le feu à son bâtiment. La toile tombe sur cette scène, où règne la plus grande confusion. Le troisième acte a lieu dans le palais d'Alvise. Celui-ci accuse Laura de son infidélité et lui annonce les apprêts de sa mort ; son cercueil est préparé ; le poison va mettre fin à ses jours ; il ne lui accorde que quelques instants pour accomplir ce suicide et la laisse seule à son désespoir. Mais Gioconda veille sur sa rivale, qui a été la bienfaitrice de sa mère. Elle accourt, prend la fiole qui contient le poison et propose à Laura un narcotique : nouvelle Juliette, elle s'endormira dans son cercueil ; des amis de Gioconda l'enlèveront et la transporteront en lieu sûr. Alvise donne une fête, dans laquelle on exécute même un ballet, la Danza delle Ore, pendant que le drame de la mort s'achève, à ce qu'il croit, dans la chambre funèbre. Barnabà fait connaître à Enzo le sort présumé de son amante. Le prince se découvre à Alvise et le brave en présence de tous. La cieca accuse Barnabà d'avoir ourdi cette trahison. Barnabà jure de se venger d'elle, et, en effet, profitant du tumulte de cette scène, il la fait disparaître par une porte secrète. Enzo, en se découvrant, s'est voué à une perte certaine. Sa douleur et sa fureur sont égales. Barnabà, voyant, de son côté, Gioconda trembler pour les jours de celui qu'elle adore toujours, renouvelle auprès d'elle ses obsessions. Elle lui promet enfin d'être à lui s'il sauve Enzo. Cette scène peut être fort dramatique, mais elle blesse les convenances et est d'une invraisemblance choquante. Pour comprendre le dénouement de cet opéra, dont la mise en scène est très compliquée, il faut savoir que, au quatrième acte, la scène représente le canal Orfano et le vestibule de l'habitation de Gioconda, située dans l'île della Giudecca. Dans un angle de cette pièce est un lit, dissimulé derrière un paravent ; un couloir règne sur un des côtés de la scène ; on voit dans le fond la lagune et la place de Saint-Marc. Les amis de Gioconda lui rendent compte de leur mission. Laura est apportée par eux avec tout le mystère que réclamait une semblable opération. Gioconda les remercie et les envoie à la recherche de la cieca, disparue. Demeurée seule, elle se livre aux pensées les plus diverses. Sa rivale est là, en son pouvoir. S'immolera-t-elle jusqu'au bout à cet amour de deux êtres dont elle chérit l'un, dont l'autre est la cause de ses maux ? Le poison est sur la table, un poignard aussi ; la lagune est profonde ; il n'y a aucun témoin ; elle peut se défaire de sa rivale. Elle repousse cette pensée avec horreur. Elle se résignera à être témoin d'une félicité qui aura été son ouvrage. En effet, Enzo, qui a été délivré de ses fers, accourt chez Gioconda. Laura se réveille de sa léthargie. Tous deux se jettent aux pieds de Gioconda, à qui ils doivent d'avoir échappé à tant de périls. Ils s'embarquent et vont cacher leur union sous d'autres cieux. Mais Gioconda se souvient de l'engagement qu'elle a pris envers Barnabà. Elle veut fuir:
Vergine santa, allontana il demonio
Ebben, perchè son cosi affranta e tarda;
La fuga è il mio riscatto!
Mais Barnabà se présente et vient rappeler à Gioconda qu'elle lui a promis d'être à lui. Elle ne peut lui échapper qu'en se donnant la mort, ce qu'elle fait en lui disant :
Volesti il mio corpo, dimon maladetto !
E il corpo ti do!
Barnabà se précipite, furieux, sur son cadavre. Il lui crie aux oreilles qu'il a noyé sa mère, se plaint de ce qu'elle ne l'entend plus et disparaît de la scène en poussant un cri de rage.
Tel est ce sombre drame, qui a obtenu, grâce à la musique de M. Ponchielli, un succès incontestable en Italie, en attendant qu'il vienne s'installer dans un pays où l'on n'est plus difficile. Je doute cependant que le public de l'Opéra français approuve une donnée aussi immorale ; car c'est le triomphe de l'adultère ; l'héroïne est victime de son amour filial ; sa mère, innocente, est sacrifiée ; le crime reste impuni. Il faut espérer que les auteurs comprendront qu'il est nécessaire de changer le dénouement. La musique de M. Ponchielli a plus contribué que le poème au succès de cet ouvrage ; elle a du caractère et de la variété ; l'harmonie, tout en étant un peu surchargée de dissonances et de complications, comme le comporte la manière d'écrire aujourd'hui, n'en est pas moins claire et conforme aux principes, souvent méconnus actuellement, de la langue des sons. Le prélude est formé de deux phrases tirées l'une du rôle de Barnabà, l'autre de celui de la cieca ; elles sont caractéristiques, et le musicien les a répétées, ainsi que quelques autres, dans le cours de sa partition. La phrase satanique de Barnabà, Sovr' essa stendere la man, dans le trio du premier acte ; la cantilène gracieuse Tu canti agl' uomini, dans le même morceau ; le chant fatidique de la cieca, A te questo rosario, donnent, il est vrai, l'impression concise et forte du drame. Cette idée est une des plus raisonnables que M. Wagner ait émises dans sa théorie. Ce procédé n'est pas nouveau, car la plupart des compositeurs l'ont employé ; seulement, la répétition du motif était subordonnée à l'action elle-même ; on l'entendait de nouveau seulement lorsqu'il était ramené par une raison dramatique : telle la phrase du cor d'Oberon, telle la romance de la rose dans Martha, tel le choral de Luther dans les Huguenots ; tandis que, dans la théorie nouvelle, la phrase répétée caractérise le personnage, de sorte qu'elle l'annonce et exprime la pensée de son rôle. En apparence, cela parait assez logique ; mais c'est encore plus commode pour le compositeur, qui se dispense ainsi de trouver des motifs nouveaux et de varier l'expression, tout en conservant à chacun de ses personnages son caractère. Ce procédé est, du reste, conforme à l'objectif de la nouvelle esthétique, puisqu'il remplace l'idée par la sensation. Après le chœur d'introduction, vif et gai, le premier morceau frappe tout de suite l'attention par sa mélodie charmante et l'heureux arrangement des voix ; c'est un terzettino traité dans la forme rossinienne (je donne à cette expression le sens relevé que comporte une allusion à Semiramide), Figlia che reggi il tremulo piè, et qui, n'en déplaise aux détracteurs du goût italien, sera chanté dans les concerts et obtiendra du succès en France aussitôt que la Gioconda y aura été représentée. Une romanza touchante de la cieca, Voce di donna o d’angelo ; le duo d'Enzo et de Barnabà, dans lequel on distingue la belle phrase O grido di quest’ anima ! et une jolie furlana donnent au premier acte un intérêt qui se soutient sans défaillir un seul instant.
Dans le premier finale, M. Ponchielli a opéré un mélange habile de chœurs religieux et d'accents passionnés. Sur un fond calme et doux se détachent des phrases dramatiques presque violentes. Il a peut-être abusé de ces sortes de contrastes. Le deuxième acte s'ouvre par une marinesca originale ; la romance d'Enzo, L'angiol mio, est un peu alambiquée ; le duo de Laura et d'Enzo offre une fort belle phrase ; mais elle ne tarde pas à se perdre dans de fausses relations. Dans le troisième acte, on remarque encore un contraste saisissant entre les danses insouciantes du dehors et l'orage terrible qui gronde dans la maison d'Alvise. L'entrevue de Gioconda et de Laura est des plus dramatiques ; les phrases s'y succèdent avec une intensité d'expression remarquable. Le musicien a déployé dans cette scène un talent du premier ordre. L'entrée des cavaliers se fait sur un motif élégant et distingué. Quant au ballet, à la « danse des Heures », il m'a semblé que c'est plutôt un tableau pour les yeux et que les oreilles se reposent. Le finale est dramatique, bien conduit et mérite tous les éloges. Le dernier acte est fort court. Le combat intérieur qui se livre dans l'âme de Gioconda est exprimé par le musicien avec une intelligence supérieure. Il y a quelque chose de neuf dans ce chant désespéré : Ultima voce del mio destino. Il serait difficile de trouver des accents plus douloureux.
Quoique cet opéra doive, à mon avis, occuper une place distinguée dans le grand répertoire, cependant tout ne porte pas au même degré ; il y a bien des suites d'accords qui n'ont d'autre but que de donner des commotions acoustiques et des soubresauts à l'oreille. C'est là un élément dramatique d'une nature secondaire, fort à la mode, je n'en disconviens pas, mais qui accuse plus de savoir-faire que d'inspiration. Je crois qu'il ne faut pas laisser s'introduire trop de mélodrame dans l'opéra. Dans la Gioconda, l'orchestre et les voix sont traités avec maestria et un sentiment de l'art dramatique très élevé. Les mélodies abondent; elles sont tour à tour tendres, passionnées et d'un caractère toujours approprié à chaque situation. Le mouvement et la vie circulent dans cette œuvre puissante. L'agitation de la vie publique à Venise, l'expansion amoureuse, la mélancolie et la grâce, la pitié et la terreur, les contrastes dramatiques, tout cela est exprimé dans la vraie langue musicale. C'est un opéra dont l'influence réagira contre les prétentieuses et stériles doctrines du wagnérisme.
La Gioconda a obtenu au théâtre Carlo-Felice, à Gênes, au théâtre Pagliano de Florence le même succès qu'à la Scala.
Distribution: La Gioconda, Mariani-Masi Maddalena; Laura Adorno, Biancolini-Rodriguez; Alvise Badoero, Maini Ormondo; la cieca, Barlani-Dini Eufemia; Enzo Grimaldo, Gayarre Giuliano; Barnabà, Aldighieri Gottardo. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1880]
« Principaux personnages : Gioconda, chanteuse, amoureuse d'Enzo ; Laura Adorno, génoise, femme d'Alvise Badoer et maîtresse d'Enzo ; la mère de Gioconda, aveugle ; Enzo Grimaldo, prince génois, proscrit ; Barnaba, chanteur ; Alvise Badoer, un des chefs de l'inquisition d'Etat ; etc.
L'action se passe à Venise au XVIIe siècle.
Le romantisme n'a rien produit de plus sombre, de plus violent que ce drame. Aucun accessoire n'y manque : poison, poignard, catafalque funèbre au milieu d'une fête, assassinats, délations, toute la lyre. La chanteuse et le délateur au service du Conseil des Dix y coudoient les plus hauts personnages, le bouge y voisine avec le palais. Le cadre est on ne peut plus brillant et pittoresque : la Venise du XVIIe siècle. Et le tout forme un spectacle follement dramatique et haut en couleur, milieu idéal à parer de musique somptueuse et grandiloquente.
La Gioconda, chanteuse, qui vit avec sa vieille mère aveugle, s'est éprise d'un capitaine de navire dalmate, Enzo, lequel est en réalité un noble génois, amant de la femme d'un des chefs de l'Inquisition d'Etat à Venise. Alvise Badoer. Laura et Enzo ont été séparés, mais vont tout à l'heure se retrouver, et Gioconda verra s'écrouler tout son rêve de bonheur. Un misérable traître, Barnaba, qui exerce ostensiblement la profession de chanteur des rues, mais cache sous ces dehors le métier infâme de délateur au service du Conseil des Dix, a voué à la Gioconda une de ces passions impures qui ne reculent devant rien pour s'assouvir. La Gioconda repousse avec horreur ses avances et ses menaces. L'immonde personnage s'avise que s'il réussit à s'assurer de la mère comme otage, Gioconda, dont il sait la piété filiale, en passera par où il lui plaira. Il dénonce donc à la foule stupide la pauvre aveugle comme sorcière et la ferait monter au bûcher, si Alvise Badoer et sa femme Laura ne venaient à passer. Le membre de l'Inquisition d'Etat s'enquiert de la cause du tumulte. Laura intercède pour la pauvre vieille et réussit à obtenir sa délivrance. Celle-ci remet alors à sa bienfaitrice un rosaire qui doit lui servir de porte-bonheur.
Mais Enzo était dans la foule et Barnaba l'a reconnu. Le traître a surpris le regard de Laura tombant sur son amant dont elle ignorait la présence. Il imagine alors une ruse diabolique. Il dit à Enzo son amour pour la Gioconda ; pour posséder plus aisément celle qu'il aime, il lui importe d'éloigner celui que Gioconda lui préfère. Il enjoint donc à Enzo d'attendre le soir même Laura sur son navire et de se préparer à prendre le large avec elle. Il compte bien amener Laura au rendez-vous ; mais ce qu'il ne dit pas, c'est qu'il compte aussi dénoncer les amants au mari et les faire prendre tous deux au piège. Il fait en effet écrire la dénonciation par un complice et la jette dans la gueule du lion de Saint-Marc. — Entre temps, la Gioconda a appris la vérité : Enzo en aime une autre. Et son cœur désespère...
Le deuxième acte s'ouvre par un ballet. La scène représente l'endroit écarté où le navire d'Enzo attend pour lever l'ancre l'arrivée de Laura. Barnaba, déguisé, est là pour guetter sa proie.
Laura arrive. Duo d'amour. Elle est suivie de Gioconda, le cœur plein de projets de vengeance. Explication haineuse entre les deux rivales. Mais un revirement soudain se produit : la Gioconda a vu aux mains de Laura le rosaire de sa mère. C'est donc elle qui sauva la vie de la vieille aveugle. Désormais, l'amoureuse blessée ne s'appartient plus ; elle doit acquitter la dette de la reconnaissance. Elle sauvera donc celle que tout à l'heure elle ne songeait qu'à perdre. Elle fait échapper Laura, et quand Barnaba revient, c'est pour constater qu'une de ses victimes lui est arrachée. Damnation ! Du moins Enzo paiera-t-il pour deux. Mais quand surviennent les hommes chargés de s'emparer des amants fugitifs, le noble proscrit a un beau geste de désespoir : il incendie son navire et échappe en se jetant à la mer.
L'acte suivant se passe au palais d'Alvise Badoer. Une grande fête se célèbre dans des salons voisins. Le grand seigneur outragé annonce à sa femme qu'il connaît son adultère et qu'elle doit mourir. Il lui donne du poison en lui montrant un catafalque préparé pour recevoir son cadavre. Puis il la laisse. La Gioconda se glisse dans la chambre et donne à la condamnée un narcotique qui imite les effets du poison et trompera Alvise. Elle emporte le poison destiné à sa rivale. Alvise revient et constate — croit constater — que justice est faite. Le décor change.
Nous sommes au milieu du tourbillon de la fête. Ballet. Beaucoup de masques. Parmi eux Enzo. Soudain Barnaba fait irruption dans la salle, traînant après lui l'aveugle. Il la dénonce comme sorcière et traîtresse ; elle priait près du cadavre de Laura. Ce nom frappe l'oreille d'Enzo, qui jette son masque et brave publiquement Alvise. Que lui importe de mourir si Laura n'est plus ! On l'arrête, et Alvise, son secret étant connu, écarte une draperie et montre sa femme inanimée : elle le trompait, il a vengé son honneur. Le rideau tombe sur la foule glacée d'épouvante. Mais la Gioconda a eu le temps de glisser à l'oreille de Barnaba qu'elle sera à lui s'il réussit à sauver Laura. Le misérable accepte, fou d'espoir.
Dernier acte. Enzo a réussi à s'évader, grâce à la Gioconda. Il viendra tout à l'heure. En attendant, celle qui a veillé sur ses jours attend dans un endroit écarté l'arrivée de Laura endormie. Deux hommes apportent en effet une forme humaine enveloppée d'un manteau. La Gioconda fait déposer sa rivale dans une pièce voisine.
Survient Enzo et le démon de la jalousie torture celle qu'il a repoussée. Elle n'aspire plus qu'à mourir et la mort lui semblerait plus douce venant de la main de son idole. Elle déclare donc à Enzo que Laura est morte. L'homme bondit et va la frapper de son poignard, tandis qu'extatique elle tend la gorge. Mais au même instant, Laura s'éveille et l'appelle... La Gioconda doit subir la torture supplémentaire d'assister à la joie des amants réunis. Elle les fait monter dans la barque qu'elle leur a préparée et qui doit les conduire loin de Venise.
Restée seule, elle se rappelle avec horreur Barnaba et sa promesse. Il va falloir payer : elle paiera. Et quand le misérable se présente pour réclamer son salaire, elle se poignarde sous ses yeux et lui livre son corps... à l'état de cadavre. Barnaba lui crie en vain qu'il a empoisonné sa mère : la Gioconda n'entend plus. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
GIOVENTÙ DI ENRICO QUINTO (LA)
Opéra italien en deux actes, musique de L.-J.-F. Herold, représenté au théâtre del Fondo, à Naples, en 1815. Cet opera buffa fut écrit par le célèbre compositeur la troisième année du séjour qu'il fit en Italie, où il avait été envoyé à titre de pensionnaire de l'Académie. C'était une entreprise hardie que de donner un ouvrage dans une ville où ceux de Paisiello, de Zingarelli et de Meyer jouissaient de la faveur du public. Le résultat justifia cette tentative. Son opéra réussit, quoiqu'il fût écrit dans le style français. Les Napolitains, qui se piquaient alors d'avoir le goût difficile, trouvèrent originale une facture qui reproduisait les formes de mélodie et d'accompagnement qui signalaient l'élève de Méhul.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GIRALDA ou LA NOUVELLE PSYCHÉ
Opéra-comique en trois actes, livret d’Eugène Scribe, musique d'Adolphe Adam.
Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 20 juillet 1850. Mise en scène d’Ernest Mocker. Avec Mmes Caroline Félix-Miolan [Miolan-Carvalho] (Giralda), Maria Meyer [Meillet-Meyer] (la Reine d'Espagne), Marie (une Dame d'honneur) ; MM. Bussine (le Prince d'Aragon), Sainte-Foy (Ginès Perès), Achille Ricquier (Don Japhet d'Atocha), Audran (Don Manoël), Adolphe (un Affidé du Saint-Office), Lejeune (un Domestique).
Représentation au Théâtre du Trianon-Lyrique, le 07 mai 1915.
« Cet ouvrage est le meilleur, au point de vue musical, du compositeur populaire. Les situations variées et piquantes du livret lui ont offert une occasion excellente de s'abandonner à sa verve ingénieuse et à de jolie détails d'instrumentation. La donnée de la pièce est aussi invraisemblable et aussi peu poétique que celle de la plupart des autres opéras-comiques de Scribe. Les scènes en sont toutefois généralement amusantes. Un roi d'Espagne accompagne la reine dans un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle, et s'arrête dans la ferme de Ginès, fiancé de Giralda. Celle-ci aime en secret un cavalier qu'elle rencontre sans cesse sur son chemin, mais dont elle n'a pu connaître les traits. Ce cavalier, d'ailleurs nommé don Manoël, est obligé de se cacher pour je ne sais quel délit politique. Il donne au meunier Ginès six cents ducats pour prendre sa place à l'autel, et il devient l'époux de Giralda. Apprenant l'arrivée du roi, le nouveau marié prend la fuite. Pendant son absence, mille incidents se succèdent, et la pauvre Giralda se croit tour à tour l'épouse de Ginès, d'un vieux seigneur nommé don Japhet, jusqu'à ce que la reine, ayant accordé la grâce de don Manoël, celui-ci vienne enfin se déclarer le vrai mari de celle qu'il aime. L'ouverture se compose d'un fandango assez joli. On y remarque un passage chromatique d'un bel effet. Au premier acte, on distingue un chœur accompagné de castagnettes, une ariette de Giralda, un duo bouffe et un autre duo charmant : Dans l'église du village, dont la reprise : Ah ! l'excellente affaire a beaucoup d'entrain. L'air de basse, chanté par Bussine, est d'une bonne facture. Au second acte, nous signalerons le duo : Dieu d'amour et de mystère, et le finale dans lequel Mlle Miolan exécutait des tours de force d'agilité vocale. Le troisième acte renferme aussi un quintette bouffe : Eh ! eh ! eh ! bien traité, et les couplets de Giralda : Mon mari, mon vrai mari. Mlle Miolan, Mlle Meyer, Bussine, Audran, Sainte-Foy et Ricquier ont interprété avec talent cette aimable partition, qui a été réduite pour le piano par M. Vauthrot. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GIROFLÉ-GIROFLA
Opéra bouffe en trois actes, livret d’Albert Vanloo et Eugène Leterrier, musique de Charles Lecocq. => livret
Première représentation à Bruxelles, théâtre des Fantaisies-Parisiennes, le 21 mars 1874, avec Pauline Luigini (Giroflé).
Première fois à Paris, théâtre de la Renaissance, le 11 novembre 1874, avec Mmes Jane Granier (Giroflé-Girofla) ; Alphonsine (Aurore) ; Augusta Colas (Paquita) ; MM. Félix Puget (Marasquin) ; Vauthier (Mourzouk) ; Alfred Jolly (Boléro d'Alcarazas) ; Gobereau (chef des pirates) ; Laurent (Pedro).
Représentation au Théâtre de la Gaîté-Lyrique, le 21 avril 1903 ; Théâtre du Trianon-Lyrique, en 1908 ; Théâtre du Vaudeville, le 03 juin 1911 (en allemand).
« Le succès qu'a obtenu cet ouvrage témoigne de la nature des goûts du public et des concessions que font les auteurs pour les satisfaire et en tirer profit. La donnée de la pièce n'est tolérable qu'à cause de son invraisemblance. Cependant il y a des hypothèses qu'il n'est pas louable de traiter devant le public. Dans quelle intention les auteurs ont-ils imprimé sur leur partition que la scène se passe durant les trois actes en Espagne, vers 1250 ? Il me semble qu'il était bien inutile de choisir la glorieuse époque des croisades pour faire parader leurs pitres et leurs queues rouges.
Don Boléro d'Alcarazas a deux filles jumelles, Giroflé et Girofla. Il a donné la première en mariage au banquier Marasquin et la seconde à Mourzouk, guerrier maure. Pendant la cérémonie du mariage de Giroflé, les pirates surviennent et enlèvent Girofla. Le père l'apprenant et redoutant le courroux de Mourzouk, obtient de gré ou de force que Giroflé se substitue à sa sœur, espérant que bientôt Matamoros, l'amiral, poursuivant les pirates, lui ramènera sa seconde fille. La mère, le gendre, Girofla se prêtent à la supercherie, et les situations les plus scabreuses se succèdent jusqu'à ce qu'enfin Matamoros, victorieux des pirates, ramène Girofla. Je ne pense pas que l'art musical ait à progresser par ce contact avec la bouffonnerie à outrance, et il me semble que les compositeurs devraient hésiter à mettre en musique des paroles comme celles-ci :
Pour un tendre père
Ayant un enfant,
Pouvoir s'en défaire
Est un doux moment ;
Mais quelle infortune,
Quand on en a deux ! etc.
Souligner par la diction lyrique l'embarras de cette jeune fille à qui l'on donne deux maris, et qui demande à sa mère si elle devra avoir pour tous deux la même obéissance ! Il faut convenir que M. Lecocq a une muse complaisante ; il est vrai que cette muse n’est qu'une musette ; toutefois cette musette n'est pas tendre :
GIROFLÉ.
Papa, papa, ça n' peut pas durer comme ça.
LE PÈRE.
Il faut de la prudence,
Il y va de mon existence.
LA FILLE.
J' m'en fich' pas mal.
LE PÈRE.
Ah ! tu me désespère ;
Tu vois, tu fais pleurer ton père.
LA FILLE.
J' m'en fich' pas mal.
Ça n' peut pas durer comm' ça.
LE PÈRE.
Veux-tu bien n' pas crier comm' ça.
Tous deux réunissent même leurs voix dans ce charmant duo pour crier : Oh ! la, la !
Les couplets de la jarretière ne sont qu'égrillards ; passe. Mais la narration de la nuit des noces par Giroflé dépasse. Je n'avais pas encore trouvé dans aucun ouvrage lyrique un tel sujet traité avec de si prosaïques détails. La Fille de Madame Angot a débuté à Bruxelles avant d'obtenir en France son immense succès. C'est également à Bruxelles que les auteurs de Giroflé-Girofla ont fait réussir leur ouvrage. Cette précaution était bien inutile. L'abaissement du goût est tel en France, depuis qu'on a rapporté sous l'Empire la loi sur les privilèges accordés aux théâtres, qu'on a Pu tout oser. Ce qu'on appelle la meilleure société est allé applaudir Giroflé-Girofla, et on a même initié des jeunes filles du grand monde aux embarras conjugaux de l'intéressante famille de don Boléro. Elles ont pu y apprendre qu'on tirait le canon en 1250.
La partition ne renferme pas moins de vingt-trois morceaux. L'ouverture n'offre aucune qualité saillante. Dans le premier acte, on peut signaler la ballade sur les pirates, dont l'accompagnement est d'un bon effet ; les couplets : Pour un tendre père ; les gentils couplets de Giroflé répétés par Girofla : Père adoré ; ceux de Marasquin : Mon père est un très gros banquier ; le chœur : A la chapelle ; le chœur des pirates et le sextuor. Le second acte est sans doute plein d'entrain et de gaieté ; mais les idées musicales se ressentent de la vulgarité des paroles, ce qu'on peut remarquer dans le duetto de Giroflé et de Boléro, dont j'ai donné plus haut quelques vers, dans la scène d'orgie et dans celle du canon ; le quintette : Matamoros, grand capitaine, est le meilleur morceau de l'ouvrage ; l'harmonie en est intéressante. Dans le troisième acte, l'aubade sans accompagnement n'offre guère qu'une habile disposition des voix. Les couplets dialogués : En entrant dans notre chambrette, sont suivis d'un petit nocturne qui pourrait être agréable si cette scène n'offensait pas le goût. Au nombre des morceaux les mieux réussis il faut encore compter l'air de Marasquin : Beau-père, une telle demande, le chœur et les couplets du départ. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1876]
« Parmi les principales partitions du musicien Charles Lecocq — essentiellement « Gaulois » — plusieurs ont été tout d'abord exécutées à Bruxelles... sans compter la « petite dernière » Yetta, dont les Belges ont eu la primeur en 1903. Ce qu'il y a de plus piquant, c'est qu'une des premières, les Cent Vierges, chantait à l'étranger : « O Paris, gai séjour ! » inaugurant par là le règne des valses célèbres qui, chez nous, ont depuis tellement fait fureur.., comme si les compositeurs viennois en avaient eu le monopole.
