Charles GOUNOD
Charles Gounod vers 1870 [photo Nadar]
Charles François GOUNOD [prononcez Gouno] dit Charles GOUNOD
compositeur français
(11 place Saint-André-des-Arts, Paris ancien 11e [auj. 6e], 17 juin 1818 – Saint-Cloud, Seine-et-Oise [auj. Hauts-de-Seine], 18 octobre 1893*)
=> généalogie
Il était issu d’une famille d’artistes ; son père était un peintre de talent et sa mère, ancienne élève de Louis Adam pour le piano et de Joseph Hullmandel pour l’accompagnement, était une excellente musicienne ; elle confia son fils à Reicha, qui lui fit commencer en même temps l’harmonie et le contrepoint. Admis, après la mort de Reicha, au Conservatoire de Paris dans les classes de Halévy (contrepoint), Berton, Lesueur (composition), Gounod y acheva ses études et remporta le prix de Rome à l’Institut (mention honorable, 1837 ; premier prix, 1839). L’Italie lui révéla la polyphonie palestrinienne, l’Allemagne lui offrit l’occasion de se lier avec Felix Mendelssohn-Bartholdy et sa sœur Fanny ; ceux-ci le familiarisèrent avec le génie de Bach, de Mozart et de Beethoven, qui demeurèrent toujours ses maîtres favoris. D’abord attiré par la musique religieuse, le jeune lauréat compose une messe pour l’église Saint-Louis-des-Français et jette les esquisses d’un oratorio, d’un Te Deum et d’un Requiem, et fait exécuter une messe à Vienne. De retour à Paris, il accepte le poste d’organiste et maître de chapelle à l’église des Missions étrangères, où il resta trois années, et ajoute à ses occupations musicales des études de théologie ; il porte même la soutane pendant quelques mois (1847-1848), mais il sent bientôt qu’il lui serait impossible de vivre sans son art, et, rentré dans le monde, voit sa carrière s’ouvrir au théâtre sous les auspices de Pauline Viardot, qu’il avait naguère rencontrée à Rome. Sur un livret d’Émile Augier, il écrit Sapho, qui fut représentée à l’Opéra en 1851 avec un succès médiocre. L’année suivante, il épouse Anna, fille du célèbre professeur du Conservatoire Pierre Zimmerman, et il