C'est également hors de France que, le 21 mars 1874, sur la scène des Fantaisies-Parisiennes de Bruxelles, après la création de la Fille de Madame Angot, a été primitivement représenté l'opéra-bouffe de Giroflé-Girofla (*), dont le retentissement fut énorme : ovations sans fin, couronnes au compositeur, partition quasi bissée tout entière, etc. ; l'Europe se jeta dessus — et trois directeurs à la fois se le disputaient, quand la Renaissance obtint la priorité. Le directeur de l'Alcazar de Bruxelles, Humbert, lié avec celui de la Renaissance, Hostein, lui facilita les pourparlers. L'œuvre fut jouée, depuis le 11 novembre 1874, deux cent soixante-dix fois de suite. Les orgues de Barbarie — ces ancêtres de l'orchestre des « dancings », en tant que vulgarisateurs de grands succès — se mirent immédiatement en devoir d'en populariser les mélodies.
(*) Consulter sur Giroflé-Girofla le chapitre XI des Souvenirs d'un librettiste, par Vanloo (Ollendorff).
Le livret mettait en scène une Espagne de fantaisie, dont les costumes, pittoresquement dessinés par Grévin, ont bien souvent reparu dans le répertoire de Vanloo et Leterrier — qui ont aussi fait appel au crayon de Draner, le caricaturiste du Charivari. L'intrigue ne diffère pas sensiblement du reste de leurs productions habituelles.
Don Boléro d'Alcarazas a deux filles jumelles qu'il est très difficile de distinguer l'une de l'autre — sans la couleur du ruban dont elles ornent leur corsage et leur coiffure. Sur les instances de sa femme, l'énergique Aurore, qui le mène tambour battant, il a conclu pour elles deux mariages diplomatiques : il donne Giroflé au fils de son richissime banquier Marasquin, auquel il doit quatre millions ; et Girofla au terrible Maure Mourzouck, exaspéré de naissance et dont il a des raisons de craindre le voisinage dangereux. Malheureusement, il n'y a pas que les troupes de ce moricaud pour exercer des ravages dans le pays. La côte est infestée de pirates barbaresques. Et ces bandits trouvent moyen d'enlever à bras tendus l'innocente Girofla peu d'instants avant les noces — qui doivent avoir lieu le même jour... N'osant avouer au redoutable Mourzouck qu'il n'a pas su lui garder sa future, don Boléro, toujours poussé par son épouse, trouve moyen de faire passer — vu la ressemblance — Giroflé pour sa sœur, et la marie deux fois. Ça va jusqu'à la nuit de noces. Là, les choses vont se gâter, car le sensible Marasquin n'a autorisé ce changement d'infante qu'à la condition que le farouche Mourzouck n'aurait pas « ça » de sa femme... « Il faut donc apaiser cet Abencérage enragé, faire jeûner ce tigre, sevrer ce vampire, qui arrive affamé d'amour, montrant deux rangées de dents formidables, et roulant des yeux de nègre d'horloge dont le cadran serait détraqué... » C'est à quoi la pièce emploie les stratagèmes les plus fous et les quiproquos les plus divagants. Heureusement que l'amiral Matamoros, grand capitaine, a donné la chasse aux pirates ; il délivrera Girofla qui regagne la ménagerie conjugale — et, moralement, Giroflé.
L'analogie de cette affabulation avec celles de la Petite Mariée et le Jour et la Nuit saute aux yeux. Il n'y avait pas de raisons pour que ce qui fit le succès des unes n'assurât pas celui des autres, et la suite en a longuement témoigné. De même on sait tout le parti que le théâtre tire de ce qu'on appelle les « cas d'identité » — qu'il s'agisse de ressemblances ou de dédoublement de personnalité. Les annales du mélodrame en sont pleines. C'est généralement un même artiste qui joue les deux rôles à transformation. Pour l'opérette en question, les directeurs manquaient du personnel voulu. Le consciencieux Vauthier avait bien accepté de se noircir le visage pour sa composition mauresque ; mais on alla chercher jusqu'à Bruxelles, Jolly, le don Boléro de la création, remplacé plus tard par Provost — un ex-sociétaire de la Comédie-Française ! — et il fallut tirer de sa retraite l'excellente duègne Alphonsine, qui devait incarner Aurore. Quant à la « Giroflé » rêvée, pas une interprète n'avait encore été jugée satisfaisante — lorsqu'on s'avisa de « la petite Granier ».
Celle-ci languissait à la Gaîté. Elle n'avait pas réussi à vaincre l'antipathie d'Offenbach — lui qui a découvert, sur une seule audition, Hortense Schneider, Zulma Bouffar, Van Ghell, Lise Tautin... Pradeau, Berthelier, et tant d'autres, ne sut pas deviner Granier. Elle avait, un soir, remplacé Mme Théo à la Renaissance, dans la Jolie Parfumeuse, et l'accueil du public lui était allé au cœur... si bien que la gentille débutante ne rêvait que d'y revenir. Elle joua seize fois ce rôle, appris en quatre jours... mais rien ne guérit une divette comme le succès de sa doublure ! Sur ces entrefaites, on lui distribua le petit rôle de Minerve lors de la reprise d'Orphée aux Enfers, à la Gaîté — il n'y avait rien à tirer de cette « panne »... trois mots à dire et rien à chanter ! L'artiste éclata en sanglots et implora sa résiliation, qui lui fut accordée sans trop de peine... Quelques semaines plus tard, elle se révélait adorable en Giroflé-Girofla, portée en triomphe dans les coulisses, comparée par la presse à un rossignol et à un pinson... « Cette zoologie la flattait ! ». — Dans le champ des jumelles, apparition d'Etoile. »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GIRONDINS (LES)
Drame lyrique en quatre actes et six tableaux, livret de Paul Bérel [pseudonyme de Paul de Choudens] et Delormeil [pseudonyme d'André Lénéka], musique de Fernand Le Borne.
Créé au Grand Théâtre de Lyon, le 25 mars 1905, par : Mmes MAZARIN (Laurence), HEINDRICKX (Artémise) ; MM. VERDIER (Ducos), DANGES (Varlet), ROSELLY (Fonfrède), Marcel BOUDOURESQUE (Richard), GOURNAC (Robespierre), sous la direction de Philippe FLON.
Première fois à Paris, au Théâtre Lyrique de la Gaîté, le 12 janvier 1912 : Mmes Aurora MARCIA (Laurence), Renée DANTHESSE (Artémise), MM. SALIGNAC (Jean Ducos), Raymond BOULOGNE (Varlet), Georges PETIT (Fonfrède), ALBERTI (Richard), RENOUX (Robespierre). Chef d'orchestre : A. AMALOU
Première fois au Palais Garnier, le 4e acte seulement, le 26 mars 1916. Mise en scène d'Octave Labis.
Mme DEMOUGEOT (Laurence).
MM. LAFFITTE (Jean Ducos), DELMAS (Fonfrède), GONGUET (Vergnius), ERNST (Gensonne), LACOME (l'Abbé Fruchet).
Chef d'orchestre : Alfred BACHELET
3 représentations à l’Opéra (4e acte seul) au 31.12.1961.
GIROUETTE (LA)
Opérette en trois actes, livret de Paul Bocage et Emile Hémery, musique d’Auguste Cœdès, représenté au théâtre des Fantaisies-Parisiennes (théâtre Beaumarchais) le 03 mars 1880. Cette opérette est une farce désopilante d'un bout à l'autre. La girouette est le seigneur Pépin, qui a fiancé sa fille à un Eustache de Tolède. Or, il se présente deux Eustache, et la jeune fille, qui s'appelle Frédérique, aime un autre faux Eustache, qu'elle finit par épouser. Pépin va d'un gendre à l'autre, ne sachant à quel vent obéir. Cet imbroglio est impossible à analyser. La musique est fort agréable, spirituellement agencée sur les paroles. Je signalerai, dans le premier acte, le chœur alla hongroise : De la vertu nous répondons ; le duo : O quel bonheur ! et le finale ; dans le second, les couplets de Pélagie : Vous triomphez, ô Colardo ! le trio : Je suis perplexe ; dans le dernier acte, la jolie phrase : C'en est fait, je suis prisonnier, et le chœur : Amis, selon l'usage. Dans cette musique, l'expression est vive et juste. Les procédés de composition n'ont rien de prétentieux ni de bien nouveau. Le sujet ne comportait pas un grand effort. L'auteur abuse, dans ses accompagnements, de la quinte augmentée. Chanté par MM. Denizot, Jannin, Villars, Bellot, Mmes Thève, Devaure, Tassily, Tauffensberger.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1880]
GISMONDA
Drame lyrique en trois actes et quatre tableaux, livret d’Henri Cain et Louis Payen, d'après le drame de Victorien Sardou, musique d'Henry Février.
Création (version originale en français) à Chicago, Théâtre, 14 janvier 1919, avec Mmes Mary GARDEN (Gismonda), FERRAT (Thisbé), MM. Lucien MURATORE (Almério), MAGUENAT (Zaccaria), JOURNET (l'Évêque Sophron), HUBERDEAU (Grégoras), sous la direction de Louis HASSELMANS.
Première à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 15 octobre 1919. Mise en scène d’Albert Carré. Chorégraphie de Nicola Guerra. Décors de Lucien Jusseaume et Raymond Deshays. Costumes de Marcel Multzer.
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15.10.1919 Opéra-Comique (création) |
23.01.1923 Opéra-Comique (31e) |
02.04.1925 Opéra-Comique (40e) |
Gismonda |
Fanny HELDY |
Marie DORSKA |
A. VALLANDRI |
Thisbé |
Math. CALVET |
Math. CALVET |
FERRAT |
Cypriella |
Andrée FAMIN |
Andrée FAMIN |
DELAMARE |
Léonarda |
VILLETTE |
VILLETTE |
VILLETTE |
l'Abbesse |
CARO-MARTEL |
BILLA-AZÉMA |
BILLA-AZÉMA |
Agnelo |
FRANCESCA |
O. GARCIA (débuts) |
O. GARCIA |
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Almério |
Charles FONTAINE |
LAPELLETRIE |
LAPELLETRIE |
Zaccaria |
H. ALBERS |
Henri ALBERS |
R. BOURDIN |
Ev. Sophron |
H. AUDOIN |
H. AUDOIN |
Louis AZÉMA |
Grégoras |
DUPRÉ |
DUPRÉ |
DUPRÉ |
Mataxas |
R. GILLES |
R. GILLES |
L. MORTURIER |
Simonetti |
REYMOND |
GOAVEC |
GOAVEC |
Tibéri |
L. CAZETTE |
VILLABELLA |
Victor PUJOL |
Andrioli |
Victor PUJOL |
Victor PUJOL |
Georges GENIN |
Pasquali |
WINKOPP |
R. LALANDE |
R. LALANDE |
l'Enfant |
Roger JALADIS |
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Danses |
S. PAVLOFF |
Fr. SOULÉ |
H. ANDRÉ |
Chef d'orchestre |
Alphonse CATHERINE |
Alphonse CATHERINE |
F. MASSON |
45 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
« En 1893, Victorien Sardou venait de terminer la Sorcière destinée à Sarah Bernhardt. La pièce devait être créée à la Porte-Saint-Martin ; mais entre-temps, Sarah — qui rêvait d'avoir son théâtre à elle — prenait la direction de la « Renaissance », en attendant mieux. Et, dans ce cadre étroit, la réalisation d'un drame d'une telle envergure devenait fort difficile. Sardou remit l'ouvrage dans ses cartons — où il allait rester jusqu'en 1903 — et il écrivit Gismonda pour la célèbre tragédienne.
Cette œuvre, qui est restée l'un des plus grands succès de Sarah Bernhardt, et dont la création date du 31 octobre 1894, était appelée à l'adaptation lyrique — ainsi que tout le répertoire héroïque de son auteur. C'est pourtant seulement le 22 janvier 1919 que le public eut connaissance d'un livret de Gismonda. Et cette première représentation était donnée en Amérique, par la « Chicago-Grand-Opera Cy » sur la scène de l'Auditorium ! Neuf mois plus tard, le 15 octobre, les Parisiens l'applaudissaient enfin à l'Opéra-Comique — direction Albert Carré. — Le ténor Charles Fontaine reprenait le rôle qu'il avait créé aux côtés de Mme Mary Garden sur les bords du lac Michigan ; et Mme Fanny Helder était une nouvelle Gismonda — dont l'histoire a été respectée autant que possible par MM. Henri Cain et Louis Payen, qui ont travaillé d'après le maître Victorien Sardou. La partition est de Henry Février, leur collaborateur dans Carmosine, et qui semble bien avoir une prédilection pour l'expression musicale de cette harmonieuse époque.
Cependant, l'époque en question déroute lorsque l'on constate que l'action se passe au « duché » d'Athènes, en 1450... cela fait un peu l'impression d'un royaume de féerie, où les modes et les mœurs de la Renaissance italienne jureraient avec notre habituelle conception de la Grèce, et, en particulier, avec nos souvenirs classiques — si l'on ne se rappelait que Shakespeare a fait « duc d'Athènes » le Thésée du Songe d'une nuit d'été. L'objection fut soumise à Sardou lui-même — qui n'était jamais à court de ripostes : « C'est précisément parce qu'entre tant de milieux historiques familiers au public, celui-ci est si peu connu et si spécial, que j'ai été le choisir. Il y a quelque injustice dans notre ignorance de ce duché, qui semble de création shakespearienne, et dont l'existence s'est prolongée au-delà de deux siècles avec des vicissitudes très diverses et souvent très dramatiques. On est trop accoutumé chez nous à ne plus compter avec Athènes depuis les Romains, et le rôle qu'elle a joué pendant toute la période byzantine y demeure à l'état de livre fermé. Il serait pourtant assez doux à notre amour-propre national de se redire qu'en ces temps anciens Athènes fut fief de France ; que son premier duc, Othon de la Roche, un Franc-Comtois, fut notre compatriote, et que ses successeurs, en important notre civilisation au Pirée, y firent fleurir les nobles pratiques et les beaux gestes de la Chevalerie... Il est plaisant de les voir installés sur l'Acropole avec leurs traditions guerrières, leurs idées chrétiennes, et une ignorance absolue de ces temps anciens dont les héros ne leur apparaissent que comme des chevaliers moyenâgeux. Et, tranquillement, ils succèdent à ces chevaliers d'autrefois ; s'intitulent ducs de Naxos, comtes de Céphalonie, barons d'Ithaque ou de Corinthe ; mènent exactement dans leurs castels bâtis sur le modèle de Coucy, de Clisson et de Pierrefonds, l'existence qu'ils mènent au pays natal, avec leurs pages, écuyers, fauconniers, chapelains et jongleurs... Et ce ne sont que fêtes, joutes, tournois et ripailles : de quoi le Parthénon a le droit d'être bien étonné !
Tel est, en effet, le spectacle que nous offre le 1er tableau du drame — bien que l'action se déroule pendant la période florentine et non pendant la période française de ce duché d'Athènes, authentiquement gouverné pour le compte du roi de Sicile par la régente Gismonda, veuve de Nério II, tutrice de son fils Francesco. C'est une princesse lointaine. Sa main est fort recherchée, notamment par son cousin, Zaccaria Franco Acciaïoli ; mais, comme Blanche de Castille, Gismonda comprend que son fils ne serait qu'un jouet dans la main d'un régent. Zaccaria aura beau la combler de présents. elle ne l'aime point et ne veut pas de lui. Le prince devine l'obstacle ; il a fait son âme damnée d'un vil chambrier du palais, l'intrigant Grégoras — et par cupidité, ce misérable accepte de supprimer l'enfant. Cela sera facile ; Zaccaria, récemment. a fait don à la souveraine d'un lion indien, hospitalisé dans une citerne. Le petit Francesco se penche pour le contempler ; une simple poussée de Grégoras... et tout serait fini ! Mais Gismonda a vu tomber son fils. Elle se précipite, hagarde ; et, comme on la retient, s'écroule au pied d'une croix byzantine en criant désespérément : « Ma couronne et moi-même à qui sauvera mon enfant ! »
Un homme a surgi de la foule ; il bondit dans la fosse et lutte corps à corps avec le carnassier... on lui jette un faisceau de cordes ; bientôt il reparaît, sanglant, portant le petit prince évanoui, mais sans blessure, et le dépose doucement entre les bras de Gismonda qui s'avançait en chancelant. Et la Duchesse le regarde : « Qui es-tu ?... — Almério le fauconnier ! »
Ce brave serviteur est d'origine noble, mais bâtarde. Fils d'un gouverneur de Nauplie, qui est mort sans l'avoir reconnu, il a grandi parmi le peuple. Gismonda peut-elle tenir son serment ! L'évêque Sophron lui montre la croix sur laquelle elle vient de jurer tout à l'heure... et la foule attend ! La princesse s'est redressée dans sa fierté de femme et de souveraine. De tous les seigneurs qui disaient l'aimer, pas un n'a bougé pour sauver son fils, mais l'intérêt de l'Etat, de l'enfant lui-même, et tous ses instincts en révolte lui permettent-ils d'élever ce valet jusqu'à son trône et à son lit ! Et comme Almério refuse la fortune qu'elle lui propose en échange de sa parole, Gismonda se retire sans ajouter un mot...
Nous la retrouverons, impassible en apparence, au temple de Daphni — devenu couvent de Bénédictines ; sépulture des ducs d'Athènes qui existe encore aujourd'hui sur le chemin d'Eleusis. C'est la quinzaine de Pâques et Gismonda est en retraite : elle achève de rétablir dans cet asile la santé de Francesco ; et elle y a cherché, sans trop se l'avouer, un refuge contre ses scrupules — et contre l'animosité de la populace, qui l'accuse tout bas de parjure ; un soulèvement immine. Cependant Almério était parti combattre les pirates à Marathon. Le voici qui revient vainqueur ; il est aux genoux de sa Dame »... Elle le remercie avec noblesse : la comté de Soula récompensera son triomphe ; déjà, le fauconnier devient une puissance ; mais son amour n'a pu encore avoir raison des ressentiments de l'orgueil dans lequel s'opiniâtre Gismonda... Le peuple gronde sous les murs du couvent ; et c'est Almério qui se charge de l'apaiser — il assure de son respect, de son désintéressement, la Duchesse hautaine et sceptique : il ne cherche qu'à gagner son cœur et n'ambitionne pas le pouvoir... « Prouve-le — répond Gismonda — et délie-moi de mon serment ! » Almério hésite... mais il a surpris un tremblement dans la voix de la femme : elle est troublée. Un vertige le gagne — il cède. Gismonda pousse d'abord un cri de délivrance, puis saisissant la main du malheureux aventurier, qui déjà s'enfuyait, écrasé par son sacrifice : « Retourne dans ta cabane... et laisse cette nuit la porte ouverte ! »
... La nuit sur les collines de l'Attique ; au fond l'Acropole et le Parthénon ; l'Erechthéion et la Pinacothèque, et l'escalier monumental des Propylées. Des ruines païennes, des fleurs endormies, et le clair de lune. Evocation d'Aphrodite ; danses de nymphes eurythmiques, mouvement de faunes — chants de volupté.
L'aurore va poindre ; la porte de la hutte habitée par Almério livre passage à la furtive Gismonda qui n'était plus qu'une amoureuse, et que ressaisit son devoir de reine. Elle s'est arrachée aux baisers de l'amant et s'éloigne déjà, lorsque l'apparition de deux ombres suspectes la rejette derrière un cyprès. Le prince Zaccaria et son confident Grégoras se sont approchés ; ils délibèrent à voix basse : il s'agit de frapper Almério pendant son sommeil. Cette fois Grégoras a peur : il est plus facile de lancer un enfant dans la fosse aux lions que d'attaquer un héros de l'étoffe du fauconnier. La Duchesse a tout entendu ; elle étouffe un cri. Zaccaria, furieux, repousse son lâche complice, qui s'enfuit en jetant l'arme du crime — une hachette. Gismonda s'en empare, et bondit sur le prince à l'instant précis où, la dague au poing, il pénètre chez Almério. La hache tournoie, s'abat sur le traître... Zaccaria est mort.
Dans l'Erechthéion, converti par les croisés en « église de la Mère-Dieu » — l'évêque Sophron bénit les Rameaux. C'est la fête de Pâques fleuries. La foule, agitant des palmes, emplit la basilique — et Gismonda préside la cérémonie. Almério, comte de Soula, vient de tenir sa promesse, et l'a publiquement relevée de son vœu. Mais alors, un homme se dresse : Grégoras a trouvé son maître assassiné à la porte du fauconnier, et il l'accuse de ce meurtre. On n'ignorait point la rivalité des deux hommes... et les Grands demandent justice. Almério ne se défend pas — il ne faut pas que la reine soit compromise ; tout le monde doit ignorer qu'elle est sortie de son palais cette nuit-là pour le rejoindre. Déjà, l'on s'empare de lui, et il se prépare à mourir, le front haut, heureux de disparaître en plein rêve réalisé. Mais l'amour parle enfin en maître dans le cœur de Gismonda ; et, bravant le déshonneur, elle crie la vérité, tend sa main à son chevalier, s'agenouille devant l'évêque en le priant de l'absoudre et de célébrer son mariage avec Almério, duc d'Athènes... Rare dénouement agréable de tragédie — et d'opéra ! »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GITANA (LA)
Grand opéra en quatre actes et sept tableaux, livret de Ludovic Chareau, musique d'Etienne Rey, représenté au Grand Théâtre de Bordeaux le 22 février 1864.
GITANO (IL)
[le Bohémien]
Opéra en quatre actes, paroles de Partouneaux, musique de Fontmichel, représenté à Marseille au mois d'avril 1834. Le sujet est tiré du roman d'Eugène Sue Plick et Plock. Cet opéra, dû à la collaboration de deux auteurs provençaux, a été acclamé naturellement par leurs compatriotes ; néanmoins l'ouvrage par lui-même a du mérite. On cite les couplets du gitano et la romance du gouverneur, chantée par Serda. M. de Fontmichel a été élève de Chelard et a obtenu le deuxième grand prix de l'Institut.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GIUDITTA
[en français Judith]
Opéra viennois en trois actes et cinq tableaux, livret de Paul Knepler et Fritz Lohner, musique de Franz Lehár.
Première représentation à Vienne, Staatsoper, le 20 janvier 1934, avec Vera Schwarz (Judith) et Richard Tauber (Holopherne), sous la direction du compositeur.
Version française d’André Mauprey créée à Bruxelles, Théâtre Royal de la Monnaie, le 17 mai 1935, dans une mise en scène de Georges DALMAN.
Mmes Kate WALTER-LIPPERT (Giuditta), Suzanne de GAVRE (Anita), LECLERCQ (Lolitta).
MM. José JANSON (Octavio), Emile COLONNE (Manuel), V. MAYER (Séraphin), F. TOUTEHEL (Marcelin), A. BOYER (Cévenol).
Chef d'orchestre : Maurice BASTIN
Première fois au Palais Garnier, (le 3e tableau seulement), le 26 décembre 1935, au cours d'un Gala au bénéfice de la Caisse de Retraite.
Mme Jarnila NOWOTNA (Giuditta).
MM. Richard TAUBER (Octavio), Otto FASSEL (Marcelin).
Chef d'orchestre : Franz LEHAR
Seule représentation à l’Opéra au 31.12.1961.
GLACES ET COCO
Opérette en un acte, musique de Giunti Bellini, représentée au théâtre Saint-Germain (devenu théâtre Cluny) le 5 octobre 1865.
GLANEUSE (LA)
Pièce lyrique en trois actes, livret d’Arthur Bernède et Paul de Choudens, musique de Félix Fourdrain.
Représenté au Grand-Théâtre de Lyon en février 1909.
GLOIRE DE CORNEILLE (LA)
Cantate de S. Th. Leconte, écrite à l'occasion du tri-centenaire de la naissance de Corneille, musique de Camille Saint-Saëns.
Créée à Paris, à l'Académie Nationale de Musique (Palais Garnier), le 06 juin 1906.
Mmes GRANDJEAN (Camille), FEART (Chimène), DEMOUGEOT (un Coryphée).
MM. AFFRE (Polyeucte), DUBOIS (Rodrigue), NOTE (Néarque), DELMAS (Auguste).
Chef d'orchestre : Paul VIDAL.
Seule audition à l’Opéra au 31.12.1961.
GLORIA VICTIS
Grande ballade pour voix seules, chœurs et orchestre, paroles d’Eugène Rostand, musique d’Alexis Rostand, exécutée avec un très grand succès, le 16 février 1875, au Cercle artistique de Marseille, et plus tard à Aix, à Montpellier, à Paris et à Angers.
GLU (LA)
Drame musical populaire en quatre actes et cinq tableaux, livret d’Henri Cain et Jean Richepin, musique de Gabriel Dupont, représenté à l’Opéra de Nice le 24 janvier 1910.
Première à la Monnaie de Bruxelles le 11 janvier 1911, avec Mmes Béral (la Glu), Claire Friché (Marie-des-Anges), Callemien (Naïk), Sonia (Mariette), Gianini (Rosette), MM. Saldou (Marie-Pierre), de Cléry (Gillioury), La Taste (le docteur Cézambre), Colin (le comte de Kerman), Dognies (François).
GOBURGE DANS L’ÎLE DES FALOTS
Parodie-opéra de Panurge dans l'île des Lanternes (opéra de Grétry), en trois actes, paroles de Mayeur-Saint-Paul, musique de Froment, représenté au théâtre des Jeunes-Artistes le 10 janvier 1797.
GODEFROID DE MONTFORT
Opéra français, musique d’Antoine Reicha, représenté à Hambourg en 1794.
GOGUETTE (LA)
Vaudeville-opérette en trois actes, livret de Paul Burani et Hippolyte Raymond, musique d’Antonin Louis, représenté à l’Athénée-Comique le 13 avril 1877.
GONDOLIER VÉNITIEN (LE)
[Il Gondoliere veneziano]
Canevas italien en deux actes, livret attribué à François-Antoine Zanuzzi, Antoine Colalto et Carlo Goldoni, musique d’Antonio Riggieri, créé à Paris, Théâtre-Italien, le 21 janvier 1762. Première à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 05 février 1762.
GONDOLIERS (LES)
Opéra, musique de François Foignet, représenté à Paris en 1801.
GONDOLIERS (LES)
Opéra-comique en deux actes, livret d’Etienne de Champeaux et Adolphe Bréant de Fontenay, musique de Felice Blangini. Création à l'Opéra-Comique (salle de la Bourse) le 19 avril 1833. Il s'agit, dans le livret, des amours du gondolier Urbino et de la fille d'un autre gondolier nommé Paolo. Deux personnages s'intéressent à eux, le premier est un bon ermite jadis capitaine de cuirassiers, l'autre est une ancienne vivandière de l'armée de Napoléon. Grâce à un déguisement, les amants échappent à la surveillance de Paolo, et sont mariés par le bon ermite. L'auteur des célèbres nocturnes n'a su trouver qu'une musique insignifiante pour ce sujet insipide.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GOURDAFLOT VA CHEZ LE COLO !...
Opérette militaire en un acte, livret de Charles Hellem et Pol d’Estoc, musique de Paulhenry, représentée au Grand Casino de Marseille le 18 juillet 1920.
GOYESCAS
Scènes lyriques en un acte (trois scènes), livret de Fernando Periquet y Zuaznabar ; version française de Louis Laloy ; musique d’Enrique Granados.
Personnages : Rosario, une jeune dame de haute naissance (soprano) ; Fernando, un jeune officier, son amoureux (ténor) ; Paquiro, un toréro (baryton) ; Pepa, une jeune fille du peuple, la bien-aimée de Paquiro (mezzo-soprano) ; majas et majos.
L’action se déroule dans un faubourg de Madrid, vers 1800.
Première représentation à New York, au Metropolitan Opera, le 28 janvier 1916, par :
Mmes Anna FITZIU (Rosario), Flora PERINI (Pepa).
MM. Giovanni MARTINELLI (Fernando), Giuseppe DE LUCA (Paquito), Max BLOCH (le Chanteur).
Chef d'orchestre : Gaetano BAVAGNOLI.
Première fois au Palais Garnier, en français, le 17 décembre 1919, dans une mise en scène d'Emile Merle-Forest. Décors des 1er et 2e actes d’Ignacio Zuloaga, du 3e acte de Maxime Dethomas.
Mmes Marthe CHENAL (Rosario), LAPEYRETTE (Pépa).
MM. LAFFITTE (Fernando), CERDAN (Paquito).
Chef d'orchestre : Camille CHEVILLARD
7e à l’Opéra, le 7 mars 1920, avec :
Mmes ISNARDON (Rosario), Yvonne COURSO (Pépa).
MM. GOFFIN (Fernando), CERDAN (Paquito).
Chef d'orchestre : Gabriel GROVLEZ.
7 représentations à l’Opéra au 31.12.1961.
« La scène se passe en Espagne vers 1800. Au 1er tableau, le torero Paquiro invite Rosario à un bal, et, pendant que Fernando fait promettre à Rosario de ne pas s'y rendre sans lui, Pepa, amoureuse de Paquiro, médite de se venger. Au 2e tableau, les deux hommes se provoquent en duel au cours du bal. Au 3e tableau, le duel a lieu dans le jardin de Rosario. Fernando, blessé à mort, tombe aux pieds de Rosario. »
(Marcel Sénéchaud, le Répertoire lyrique d’hier et d’aujourd’hui, 1971)
GRÂCES (LES)
Ballet héroïque en trois actes, avec un prologue, de Roy, musique de Mouret, représenté à l'Académie royale de musique le jeudi 05 mai 1735, et repris, avec des changements, le mardi 07 février 1744.
« Cet ouvrage, dont la valeur musicale est chétive, a eu un grand succès à cause de sa mise en scène et des interprètes, dont les principaux étaient : Chassé, Jélyotte, Tribou, Latour, Mlles Eremans, Fel, Antier, Pélissier, et pour la danse : Dupré, Javillier, Dumoulin, Matignon, Gherardi, Mlles Lebreton, Rabou, Carville, Mariette, Petitpas, Bourbonnais et enfin la Camargo. Les entrées ont pour titres : l'Ingénue, la Mélancolique, l'Enjouée. A la reprise, on fit de nouvelles entrées pour l'Innocence et la Délicatesse, qu'on avait oubliées la première fois. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Sujet des entrées : l'Ingénue ; la Mélancolique ; l'Enjouée.
Interprètes : Chassé, Jélyotte, Tribou ; Mlles Petitpas, Antier, Pélissier, Eremans, Fel, Bourbonnois.
Reprise en 1744. Le prologue est retouché. A l'acte de l'Ingénue on substitue celui de l'Innocence ; la 2e entrée retouchée s'appelle la Délicatesse et la dernière est conservée sous le titre de l'Enjouement. »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GRACIOZA
Opérette en trois actes, livret de Théodore Massiac, musique de Grillet, représentée au théâtre des Menus-Plaisirs le 15 février 1892. On doit également à ces deux auteurs une pantomime en deux actes, En bonne fortune, représentée au Cercle funambulesque en février 1891.
GRAIN DE BEAUTÉ
Opérette en un acte, paroles de Léon Laroche, musique de F. Wachs, représentée au théâtre des Familles le 26 janvier 1875.
GRAND CASIMIR (LE)
Opérette en trois actes, livret de Jules Prével et Albert de Saint-Albin, musique de Charles Lecocq, représentée au théâtre des Variétés le 11 janvier 1879. Cette pièce est amusante et très animée. Le beau Casimir, amoureux d'Angélina, écuyère et directrice du Cirque de l'avenir, a perdu pour elle sa fortune et sa place de sous-préfet. Il l'épouse et se fait dompteur d'animaux féroces. Angélina, tout en aimant Casimir, se laisse conter fleurette par un grand-duc, par son régisseur et même par un jongleur. Casimir, poursuivi par ses créanciers, se fait passer pour mort et se rend en Corse. Là, il compromet une jeune fille du pays et se trouve avoir affaire à la vendetta hyperbolique de 349 Galetti, parents de Ninetta Galetti ; il est obligé de l'épouser. Les hasards de sa carrière équestre amènent Angélina à Bastia, suivie de ses trois adorateurs. Elle retrouve son Casimir marié. Après des incidents multipliés, le mariage forcé est rompu ; l'écuyère et le grand Casimir se rapatrient dans la même ménagerie.
La musique de cette pièce est accorte, gaie et très bien écrite pour les voix et l'orchestre. Dans le premier acte, on a remarqué le duo d'Angélina et de Casimir : Soit, auparavant que je meure ; dans le second, le chœur des demoiselles corses ; la polka du cheval, très caractérisée ; les rondeaux d'Angélina : Il le savait bien, le perfide, et Deux pigeons s'aimaient d'amour tendre. Les principaux interprètes de cette opérette ont été MM. Dupuis, Léonce, Baron, Mmes Céline Chaumont, Baumaine.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1880]
GRAND CHEF (LE)
Opérette en un acte, livret de Louis Thomas, musique de P. Génin, représentée à la Tertulia, à Paris, le 12 janvier 1873. Chantée par Mme Andreani.
GRAND DEUIL (LE)
Opéra-bouffon en un acte, livret de Jean-Baptiste-Charles Vial et Charles-Guillaume Etienne, musique d’Henri Montan Berton. Création à l'Opéra-Comique (1re salle Favart) le 21 janvier 1801, avec Mmes Gontier (Mme Leblanc), Jenny Bouvier (Adèle), Philis aînée (Finette), MM. Chenard (Leblanc), Andrieux (Florval), Bertin (Crispin). => partition livret
« Ce fécond compositeur, qui n'a pas écrit moins d'une quarantaine d'opéras, n'a montré avec éclat ses grandes qualités scéniques que de 1799 à 1803. Le Grand deuil appartient à cette période de sa vie artistique. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GRAND-DUC DE MATAPA (LE)
Opéra bouffe en trois actes et cinq tableaux, livret de Clairville et Octave Gastineau, musique de Jean-Jacques-Joseph Debillemont, représenté au théâtre des Menus-Plaisirs le 16 novembre 1868. On a applaudi les couplets : On a vu des rois épouser des bergères, et un quintette. Chanté par Gourdon, Aurèle, Paul Ginet, Mmes Debrigny-Varney, Marchand et Mlle Séchel.
GRAND GENRE (LE)
Opéra-comique en un acte, paroles et musique du Cousin-Jacques (Beffroy de Reigny), représenté à l'Ambigu-Comique le 13 janvier 1799.
GRAND KARAKAKA (LE)
Opérette en un acte, livret de Queyriaux et Chicot, musique d’Albert Petit, représentée au Concert-Parisien le 28 décembre 1893.
GRAND' MÈRE (LA)
Opéra-comique en deux actes, livret d'Etienne Guillaume François de Favières, musique de Jadin, représenté sur le théâtre Molière le 16 octobre 1804.
GRAND-MÈRE (LA)
Comédie lyrique en deux actes, livret de Paul Milliet, d'après Victor Hugo, musique de Charles Silver.
Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 07 octobre 1930. Mise en scène de Gabriel Dubois. Chorégraphie de Robert Quinault. Décors de Georges Mouveau. Costumes de Marcel Multzer.
Mmes Mathilde CALVET (la Marquise), Maguy GONDY (Francine), Andrée BERNADET (une paysanne), FIORINE (petite Cécile), MAIRE (petit Charles), Doris JALADIS (petite Adèle).
MM. Raoul GIRARD (Charles), DUPRÉ (John Green), Pierre FOUCHY (un Bourgeois), Raymond GILLES (un paysan).
Chef d'orchestre : Georges LAUWERYNS.
8 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
« Le livret, arrangé par M. Paul Milliet se prêtait bien à la musique. Le compositeur s'est tiré fort adroitement de sa tâche, tout en employant une langue un peu surannée et qui date au moins d'une vingtaine d'années. La partition contient d'ailleurs de fort jolis passages. »
(Larousse Mensuel Illustré, novembre 1930)
GRAND MOGOL (LE)
Opérette en trois actes, livret d’Henri Chivot, musique d’Edmond Audran.
Première représentation à Marseille, théâtre du Gymnase, le 24 février 1877, avec Jane Hading (Irma).
Repris à Paris, Gaîté-Lyrique, sous forme d’opérette-bouffe à grand spectacle en quatre actes, livret revu par Henri Chivot et Alfred Duru, le 19 septembre 1884 avec Mmes Louise Thuillier-Leloir (Irma) et Gélabert (Bengaline), MM. Cooper (Mignapour), Alexandre, Pierre Joseph de Mesmaecker (Nicobar) et Scipion (Crackson).
« Cet ouvrage avait été joué primitivement à Marseille le 24 février 1877, avant les débuts à Paris du compositeur, et c'est alors Mlle Jane Hading, qu'on a vue depuis à la Renaissance, au Gymnase et à la Comédie-Française, qui, toute jeune fille, en remplissait le principal rôle féminin. Pour la représentation sur la vaste scène de la Gaîté, les auteurs remanièrent profondément leur œuvre, de manière à lui donner plus d'importance et à la rendre digne du cadre somptueux qu'on lui préparait, le sujet prêtant plus que tout autre à de riches déploiements scéniques. Le sujet de la pièce, où une petite saltimbanque parisienne, débarquée on ne sait comment dans les Indes, finit par épouser un des plus opulents souverains de ces contrées, n'était pas d'une nouveauté excessive, mais l'intrigue était menée avec habileté, le dialogue ne manquait pas de vivacité, et le tout était aidé par une musique aimable, légère et parfois pleine d'entrain. Brochant sur le tout, la splendeur du spectacle assurait à l'œuvre un succès complet. Parmi les meilleurs morceaux de la partition de M. Audran, il faut citer surtout, au premier acte, la chanson de Kéribi, au second, un joli duo : Dans ce beau palais de Delhi, puis encore la chanson du « chou et la rose », la chanson du fakir, quelques chœurs bien venus, et enfin, au dernier acte, un excellent quatuor. Le Grand Mogol était fort agréablement joué par Mmes Thuillier-Leloir et Gélabert, MM. Cooper, Alexandre, Mesmaecker et Scipion. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
« Principaux personnages : Le prince Mignapour ; Nicobar, son grand vizir ; Joquelet, arracheur de dents ; le capitaine Crakson ; Irma, charmeuse de serpents ; la princesse Bengaline.
L'action se passe dans le royaume de Dehli, vers 1750.
Le prince Mignapour va atteindre sa majorité et monter sur le trône des grands Mogols, si toutefois il remplit deux conditions. La première est qu'il conserve intacte jusque-là son innocence, attestée par la blancheur d'un collier magique suspendu à son cou. S'il faillissait, ce collier dit-on passerait instantanément au plus beau noir. La seconde condition est qu'il prenne femme ; elle paraît aisée à remplir, car la princesse Bengaline ne demanderait pas mieux que de l'accepter pour époux. Mais voilà ! Le prince s est amouraché d'une charmeuse de serpents parisienne, qu'il a vu travailler sur la grand' place de Delhi, la belle Irma, sœur du dentiste forain Joquelet. Il la suit de ville en ville, au grand désespoir de son grand vizir Nicobar, que ces déplacements rapides et incessants ont mis sur les dents. Mignapour a, d'autre part, un rival, le capitaine anglais Crakson, venu à Delhi proposer au Grand Mogol un traité de commerce. Mais celui-ci paraît peu dangereux, car Irma déclare n'en vouloir à aucun prix et ressent pour le prince un penchant très vif. Tout irait donc bien, sans une conspiration des trois personnes qui ont intérêt à empêcher le mariage de Mignapour. Cette conspiration fait le fond de l'intrigue, et amène quantité de péripéties joyeuses.
Au premier acte, Joquelet et sa sœur ont installé leur roulotte sur la place d'une localité voisine de Delhi. Le dentiste essaie de travailler, mais tous les naturels ont des dents en parfait état. Qu'à cela ne tienne : si Joquelet a peu de succès, sa sœur en aura davantage ; il annonce donc dans une heure une représentation de la charmeuse de serpents.
Entre temps, le capitaine Crakson fait une vaine tentative pour obtenir la main d'Irma. Joquelet dirait oui, mais Irma ne veut rien entendre. Crakson est têtu ; il ne renonce pas pour si peu : il annonce à Irma que partout elle le rencontrera sur ses pas.
Arrive la princesse Bengaline et sa suite. Elle discute avec le grand vizir Nicobar des moyens de faire aboutir un mariage entre le prince et elle. Nicobar ne doute pas du succès ; Bengaline est moins rassurée, et il faut avouer que l'attitude de Mignapour, qui survient sur ces entrefaites, est de nature à la laisser perplexe ; le prince semble à peine l'entendre et n'a d'yeux que pour la roulotte d'Irma. Quand un instant après, il se trouve seul avec la charmeuse, il change de ton et fait une déclaration en règle puis, après la représentation sur la place — à laquelle assiste Bengaline — il présente au peuple celle qu'il a choisie pour régner à ses côtés.
On comprend que ce coup de théâtre n'a pas été du goût de tout le monde, et quand le rideau se relève, au second acte, sur les jardins du palais, à Delhi, on voit d'abord paraître, l'un après l'autre, profondément absorbés dans leurs méditations, Crakson, qui voit Irma lui échapper, Nicobar, qui craint pour sa place, et Bengaline, dont les projets d'hyménée sont à vau l'eau. Tous trois cherchent un moyen de faire échouer le mariage de Mignapour et d'Irma. Ils concluent ensemble un pacte d'alliance et délibèrent sur les moyens de parvenir à leurs fins. C'est le plan de Nicobar qui est adopté. Il s'agit d'empêcher Mignapour d'être proclame Grand Mogol et pour cela de lui faire perdre son innocence. On montrera donc au prince d'affriolantes bayadères chargées d'égarer ses sens. Bengaline sera l'une des séductrices et ses deux complices l'assisteront déguisés en musiciens.
Pendant que se prépare la scène de séduction arrivent Irma et Joquelet, qui, sur l'invitation de Mignapour, vont désormais résider au palais. Ils sont enchantés de leur changement de fortune et ne se doutent guère de ce qui se trame contre eux. Mignapour, toujours plus excité, se trouve dans un état qui le prédispose à succomber aux séductions qui vont l'assaillir. Aussi, quand Bengaline et les bayadères se présentent, ne résiste-t-il pas à la tentation et est-il surpris par Irma au moment précis où la princesse lui accorde un baiser. Scène violente avec Joquelet et sa sœur, mais tout s'arrange et quand Nicobar vient s'enquérir du résultat de son stratagème il trouve Mignapour toujours plus résolu à épouser Irma. Il faudra trouver autre chose. Pour célébrer l'hymen qui s'apprête, Joquelet fait circuler un petit vin de Suresnes qui met tout le monde en joie. Mignapour est si lancé qu'il devient entreprenant et essaie d'arracher à Irma la promesse d'un rendez-vous à minuit dans le pavillon des roses. Celle-ci, cependant, montre une fermeté remarquable. Cette conversation a été surprise par Bengaline et la rusée princesse conçoit aussitôt un plan diabolique : une lettre signée d'Irma accordera à Mignapour le rendez-vous qu'il désire ; mais au pavillon des roses, il trouvera Bengaline qui s'assurera ainsi la première, à la faveur de l'obscurité, les faveurs du futur Grand Mogol. Mignapour reçoit en effet le billet et, dans sa joie, il raconte tout à Crakson. Crakson, à son tour imagine une ruse : il endormira le prince et, revêtu de ses vêtements, se rendra à sa place au rendez-vous qu'il croit donné par Irma. Les deux trompeurs seront ainsi trompés.
La nuit tombe ; un cortège aux lanternes conduit Joquelet, Irma et Mignapour à leurs appartements.
Le troisième acte, qui généralement se transforme en second tableau du deuxième acte par la suppression d'un grand ballet, débute dans la nuit. On entend des gardiens faire leur ronde. Avant le lever du jour, tous les préparatifs sont faits pour le couronnement et le mariage. Le rendez-vous a eu lieu : on a vu un homme et une femme se glisser à minuit dans le pavillon des roses. Nicobar, qui n'est pas dans le secret, est fort intrigué.
Enfin, le jour paraît. Irma et Joquelet attendent le prince pour la cérémonie. Il paraît enfin, encore mal réveillé du sommeil profond où l'a plongé Crakson. Mais pas plutôt l'a-t-on vu qu'une immense clameur retentit : son collier est noir ! On le devine, c'est Bengaline qui a machiné l'affaire, substituant un collier noir au collier blanc. Elle compte qu'ainsi le mariage avec Irma sera rendu impossible, que Mignapour sera chassé et qu'alors il lui sera facile, une fois sa rivale écartée, de révéler son subterfuge et d'arranger les choses comme elle le désire.
Au quatrième acte, Mignapour est, en effet, en fuite. En fuite également Joquelet et Irma, chassés ignominieusement par Nicobar, après l'esclandre de la dernière semaine. Tout le monde va se retrouver dans une hôtellerie. Joquelet et sa sœur sont sur le point d'être expulsés faute d'argent. Mais Joquelet a trouvé sur les bords du Gange un coffret précieux et cherche un amateur qui lui en donnerait un bon prix. Cet amateur sera Nicobar. La cassette n'est autre que celle que lui remit à sa mort l'ex-Grand Mogol Bouldour et qui contenait un papier mystérieux dont le grand-vizir ne devait prendre connaissance qu'à la majorité de Mignapour. Ce papier, Bengaline a réussi à le lire et, après l’avoir lu, elle a jeté la cassette et son contenu dans le fleuve : l'écrit disait en substance que la vertu du collier était un mythe, imaginé uniquement pour maintenir les futurs Mogols sur le sentier de la vertu.
Mignapour fugitif se présente déguisé en vieux fakir. Grâce à ce déguisement, il apprend de Nicobar bien des choses intéressantes, entre autres l'histoire du rendez-vous auquel il est censé s'être rendu. Il croit qu'il a reçu les faveurs d'Irma en état de somnambulisme, et quand, fort de cette conviction, il réclame de sa belle, à qui il se fait reconnaître, les droits de l'époux, il tombe de son haut en entendant Irma jurer qu'elle n'a jamais donné de rendez-vous et, par conséquent, n'est pas allée à minuit retrouver le prince.
Mais tout finit par s'expliquer. Le secret du coffret étale au jour le subterfuge de Bengaline, qui arrive à point nommé. Mignapour use de ruse à son tour : il demande à Bengaline de jurer qu'elle épousera l'homme qui était avec elle au pavillon des roses ; et quand elle jure avec empressement, croyant que cet homme est Mignapour lui-même, ce dernier lui pousse Crakson dans les bras. Nicobar sera destitué, ce dont il se console avec philosophie : il a fait sa pelote ! Quant à Mignapour il épousera Irma, et comme son innocence éclate aux yeux de tous, il montera sur le trône de ses pères. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
« Il est, au Mogol, des follets... » (La Fontaine).
Il s'agit d'un opéra-bouffe mixte, participant en quelques parties de
l'opéra-comique de genre — Si j'étais roi !, par exemple, qu'il rappelle
par son atmosphère orientale renouvelée des Mille et une Nuits — et de la
grande opérette comme la Mascotte, avec laquelle son livret n'est pas
sans rapports. Il est des mêmes auteurs, Chivot et Duru, ainsi que sa partition,
signée d'Audran. Le compositeur provençal, dont c'était le premier ouvrage, fit
créer la pièce à Marseille, le 24 février 1877, par Mme Jane Hading, la célèbre
comédienne — dans le rôle d'Irma, qui ne semblait guère la prédestiner à
incarner, avec le succès que l'on sait, la Claire de Beaulieu du Maître de
Forges.
... Le Grand Mogol, remanié, a été joué pour la première fois à Paris, sur la scène de la Gaîté, le 19 septembre 1884. Cent cinquante représentations consécutives n'en épuisèrent pas le succès. Il remplace, dans le répertoire courant, la Princesse de Trébizonde.
***
Le prince Mignapour, héritier du Grand Mogol, va recevoir la couronne à Delhi, métropole des Grandes-Indes. Il doit, le même jour, épouser sa cousine, la princesse Bengaline — lorsque, en dépit des intrigues du grand-vizir Nicobar, il trouve moyen de tomber amoureux d'une jolie Parisienne : Irma, charmeuse de serpents, récemment installée près du palais avec son frère Joquelet, arracheur de dents. Le prince, au cœur naïf mais incendiaire, n'y va pas par quatre chemins ; il déclare sa flamme à la belle saltimbanque et l'installe à la cour en lui promettant le mariage.
La princesse Bengaline, qui se voit écartée du trône, et le vizir Nicobar, en passe d'être dégommé par le dentiste, ne l'entendent pas de cette oreille. Il y a une loi qui exclut les héritiers présomptifs du pouvoir suprême s'ils ont, avant le sacre, fait le plus léger accroc à leur robe d'innocence, — et le contrôle est facile à exercer : si le prince vient à faillir, le collier d'énormes perles, du plus magnifique orient, qui ne le quitte jamais, deviendra noir comme du jais. — Mignapour serait alors dépossédé de ses droits au profit de Bengaline, maudit par le peuple, et à jamais banni de son royaume.
Bien entendu, la vertu magique de ce collier n'est qu'une fable, imaginée par un ancien Mogol pour maintenir ses successeurs dans la continence jusqu'à leur majorité. L'histoire en est tout au long manuscrite, dans un coffret dont le vizir a eu soin d'égarer la clé. Bengaline est au courant. Pour perdre le prince et gagner le trône, elle s'avise de donner, sous la fausse signature d'Irma, un rendez-vous à Mignapour dans le bosquet des roses, la nuit qui doit précéder la cérémonie du couronnement — et elle remplace machiavéliquement le collier blanc par un collier du plus beau noir. Le lendemain, lorsque le prince se présente à ses sujets, un cri d'horreur s'élève. La cour le honnit, et il est déporté dans le pays de Kashmir.
Mais, heureusement, l'Angleterre intervient dans la personne d'un capitaine « horse-guard » nommé Crackson. Amoureux d'Irma et jaloux du prince, c'est lui qui, à l'affût du rendez-vous, avait rejoint dans les jardins enténébrés Bengaline, prise pour la charmeuse de serpents — et non sans avoir préalablement endormi avec de l'opium l'infortuné Mignapour. Lorsque ce dernier, déguisé en fakir, revient rôder autour d'Irma, le pot aux roses du bosquet est rapidement découvert, en même temps que la clé de la cassette et de l'affaire du collier. Bengaline est condamnée à devenir pour tout de bon Mme Crackson, tandis que le prince Mignapour épouse enfin sa charmeuse et, réhabilité, sera proclamé Grand Mogol. »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GRAND-PÈRE (LE) ou LES DEUX ÂGES
Comédie en un acte mêlée d'ariettes, livret d’Alexandre de Favières fils, musique de Louis-Emmanuel Jadin. Création à l’Opéra-Comique (salle Feydeau) le 14 octobre 1805.
GRAND PRIX (LE) ou LE VOYAGE À FRAIS COMMUNS
Opéra-comique en trois actes, livret de Gabriel de Lurieu et Michel Masson, musique d'Adolphe Adam. Création à l'Opéra-Comique (salle Ventadour) le 09 juillet 1831 avec Augustin Lemonnier.
La pièce est une comédie assez spirituelle. Un jeune musicien brûle du désir d'aller à Rome, car il aime la fille du directeur de l'Ecole française des beaux-arts. Il concourt pour le prix de l'Institut, et échoue. Un peintre de ses amis, plus heureux que lui, part pour la ville éternelle, mais suggère au musicien l'idée de voyager à frais communs avec un individu qui est attendu à Rome pour s'y marier. Après plusieurs péripéties assez amusantes dans une auberge des Alpes, nos amis découvrent que le compagnon de voyage va épouser justement la jeune personne dont le musicien est amoureux. On le devance, et, au moyen d'un quiproquo, le directeur de l'Ecole est amené à consentir à l'union des deux jeunes gens. La musique de cet ouvrage a été écrite avec facilité. L'instrumentation est habile et pleine d'effets agréables ; mais c'est de la musique sans caractère, sans idées saillantes. Le trio pour voix d'hommes : Comment un tableau de bataille, est bien traité ; nous citerons les jolis couplets : Je n'étais encore que fillette, et la prière à deux voix : Douce madone, qui est un nocturne gracieux.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GRAND'TANTE (LA)
Opéra-comique en un acte, livret de Jules Adenis et Charles Grandvallet, musique de Jules Massenet. Création à l'Opéra-Comique le 03 avril 1867. => fiche technique
GRANDE-DUCHESSE (LA)
Opéra en quatre actes, livret de Mélesville et Merville, musique de Michele Enrico Carafa. Création à l'Opéra-Comique (salle de la Bourse) le 16 novembre 1835 avec Giovanni Inchindi (le père d'Amélie).
Le succès du poème a été emprunté à une nouvelle de Frédéric Soulié. Il s'agit d'un mariage odieux, d'un évanouissement léthargique, de funérailles et d'une heureuse résurrection. On voit que Carafa n'a pas eu de chance dans le choix de ses livrets. Au contact de la légende allemande, la muse du compositeur s'est évanouie, mais ne s'est jamais réveillée depuis. Et cependant, malgré les dédains d'une critique aveugle, injuste et partiale, la musique de ce dernier opéra de Carafa n'était pas dénuée de beauté, de grâce et de caractère dramatique. Si Carafa avait imité Rossini, et fait servir les plus beaux fragments de ses opéras tombés à de nouveaux poèmes plus heureusement composés, nous aurions pu entendre avec plaisir deux beaux duos de la Grande-duchesse, la prière : Vierge Marie, et une belle marche funèbre, dans laquelle on a signalé des effets alors nouveaux qui auraient été imités ou reproduits, sans intention de plagiat d'ailleurs, par M. Verdi, dans son Miserere du Trovatore.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GRANDE-DUCHESSE DE GÉROLSTEIN (LA)
Opéra bouffe en trois actes et quatre tableaux, livret de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de Jacques Offenbach.
Première représentation à Paris, Variétés, le 12 avril 1867, avec Hortense Schneider (la Grande-duchesse), sous la direction de Lindheim.
« Cette pièce a obtenu un succès européen. Il semble que c'est ce genre grotesque, absurde, cette dérision de toutes les sommités sociales, cette parodie à outrance, qui va même jusqu'à caricaturer l'art, le chant et l'instrumentation, qui soit l'objet exclusif de la faveur publique. Ces farces attirent non seulement les spectateurs vulgaires, mais toutes les classes de la société. Les rois, les empereurs, les princes et les vraies princesses, les héritières des plus beaux noms, les femmes réputées pleines de distinction et de délicatesse se sont passé la fantaisie d'assister aux représentations de la Grande-duchesse de Gérolstein, et n'ont pas dissimulé leur enthousiasme. C'était à l'époque de l'Exposition universelle. Le succès de cette pièce tint du délire. Nous ne pouvons en donner qu'une courte analyse, car le jeu de la scène, les excentricités des acteurs et les hardiesses des actrices ont formé la pièce elle-même bien plus que l'invention du scénario. Cependant, le voici en peu de mots : La grande-duchesse a donné le commandement de ses troupes au général Boum. En passant une revue, elle remarque un soldat de haute et de belle prestance. C'est le soldat Fritz, dont elle fait son favori. Il devient presque en un clin d'œil sergent, comte, général en chef, et il remplace Boum. Une conspiration s'ourdit contre lui ; mais il détruit lui-même sa fortune en préférant épouser la petite paysanne Wanda, qu'il aime, plutôt que d'accepter les faveurs que lui offre la grande-duchesse. Fritz est l'objet de mille mystifications pendant la première nuit de ses noces. On lui donne successivement des aubades, des charivaris ; enfin on le force de se mettre à la tête d'une troupe de soldats et d'aller attaquer un château voisin. Là, on le prend pour un galant, et il est roué de coups. Il perd toutes ses dignités. Le baron Grog lui succède un moment ; mais, en apprenant que cet homme est marié et père de quatre enfants, la grande-duchesse lui enlève le panache, symbole du commandement, et le rend au général Boum.
On voit donc que, à proprement parler, il n'y a là ni une pièce intéressante, ni même une comédie bouffonne, pas même une de ces arlequinades que Riccoboni et Romagnesi savaient si bien faire à la fin du siècle dernier. C'est uniquement la représentation, la mimique surtout qui excite l'hilarité des spectateurs. Ce qu'on appelle les cascades des acteurs joue le rôle principal dans les pièces de ce genre. Quand on est si peu délicat dans le choix de ses plaisirs, on a perdu le droit de se montrer difficile pour la partie musicale. Toutes les trompettes de la renommée ont sonné une fanfare en l'honneur du compositeur. Nous ne voyons rien dans la partition qui ait, musicalement parlant, assez de valeur pour être détaché du cadre théâtral. Nous nous contenterons de citer les morceaux les plus applaudis à la scène : ce sont, dans le premier acte, les couplets du Piff paff, la Chronique de la Gazette de Hollande, les couplets du Sabre de mon père, la chanson : Allez, jeunes fillettes, le rondo : Ah ! que j'aime les militaires ; dans le second acte, l'air des billets doux, le récit de la bataille, le duo entre la duchesse et Fritz, le Carillon de ma grand'mère, qui est une sorte de bacchanale échevelée. Dans le troisième acte, les couplets : Tout ça pour que cent ans après ; le quintette : Sortez de ce couloir ; le chœur des conjurés, parodié sur la Bénédiction des poignards des Huguenots ; la Légende du verre, etc. Les acteurs font personnellement trop de frais dans cette pièce pour n'avoir pas partagé les lauriers de M. Offenbach et de ses collaborateurs. C'est, en première ligne, Mlle Schneider qui, dans la deuxième moitié du XIXe siècle, aura joui de la gloire qu'a obtenue Mlle Mars dans la première. Les goûts changent et se ressemblent peu. Ce sont ensuite : Dupuis, Couderc, Grenier, Kopp, Baron, Gardel, Mlles Garait, Legrand, Morosini, Véron et Maucourt. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Principaux personnages : la grande-duchesse de Gérolstein ; Fritz ; le prince Paul ; le général Boum ; le baron Puck ; le baron Grog ; Nepomuc ; Wanda ; etc.
La scène se passe dans le grand duché de Gérolstein, en 1720 approximativement.
Le public est comme la grande-duchesse : il adore les militaires ; aussi le succès immense et prolongé de la pièce de Meilhac et Halévy s'explique-t-il sans peine. La création de ce type de souveraine éminemment inflammable, l'étude des réactions du tempérament personnel sur la politique et l'histoire, révèlent du reste la main de deux maîtres. Quant à la musique, elle est tout à fait adéquate au texte et la plupart des motifs écrits par Offenbach pour la Grande-Duchesse sont restés populaires.
La grande-duchesse de Gérolstein a atteint l'âge de vingt ans et elle sent bouillonner en elle d'étranges ardeurs. Son ex-précepteur, devenu son conseiller intime, le baron Puck, ne se méprend pas sur le sens de cette crise et il pense y avoir pourvu en faisant demander la main de la duchesse par le prince Paul, flanqué du baron Grog, un diplomate chargé de régler les questions accessoires. Mais le prince Paul n'a jusqu'ici rien fait vibrer chez sa prétendue et celle-ci le fait poser sans miséricorde. Elle n'a pas encore consenti à accorder audience au baron Grog.
Le plan de Puck ayant échoué, cet homme très fin cherche quelque diversion temporaire. Et à tout hasard il a déclaré la guerre. C'est sur ces entrefaites que débute l'action. Le théâtre représente le camp du général Boum, général en chef. Sous les ordres de ce valeureux militaire sert le nommé Fritz, un grand et beau gars, un peu bête. Il est fiancé à la petite Wanda, une jolie personne à qui le général Boum tenta un jour de conter fleurette, sans le moindre succès toutefois.
Scène animée : les soldats dansent avec leurs amies. Ils sont interrompus par l'arrivée du général, que ce manque de tenue met hors de lui. Il s’en prend tout particulièrement à Fritz, dont il est jaloux, et qui n'est pas bête au point de ne pas comprendre ce qui lui vaut ces attentions spéciales. Boum met Fritz en faction et fait une fausse sortie. Quand il revient, il trouve le factionnaire en train d'embrasser Wanda, d'où nouvelle semonce.
Mais Puck apporte une grosse nouvelle : la grande-duchesse va venir inspecter en personne son armée. On prépare tout pour la bien recevoir, et au bout de peu d'instants elle arrive. Instantanément elle remarque Fritz, qui est sur les rangs. C'est le coup de foudre. Sous les yeux de Boum, de Puck et du prince Paul consternés, elle se fait présenter le troupier. En moins de rien elle le fait passer par tous les grades jusqu'à celui de général. Boum en risque l'apoplexie. Elle envoie promener le prince Paul qui lui parle mariage. Elle admet son protégé au conseil de guerre où va se discuter le plan de campagne, et pour qu'il puisse prendre part à la discussion, elle le nomme coup sur coup baron puis comte. Enfin elle donne la préférence aux idées qu'il propose et retire à Boum le commandement en chef pour le donner au général Fritz. Celui-ci se met à la tête de l'armée, et comme il va partir, la souveraine lui remet solennellement, en guise de talisman, le sabre de son père !
Au deuxième acte, la guerre est terminée et Fritz revient vainqueur. Comme on pense, jamais les actions du prince Paul n'ont été aussi bas. Mais le manque de subtilité de Fritz va être cause de sa perte. Aux avances pourtant nullement ambiguës de la grande-duchesse, il ne comprend rien, et au moment où la souveraine veut lui laisser entendre qu'il ne tient qu'à lui de partager avec elle la toute puissance, ce gros benêt ne va-t-il pas s'aviser de lui demander la permission d'épouser Wanda ! Aussi apprendra-t-il sous peu qu'il n'y a qu'un pas du Capitole à la Roche Tarpéienne.
Puck, le prince Paul, Boum conspirent de toutes leurs forces. Ils ont appris que la grande-duchesse a fait préparer pour le favori le « pavillon de l'aile droite ». Or ce pavillon fut, un siècle auparavant, témoin dune sanglante tragédie : un autre favori y tomba sous le poignard des assassins. Les conspirateurs connaissent le passage secret qui conduit à la chambre fatale. Tandis que Fritz, ivre d'amour, reposera sans défiance il périra sous leurs coups.
Soudain une voix de femme se mêle à leurs chuchotements. Tous trois reculent, glacés de terreur : la grande-duchesse les a entendus ! Mais leur terreur se change en une extrême surprise lorsque la souveraine se déclare tout à fait d'accord avec leurs projets. Ils ignorent, en effet, que tout à l'heure Fritz a demandé l'autorisation de se marier. Cette autorisation a été accordée, mais la haine a pris la place de l'amour dans le cœur de la grande-duchesse. Il est donc convenu que Fritz et sa femme auront pour chambre nuptiale le fatal « pavillon de l'aile droite », et que de ce pavillon le nouvel époux ne sortira qu'à l'état de cadavre.
Cette fameuse chambre du crime, nous y voici enfin. Boum et la grande-duchesse règlent la mise en scène de l'assassinat, tandis que la victime désignée préside au bal de noces. La grande-duchesse exprime le désir de connaître les conjurés, que Boum introduit. Soudain, Grog attire son attention, et l'incandescente personne flambe de nouveau. Elle brûle si fort qu'elle en oublie ses haines et son ressentiment. Sans hésitation, elle accorde, et sur l'heure, l'audience qu'elle refusait depuis six mois. Elle est aussi explicite qu'avec Fritz, mais Grog, rompu à la diplomatie, ne laisse rien paraître de ses sentiments, ce qui permet toutes les suppositions. Lorsqu'il conseille à la grande-duchesse d'épouser le prince Paul, celle-ci n'y voit qu'une ruse machiavélique et acquiesce. Elle est si sûre de son affaire, si joyeuse de sa nouvelle aventure qu'elle en devient pitoyable et interdit aux conjurés de tuer Fritz ; mais elle les autorise à le brimer, ne voulant pas les priver de leur petite vengeance.
Tous s'éloignent pour laisser place libre à Wanda et à son mari. Dès les premières effusions les mauvaises plaisanteries commencent. Les nouveaux mariés sont deux fois interrompus par des sérénades : premièrement les tambours, ensuite la musique. Ce ne sont toutefois là que d'inoffensifs hors-d'œuvre : ordre arrive au général de partir sans délai se mettre à la tête de ses troupes pour repousser une nouvelle attaque de l'ennemi ! Il faut s'exécuter et le malheureux part, laissant seule sa pauvre petite femme désolée.
La scène change et représente un camp comme au premier acte. Les soldats festoient en l'absence du général. Celui-ci a été attiré par Boum dans un guet-apens où il doit rencontrer en tête à tête un mari jaloux et brutal. Des propos échangés nous apprenons que ce jour même la grande-duchesse a épousé le prince Paul. Elle-même ne tarde pas à arriver au camp avec son mari et le baron Grog, toujours grand favori.
Survient Fritz dans un piteux état : le mari jaloux l'a abominablement rossé, mis en loques et a transformé en tire-bouchon le « sabre de mon père » ! Ce sont là d'excellentes raisons pour se montrer sévère et en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, Fritz redescend la gamme et se retrouve simple soldat. Il donne alors sa démission qui est acceptée et la grande-duchesse, sans remarquer la fureur de Boum, repasse au baron Grog tous les grades et titres devenus vacants. Grog — finesse ou bêtise ? avec les diplomates on ne sait jamais ! — dévoile alors qu'il est marié et père de quatre enfants. La grande-duchesse, femme de résolution prompte, lui reprend alors tous ses titres et dignités et les partage entre Boum et Puck. Puis s'avisant qu'à l'usage le prince Paul n'est pas si insignifiant qu'il en avait l'air, elle reporte sur lui ses ardeurs dévorantes et consent à accorder à Fritz une place de maître d'école... pour qu'il ait l'occasion d'apprendre à lire !
Tout rentre de la sorte instantanément dans l'ordre et le grand duché de Gérolstein est heureux. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
« Si la chronologie comprend son devoir, elle écrira : En 1867, il y eut à Paris une Exposition mémorable, et les cinq parties du monde affluèrent boulevard Montmartre pour applaudir la diva des Variétés, Hortense Schneider, dans la Grande-Duchesse de Gérolstein. » (Extrait du Monde illustré.)
Il est impossible de lire la Grande-Duchesse sans songer au premier livre de Rabelais, et notamment aux campagnes de Picrochole — car, sous la « haulte graisse » de la farce, il faut savoir ce que contient l'os médullaire. Si nous ne sommes plus à la page d'histoire voulue pour goûter le sel de ces allusions, ou en apprécier la saveur première, on peut du moins comprendre que, dans ce chapitre de leur œuvre de raillerie, ce que Meilhac et Halévy ont plus spécialement visé — bien au-delà des petites cours allemandes — c'est « le favoritisme militaire, et l'autorité, quelle qu'elle soit, brandissant un sabre » — réalisation du souhait d'Alfred de Vigny : « Il reste à faire pour l'armée ce que Molière a fait pour la médecine. » Un autre critique y a signalé « l'étude des réactions du tempérament personnel sur la politique » et certainement pensé à Louvois, d'après Saint-Simon... Quelques esprits chagrins ayant attribué à l'Opérette sa part des responsabilités de la guerre en 1870, il n'était pas inutile de rappeler qu'on voulut expliquer la guerre de 1688 par l'anecdote de la « Fenêtre de Trianon ». Sans grever d'aussi loin le domaine de la bouffonnerie, on peut estimer qu'il a dû y avoir plus d'un général Boum en 1914 ; et que le type du diplomate qui arrive par les femmes, ou par le silence, n'est pas près d'être perdu pour la comédie humaine.
***
La petite « Grande-Duchesse de Gérolstein » approche de sa majorité. Elle est en plein dans cette période que l'on a qualifiée de « polygamique » — ce qui n'est pas sans inquiéter ses ministres et ses courtisans. Et l'on a bien songé à la marier, mais elle ne manifeste aucun enthousiasme pour le prétendant qui lui est imposé : le placide prince Paul... L'officieuse Gazette de Hollande en fait des gorges chaudes. Aussi le comte Pack, grand-chancelier, juge-t-il prudent d'occuper l'esprit de sa souveraine par des manœuvres militaires — et il a déclaré la guerre. La grande-duchesse, passant les troupes en revue, a remarqué, distingué, un magnifique soldat : le fusilier Fritz. Elle l'interroge, se déclare très satisfaite de ses réponses et le juge digne des premiers galons. Après quoi, le conseil de l'état-major est réuni. La princesse exige que le nouveau gradé y assiste, avec voix délibérative. Le général Boum, vieux grognard qui en veut à Fritz pour une histoire de femme, et que la promotion de ce blanc-bec remplit de rage, s'oppose énergiquement à cette fantaisie : seul, un officier supérieur a le droit de s'asseoir à sa dextre... N'est-ce que cela ? Et, comme dans Don Sanche d'Aragon, la jeune reine bombarde Fritz de titres et de décorations, diminue le général Boum du panache blanc pour en gratifier son protégé — et lui fait apporter en grande cérémonie le sabre d'honneur de son père.
Là-dessus, elle risque une déclaration. Fritz n'en a rien saisi ; mais, mis en goût par les faveurs, il demande celle d'épouser sa bonne amie, la gentille Wanda... Furieuse, la grande-duchesse le livre, la nuit de ses noces, aux brimades d'un brelan de conspirateurs et de mécontents : Pück, Boum... et le baron Grog — chargé de négocier le mariage politique du prince Paul, à qui elle finit par accorder sa main... non sans avoir tenté de séduire le diplomate, d'ailleurs père de famille. Pendant ce temps, Fritz, que l'on a — sous prétexte de l'envoyer à l'ennemi — attiré dans un guet-apens de ménage où il s'est fait rosser par un jaloux, est convaincu de haute trahison, se voit retirer un à un ses grades et ses insignes, et, démobilisé sans y avoir rien compris du tout, ira tranquillement avec sa Wanda faire souche de petits Luxembourgeois.
***
Le public de l'époque, d'abord « grisé de poésie bouffonne » — dit Sarcey — trop vite emballé dans le mouvement endiablé du premier acte, put manifester quelque lassitude aux suivants, protester contre des longueurs — presque toujours inévitables aux premières représentations, et ne pas faire à la pièce le départ que l'on attendait. Mais on sait le peu d'importance de ces critiques de détail, les auteurs pratiquant toujours les coupures indispensables. La nouvelle opérette avait été, à l'origine, intitulée : la Chambre rouge. C'était désigner singulièrement le tableau dans lequel s'ourdit la conjuration, terminé par l'ensemble des « Meules », qui constituait une parodie jugée un peu outrancière de la « Bénédiction des Poignards », dont on retrouvait là une vingtaine de mesures ; et c'est sur lui que portèrent les principales retouches. Un titre plus heureux fut adopté, celui de la Grande-Duchesse. Or il parut à la Censure avoir l'inconvénient, vu le petit nombre de personnes princières qui, en Europe, portent ce titre, de pouvoir provoquer, à la veille de l'Exposition, non pas des allusions, mais tout au moins des rapprochements désagréables. Les auteurs étaient désolés... « Hé ! leur dit Camille Doucet, je ne suis pas bien sûr que le pouvoir souverain ne soit pas atteint par votre esprit... mais on peut atténuer cet inconvénient : Souvenez-vous du prince Rodolphe des Mystères de Paris, et ajoutez un nom de fantaisie à votre grand-duché — celui de Gérolstein ! » Créée aux Variétés, le 12 avril 1867, la Grande-Duchesse de Gérolstein allait connaître le succès le plus fabuleux, tournant au vertige...
« Une chose dont nos pauvres petites victoires
théâtrales d'aujourd'hui ne peuvent donner une idée ! Paris, cet été-là, eut une
insolation. Dès l'ouverture de la « Fête de la Paix », la vieille capitale,
taillée, transformée par Haussmann, embellie de jardins par Alphand, avait
attiré et englouti le peuple des étrangers accourus de tous les points du globe
— et, sans posséder encore la Babel de fer d'Eiffel, nous avions pourtant déjà
la confusion des langues, des costumes et des têtes couronnées. Jamais, le long
de nos boulevards, on ne croisa tant de souverains. Le parterre de Talma était
dépassé, il se transportait aux Variétés, dont les feuilles de location
devenaient l'almanach de Gotha, le Bottin des célébrités et de la gloire. Deux
fois, l'empereur vint applaudir la Grande-Duchesse, et l'impératrice
aussi, les rois de Bavière, de Portugal et de Suède, le roi des Belges, le
prince de Galles, le Tsar, tous les grands-ducs, Bismarck, de Moltke..., M.
Thiers, Mac-Mahon, et les voïvodes, les hospodars et le Taicoun, et les Kalil
Bey, les Ismail Pacha (*)... » — Ce dernier, vice-roi d'Egypte, disputait les
faveurs
de la « grande-duchesse » à son cousin Mustapha, tous deux également épris de la
diva... si bien qu'il fallut les réconcilier. « Mais — écrit Mérimée à son
« inconnue », — on n'a jamais pu obtenir qu'ils prissent du café ensemble,
chacun d'eux étant persuadé que ce serait trop dangereux — vu les progrès de la
chimie... » — C'est qu'Hortense Schneider faisait tourner toutes les têtes. « Il
faut entendre les contemporains, il faut lire les journaux de l'époque, le
Figaro, le Nain Jaune, la Vie Parisienne, même les Débats,
pour imaginer quel charme irrésistible elle exerça sur le Paris d'alors — et
comment des rois, venus pour saluer l'impératrice, abandonnaient volontiers les
Tuileries pour aller faire leur cour à la nouvelle princesse. Princesse, elle
l'était, en effet ; et si bien qu'à toutes les vitrines on verra dès lors son
portrait figurer parmi ceux des plus illustres potentats. Elle trône au milieu
de ses sujets ; et le sceptre grand-ducal, le manteau brodé, la couronne d'or
sont portés avec tant d'aisance et de distinction qu'à peine se douterait-on que
la gracieuse souveraine est une simple chanteuse d'opérette... et que le fin
diadème est près de s'envoler par-dessus tous les moulins du monde.
(*) Henri Lavedan. — Discours de réception à l'Académie
française (sur Henri Meilhac), 1899.
« Et c'était merveille de voir l'ancienne grisette de Bordeaux, la dugazon du théâtre d'Agen (aux appointements de 90 francs par mois, — elle en touche maintenant 9.000 !) — la divette qui débutait en 1854 aux Bouffes-Parisiens, régner aujourd'hui sur sa cour d'Altesses et de Majestés (*). » Un jour de cérémonie officielle, Schneider se présente à l'Exposition ; mais, comme elle n'a pas de carte : « Je suis la grande-duchesse de Gérolstein ! » crie-t-elle du fond de sa calèche à la garde, qui rend les honneurs, tandis que l'on ouvre les portes toutes grandes, et qu'elle passe au trot de ses magnifiques chevaux... Et elle est restée la grande-duchesse !
(*) Roger Boutet de Monvel. — Les Variétés, IV,
passim.
... On a raconté d'autre part les incidents de répétition générale et de première — la Censure lui interdisant le port du grand cordon orné de la plaque scintillante qui devait décorer de si mirifique façon le dolman sous lequel, délicieusement crâne, elle apparaissait — tricorne en bataille et cravache en main (*)...
(*) Cf. Martinet. — Offenbach, sa vie et son œuvre, p. 122, etc.
Pour un peu, elle eût refusé de jouer le rôle !.. « A Schneider, la capricieuse pensionnaire ! » écrit Offenbach sur la partition qu'il lui offre — tandis que les auteurs font précéder leur livret de cet envoi autographe : « Si nous disions ici tout le bien que nous pensons de toi, tu serais vraiment trop orgueilleuse. »
Hortense Schneider était entourée de José Dupuis (le fusilier Fritz) ; Couder (le général Boum) ; Grenier (le prince Paul) ; et Baron (Grog) dont c'étaient, en « conseiller aulique », les vrais débuts dans l'Opérette. La mise en scène devait être splendide : dix-huit musiciens militaires et douze tambours paraissaient sur le plateau relativement exigu des Variétés, dont la salle avait été remise à neuf à l'occasion de cette Exposition, qui leur attirait tout Paris et les célébrités du monde entier : le tsar avait télégraphié de Cologne, où le train impérial s'arrêtait, pour s'assurer une avant-scène le soir même de son arrivée. Sa dépêche avait passionné l'opinion : le tsar aurait dû aller au Théâtre-Français ou à l'Opéra ! Quant à l'empereur d'Autriche, qui n'avait pu faire halte boulevard Montmartre, il faisait venir Offenbach à Vienne — où la partition fut exécutée intégralement, avec les morceaux supprimés à Paris à la seconde représentation. Le premier acte finissait sur une revue militaire digne du Cirque Olympique. Après le spectacle, le délire « offenbachique » prenait de telles proportions que le compositeur était rappelé six fois, acclamé, écrasé de couronnes. Toute l'Europe fredonnait la « Chanson du sabre », les couplets de la Gazette de Hollande, le duo de la « Déclaration » et la « Légende du verre » primitivement « le Carillon de ma grand'mère ». « On ne sait pas, écrit Jérôme dans l'Univers illustré — ce qu'exige de ressources mélodiques, d'imagination, de variété, ce genre tout spécial et dans lequel si peu de maîtres ont excellé. Ici, les procédés, la formule, la science harmonique même ne suffisent pas. Il faut être gai sans effort, bouffon sans trivialité ; jouer argent comptant, et, sans tomber dans l'étrange et dans le bizarre, payer de verve, d'originalité, d'esprit... et l'on est étonné, lorsqu'on entend l'opéra-bouffe d'Offenbach, de ce que peuvent contenir à la fois de charme et de belle humeur, d'enchantements et de rires, les sept notes de la gamme. »
... Quelques chiffres : les vingt-cinq premières de la Grande-Duchesse avaient « fait » 110.483 francs. A la centième, on obtenait un total de 474.561 fr. 50 ; et les recettes ne subirent aucun fléchissement, puisqu'à la deux-centième on proclamait encore 870.000 francs — sur lesquels les auteurs touchaient 104.400 francs. Le directeur Cogniard réalisait un bénéfice de 320.000 francs.
A l'occasion de la centième, une « Adresse en vers » fut remise à la « grande-duchesse » par les tapins de Gérolstein. A la fin d'octobre, un gala organisé pour son propre bénéfice produisit 17.000 francs de recettes. Dans la salle, tout l'armorial de France. Au programme : un acte de la Belle Hélène, un acte de Barbe-Bleue. Les représentations de ces deux ouvrages, additionnées à celles de la Vie Parisienne et de la Grande-Duchesse, avaient, à cette date, rapporté environ trois millions aux producteurs — auteurs, acteurs ou directeurs — qui les gagnaient en s'amusant, en même temps qu'ils amusaient. On commence par traiter cela de « scandale » — et puis ça devient de la gloire. Le mot de Goethe est toujours vrai : « Ceux-là seuls seront immortels qui furent complètement, personnellement et caractéristiquement expressifs de la mentalité de leur époque. »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GRANDE PASTORALE (LA)
Mystère provençal en trois actes, six tableaux et un prologue, livret de Charles Hellem et Pol d’Estoc, musique de Henri-Maurice Jacquet, représenté à Paris, Cirque d’hiver, le 10 mars 1920.
GRANDE VITESSE, PORT DÛ
Opérette en un acte, paroles de M. Philibert, musique de Louis Gregh, représentée au concert de la Cigale le 19 septembre 1890.
GRANDES MANŒUVRES (LES)
Opérette en un acte, livret de MM. A. Cahen et Ed. Norès musique de Félicien Chadeigne, représentée au concert des Ternes le 24 janvier 1885, avec Mmes Yalu, Lydia Hell ; MM. Charles Hervier, Rosel, Caillaux.
GRAZIELLA
Drame lyrique en deux actes, livret de Jules Barbier, musique d’Antony Choudens, création au Théâtre-National-Lyrique le 12 septembre 1877.
GRAZIELLA
Poème romantique en cinq actes, livret de Henri Cain et Raoul Gastambide, d'après le roman d’Alphonse de Lamartine, musique de Jules Mazellier.
Créé au Théâtre des Arts, à Rouen, le 05 mars 1913, dans une version en quatre actes et cinq tableaux, par Mmes Julienne MARCHAL (Graziella), d'OLIVEIRA (Gastana), CLOUZET-CLAVERIE (Beppo), MM. PASCUAL (le Poète), Jules TORDO (Cecco), et AUMONIER (Andréa), sous la direction de Théodore MATHIEU.
Première fois à Paris, le 06 avril 1916, au Théâtre National de l'Opéra, le 2e acte, 2e tableau, seulement, avec Mme Marthe CHENAL (Graziella) et M. LAFFITTE (le Poète), sous la direction de Henri BÜSSER.
2 représentations à l’Opéra (2e acte, 2e tableau, seul) au 31.12.1961.
Première à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 18 mars 1925, dans une version révisée en cinq actes, mise en scène d’Albert Carré.
Mmes Yvonne BROTHIER (Graziella), Lucy PERELLI (Gastana).
MM. MARCELIN (le Poète), Félix VIEUILLE (Andréa), Maurice SAUVAGEOT (Cecco), Georges GÉNIN (Beppo).
Aux 1er et 3e actes, Ballets réglés par Mme Jeanne CHASLES, dansés par Mlles Henriette ANDRÉ, Irène COLLIN, Gina LUPARIA, Simone ROSNE et les Dames du Corps de Ballet.
Chef d'orchestre : Maurice FRIGARA.
9 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
« Une tempête fait débarquer à Procida un poète dont Graziella s'éprend secrètement. Mais on veut la marier avec Cecco, et la jeune fille s'enfuit vers un monastère. Le poète l'arrête avant qu'elle y soit entrée ; et c'est une scène d'amour et d'aveux réciproques. Graziella est revenue avec l'étranger, dont Cecco est jaloux ; mais l'étranger est rappelé dans son pays et la jeune fille abandonnée meurt devant la mer. M. Jules Mazellier a écrit sur ce poème passionné une musique qui ne l'est pas moins, et qui a tous les défauts et aussi toutes les qualités du romantisme : elle a de la fougue, de l'abondance, mais peu de discrétion. Beaucoup de cuivres, de batteries, d'ensembles éclatants. Cette œuvre assez tumultueuse, mais pleine d'accents d'un beau lyrisme, avait déjà été donnée au Théâtre des Arts de Rouen. »
(Larousse Mensuel Illustré, mai 1925)
GREDIN DE PIGOCHE
Opérette en un acte, paroles de Michel Masson et Georges Fath, musique de Vogel, représentée aux Folies-Marigny le 19 octobre 1866.
GRELOT (LE)
Opérette en un acte, livret d’E. Grangé et Victor Bernard, musique de Léon Vasseur, représentée aux Bouffes-Parisiens le 21 mai 1873. Le conte de La Fontaine, intitulé la Clochette, a fourni le sujet de la pièce. Au lieu d'une vache, c'est un mouton que Glycère a perdu ; au lieu d'une clochette, c'est un grelot que Myrtil fait tinter pour attirer la bergère. Mais j'ajouterai qu'au lieu d'un badinage rapide et fin dont la lecture ne dépasse pas cinq minutes, on a à supporter pendant une heure un sujet scabreux, auquel viennent s'ajouter des détails épisodiques sans intérêt et des gravelures plus que transparentes. On a remarqué une villanelle, un duo, la romance : Je l'ai perdu, et les couplets du grelot. Chantée par Georges, Mmes Judic et Peschard (le berger Glycère).
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1876]
GRENADIER DE WAGRAM (LE)
Opéra-comique en un acte, livret d’Hippolyte Lefebvre et Saint-Amans, musique d’Eugène Prévost, représenté sur le théâtre de l'Ambigu le 14 mai 1831. Le lendemain de la journée de Wagram, un grenadier en faction a abandonné son poste pour voler au secours d'une jeune fille poursuivie par des soldats. Napoléon, trouvant la guérite déserte, avait pris la place du factionnaire libérateur. Il fait appeler Georges, le grenadier, et lui annonce qu'il ne fait plus partie de la grande armée. Mais, apprenant que ce soldat s'est conduit valeureusement, la veille, pendant la bataille, il lui pardonne sa faute ; il fait plus encore, en le nommant officier. Cette pièce a eu assez de succès. C'était le second ouvrage lyrique de Eugène Prévost, lauréat de l'Institut ; on y a remarqué des motifs agréables, une jolie romance et des couplets qui ont eu leur jour de vogue.
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GRENADIERS DE MONT-CORNETTE (LES)
Opéra bouffe en trois actes, livret de Daunis, Lucien Delormel et Edouard Philippe, musique de Charles Lecocq, représentée aux Bouffes-Parisiens le 04 janvier 1887, avec Mlles Marguerite Ugalde (Tonio), Jeanne Thibault (Gertrude), Tassily (Pitchounetta), MM. Lamy (Canut), Piccaluga (Belamour), Edouard Maugé (La Grenade), Gourdon (Girassol), Gaussens (Duc de Rio Seco).
GRIFFE (LA)
Drame lyrique en deux actes, livret de Jean Sartène, musique de Félix Fourdrain.
Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 05 novembre 1923, avec Sainte Odile de Marcel Bertrand. Mise en scène d'Albert Carré. Décors de Raymond Deshays et Arnaud. Costumes de Marcel Multzer.
Mmes Madeleine SIBILLE (Miléna), Jeanne CALAS (Nathalie), FOYER et JULLIOT (deux vendangeuses), VÉRY (un enfant).
MM. Hubert AUDOIN (Stano), DE CREUS (Pierre), Louis AZÉMA (Mirko), Roger LALANDE (Nicolas), Tullio GASTAUD (Carol), LANGLET (le Hotteur).
Chef d'orchestre : Maurice FRIGARA.
12 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.
GRIFFES DU DIABLE (LA)
Pièce fantastique en trois actes, livret de Clairville et Charles Gabet, musique de Gilles Raspail, représentée aux Menus-Plaisirs le 18 avril 1872.
GRILLE DU PARC (LA) ou LE PREMIER PARTI
Opéra-comique en un acte, livret de Joseph Pain, François Ancelot et Auguste Audibert, musique d’Auguste Panseron. Création à l’Opéra-Comique (salle Feydeau) le 09 septembre 1820.
GRILLON (LE)
Opérette en un acte, livret de Hector Grard, musique de Marius Boullard, représentée au théâtre des Nouveautés le 09 mars 1867.
GRILLON DU FOYER (LE)
[or. il Grillo del focolare]
Comédie musicale italienne en trois actes, livret de Cesare Hanau d'après Charles Dickens, musique de Riccardo Zandonai, représentée à Turin le 28 novembre 1908. Version française de Maurice Vaucaire représentée au Casino municipal de Nice le 20 février 1911.
GRISÉLIDE ou LA VERTU À L’ÉPREUVE
[ou Grisélidis]
Opéra-comique en trois actes, en vers, livret de Desforges, musique de Nicolas Lefroid de Méreaux. Création à l'Opéra-Comique (1re salle Favart) le 08 janvier 1791.
GRISÉLIDIS
Conte lyrique en un prologue et trois actes, livret d’Armand Silvestre et Eugène Morand, musique de Jules Massenet. Création à l'Opéra-Comique le 20 novembre 1901. => fiche technique
GROOM S'EN CHARGERA (LE)
Opérette en trois actes, livret de Jean et Paul Bastia, lyrics de J. de Wissant, musique de Paul Bastia. Création au Théâtre des Variétés le 28 juin 1935 avec Mmes Germaine Duclos (Maria de Dinanville), Marguerite Louvain (Mme de Citon-Cenac), Janine Roger (Angèle) ; MM. Henry Defreyn (Jules de Citon-Cenac), Armontel (Chétif), Duvaleix (Dinavoille), Maurice Porterat (le groom), René Smith (Robert).
"C'était une assez jolie idée d'opérette que d'imaginer une source de ville d'eaux près de s'épuiser, et de tirer de cet incident inattendu les plus bizarres et les plus logiques conséquences. Cela n'a pourtant été pour les auteurs qu'un point de départ, qui leur permet de marier un député avec la fille du propriétaire, mariage sans lendemain, et même sans soirée, puisque les deux époux divorcent d'un commun accord et que la jeune Maria pourra retourner à ses amours d'antan. Sur quoi M. P. Bastia a écrit une partition qui évolue de l'opéra-comique au jazz et dont les meilleures pages sont sans doute celles qui suivent le discret exemple du doux Paul Delmet." (Larousse Mensuel Illustré, 1935)
GROTIUS ou LE CHÂTEAU DE LŒWENSTEIN
Opéra en trois actes, musique de Campenhout, représenté à Amsterdam en 1808.
GROTTE DE WAVERLEY (LA)
Opéra, musique de Conradin Kreutzer, représenté vers 1830.
GROTTE DES CÉVENNES (LA)
Opéra en un acte, musique de Gresnick, représenté au théâtre Montansier, à Paris, en 1798.
GUELFES (LES)
Grand opéra en cinq actes, livret posthume de Louis Gallet, musique posthume de Benjamin Godard (1898), représenté sur le théâtre des Arts, à Rouen, le 12 janvier 1902. Cet ouvrage était écrit depuis plus de quinze ans. Il avait été promené à Paris de théâtre en théâtre par ses auteurs, qui, malgré leur notoriété, n'avaient pu réussir à le faire représenter, même à Bruxelles. Bref, l'un et l'autre étaient morts sans parvenir à lui faire voir le jour. La direction du théâtre des Arts de Rouen, qui faisait des efforts dans le sens de la décentralisation artistique, donna enfin l'hospitalité aux Guelfes, qui furent accueillis sans enthousiasme comme sans hostilité, et qui étaient chantés par Mme Duvall-Melchissédec et Mlle Doria, MM. La Taste, Dutrey et Mezy.
GUERCŒUR
Tragédie en musique en trois actes et cinq tableaux, poème et musique d’Albéric Magnard (1898-1900).
Création au Théâtre de l'Opéra (Palais Garnier) le 24 avril 1931 (répétition générale publique le 21 avril). Mise en scène de Pierre Chereau. Décors et costumes dessinés par André Boll.
Personnages Célestes :
Mmes GALL (Vérité), HOERNER (Bonté), MORERE (Beauté), LAPEYRETTE (Souffrance), MANCEAU (l'Ombre d'une Femme), LAVAL (l'Ombre d'une Vierge),
M. Raoul JOBIN (l'Ombre d'un Poète).
Personnages Humains :
Mme FERRER (Gisèle),
MM. ENDREZE (Guercœur), FORTI (Heurtal).
Personnages Allégoriques :
Mmes MORERE, MARILLIET, HAMY, MAHIEU, LALANDE, BLANCHARD, TESSANDRA, MANCEAU (les Illusions d'amour),
Mmes LAVAL, MORTIMER, MAHE, GERVAIS, ROUARD, REX, MONTFORT, Irène MARIN (les Illusions de Gloire).
Chef d'orchestre : François RÜHLMANN
4e le 04 mai 1931 sous la direction de Guy ROPARTZ.
12e à l’Opéra, le 08 mars 1933, avec les créateurs, sauf :
Mmes DONIAU-BLANC (Bonté), TESSANDRA (l'Ombre d'une Femme), MM. Raoul GILLES (l'Ombre d'un Poète), SINGHER (Guercœur).
Autres interprètes des principaux rôles à l'Opéra :
Vérité : Mme CROS (1931).
Bonté : Mme MAHIEU (1931).
Souffrance : Mme COSSINI (1931).
12 représentations à l’Opéra au 31.12.1961.
« Au premier acte nous sommes dans les royaume des Ombres. Guercœur regrette la vie, regrette celle qui lui a juré un amour éternel, Gisèle, son peuple qu'il a délivré et confié à son disciple Heurtal ; il voudrait une fois encore retourner sur terre et cela lui est accordé. Tout ce premier acte est paré de musique de caractère religieux, avec des chœurs dans la coulisse, qui font toujours grand effet. On sent chez l'auteur l'influence de Wagner, de Franck, de Vincent d'Indy, sans que la musique cesse de conserver un caractère français. Le deuxième acte, divisé en trois tableaux, est plus animé. Tout d'abord Guercœur s'éveille près de la ville où il a vécu. Puis nous voyons Gisèle aux bras d'Heurtal. Elle a trahi ses serments d'amour ; Heurtal est prêt à trahir l'exemple de son maître et à se faire proclamer tribun par le peuple. Heurtal sorti, paraît Guercœur, Gisèle effrayée avoue sa faute ; après un long combat, Guercœur finit par pardonner et partir, laissant Gisèle se jeter sans remords dans les bras d'Heurtal. Le troisième tableau est magnifique. Cela se passe sur une place éclairée, avec, comme décor, les vieilles tours féodales. La foule brandit des armes. Guercœur essaie en vain de la ramener à l'amour de la liberté ; il est pris pour un imposteur et tué dans l'émeute populaire, cependant que triomphe Heurtal. Le drame pourrait s'arrêter là. Mais pour assurer l'unité à son œuvre l'auteur nous a de nouveau ramenés dans le royaume céleste, où nous voyons Guercœur accueilli et pardonné, ce qui permet au musicien de recréer l'atmosphère du début. Ici la partition retrouve son caractère plus symphonique que théâtral. Guercœur fut achevé en 1900 ; ce drame lyrique ne devait paraître à la scène que trente ans plus tard. Il a conservé une étonnante fraîcheur ; et on admirera sa tenue classique. »
(Larousse Mensuel Illustré, juin 1931)
GUERILLERO (LE)
Opéra en deux actes, livret de Théodore Anne, musique d’Ambroise Thomas. Création au Théâtre de l'Opéra (salle Le Peletier) le 22 juin 1842, décors de Charles Séchan, Jules Dieterle et Edouard Despléchin, costumes de Paul Lormier, avec Mme Nathan-Treillet (Térésa), MM. Massol (l'Inconnu), Lucien Bouché (Ferdinand), Octave (Francisco), Ferdinand Prévost (Pedro), Molinier (Vincenzio), Koening (1er Officier), Martin (2e Officier).
« L'action se passe en 1640, lors de la guerre qui sépara le Portugal de l'Espagne. Un guerillero, qu'on nomme Fernand, fait passer un de ses soldats pour le roi dom Juan de Bragance, et se sert de lui pour épouser, par son ordre, une pauvre fille qu'il a enlevée. Mais ce faux roi n'est autre que le frère de Thérésa, qui fait fusiller Fernand et unit sa sœur à Francesco, son fiancé. On a surtout remarqué le chœur qui ouvre le second acte, un joli duo chanté par Mme Nathan-Treillet et Octave, et un boléro chanté par Massol. La scène française était alors occupée par Meyerbeer, Halévy, Donizetti. M. Thomas a cru devoir se rejeter sur des ouvrages de demi-caractère, qui lui ont valu de beaux succès assurément. Mais il est regrettable qu'il y ait eu vingt-six ans d'intervalle entre le Guerillero et Hamlet, cet ouvrage de premier ordre. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« L'air avec chœur, chanté par Massol et formant le finale du 1er acte, mérite un souvenir particulier. »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GUERNICA
Drame lyrique en trois actes, livret de Pedro Gailhard et Pierre-Barthélemy Gheusi, musique de Paul Vidal. Création à l'Opéra-Comique (salle du Châtelet) le 07 juin 1895, dans des décors d’Auguste Rubé, avec Mlles Lafargue et Elven, MM. Bouvet, Jérôme et Mondaud.
« Il s'agit ici, paraît-il, d'un épisode historique de la guerre carliste qui ensanglanta l'Espagne en 1873. La scène se passe en pays basque. Nella, fille du riche fermier Marco, doit épouser prochainement un jeune officier de l'armée espagnole, le capitaine Mariano, ami d'enfance de son frère Juan. La maison est en fête, et tous sont heureux de cette union. Mais Juan, qui est affilié aux carlistes sans qu'aucun des siens en soit informé et qui a été désigné comme l'un des chefs du soulèvement qui se prépare, reçoit secrètement l'avis que le mouvement doit éclater le lendemain. « Déjà ! » s'écrie-t-il, et il frémit à la pensée qu'il peut se rencontrer dans la montagne, à la tête de ses hommes, avec son ami Mariano, celui qui doit être son frère, se trouver face à face avec lui, que l'un des deux peut tuer l'autre peut-être... Cette pensée l'obsède et le poursuit. Il fera pourtant ce qu'il considère comme son devoir et se rend à Guernica, la ville sainte des fueros basques, où les futurs combattants carlistes sont assemblés. Il les harangue devant le palais foral, leur demande s'ils sont prêts à se battre, prêts à mourir pour défendre leurs libertés, leurs privilèges, pour soutenir les prétentions de leur roi don Carlos. Tous l'acclament avec frénésie, et, à la suite de cette harangue brûlante, courent aux armes en chantant l'hymne basque, le chant national de Guernica. Bientôt nous retrouvons Juan à la tête de ses hommes, au sommet de la montagne d'Elorio, déjà cernée par les troupes régulières. Nella, qui a surpris le secret et la retraite de son frère, vient le supplier, mais vainement, d'abandonner l'insurrection. Juan refuse. Voici qu'on entend au loin le clairon des soldats espagnols ; ceux-ci s'approchent, le combat s'engage, le capitaine Mariano commande le feu, et Juan tombe mortellement frappé. Nella accourt, fond en larmes en voyant le corps inanimé de son frère, et, devant son fiancé dont le désespoir égale le sien, jure de dire adieu au monde et de se cloîtrer pour la vie.
Sur cette action, qui pourrait être plus émouvante et dont les auteurs n'ont pas tiré tout le parti possible, M. Vidal a écrit une partition un peu trop dépourvue du mouvement, de la vie et de l'éclat sans lesquels il n'est pas d'œuvre robuste. L'inspiration en est courte, et, si l'arrangement est habile, il ne saurait suppléer à la richesse de l'imagination. Ce n'est pas à dire qu'il n'y ait rien à distinguer dans une composition si importante et si touffue ; mais c'est par fragments, par épisodes, qu'il faut faire ressortir ce qui mérite d'être signalé, et l'on chercherait en vain une page vraiment complète sur laquelle l'attention puisse se fixer et s'arrêter. Ainsi, l'on peut noter quelques passages agréables dans le duo d'introduction entre Nella et son père, de même que dans son duo avec Mariano, dont l'ensemble final ne manque pas de grâce ; la meilleure page de ce premier acte est le chœur féminin qui le termine. Au troisième en peut mentionner l'entracte, qui est intéressant, la scène où Juan indique à ses nommes la position qu'ils doivent prendre pour le combat, et le duo de Nella et de Mariano, où le musicien a paru s'émouvoir quelque peu. En résumé, l'ensemble de l'œuvre est faible, et la personnalité y fait trop complètement défaut. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
GUERRE JOYEUSE (LA)
[Der Lustige Krieg]
Opérette viennoise en trois actes, livret de Friedrich Zell et Franz-Richard Genée, d’après les Dames Capitaines, opéra-comique de Mélesville et Reber, musique de Johann Strauss II, représentée à Vienne, Theater an der Wien, 1881.
Version française d’Alfred Hennequin et Maurice Hennequin, adaptation musicale de Maurice Kufferath, représentée à l’Alcazar de Bruxelles le 19 novembre 1885.
GUERRE OUVERTE ou RUSE CONTRE RUSE
Opéra en trois actes, de L.-E. Jadin, représenté au théâtre de la Cour en 1788.
GUETTEUR DE NUIT (LE)
Opérette en un acte, livret de Léon Beauvallet et de Jallais, musique de Paul Blaquières, représentée aux Bouffes-Parisiens le 30 août 1856. Cet ouvrage n'a pas tenu longtemps l'affiche.
GUI DE CHÊNE (LE) ou LA FÊTE DES DRUIDES
[ou le Guy de chesne ou la Feste des druides]
Pastorale en un acte, en vers libres, avec des ariettes, livret de Jean-Baptiste-René de Junquières, musique de Jean-Louis Laruette. Création à l’Opéra-Comique (Hôtel de Bourgogne) le 26 janvier 1763.
« La cérémonie de la récolte du gui sacré, célèbre dans l'histoire de la Gaule, a fourni l'idée de la pièce. La musique de Laruette est tout à fait oubliée. Il était bon acteur dans les rôles de père ou de tuteur, et il a donné son nom à cet emploi lorsqu'il est tenu par des artistes privés de moyens vocaux et chez lesquels le jeu supplée à l'insuffisance de la voix. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GUI MANNERING
Opéra en trois actes, musique d'Angélique Bertin, composé vers 1825.
GUIDO ET GINEVRA ou LA PESTE DE FLORENCE
Opéra en cinq actes, livret d'Eugène Scribe, musique de Fromental Halévy. Création au Théâtre de l'Opéra (salle Le Peletier) le 05 mars 1838, divertissements de Joseph Mazilier, décors de René Philastre et Charles Cambon, costumes de Paul Lormier. Avec Mmes Dorus-Gras (Ginevra), Rosine Stoltz (Ricciarda), Morin (Léonore), Flécheux (Antonietta) ; MM. G. Duprez (Guido), Levasseur (Cosme de Médicis), Massol (Forte-Braccio), Dérivis (Manfredi), Molinier (Lorenzo), Ferdinand Prévôt (Téobaldo).
Représenté à l'Opéra-Populaire le 27 octobre 1879 avec Mmes Perlani (Ginevra), Devoyod (Ricciarda), Allez (Léonore), Baudu (Antonietta), MM. Warot (Guido), Galli (Cosme de Médicis), Solve (Forte-Bracchio), Elté (Manfredi), Barrielle (Lorenzo), Quirot (Teobaldo).
« Le sujet du livret reproduit un épisode raconté par M. Delécluze dans son histoire de Florence. Ginevra, fille de Cosme de Médicis, tombe évanouie pendant la célébration de son mariage avec le duc de Ferrare, par le contact d'une écharpe empoisonnée. On la croit victime du fléau qui vient de s'abattre sur Florence, et on l'ensevelit. Comme dans Roméo et Juliette, Ginevra se réveille ; elle s'échappe du caveau, et, repoussée partout où elle se présente dans cette ville terrifiée et presque déserte, elle est recueillie par un jeune sculpteur qui l'aime et qu'on a vu au premier acte. Cosme de Médicis, retrouvant sa fille, consent à son mariage avec Guido. Ce drame abonde certainement en situations fortes et saisissantes ; mais il appartient à un ordre d'idées qui heureusement ne s'est pas conservé dans les esprits et qui n'a envahi qu'accidentellement nos scènes lyriques. Des tombeaux, des condottieri qui chantent : Vive la peste ! une femme, une prima donna qu'on croit pestiférée et morte, qui ne ressuscite que pour recevoir des coups de fusil tirés de la maison paternelle, tout cela est odieux comme spectacle, et antimusical ; et c'est ce qui explique pourquoi l'opéra de Guido et Ginevra n'a pas été repris ; car, en ce qui concerne la musique, il renferme des beautés de premier ordre. Le rôle de Guido est aussi remarquablement traité que celui d'Eléazar dans la Juive, et Duprez l'a interprété avec une expression admirable. L'air : Pendant la fête, une inconnue, a obtenu un immense succès ; le récitatif en est d'une sensibilité exquise ; le grand air : Quand renaîtra la pâle aurore, est écrit avec des larmes, et aussi la mélodie chantée par Médicis : Sa main fermera ma paupière. Nous rappellerons aussi le duo du deuxième acte, le chœur des condottieri et le grand trio final : Ma fille, à mon amour ravie. Le talent de Mme Rosine Stoltz fut remarqué pour la première fois dans le rôle de Ricciarda. Cet opéra a été repris, en quatre actes, le 23 octobre 1840. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Le sujet de cet excellent, mais sombre libretto de Scribe, est emprunté à une légende italienne qui a souvent été reproduite en français et en allemand.
Parmi les morceaux les plus remarquables de cet opéra, citons la romance de Guido, le duo de Ricciarda et de Forte-Braccio, l'air pathétique de Guido au tombeau de Ginevra, le chœur Vive la peste ! le duo de Guido et Ginevra et le trio final.
Introduction à l'orchestre du mélophone (exécutant : Dessanne) et du trombone à pistons (exécutant : Schiltz).
Reprise : 1840. Traduit et représenté aux Italiens de Paris : 1870. »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GUIGNOL
Opéra bouffe de cape et de trique en trois actes, livret de Henri Fabert et Justin Godart, musique d’André Bloch. Création à l'Opéra-Comique le 18 janvier 1949. => fiche technique
GUILLAUME DE BABERTANY
Opéra, musique de M. Coll, représenté à Perpignan en avril 1875.
GUILLAUME DE NASSAU
Grand opéra français, musique de Mézeray, représenté au théâtre Royal de la Haye en 1832.
GUILLAUME TELL
Drame lyrique en trois actes et en prose, livret de Michel-Jean Sedaine, d’après la pièce d’Antoine Lemierre (1766), musique de Modeste Grétry. Création à l’Opéra-Comique (1re salle Favart) le 09 avril 1791. Il reçut un accueil triomphal et fut inscrit au répertoire pendant toute la période révolutionnaire. Il fut ensuite interdit par la censure impériale et ne fut joué à nouveau que le 24 mai 1828 à l’Opéra-Comique, avec un livret et une musique très mutilés, des modifications et arrangements ayant été apportés par Henri Montan Berton.
« Parler du poème de Sedaine, de la musique de Grétry, lorsqu'il s'agit de Guillaume Tell, serait employer mal notre temps, si nous ne tracions ici l'histoire des diverses conceptions de l'esprit humain sous le rapport poétique et musical. Lemierre avait déjà traité ce sujet au Théâtre-Français. Grétry, dans ses Essais, s'exprime ainsi : « Je cherchai dans Guillaume Tell à renforcer le coloris musical, c'est-à-dire l'harmonie et le travail de l'orchestre. L'énergie révolutionnaire devait se faire sentir ; mais à travers ce sentiment terrible, quelques traits champêtres, indiquant la candeur des habitants de la Suisse, s'y font partout entendre ; ils semblent dire : « C'est pour conserver nos vertus que nous nous insurgeons. » Nous avons vu depuis le véritable génie à l'œuvre. Grétry s'est donné beaucoup de peine pour atteindre à la hauteur de son sujet. Il a complètement échoué. Ce qu'il y a de singulier, c'est que les contemporains ne comprenaient pas mieux que lui tout ce qu'on pouvait tirer d'un draine si élevé, si pittoresque et si pathétique. Les critiques de ce temps sont unanimes pour vanter le style large et profond, l'originalité du compositeur. On ne peut aujourd'hui ratifier un tel jugement. Nous remarquerons seulement qu'au lever du rideau, Grétry fait jouer au jeune Tell, assis sur les montagnes, le Ranz des vaches sur sa cornemuse, d'après la version qu'en a donnée Rousseau à la fin de son Dictionnaire de musique. Toutefois, un morceau a survécu à l'oubli dans lequel la partition est tombée depuis longtemps ; c'est le quatuor, qui est un petit chef-d'œuvre. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GUILLAUME TELL
Opéra en quatre actes, livret de Hippolyte L. F. Bis (1789-1853) et Etienne de Jouy, d’après la tragédie de F. Schiller, musique de Gioacchino Rossini.
Personnages : Guillaume Tell (baryton) ; Arnold (ténor) ; Walter Farst (basse) ; Melchthal (basse) ; Jemmy (mezzo-soprano) ; Hedwige (contralto) ; un pêcheur (ténor) ; Leuthold (basse) ; Gessler (basse) ; Mathilde (soprano) ; Rodolphe (ténor) ; officiers et soldats, pages et demoiselles de la cour, bergers, pêcheurs, chasseurs, danseurs.
L’action se déroule en Suisse, au XIIIe siècle.
Création au Théâtre de l'Opéra (salle Le Peletier) le lundi 03 août 1829. Divertissements de Jean-Pierre Aumer. Décors de Charles Cicéri. Costumes d'Hippolyte Lecomte.
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03.08.1829 1e |
20.08.1856 317e |
22.05.1868 500e |
02.09.1870 528e |
Mathilde |
CINTI-DAMOREAU |
DUSSY |
BATTU |
MIOLAN-CARVALHO |
Jemmy |
DABADIE |
RIBAULT |
LEVIELLI |
FURSCH-MADIER |
Edwige |
MORI |
ELMIRE |
Rosine BLOCH |
Rosine BLOCH |
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Arnold |
Adolphe NOURRIT |
Louis GUEYMARD |
VILLARET |
Edouard Adolphe COLIN |
Guillaume |
DABADIE |
BONNEHEE |
Jean-Baptiste FAURE |
Jean-Baptiste FAURE |
Walter Furst |
LEVASSEUR |
BELVAL |
BELVAL |
DAVID |
Gessler |
PREVOST |
GUIGNOT |
DAVID |
CASTELMARY |
Ruodi |
Alexis DUPONT |
AIMES |
GRISY |
GRISY |
Melchtal |
BONEL |
COULON |
PONSARD |
PONSARD |
Rodolphe |
MASSOL |
KOENIG |
KOENIG |
Etienne SAPIN |
Leuthold |
Ferdinand PREVOT |
F. PREVOT |
GASPARD |
GASPARD |
un Chasseur |
POUILLEY |
FRERET |
FRERET |
FRERET |
Chef d’orchestre |
HABENECK |
N. GIRARD |
G. HAINL |
G. HAINL |
La 100e avait eu lieu le 17 septembre 1834, avec les créateurs, sauf : Mme FALCON (Mathilde), GOSSELIN (Edwige) et M. DERIVIS (Melchtal).
La 528e, le 2 septembre 1870, fut une représentation de clôture, par suite de mobilisation.
Par ailleurs, représentations en français en 1845 à Londres (Convent Garden) et à New York.
Première fois au Palais Garnier, le 26 février 1875, dans une mise en scène de Léon Carvalho. Décors d'Auguste Rubé et Philippe Chaperon (1er acte), Charles Cambon (2e acte), Antoine Lavastre et Edouard Despléchin (3e acte), Jean-Louis Chéret (4e acte). Costumes d'Alfred Albert et Paul Lormier.
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26.02.1875 585e |
21.06.1880 627e |
29.02.1892 Gala Centenaire Rossini |
06.03.1899 785e |
23.08.1905*
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Mathilde |
BELVAL |
DARAM |
BOSMAN |
BOSMAN |
DEMOUGEOT |
Jemmy |
Antoinette ARNAUD |
PLOUX |
BREVAL |
AGUSSOL |
LAUTE-BRUN |
Edwige |
GEISMAR |
Andréa BARBOT |
DESCHAMPS-JEHIN |
FLAHAUT |
FLAHAUT |
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Arnold |
SALOMON |
MIERZWINSKY |
DUC |
AFFRE |
AFFRE |
Guillaume |
Jean-Baptiste FAURE |
MELCHISSEDEC |
BERARDI |
RENAUD |
NOTÉ |
Walter |
BELVAL |
BOUDOURESQUE |
L. GRESSE |
L. GRESSE |
CHAMBON |
Gessler |
Eugène BATAILLE |
Eugène BATAILLE |
DELMAS |
CHAMBON |
André GRESSE |
Ruodi |
Jules BOSQUIN |
LAURENT |
AFFRE |
LAFFITTE |
NUIBO |
Melchtal |
GASPARD |
GASPARD |
PLANÇON |
DELPOUGET |
DELPOUGET |
Rodolphe |
Etienne SAPIN |
Etienne SAPIN |
VAGUET |
CABILLOT |
CABILLOT |
Leuthold |
AUGUEZ |
AUGUEZ |
RENAUD |
DOUAILLIER |
STAMLER |
un Chasseur |
FRERET |
LAFFITTE |
DOUAILLIER |
CANCELIER |
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un Pasteur |
JOLIVET |
JOLIVET |
PIROIA |
DENOYÉ |
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CANDELIER, GALLOIS, BAUDIN, GONGUET, RAGNEAU, DENOYÉ, DINARD |
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Chef d’orchestre |
DELDEVEZ |
E. ALTES |
COLONNE |
P. VIDAL |
P. VIDAL |
* Danses :
Au 1er acte : Mlles BEAUVAIS, BARBIER, URBAN, Mouret, Parent, Coudaire, Mestais. MM. STAATS, RÉGNIER, Ch. JAVON.
Au 3e acte, la Tyrolienne : Mlles LOBSTEIN, VANGOETHEN, Beauvais, Barbier, Urban, Dockes, Demaulde, Coudaire, V. Hugon, B. Mante, Vinchelin.
A compter du 06 mars 1899, décors nouveaux d'Auguste Rubé et Marcel Moisson (1er acte), Marcel Jambon et Alexandre Bailly (2e et 4e actes), Eugène Carpezat (3e acte) et mise en scène nouvelle de Lapissida.
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09.11.1916 867e |
24.09.1920 882e |
21.10.1929 886e |
30.10.1929 889e |
04.06.1932 911e et dernière |
Mathilde |
GALL |
BUGG |
BEAUJON |
BEAUJON |
NORENA |
Jemmy |
G. MANNY |
LAUTE-BRUN |
J. LAVAL |
J. LAVAL |
J. LAVAL |
Edwige |
GAULEY-TEXIER |
GAULEY-TEXIER |
TESSANDRA |
TESSANDRA |
TESSANDRA |
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Arnold |
GAUTIER |
SULLIVAN |
THILL |
SULLIVAN |
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Guillaume |
LESTELLY |
NOTÉ |
JOURNET |
JOURNET |
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Walter |
HUBERTY |
HUBERTY |
GROMMEN |
HUBERTY |
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Gessler |
A. GRESSE |
A. GRESSE |
PERNET |
PERNET |
|
Ruodi |
L. DUFRANNE |
A. COMBES |
VERGNES |
RAMBAUD |
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Melchtal |
NARÇON |
NARÇON |
NARÇON |
NARÇON |
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Rodolphe |
GONGUET |
GONGUET |
MADLEN |
MADLEN |
|
Leuthold |
LACOME |
GODARD |
DALERANT |
DALERANT |
|
un Chasseur |
Joseph Antoine BONAFÉ |
ERNST |
NEGRE |
FOREST |
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Chef d’orchestre |
CHEVILLARD |
CHEVILLARD |
RÜHLMANN |
RÜHLMANN |
RÜHLMANN |
Autres interprètes des principaux rôles à l'Opéra :
Mathilde : Mmes JAWURECK (1831), DORUS-GRAS (1832), NAU (1836), DOBRE (1842), DE ROISSY (1842), D'HALBERT (1845), GRIMM (1848), LABORDE (1852), HAMAKERS (1856), THOMSON (1858), HILLEN (1859), MARCHISIO (1860), Caroline DUPREZ (1861), DE TAISY (1861), PASCAL (1864), DEVRIES (1871), FOUQUET (1874), THIBAULT (1874), DE RESZKE (1875), FRANCK-DUVERNOY (1878), LACOMBE-DUPREZ (1881), DE VERE (1881), LUREAU-ESCALAÏS (1883), HAMMAN (1883), ISAAC (1885), D'ERVILLY (1886), LOVENTZ (1891), LUCAS (1900), DE NOCE (1901), DEMOUGEOT (1903), CAMPREDON (1909), Berthe MENDÈS DE LÉON (1910), DELISLE (1912), FER (1916), RITTER-CIAMPI (1921), HEDOUIN (1930).
Arnold : MM. LAFOND (1832), RAGUENOT (1836), DUPREZ (1837), Guillaume POULTIER (1841), DELAHAYE (1842), MARIE (1842), Julien MATHIEU (1845), ESPINASSE (1849), MAIRALT (1850), RENARD (1857), WICARD (1860), DULAURENS (1861), SELLIER (1878), ESCALAÏS (1883), BERNARD (1888), PAOLI (1899), JAUME (1906), ANSALDY (1907), GILION (1910), FONTAINE (1912), CHARAT (1918), CARRERE (1921), GRANJER (1929), LAURI-VOLPI (1930).
Guillaume : MM. DERIVIS (1832), F. PREVOT (1835), MASSOL (1836), MOLINIER (1837), Adolphe ALIZARD (1841), BARROILHET (1842), CANAPLE (1842), LATOUR (1845), Jean-Baptiste PORTEHAUT (1846), ROMMY (1847), MARIE (1848), OBIN (1852), MORELLI (1852), MERLY (1853), DUMESTRE (1857), CAZAUX (1858), DEVOYOD (1868), ROUDIL (1871), J. LASSALLE (1872), COUTURIER (1875), BALLARD (1889), BARTET (1907), CARBELLY (1908), CARRIE (1912), TEISSIE (1916), VALMORAL (1921), ROUARD (1929), BROWNLEE (1929).
Walter : MM. HURTEAUX (1832), SERDA (1836), BOUCHE (1842), BREMOND (1845), Adolphe ALIZARD (1848), DEPASSIO (1852), COULON (1860), PONSARD (1871), MENU (1875), DUBULLE (1880), GIRAUDET (1881), HOURDIN (1884), PLANÇON (1888), CHAMBON (1893), PATY (1901), NIVETTE (1903), D'ASSY (1908), JOURNET (1910), H. LEGROS (1921).
Gessler : SERDA (1837), Adolphe ALIZARD (1837), MOLINIER (1840), SAINT-DENIS (1842), BREMOND (1843), ARNOUX (1845), BESSIN (1847), PERIE (1849), COULON (1860), BORCHARD (1862), BONNESSEUR (1863), TISSERE (1869), L. GRESSE (1876), MENU (1880), Eugène LORRAIN (1880), René NEVEU (1881), DUBULLE (1882), PLANÇON (1885), BALLARD (1888), PATY (1899), DELPOUGET (1907), NEGRE (1929).
911 représentations à l’Opéra dont 327 au Palais Garnier au 31.12.1961.
Résumé.
Au XIIIe siècle, les baillis autrichiens oppriment les montagnards de la Suisse primitive. L'un d'eux, Guillaume Tell, ayant omis de saluer le chapeau du bailli Gessler, placé sur une perche, est contraint d'abattre une pomme posée sur la tête de son fils. Il y parvient, mais ses fières paroles entraînent cependant sa condamnation aux fers. S'échappant durant la tempête, il saute de la barque qui l'emmenait en captivité, et tue Gessler d'une de ses flèches. La révolution ayant expulsé les tyrans, le peuple célèbre l'aurore de la liberté.
ACTE I. — Au bord du lac des Quatre-Cantons.
Les montagnards vont et viennent, paisiblement ;
dans son bateau, un pêcheur chante [Air du Pêcheur : Accours dans ma nacelle,
timide jouvencelle...]. Sur le seuil de sa maison, Guillaume Tell songe aux
moyens de libérer son pays de la tyrannie des baillis autrichiens. Le
vieux Melchthal s'approche de son fils Arnold, lequel, demeuré seul, exhale la
détresse de son âme. Arnold aime Mathilde, une princesse autrichienne ; il a,
pour elle, trahi déjà la cause des siens en entrant au service de l'Autriche.
Arnold voudrait se libérer, mais, à l'annonce de l'approche du bailli Gessler et
de sa suite, il ne peut s'empêcher de demeurer encore pour revoir une dernière
fois celle qu'il aime. Tell l'exhorte à se joindre à ceux qui projettent de
rejeter le joug des baillis. Les gens se pressent pour assister à la bénédiction
de jeunes époux par le vieux Melchthal. Tell suit Arnold. Arrive alors le pâtre
Leuthold, qui est poursuivi par les gens du bailli pour avoir pris la défense de
sa sœur outragée. Le pêcheur hésite à l'emmener dans son bateau, l'orage
menaçant au loin. Tell, insouciant du danger, s'embarque avec le fugitif.
Rodolphe de Harras et ses écuyers surviennent, exigeant qu'on leur livre le nom
de celui qui prêta secours au berger. Melchthal s'y refusant, les soldats s'en
saisissent et l'entraînent, sous les yeux des assistants désarmés.
ACTE II. — La prairie du Rütli, au bord du lac de Quatre-Cantons.
Mathilde qui s'est écartée un moment de ses compagnons de chasse, exprime son amour pour Arnold [Romance de Mathilde : Sombres forêts, désert triste et sauvage...]. Arnold arrive, et ils décident de faire sceller leur union dans la chapelle, à la nuit tombante [Duo Mathilde-Arnold : Oui, vous l'arrachez à mon âme...]. Mathilde s'éloigne. Tell et Walther Fürst viennent rappeler à Arnold ses devoirs [Trio : (Guillaume) Quand l'Helvétie est un champ de supplices...]. Le jeune homme les brave, jusqu'au moment où il entend que son père a été victime des tyrans ; il se joint alors aux représentants des trois petits pays montagnards, Uri, Schwytz et Unterwald, venus sceller l'alliance de la nouvelle Confédération.
ACTE III.
1er TABLEAU : Devant la Chapelle.
Arnold prend congé de Mathilde. (Ce tableau est généralement supprimé).
2e TABLEAU : Sur la place d'Altdorf.
Une perche a été dressée, portant le chapeau du bailli, que les gens sont contraints de saluer en passant. Tell, sortant avec son fils Jemmy, omet de s'exécuter. Immédiatement, Gessler le fait arrêter, et lui ordonne, sous menace de mort, d'abattre avec son arc une pomme placée sur la tête de son enfant. En vain, Tell implore la grâce du tyran. Encouragé par l'attitude de son fils, il s'exécute enfin et réussit le redoutable exploit. Mais, lorsqu'il va s'éloigner, Gessler remarque une deuxième flèche que Tell avait préparée. L'archer avoue fièrement qu'elle eût été pour Gessler si, par malheur, il avait touché son enfant avec la première. Le bailli ordonne d'enchaîner Tell et son fils. Mathilde, qui est intervenue, réussit à obtenir de Gessler la grâce de l'enfant. En dépit des avis qui lui sont prodigués, Gessler fait embarquer Tell dans un bateau qui doit le conduire au château de Küssnacht. Le peuple assiste, impuissant, au départ de Tell.
ACTE IV.
1er TABLEAU : Devant la demeure de Melchthal.
Arnold vient saluer une dernière fois sa maison natale, avant d'aller lutter avec ses compatriotes pour l'expulsion des tyrans [Célèbre Air d’Arnold : Asile héréditaire...].
2e TABLEAU : Un rocher, au bord du lac.
Hedwige et d'autres femmes suivent l'avance difficile de la barque de Gessler sur le lac. Jemmy s'approche avec Mathilde, qui a résolu d'unir son sort à celui des Confédérés, dont elle plaint l'infortune. Jemmy part bientôt donner le signal convenu aux conjurés. Leuthold rapporte subitement que Tell a été délivré de ses chaînes, afin de pouvoir diriger la barque désemparée. Bientôt le héros bondit sur le rocher. Jemmy lui tend son arc et ses flèches, et, quand Gessler veut aborder, Tell le frappe d'un trait mortel. Les Autrichiens fuient. Walther Fürst s'approche avec les autres révoltés. Des feux s'allument bientôt partout sur la montagne. On apprend par Arnold la chute de la forteresse de Gessler. Une fois que l'orage s'est éloigné, les Suisses saluent l'aurore naissante de leur liberté.
« Chef-d'œuvre incomparable du plus grand compositeur de ce siècle, Guillaume Tell offre un ensemble merveilleux de toutes les richesses mélodiques et harmoniques que l'art musical moderne semble pouvoir produire. En sortant de la première représentation de cet ouvrage, M. Fétis écrivait ceci : « Guillaume Tell manifeste un homme nouveau dans le même homme, et démontre que c'est en vain qu'on prétend mesurer la portée du génie. Cette production ouvre une carrière nouvelle à Rossini. Celui qui a pu se modifier ainsi peut multiplier ses prodiges, et fournir longtemps un aliment à, l'admiration des vrais amis de l'art musical. » Malheureusement, Guillaume Tell a été le dernier ouvrage sorti de la plume du cygne de Pesaro. C'était son trente-septième opéra ; ce fut le dernier.
Les principales péripéties du drame de Schiller ont inspiré au musicien une suite de tableaux tour à tour agrestes, guerriers, gracieux, passionnés, sombres, éclatants, douloureux, patriotiques et triomphants. A la grâce de la cavatine et du duo italien est venue se joindre l'harmonie savante et profonde des chœurs allemands ; mais ce qui domine dans tout l'ouvrage et ce qui le distingue, c'est la clarté et l'énergique précision du génie français. Avant de passer à la citation des morceaux principaux, nous devons faire connaître quels furent les premiers interprètes de cette œuvre immortelle. Adolphe Nourrit, Arnold ; — Dabadie, Guillaume Tell ; — Alexis Dupont, le pêcheur ; — Mme Dabadie, Jemmy ; —Mme Damoreau, Mathilde ; — Mlle Mori, Hedwige.
Chacun de ces rôles a été tenu depuis par bien des artistes célèbres. Nous nous bornerons à nommer notre grand chanteur Duprez, pour lequel le rôle d'Arnold a été une suite de triomphes éclatants et mémorables. Toutes les traditions de cet éminent artiste ont été scrupuleusement conservées, et c'est dans Guillaume Tell qu'il a opéré la réforme salutaire de l'ancien récitatif ; Duprez a donné à chacune des phrases du récit la valeur musicale et l'accent dont Rossini n'a cessé de poursuivre et de rechercher les formes, depuis son opéra de Tancredi jusqu'à celui de Guillaume Tell, qui en offre le plus parfait modèle ; Mlle Nau a laissé de bons souvenirs dans le rôle de Mathilde ; Barroilhet était excellent dans celui de Guillaume. Doué d'une voix sympathique et vibrante dont il savait user avec une rare intelligence artistique, il enlevait la salle lorsqu'il disait cette phrase : Il chante et l'Helvétie pleure sa liberté. Nul n'a été plus pathétique que lui dans la scène de la pomme : Je te bénis en répandant des larmes.
Le caractère général du drame est parfaitement exprimé dans l'ouverture, divisée en quatre parties. D'abord un cantabile de violoncelle, plein d'une majesté suave, fait respirer le calme des solitudes alpestres ; puis un Ranz des vaches se fait entendre, au milieu de détails délicieux de cor anglais et de petite flûte. En troisième lieu, de larges gouttes d'eau tombent sur les feuilles, l'ouragan s'avance, l'orage se déclare, tous les éléments sont déchaînés. Cette tempête est aussi une image des passions qui grondent dans ce pays. Enfin le clairon sonne, la lutte s'engage et les chants de victoire retentissent.
Qu'on nous permette de dire notre mot sur le poème de Guillaume Tell. L'a-t-on assez critiqué ? s'en est-on assez moqué ? Sans doute on peut relever çà et là quelques naïvetés, telles que dans le duo : Cet écueil qui s'élève entre nous de toute sa puissance ; quelques vers emphatiques, etc. Cependant, malgré le dédain peu réfléchi des aristarques, nous sommes d'avis que le livret de Guillaume Tell est non seulement le mieux fait, le mieux coupé pour la scène, l'un des plus intéressants qui soient au théâtre, mais encore qu'il est un de ceux qui renferment le plus de ces vers lyriques qui se gravent fortement dans la mémoire avec la phrase musicale. Un spectateur retient à la première audition une foule de passages dont l'accent lyrique l'a frappé. Tantôt c'est cette phrase de Guillaume :
Contre les feux du jour, que mon toit solitaire,
Vous offre un abri tutélaire ;
C'est là que dans la paix ont vécu mes aïeux,
Que je fuis les tyrans que je cache à leurs yeux,
Le bonheur d'être époux, le bonheur d'être père.
Tantôt cette phrase suave d'Arnold :
O Mathilde, idole de mon âme.
et cette autre :
O ciel, tu sais si Mathilde m'est chère.
Il est évident qu'ici la force du rythme et l'effet de quinte augmentée à la seconde mesure contribuent, à rendre l'impression plus vive. Plus loin, le récitatif de Guillaume termine bien la troisième scène :
Je ne vois plus Arnold...
Je cours l'interroger, toi, ranime les jeux.
HEDWIGE.
Tu me glaces de crainte, et tu parles de fête.
GUILLAUME.
Qu'elle cache aux tyrans le bruit de la tempête ;
Etouffez-la sous vos accents joyeux,
Elle ne doit gronder pour eux
Qu'en tombant sur leur tête.
Il fallait que le poète sût assouplir son vers à la coupe si neuve des mélodies du maître. Sans les vers de mirliton, si l'on veut :
Hyménée,
Ta journée
Fortunée
Luit pour nous.
nous n'aurions pas eu ce chœur si parfumé de grâces chastes et charmantes.
Le librettiste a été moins heureux pour le chœur : Enfants de la nature. Il fallait au musicien un accent sur le second temps de la mesure, et partout cet accent porte à faux sur le texte. La scène de Leuthold est belle :
JEMMY.
Pâle et tremblant, se soutenant à peine,
Ma mère, un pâtre accourt vers nous.
LE PÊCHEUR.
C'est le brave Leuthold ! quel malheur nous l'amène ?
LEUTHOLD.
Sauvez-moi !
HEDWIGE.
Que crains-tu ?
LEUTHOLD.
Leur courroux.
HEDWIGE.
Leuthold, quel pouvoir te menace ?
LEUTHOLD.
Le seul qui n'ait jamais fait grâce,
Le plus cruel, le plus affreux de tous.
O mes amis, sauvez-moi de ses coups !
MELCHTAL.
Qu'as-tu fait ?
LEUTHOLD.
Mon devoir : de toute ma famille,
Le ciel ne me laissa qu'un enfant, qu'une fille ;
Du gouverneur, un indigne soutien,
Un soldat l'enlevait, elle, mon dernier bien.
Hedwige, je suis père, et j'ai su la défendre,
Ma hache sur son front ne s'est pas fait attendre ;
Voyez-vous ce sang, c'est le sien.
Toute cette scène est bien terminée par l'exclamation de Guillaume :
Ah ! ne crains rien, Hedwige,
Les périls sont bien grands, mais le pilote est là !
Le finale du premier acte, dans lequel les soldats oppresseurs forment un contraste vigoureux avec la population suisse suppliante et terrifiée, est une conception magnifique dont la première partie surtout est d'une incomparable beauté.
Le deuxième acte nous transporte dans les solitudes alpestres. La cloche du soir sert d'accompagnement à un chœur dans lequel l'emploi des quintes consécutives, qui faisaient tant rire Berton, produit l'effet le plus doux, le plus original et le plus heureux.
Mais du sein de la nuit, à la clarté de la lune, s'élève une voix pure, celle de Mathilde ; c'est dans ce récitatif et dans la romance aussi distinguée qu'harmonieuse de Sombres forêts, que toutes les nuances les plus exquises d'un premier amour chaste et pur, qui ose à peine s'avouer, sont rendues avec une délicatesse racinienne. C'est la grâce émue jusque dans les détails de l'orchestration.
A partir de ce moment, on remarque dans les morceaux qui suivent un crescendo d'effet qui laisse à peine au spectateur le temps de respirer. C'est le duo d'amour de Mathilde et d'Arnold :
Oui, vous l'arrachez à mon âme
Ce secret qu'ont trahi mes yeux,
accompagné en triolets et suivi d'un andante :
Doux aveu, ce tendre langage,
dans lequel toute la grâce du chant italien avec ses broderies légères, n'atténue en rien la force de l'expression. L'amour, dans la partition de Guillaume Tell, n'a rien de morbide ni de voluptueux ; c'est une passion généreuse et qui ne cesse de s'estimer. Aussi l'accent héroïque se fait entendre avec éclat dans l'allegro du duo. Aussitôt après les dernières mesures de cette strette brillante, le trio commence ; ce célèbre trio, qui à lui seul vaut un opéra :
GUILLAUME.
Quand l'Helvétie est un champ de supplices
Où l'on moissonne ses enfants,
Que de Gessler tes armes soient complices !
Combats et meurs pour nos tyrans !
WALTER.
Pour nous, Gessler, préludant aux batailles,
D'un vieillard a tranché les jours ;
Cette victime attend des funérailles,
Elle a des droits à tes secours.
ARNOLD.
Ah ! quel affreux mystère !
Un vieillard, dites-vous ?
WALTER.
Que la Suisse révère,
ARNOLD.
Son nom ?
WALTER.
Je dois le taire.
GUILLAUME.
Parler, c'est le frapper au cœur.
ARNOLD.
Mon père ?
WALTER.
Oui, ton père ! Mechtal, l'honneur de nos hameaux.
Ton père assassiné par la main des bourreaux !
ARNOLD.
Qu'entends-je ! ô crime ! hélas, j'expire !
Ces jours, qu'ils ont osé proscrire,
Je ne les ai pas défendus !...
Mon père, tu m'as dû maudire,
De remords mon cœur se déchire,
O ciel, je ne te verrai plus !
C'est une des situations les plus fortes et aussi une des plus belles qu'un compositeur ait eu à traiter. Rossini y a montré son génie, et lorsque cette scène était dite par Duprez, Baroilhet et Levasseur, c'est-à-dire par des interprètes d'un talent supérieur, nous avons vu des spectateurs verser des larmes, d'autres se lever de leurs fauteuils d'orchestre pour acclamer l'œuvre et les artistes, des dames agiter leurs mouchoirs dans les loges, enfin un enthousiasme indescriptible. Je ne sais si je reverrai de pareils succès, mais, pour les hommes de ma génération, c'était alors l'âge d'or de l'opéra français.
Toute la sonorité de l'orchestre a fait place à un profond silence, bientôt discrètement troublé par l'arrivée des Suisses conjurés ; ils débouchent des forêts, ou bien ils abordent sur la rive.
WALTER.
Du seul canton d'Uri nous regrettons l'absence.
GUILLAUME.
Pour dérober la trace de leurs pas,
Pour mieux cacher nos saintes trames,
Nos frères sur les eaux s'ouvrent avec leurs rames,
Un chemin qui ne trahit pas.
LE CHŒUR.
Amis de la patrie !
Une fuguette pleine d'énergie atteste les dispositions de ces montagnards vigoureux ; des mélodies plaintives témoignent, au contraire, du découragement d'autres bandes ; Guillaume s'efforce d'échauffer leur courage :
Amis, contre ce joug infâme,
En vain l'humanité réclame.
Nos oppresseurs sont triomphants.
Un esclave n'a point de femme,
Un esclave n'a point d'enfants !
Puis on entend ce finale merveilleux : Jurons par nos dangers, formé d'un échafaudage de quatre chœurs, qui se réunissent dans une formidable unisson sur ce vers : Si parmi nous il est des traîtres, pour s'épanouir de nouveau et se disperser sur le cri : Aux armes !
Aucun ouvrage n'a joui assurément d'une réputation plus universelle et plus méritée ; aucun, non plus, n'a été mutilé plus outrageusement. On a supprimé à la représentation un grand nombre de morceaux et, pendant de longues années, un acte tout entier. N'insistons pas sur ces honteuses concessions faites à la frivolité d'un certain public, et poursuivons cette analyse.
Gessler entre en scène, accompagné par des fanfares chorales, et chante quelques phrases courtes et bien caractérisées. C'est dans la fête qu'il ordonne que l'on entend ces délicieux airs de ballets dont on ne se lasse pas d'admirer les mélodies gracieuses, la variété des rythmes et la finesse de l'instrumentation. Il est inutile de rappeler la tyrolienne chantée et dansée : Toi que l'oiseau ne suivrait pas. L'air de ballet suivant se distingue par l'emploi ingénieux des deux fiâtes, puis vient le pas de soldats mouvementé et rapide. La scène du chapeau est suivie d'un quatuor admirable, où la voix pathétique du père s'unit aux plus touchants accents de Jemmy. La tendresse de Guillaume pour son enfant éclaire la vengeance de Gessler :
GESSLER.
Pour un habile archer, partout on te renomme ;
Sur la tête du fils qu'on place cette pomme.
Tu vas d'un trait certain l'enlever à mes yeux,
Ou vous périrez tous les deux.
Ce qui a contribué à la prédominance de l'opéra de Guillaume Tell sur tous les opéras modernes, c'est qu'on y trouve exprimés, avec le même bonheur, les sentiments les plus forts de la nature, je veux dire l'amour paternel, l'amour filial, la tendresse conjugale, la sainte amitié, la haine de l'injustice et enfin l'amour de la patrie.
Le cantabile de Guillaume, accompagné par le violoncelle, résume ce que l'imagination peut concevoir pour exprimer de telles angoisses
Sois immobile, et vers la terre
Incline un genou suppliant.
Invoque Dieu, c'est lui seul, mon enfant,
Qui dans le fils peut épargner le père.
Demeure ainsi, mais regarde les cieux,
En menaçant cette tête si chère,
Cette pointe d'acier peut effrayer tes yeux.
Le moindre mouvement... Jemmy, songe à ta mère ;
Elle nous attend tous les deux.
S'il est vrai qu'une œuvre humaine doit toujours se trahir par quelque imperfection, c'est, croyons-nous, dans le finale du troisième acte qu'on peut en trouver la marque. Dans la scène de confusion qui suit l'arrestation inique et impitoyable de Guillaume, lorsque Gessler et ses soldats étrangers menacent ce peuple, qui crie Anathème à Gessler, la mélodie absolue (nouveau style à l'usage des musico-prophètes de l'avenir), la mélodie, disons-nous, abonde au détriment de l'effet. Mais le quatrième acte nous tient en réserve de nouvelles beautés.
On accordera qu'il soit difficile que la musique exprime le silence. Ce problème cependant est ici résolu. Quelques phrases entrecoupées du quatuor donnent une idée du silence qui règne dans la chaumière de Mechtal, restée déserte depuis le meurtre du vieillard. Arnold chante alors cet air merveilleux de grâce et de douleur profonde :
Asile héréditaire
Où mes yeux s'ouvrirent au jour.
lequel, supprimé par Nourrit comme trop fatigant sans doute pour l'état de sa voix, fut rétabli par Duprez avec un succès éclatant.
Les stances guerrières avec chœur qu'Arnold adresse à ses compatriotes qu'il vient d'armer ont le caractère qui convient à cette situation. C'est dans cette scène que Duprez a fait entendre pour la première fois ce fameux ut de poitrine qui depuis a été le point de mire de tous les ténors et aussi une pierre d'achoppement pour beaucoup d'entre eux.
Il nous reste à signaler le trio de femmes en canon à l'unisson, petit joyau presque oublié au milieu d'une rivière de diamants : Je rends à votre amour un fils digne de vous, et la scène de la tempête, traitée avec une telle maestria dans l'orchestration, qu'elle n'a pas été surpassée, quoi qu'on dise. Les deux voix d'Hedwige, la femme de Guillaume, et de Mathilde, la protectrice de son fils, scintillent au milieu de l'orage, comme deux étoiles tutélaires dans cette prière :
Toi qui du faible es l'espérance,
Sauve Guillaume, ô Providence !
Enfin, pour clore cette analyse incomplète d'une œuvre qui, à nos yeux, est l'opéra des opéras modernes, comme Don Juan est l'opéra des opéras anciens, nous appelons l'attention des amateurs sur les effets de sonorité du dernier tableau, où les harpes et les triolets des violons à l'aigu donnent à l'hymne de délivrance des Suisses les teintes d'une aurore qui se lève radieuse et triomphante. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« La scène de la conjuration était platement écrite ; elle fut refaite entièrement par Armand Marrast, alors secrétaire du financier Aguado, chez qui Rossini composa son chef-d’œuvre.
La tyrolienne du 3e acte, dansée par Marie Taglioni, a été inspirée par un air suisse.
Introduction à l'orchestre du cornet à pistons. Exécutant : A. Dauverné.
L'orchestre qui interpréta Guillaume Tell, et donna une sérénade à Rossini le 4 août 1829, était dirigé par Valentino.
Reprises nombreuses : 1er juin 1831, réduit à 3 actes ; 17 avril 1837, pour le début de Gilbert Duprez. — La centième représentation a été donnée le 17 septembre 1834, et la cinq centième, le 10 février 1868. Après cette cinq centième, les symphonistes de l'Opéra allèrent donner une sérénade à Rossini. »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
« Principaux personnages : Guillaume Tell ; Arnold Melchtal, Walter Fürst, conjurés suisses ; Jemmy, fils de Guillaume Tell ; Hedwige, femme de Guillaume Tell ; Mathilde, princesse de Habsbourg ; Gesler, gouverneur des cantons de Schwytz et d'Uri ; etc.
L'action se passe dans le canton d'Uri, à la fin du XIIIe siècle.
Un très beau drame, si l'on veut bien passer sur l'invraisemblable amour entre un pâtre des Alpes et une princesse de Habsbourg. Il suit d'assez près la trame imaginée par Schiller, laquelle s'inspire directement de la légende.
Au premier acte, à Burglen, village natal de Guillaume Tell, tout respire le calme et le bonheur, mais ce ne sont là que dehors trompeurs. Guillaume Tell nous apprend qu'en réalité le peuple supporte impatiemment la servitude et brûle de secouer le joug de ses tyrans. Gesler, le gouverneur actuel, semble du reste prendre à tâche de rendre ce joug insupportable.
Trois mariages ont été bénis par le vieux Melchtal. Le vénérable patriarche soupire en pensant que son fils Arnold n'est pas au nombre des époux ; mais Arnold se consume en secret pour une grande dame, Mathilde de Habsbourg, à qui il eut un jour l’occasion de sauver la vie. Guillaume Tell, que les allures d'Arnold intriguent, essaie de lui arracher son secret. Il lui montre le devoir, qui est de défendre et de sauver la patrie. Mais sauver la patrie c'est entrer en lutte ouverte avec l'Autriche, que Mathilde représente au pays d'Uri.
Pendant que le peuple est tout entier à la fête, un berger arrive, hagard et sanglant : pour sauver sa fille du déshonneur, il a tué un officier de Gesler. Déjà l'on est à sa poursuite ; la seule chance de salut serait de passer l'eau et de gagner l'autre rive du lac, mais les bergers n'osent risquer si dangereuse aventure. Un seul se présente pour la tenter : Guillaume Tell, l'archer sans pareil, l'intrépide batelier. Les deux hommes viennent de quitter la rive, quand les premiers soldats de Gesler font leur apparition. Voyant que le coupable leur échappe, les archers se saisissent du vieux Melchtal qui les brave. En vain les Suisses veulent s'opposer à son départ : les soldats ont facilement raison de ces paysans sans armes.
Le second acte a pour théâtre la prairie du Grütli. Une chasse s'éloigne, la chasse du gouverneur. Mathilde, qui l'accompagnait, reste à dessein en arrière, car elle sait qu'Arnold va venir, Arnold qui n'assistait pas à l'arrestation de son père, s'étant éloigné au moment du drame pour se rapprocher d'elle. Duo dans lequel tous d'eux s'avouent leur amour. L'entretien est interrompu par l'arrivée de Guillaume Tell et de Walter Fürst, qui met Mathilde en fuite. Mais elle a été aperçue, et les deux fiers patriotes reprochent à Arnold une liaison qu'ils considèrent comme une trahison. Ici se place le célèbre trio. Arnold braverait ses compagnons, sans la nouvelle qu'ils lui apportent : son vieux père a été assassiné par ordre de Gesler ! Dès lors le fils n'a plus qu'une idée : venger le crime. Et l'occasion va lui en être offerte sur l'heure. Voici venir en effet les gens d'Unterwald, puis ceux de Schwytz, en dernier ceux d'Uri, qui ont traversé le lac. A la voix de Guillaume, ils sentent s'évanouir toute crainte et jurent de se lever au premier signal, comme un seul homme, pour renverser la tyrannie.
Le troisième acte commence par un tableau (duo entre Arnold et Mathilde) que l'on supprime toujours à la représentation. Le tableau suivant se passe sur la grand' place d'Altorf, où Gesler a fait dresser le fameux chapeau devant lequel les archers forcent les passants à s'incliner. Arrive Guillaume avec son fils Jemmy. Sur son refus de saluer l'emblème, il est arrêté et va probablement payer de sa vie pareille audace. Tout bas il ordonne à Jemmy de retourner vers sa mère et de donner aux conjurés le signal attendu. Mais Gesler s'avise d'une vengeance barbare : il ordonne à Guillaume d'abattre une pomme sur la tête de son fils, faute de quoi le père et l'enfant seront mis à mort tous deux. Guillaume hésite, va jusqu'à implorer le tyran : le tout en vain. Jemmy l'encourage à tenter l'entreprise. Il se décide enfin et d'une flèche abat la pomme : il est libre ! Mais Gesler aperçoit une seconde flèche, que l'archer avait cachée dans son sein : « Pour qui ce trait ? » demande-t-il. « Pour toi », répond Guillaume. A ces mots, on le charge de fers. Mathilde, survenue en cet instant, ne réussit qu'à sauver Jemmy, que Gesler voulait comprendre dans sa vengeance. L'enfant pourra ainsi porter le message de son père. Quant à ce dernier, Gesler va l'emmener à Küssnacht par la voie du lac.
Quatrième acte : Arnold est rentré dans son foyer désert. On vient lui annoncer l'arrestation de Guillaume Tell. L'heure de la vengeance a sonné ; il part à la tête de ses frères. La scène change : nous sommes au pied de l'Axenberg, au bord du lac. Hedwige se désole de la perte de son époux. Mais Jemmy accourt, et Mathilde le suit. La fille de sang royal veut unir son sort à celui des confédérés, dont elle plaint l'infortune.
La tempête fait rage sur le lac, et voici qu'une barque approche du dangereux rivage. Guillaume saute sur la rive et repousse le bateau du pied. Au même instant, Jemmy annonce que la maison du héros flambe : c'est le signal qu'attendent les conjurés.
Gesler a pourtant échappé à la tempête : il paraît au haut d'un rocher, mais il n'échappe pas à la flèche de Tell et meurt en nommant celui qui l'a frappé.
Arrivent les Suisses, qui annoncent la prise du château d'Altorf. Apothéose. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
« La « Lettre sur la musique française », de Jean-Jacques Rousseau, préconisait par-dessus tout : l'unité de la mélodie. Rossini fut, parmi les maîtres, le premier à la proclamer et à la pratiquer en France. C'est à la modification de sa première forme italienne pour le public parisien que nous devons Guillaume Tell — joué avec éclat sur la scène de l'Académie Royale, le 3 août 1829, par Mlle Cinti, par Arnold Nourrit, dans le rôle que, supérieurement, reprit Duprez — par Levasseur et Dabadie.
Ce chef-d'œuvre eut un gros succès, mais ne connut pas tout d'abord les recettes prestigieuses. On coupa déplorablement le 4e acte ; et l'on finit par ne plus représenter que le premier ou le second, en lever de rideau les jours de ballets à grand spectacle. Rossini, froissé — d'autant plus que l'on entourait de difficultés le règlement de la pension viagère de 6.000 francs qui lui avaient été assurés, en échange de son travail pour l'Opéra — se retira dans son pays et renonça au théâtre.
Il faut convenir que la partition de Guillaume était bien desservie par le livret. Ce poème, aujourd'hui rétabli dans son intégralité, semble en effet puéril et ne présente pas beaucoup d'intérêt. C'est une interprétation, d'ailleurs assez exacte, du drame de Schiller, adapté par M. de Jouy, rédacteur principal au Constitutionnel, et Hippolyte Bis (un nom prédestiné), brodé sur la légende nationale de la Suisse.
***
Le patriote Guillaume Tell exerce une influence prépondérante sur ses concitoyens, dans le petit village de Burglen — canton d'Uri. Sous la domination autrichienne, le pays conserve une apparence d'ordre et de paix, d'un caractère provisoire. C'est le calme précurseur d'orages, et le feu couve sous la cendre : car le gouverneur actuel, Gessler, despotique et cruel, prend plaisir à faire peser sa tyrannie sur les plus faibles ; et il n'est pas d'humiliations iniques et méchantes qu'il ne leur inflige sous tous les prétextes. « Aussi la coupe est-elle pleine, et peut-être, pour qu'elle débordât, suffirait-il des larmes pleurées sur la liberté. »
Le vent de la révolte ne tarde pas à se lever. Voici en quelle occasion : Le pasteur Melchtal vient de célébrer trois mariages, et regrette de n'avoir pas su décider son fils Arnold à prendre femme en même temps. Mais celui-ci, simple pastour, a pour la princesse Mathilde les yeux de Ruy Blas pour Dona Maria de Neubourg... Or, Mathilde, du sang des Habsbourg, règne sur le canton d'Uri. Elle n'a pas pu oublier qu'Arnold lui a sauvé la vie — le jeune homme demeure fidèle à ce souvenir ; et c'est en vain que le vieux Melchtal se désole de sa résistance. Or, pendant qu'il procède à la cérémonie nuptiale, accourt un berger affolé : le malheureux vient de frapper mortellement un officier de Gessler qui violentait sa fille unique. On le traque de toutes parts, et il ne peut espérer se sauver qu'à la condition de gagner la rive opposée du lac. La tentative est périlleuse ; mais Guillaume Tell n'hésite point à prendre ce fugitif dans son bateau qui s'éloigne juste au moment où les soldats viennent pour s'emparer de l'homme. Il leur faut un otage. Ils arrêtent le patriarche dont les paroles héroïques déchaînent une émeute, facilement maîtrisée.
Le gouverneur est en chasse. La princesse Mathilde s'est arrangée pour ne pas l'accompagner : elle a un rendez-vous avec Arnold dans la prairie de Grütli. Le pâtre ignore la capture de son père et ne songe qu'à exprimer les sentiments qui l'agitent à la dame de ses pensées. Mais le doux entretien des amoureux est troublé par Guillaume Tell accompagné de Walter Fürst ; ils ont mission d'annoncer à l'infortuné la mort du vieux Melchtal, exécuté sur l'ordre de Gessler. Arnold, qui résistait à leurs objurgations patriotiques, contraires à sa passion, ne songe désormais qu'à venger la mémoire paternelle ; et il se met avec Guillaume à la tête du mouvement de rébellion qui prend de grandissantes proportions : tous les cantons se soulèvent.
Une des dernières vexations mesquines de Gessler consiste dans l'obligation, pour tous les paysans qu'il opprime, de saluer son chapeau comme un emblème du pouvoir, sur la grande place d'Altorf. Guillaume et son fils Jemmy se sont refusés à donner cette marque de servilité. C'est encourir la peine capitale. On se saisit des imprudents. Il n'en faudra pas plus pour faire éclater la conspiration : Guillaume Tell va tenter d'envoyer son fils donner le signal. Mais Gessler qui survient a imaginé un raffinement de cruauté : il fait placer une pomme sur la tête de l'enfant, et, sous menace de mort, intime au père l'ordre d'enlever ce fruit d'un coup d'arbalète. Guillaume est un archer de premier ordre — il hésite cependant ; mais ses prières demeurent sans effet, et le petit Jemmy lui-même le supplie de risquer l'épreuve. L'adroit tireur y réussit ; il atteint la pomme, et l'on va le remettre en liberté, lorsque le tyran le surprend dissimulant une seconde flèche sous son manteau... L'arme était destinée à venger le coup qui eût atteint son fils, sur l'infâme Gessler. Guillaume Tell est de nouveau captif de ce misérable, qui emprisonnerait aussi l'enfant sans l'intervention de la princesse Mathilde... Jemmy peut s'échapper et va remplir auprès des conjurés la mission dont il est chargé.
Arnold a reçu le message. Il faut agir sans retard, et Mathilde elle-même se rallie à la cause des Etats confédérés, autant pour l'amour de son sauveur que par instinct de justice... Cependant, une tempête est déchaînée sur le lac où Gessler est en route avec son prisonnier. Sachant celui-ci habile pilote, il lui ordonne de prendre les rames, et Guillaume manœuvre de telle façon qu'il atteint la rive ; puis, au moment d'aborder, le héros se dégage des derniers liens, saute à terre, repousse la barque d'un coup de pied et va se mettre à la tête de ses amis, avertis de la lutte pour l'indépendance par l'incendie de sa maison — signal convenu. Mais Gessler est parvenu à se sauver du naufrage ; il s'élance sur un rocher — à point pour recevoir la flèche que lui réservait Guillaume Tell — et la défaite de l'Autriche est consécutive à sa juste fin. »
(Roger Tournefeuille, les Grands succès lyriques, 1927)
GUILLERY LE TROMPETTE
Opéra-comique en deux actes, livret d'Adolphe de Leuven et Arthur de Beauplan, musique de Salvatore Sarmiento (1817-1869), représenté au Théâtre-Lyrique (boulevard du Temple) le 08 décembre 1852 avec Mmes Louise Rouvroy (Zina), Guichard (le trompette Guillery), Adèle Vadé, MM. Jean-Baptiste Carré (Fabrice), Ribes, Honoré Grignon.
Représentations au Théâtre-Lyrique : 6 en 1852, 19 en 1853.
La scène en Espagne au XVIIe siècle, pendant l'expédition du duc de Vendôme. Sarmiento, Sicilien, d'origine espagnole, était élève de Donizetti, et s'est retiré à Naples, où il est devenu maître de chapelle.
GUIRLANDE (LA) ou LES FLEURS ENCHANTÉES
Opéra-ballet en un acte, livret de Marmontel, musique de Rameau, représenté par l'Académie royale de musique le mardi 21 septembre 1751, précédé de plusieurs entrées appartenant à d'autres ballets, avec Jélyotte (Myrtil), Mlle Fel (Zélide) et Person (Hilas) ; ballet : Lany, Vestris, Beat; Mlles Lany, Vestris, Puvignée.
Jélyotte et Mlle Fel chantèrent les principaux rôles ; Vestris et sa fille se distinguèrent dans le ballet.
« Reprise : 1762 (de Léris).
Cet acte fut ajouté aux Indes galantes qu'on reprenait. »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GUISE ou LES ÉTATS DE BLOIS
Drame lyrique en trois actes, livret d’Eugène de Planard et Henri de Saint-Georges, d’après la tragédie d’Antoine Raynouard, musique de Georges Onslow. Création à l'Opéra-Comique (salle de la Bourse) le 08 septembre 1837 avec Mmes Marie Julie Boulanger (Catherine de Médicis), Zoé Prévost (la marquise de Sauve), Jenny Colon (Paulette), MM. Moreau-Sainti (Henri III), Jean-Baptiste Chollet (le duc de Guise), Henri (Larchant), Victor (Saint-Pol), Paul Jean Fargueil (Loignac), Couderc (Péricart). => livret
« L'ouverture est une symphonie remarquable. Le premier acte offre un beau quintette sans accompagnement ; le reste de la partition renferme des morceaux fort bien traités. Le sujet du poème convenait peu au public de l'Opéra-Comique. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GUITARE (LA)
Opéra-comique en un acte, livret de Xavier de Courville, musique de Carlos Pedrell, représenté au Trianon-Lyrique le 21 février 1924. => fiche technique
GUITARRERO (LE)
Opéra-comique en trois actes, livret d’Eugène Scribe, musique de Fromental Halévy. Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 21 janvier 1841, avec Mmes Marie Julie Boulanger (Manuela de Villaréal), Capdeville (Zarah) ; MM. Gustave Roger (le guitarrero Riccardo), Moreau-Sainti (Fra Lorenzo), Honoré Grignon (Martin de Xiména), Botelli (Don Alvar de Zuniga), Emon (Fabius), Daudé (Ottavio).
« L'action de la pièce se passe à Santarem. Un pauvre guitariste aime sans espoir une jeune et fière princesse, Zarah de Villaréal. Un prétendant éconduit, don Alvar, pour se venger des mépris de la belle Zarah, fait passer le guitarero pour don Juan de Guymarens, jeune seigneur qu'on attend à Santarem. Vêtu magnifiquement, il est présenté et accueilli, d'autant mieux qu'il a su, sans se montrer, charmer de sa musique et de sa voix l'oreille de Zarah et émouvoir son cœur. Le troubadour populaire est, comme dans beaucoup de libretti de Scribe, l'instrument aveugle d'une conspiration politique qui a pour objet d'affranchir le Portugal du joug espagnol. On presse le mariage. Nous devons dire, à l'honneur du pauvre artiste, qu'il a fait tous ses efforts pour informer Zarah de sa véritable condition. Après la découverte du stratagème, inventé par la vengeance de don Alvar et consommé par l'ignorance des deux époux, tout s'arrange au moyen de titres de noblesse délivrés, séance tenante, au guitarero, devenu comte de Santarem. La partition d'Halévy renferme des morceaux élégants et empreints d'une expression toujours dramatique et distinguée. Nous signalerons dans l'ouverture les deux motifs confiés au violon et à la clarinette. Au premier acte, la sérénade chantée par le guitarero (Roger) : N'entends-tu pas, ô maîtresse chérie, est simple et gracieuse; elle est accompagnée par l'orchestre avec un goût exquis. L'air de Zarah : Il existe un être terrible, a une coupe originale ; il a servi de début à Mlle Capdeville. Le second acte s'ouvre par un solo de violon, dont le principal motif revient accompagner la scène dans laquelle le jeune Guitarero s'abandonne aux rêves heureux de sa mystérieuse aventure :
D'un songe heureux goûtant les charmes.
Une des scènes les plus intéressantes est celle dans laquelle Riccardo n'ose se décider à faire connaître sa modeste condition à la belle et noble Zarah. Il y a là des nuances d'expression que le compositeur excellait à peindre et qu'il a dépensées là en pure perte :
Et par un mot peut-être
La perdre sans retour.
Le sextuor : Voici l'instant du mariage, est travaillé ; mais l'invraisemblance de la situation lui fait perdre une partie de son effet. Toutefois, le finale est très dramatique et de nature à produire toujours de fortes impressions. La cavatine en la de Zarah : Je n'ose lire dans mon âme et de honte je rougis, et la romance dramatique qui suit : Je connais mes devoirs, dont les derniers mots : Partez, monsieur, partez, impressionnaient l'auditoire, sont les morceaux saillants du troisième acte. Grignon, Botelli, Moreau-Sainti complétaient le personnel de la représentation.
Halévy a dû éprouver le regret d'avoir consacré un travail considérable, des idées pleines de recherches et d'études à un aussi mauvais livret. Faire épouser une princesse par un pauvre guitariste des rues ! Voilà donc le problème qu'a cherché à résoudre l'auteur qu'on appelle depuis quarante ans le fécond et spirituel vaudevilliste ! Projet vraiment digne d'éloges ! Autrefois, les compositeurs, cédant au prestige du nom et de la réputation, ambitionnaient un poème de Scribe. Pour combien d'entre eux, et je n'en excepte pas M. Auber, ce nom n'a-t-il pas été une jettatura ? »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GULISTAN ou LE HULLA DE SAMARCANDE
Opéra-comique en trois actes, livret de Charles-Guillaume Etienne et Auguste Poisson de La Chabeaussière, d’après un conte des Mille et une nuits, musique de Nicolas Dalayrac.
Création à l'Opéra-Comique (salle Feydeau) le 30 septembre 1805, sous la direction de Frédéric Blasius.
« La partition est une des dernières qu'ait écrites le gracieux compositeur. Elle contient deux morceaux qui ont eu un succès universel, l'air si bien chanté depuis par Ponchard père : Cent esclaves ornaient ce superbe festin, et la romance de Gulistan :
Le point du jour
A nos bosquets rend toute leur parure.
Flore est plus belle à son retour ;
L'oiseau redit son chant d'amour ;
Tout célèbre dans la nature
Le point du jour.
Cette mélodie est pleine de sentiment et de fraîcheur. Les critiques moroses auront beau dédaigner ce genre de composition naturel et gracieux, on ne saurait disconvenir qu'il est difficile, autant que rare, d'y exceller et d'y plaire. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GULNARE ou L'ESCLAVE PERSANE
Opéra-comique en un acte, livret de Benoît-Joseph Marsollier, musique de Nicolas Dalayrac. Création à l’Opéra-Comique (1re salle Favart) le 30 décembre 1797.
« Ce petit ouvrage renferme une des plus jolies romances que le compositeur ait écrites : Rien, tendre amour, ne résiste à tes charmes. Après avoir été chantée dans tous les salons, sur les- paroles les plus tendres, cette suave mélodie a été adoptée pour les cantiques pieux des confréries de jeunes filles, et elle a conquis sous cette forme une nouvelle popularité qui dure encore. Nous citerons aussi un air assez joli : Sexe charmant, j'adore ton empire. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
GUSTAVE III ou le BAL MASQUÉ
Opéra historique en cinq actes, livret d’Eugène Scribe, musique d’Esprit Auber.
Création au Théâtre de l'Opéra (salle Le Peletier) le 27 février 1833, divertissements de Philippe Taglioni, mise en scène de Duponchel, décors de Léon Feuchère (acte I, 2e tableau de l'acte V), Jules Dieterle (acte II), Alfred (acte III), Charles Cicéri (acte IV), René Philastre et Charles Cambon (1er tableau de l'acte V), costumes d'Eugène Lami et Paul Lormier, avec Mmes Cornélie Falcon (Amélie), Dorus-Gras (Oscar), Dabadie (Arvedson) ; MM. MM. Adolphe Nourrit (Gustave III), Levasseur (Anckastrœm), Massol (Christian), Dabadie (le Comte de Horn), Alexis Dupont (le Comte Warting), Ferdinand Prévôt (Armfelt), François Wartel (Kauldart), Trévaux (un Chambellan), Hens (un Valet), sous la direction de F. A. Habeneck.
100e le 04 janvier 1837.
« L'auteur du livret a imaginé que Gustave III a été assassiné par un mari outragé. C'était traiter un peu sans façon et l'histoire et le public, qui ne pouvait ignorer les circonstances d'un événement arrivé dans la nuit du 15 au 16 mars 1792. Le roi de Suède n'a dé la mort qu'à des conjurés politiques, poussés à cet attentat par la noblesse, dont il venait de détruire un des plus anciens privilèges, celui de décider de la paix ou de la guerre. Le livret, d'ailleurs, ne manque pas d'intérêt. Les décors et les costumes ont été très admirés. Le troisième acte avait été conçu dans le goût des romantiques de 1830. La scène se passe au milieu de gibets, sorte de Montfaucon aux environs de Stockholm. En revanche, rien n'égalait la magnificence du bal au cinquième acte. On a souvent représenté cet acte isolément à la fin d'un spectacle. La musique offre des couplets agréables, et surtout des airs de danse, qui ont eu le plus grand succès. Le galop de Gustave a fait le tour du monde. »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, 1869]
« Livret remarquable et le plus énergique des opéras d'Auber.
L'acte du Bal masqué offre un coup d'œil merveilleux. Le galop de Gustave III tourne toutes les têtes, et des femmes du monde viennent figurer dans ce divertissement du 5e acte.
Opéra italien : un Ballo in maschera, paroles de Somma, musique de Verdi. Cette traduction du libretto de Scribe est retraduite en français par Édouard Duprez et jouée au Théâtre-Lyrique sous ce titre : le Bal masqué (17 novembre 1869). »
(Gustave Chouquet, Histoire de la musique dramatique en France, 1873)
GUZLA DE L'ÉMIR (LA)
Opéra-comique en un acte, livret de Jules Barbier et Michel Carré, musique de Georges Bizet (1862, partition perdue).
GUZLA DE L'ÉMIR (LA)
Opéra-comique en un acte, livret de Jules Barbier et Michel Carré, musique de Théodore Dubois, représenté au Théâtre-Lyrique (salle de l’Athénée) le 01 mai 1873 avec Mlle Caroline Girard (Fatmé), MM. Mas, Vauthier.
Première à la Monnaie de Bruxelles le 11 février 1878 avec Mme Blum (Fatmé), MM. Lefèvre (l'Emir), Chappuis (le tuteur, faiseur de babouches), Guérin.
« Ouvrage reçu à l'Opéra-Comique depuis six ans, et signé du nom d'un de nos prix de Rome les plus distingués. Impatienté d'attendre un tour de représentation qui menaçait de ne jamais arriver, l'auteur retira sa partition pour aller la porter à l'Athénée, où elle obtint tout le succès que méritait une œuvre si fine, si aimable et si distinguée. » [Arthur Pougin, la Chronique musicale, 1874]
GWENDOLINE
Opéra en deux actes, livret de Catulle Mendès, musique de Emmanuel Chabrier.
Personnages : Gwendoline, fille d’Armel (soprano) ; Harald, chef danois (ténor) ; Armel, chef saxon (ténor) ; Aella, serviteur d’Armel (baryton) ; Erick, serviteur d’Armel (baryton) ; Danois, Saxons et Saxonnes.
L’action se déroule sur la côte de Grande-Bretagne, aux temps barbares.
Première représentation à Bruxelles, Théâtre Royal de la Monnaie, le 10 avril 1886.
Première fois en France au Grand Théâtre de Lyon le 19 avril 1893.
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BRUXELLES 10.04.1886 |
LYON 19.04.1893 |
Gwendoline |
Mme THURINGER |
VEYREIDEN |
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Harald |
MM. BÉRARDI |
MONDAUD |
le vieil Armel |
ENGEL |
DUPUY |
Trick |
FRANKIN |
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Oella |
SEUILLE |
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Chef d’orchestre |
Joseph DUPONT |
A. LUIGINI |
Première fois à Paris, au Théâtre de l'Opéra (Palais Garnier) le 27 décembre 1893. Mise en scène de Lapissida. Décors d'Amable et Eugène Gardy. Costumes de Charles Bianchini.
Mme Lucy BERTHET (Gwendoline).
MM. RENAUD (Harald), VAGUET (Armel), DOUAILLIER (Adria), LAURENT (Erick), LACOME (un Danois), DHORNE, PERRIN, BALAS (3 Saxons).
Mmes MATHIEU, PREVOST, LAFLECHE, DENIS, BOURGEOIS, DODUN, NIZET, DUPUY, GLAUZER (les suivantes de Gwendoline).
Chef d'orchestre : Edouard MANGIN
Reprise à l’Opéra le 03 mai 1911, dans une version en trois actes (répétition générale le 30 avril), dans une mise en scène de Paul Stuart, des décors d’Amable et Cioccari (1er et 3e actes), Rochette et Landrin (2e acte), et des costumes de Pinchon.
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03.05.1911 15e |
08.05.1911*
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26.11.1926 24e |
10.05.1941 31e |
12.10.1941 38e et dernière |
Gwendoline |
KOUSNIETZOFF |
KOUSNIETZOFF |
NESPOULOUS |
S. RENAUX |
A. VOLFER |
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Harald |
DUCLOS |
DUCLOS |
ROUARD |
BECKMANS |
BECKMANS |
Armel |
CAMPAGNOLA |
CAMPAGNOLA |
RAMBAUD |
JOUATTE |
FRONVAL |
Aella |
Michel EZANNO |
Michel EZANNO |
ERNST |
PETITPAS |
PETITPAS |
Erick |
GONGUET |
GONGUET |
MALDEN |
MADLEN |
DELORME |
un Danois |
LACOME |
LACOME |
R. LUBIN |
FOREST |
A. RICHARD |
Chef d’orchestre |
MESSAGER |
MESSAGER |
RÜHLMANN |
GAUBERT |
GAUBERT |
* Autres chanteuses : Mmes Hamelin, Dupiré, Notick, Audan, Lepage, Sédeville, Bonneville, Darry, Doyen, Narçon, Cosset, Wirth, Bertin, Muriel, Dumas, Nizet.
Autres interprètes des principaux rôles à l'Opéra :
Gwendoline : Mmes MARCY (1894), CAMPREDON (1912).
Harald : Jean NOTÉ (1894).
Armel : Robert LASSALLE (1912).
38 représentations à l’Opéra au 31.12.1961.
« Cet ouvrage offre un exemple des difficultés que rencontrent nos compositeurs pour se produire dans leur propre pays. Avant de recevoir, sur notre grande scène lyrique, l'hospitalité, Gwendoline avait dû, comme on vient de le voir, se réfugier à Bruxelles, pour se faire jouer ensuite en Allemagne, à Carlsruhe d'abord (1889), puis à Munich (1890). Et ce n'est enfin qu'après avoir été représentée à Lyon qu'elle put décidément paraître à l'Opéra. Mais déjà le compositeur, dont la santé avait été altérée par les chagrins, en était à ses derniers jours, et il s'éteignait peu de mois après avoir pu jouir d'un succès si chèrement acheté par tant de déboires.
Le poème de Gwendoline sort volontiers des banalités ordinaires, et l'on sent que les vers, généralement fort jolis, à part quelques excentricités voulues et quelques truculences inutiles, sont écrits par un vrai poète. Le fonds en est dramatique, mais l'écrivain a su y introduire fort habilement d'aimables scènes de grâce et de légèreté. La scène se passe, nous dit le livret, « sur les côtes de la Grande-Bretagne, aux temps barbares ». Gwendoline, enfant de seize ans, douce et rieuse, est la fille du vieil Armel, chef de pêcheries, qui semble comme une sorte de petit souverain de la côte. Toute cette petite population est paisible ; les hommes vont partir pour la pêche, les femmes restent, les unes à filer, les autres à s'occuper des soins domestiques. Elles jasent entre elles, et Gwendoline, au milieu de leurs sourires, leur raconte qu'elle a vu dans un songe un Danois l'emporter avec lui sur la mer. Tout à coup une panique se produit, de grands cris se font entendre. Qu'est-ce donc ? Les pêcheurs, prêts à prendre la mer, accourent en foule, le visage plein d'épouvante, poursuivis par les Danois, l'épée nue, se préparant à mettre tout à feu et à sang. Ceux-ci arrivent, avec leur jeune chef Harald. Ils viennent de débarquer et commencent leurs prouesses. Harald ordonne au vieil Armel de lui livrer ses richesses ; ce dernier refuse fièrement, et le Danois, au comble de la fureur, s'avance sur lui la hache levée, lorsque Gwendoline se jette au-devant de son père pour lui faire un rempart de son corps, A la vue de la jeune fille, Harald se trouble et s'apaise. Il chasse tout le monde, et veut rester seul avec elle. Ici, une scène aimable et toute juvénile. Gwendoline, qui n'a pour toute force que sa jeunesse et sa grâce, dompte ce monstre farouche et brutal, qui se prend aux premiers feux de l'amour et bientôt se laisse conduire par elle comme un enfant. Elle-même se sent touchée par l'empire qu'elle exerce sur cette nature abrupte, et lorsque Armel revient, Harald le supplie de lui donner sa fille pour épouse. Le vieillard y consent, mais il a son projet. Au milieu des fêtes nuptiales, alors que les Danois, séparés de leurs armes, se livreront à l'ivresse, les Saxons fondront sur eux, les massacreront et mettront le feu à leur flotte. Ainsi seront-ils à la fois sauvés et vengés.
Le second acte fait précisément assister le spectateur à la cérémonie nuptiale. Armel donne ouvertement sa bénédiction aux jeunes époux, puis, en secret, glisse un poignard dans la main de sa fille en lui disant : « S'il échappe à nos coups, tu frapperas l'époux endormi dans tes bras. » Gwendoline est épouvantée. Restée seule avec Harald, qu'elle aime, elle le supplie de partir, en lui apprenant qu'un grand danger le menace, ainsi que les siens. Celui-ci n'en croit rien et ne veut rien entendre. Il presse sur son cœur la tendre épousée, lorsque de grands cris éclatent au dehors. Ce sont ses compagnons, qui tombent sous les coups des Saxons et qui appellent leur chef. Harald s'élance.... Le théâtre change et nous nous retrouvons au bord de la mer. Les Danois fuient, en pleine déroute, devant leurs ennemis, qui les frappent de leurs propres armes. Harald accourt, essayant de les rallier et de se défendre, mais il est frappé à mort par le vieil Armel et il est expirant lorsque arrive Gwendoline, qui suivait ses pas. Elle jette un grand cri, puis, s'élançant vers Harald, elle se frappe elle-même mortellement et tombe dans les bras de son époux, tandis qu'au loin la flotte embrasée des Danois rougeoie aux yeux.
La partition très inégale de Gwendoline est une œuvre fort intéressante dans ses inégalités. Elle renferme des pages excellentes et, pourquoi ne pas le dire ? d'autres qui sont d'une incontestable faiblesse. Elle fait honneur à son auteur en plus d'un point, et ne part d'ailleurs d'aucun principe préconçu, car elle est fort éclectique. Si l'on y sent l'influence de Wagner dans l'instrumentation de l'ouverture, qui est véritablement fracassante, on y rencontre aussi celle de Donizetti et de Bellini dans le grand ensemble du second acte, qui est conçu absolument dans la forme des grands finales italiens, et qui n'en fait pas pour cela moins bon effet. Au point de vue général, on sent que le compositeur est un exubérant et un excessif. Il veut faire parler tous les instruments à la fois, et il veut les faire chanter tous, comme il veut mettre du chant à toutes les voix, même à toutes les parties de chœurs ; il en résulte que la sonorité non seulement s'exaspère, mais devient confuse, et que le musicien, en voulant tout mettre en dehors, entasse les retards et prodigue les appogiatures d'une façon peu agréable à l'oreille. Sous ce rapport, on peut citer l'ouverture comme un exemple de musique furieuse; l'oreille finit par se perdre dans cette orgie de sonorité.
Cette ouverture mise de côté, le premier acte — le meilleur des trois — est intéressant d'un bout à l'autre, et parfois excellent. Le premier chœur, joliment annoncé et accompagné par les harpes, est très harmonieux. Un autre chœur, dialogué et dit par les femmes, Gwendoline a grand' peur, précède la légende de Gwendoline même : Ils sont rudes… Cette légende, qui est d'un sentiment rythmique plein de verve et de crânerie, est malheureusement accompagnée par toutes les forces de l'orchestre, ce qui est un contresens d'autant plus cruel que cet accompagnement couvre en partie la voix de la cantatrice. Toute la scène d'entrée des Danois est d'un grand caractère, aussi bien le chant des épées que la longue phrase d'Harald, qui se termine par ces mots trois fois répétés : Dans le soleil, et qui est d'une belle envergure. Puis vient la scène souriante d'Harald et de Gwendoline, où le sauvage est maté par la jeune fille, qui finit par le faire asseoir à son rouet : c'est Hercule filant aux pieds d'Omphale. Elle est charmante, cette scène, pleine de détails aimables et discrets, et il faut signaler particulièrement la belle cantilène d'Harald : Peut-être l'heure était venue... qui se déroule, large et bien en dehors, jusqu'à une conclusion superbe ; aussitôt après, vient une délicieuse phrase de soprano : On prend des églantines blanches, soulignée par les harpes d'une façon exquise. Le prélude du second acte, beaucoup trop long, est une page symphonique inutile. Le meilleur morceau de cet acte est l'épisode de la bénédiction paternelle, grand ensemble vocal à l'italienne, les voix seules planant avec éclat sur un ensemble choral serré et soutenu. Quant à la scène des deux époux, qui devrait être la page capitale et le point culminant de l'œuvre, il faut bien avouer qu'elle est complètement manquée. Ici, point d'inspiration ; du bruit, des cris, et c'est tout. Beaucoup trop développée d'ailleurs et sans que rien vienne réellement réchauffer, cette scène voit fuir l'intérêt de l'auditeur au lieu de l'exciter. A signaler seulement le petit chœur dans la coulisse des compagnons d'Harald, qui vient la partager en deux et qui est ferme et bien rythmé. Le troisième, très court, ne contient rien de saillant. On voit que, ainsi que je l’ai dit, l'œuvre en son ensemble est très inégale. Elle mérite néanmoins grandement l'attention, car, à côté d'épisodes faibles et mal venus, on y trouve des pages charmantes et d'autres superbes. Elle a été remarquablement jouée, à Paris, par Mlle Berthet (Gwendoline), MM. Renaud (Harald) et Vaguet (Armel). »
[Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903]
« Principaux personnages : Harald, Danois, roi de mer ; le vieil Armel, Saxon, chef de pêcheries ; Gwendoline, fille d’Armel.
La scène se passe sur les côtes de la Grande-Bretagne, aux temps barbares.
Chabrier a eu dans Gwendoline le privilège d'avoir pour collaborateur un véritable poète : Catulle Mendès. Le livret de son opéra serait déjà intéressant, même sans musique, par la seule magie du verbe. Et pour cette poésie, le musicien a su trouver les accents qui convenaient. En dépit des influences wagnériennes qui y sont par endroits assez sensibles, Gwendoline demeure un des chefs-d’œuvre du répertoire français de l'opéra.
La fable imaginée par Mendès est simple et s'inspire un peu de la légende d'Hercule aux pieds d'Omphale. Les Saxons qui habitent les côtes de la Grande-Bretagne et s'y livrent alternativement à la pêche et à l'agriculture sont exposés aux fréquentes incursions des pirates danois, des farouches « rois de la mer ». Tandis que tout est à la joie et à la paix dans le clan du vieil Armel, tandis que les hommes s'apprêtent à partir pour la pêche et les femmes pour les champs, surgit soudain la horde des pillards étrangers, hurlant leur farouche chant de guerre. Toute résistance est impossible, mais Armel est brave et subira la mort plutôt que de livrer au chef Harald, le Danois gigantesque et roux, le secret de ses trésors. Déjà Harald a levé l'épée qui va abattre la tête de son ennemi quand une femme se précipite à ses pieds : c'est Gwendoline, l'adorable fille d'Armel. Le geste du barbare reste inachevé, la vision merveilleuse l’a frappé au cœur. Un ordre farouche qu'il lance fait le vide autour de lui et il reste seul avec la jeune fille.
Ici se place la scène capitale où le barbare est dompté, où la force se fait esclave de la faiblesse. Quand Saxons et Danois, rassurés par le silence, se risquent à regarder, un spectacle étrange frappe leur vue : aux pieds de Gwendoline, Harald s'essaie à filer en répétant la chanson de la jeune fille. Et Harald demande à Armel la main de sa fille. Dans l'œil du vieux chef de clan, un éclair furtif a brillé : l'occasion se présente enfin de tirer vengeance de ceux dont lui et les siens ont eu tant à souffrir. Quand ils seront tout à la joie des noces et du festin, rien ne sera plus aisé aux Saxons que d'égorger jusqu'au dernier les Danois sans méfiance et désarmés. Armel accorde donc Gwendoline au roi de la mer.
Le deuxième acte s'ouvre sur la cérémonie des noces. Armel s'est assuré que tout est prêt pour la trahison et le massacre. Il bénit les époux et leur remet les présents d'usage : à Harald il donne un hanap ; à Gwendoline il glisse furtivement un couteau et lui enjoint de tuer son mari lorsque les cris au dehors lui apprendront que l'œuvre de mort a commencé. Gwendoline frémit et cache l'arme dans ses vêtements. Son père la croit gagnée à sa cause ; il ignore que l'amour a fait chez elle aussi son œuvre : le beau barbare roux, désormais elle l'aime et n'a plus qu'une idée, le sauver !
Sitôt les époux seuls, Gwendoline, tiraillée entre le devoir filial et l'amour, cherche à mots couverts à mettre Harald sur ses gardes ; mais lui est trop épris pour ne pas être aveugle et sourd. Il va enlacer son épouse lorsque des cris éclatent au dehors : le massacre a commencé. Au lieu de frapper Harald, Gwendoline lui met alors à la main le couteau qu'elle a gardé, afin qu'il défende sa vie. Et s'il meurt elle mourra aussi !
La symphonie continue pendant que change le décor, et le rideau se relève sur une scène de carnage, au bord de la mer, à deux pas des vaisseaux danois que dévorera tout à l'heure l'incendie. Les Saxons achèvent les derniers Danois qui cherchent leur salut dans la fuite sur les flots. Harald recule aussi, se battant comme un lion. Mais son couteau s'est brisé dans sa main, il est acculé à un tronc d'arbre, et c'est là qu'Armel le frappe de sa propre épée. Il reçoit le coup mortel, debout, dans un mâle éclat de rire.
Mais une femme s'est ruée : c'est Gwendoline qui crie à son père : « Du même coup, père, tu m'as frappée ! » et ramassant le couteau qu'Harald a laissé échapper, elle s'en perce le cœur.
Et tous deux meurent en apothéose, farouches et surhumains héros, dont le groupe se détache maintenant sur la lueur de l'incendie, tandis qu'Armel s'effondre sous le poids de son involontaire homicide. Fin aussi admirable au point de vie pictural qu'au point de vue musical. »
(Edouard Combe, les Chefs-d’œuvre du répertoire, 1914)
GYPTIS
Opéra légendaire en deux actes, livret de Maurice Boniface et Edouard Bodin, musique de Noël Desjoyeaux. => partition
Création au théâtre des Arts, à Rouen, le 16 décembre 1890, avec Mmes Jane Guy (Gyptis), de Béridez (Rhoda), MM. Julien Leprestre (Euxénos), Mondaud (Gaël), Lequien (le Roi).
Première au théâtre de la Monnaie de Bruxelles, le 16 avril 1892, avec Mlle Jane Guy (Gyptis), MM. Julien Leprestre (Euxénos), Eugène Badiali (Gaël), Dinard (le Roi).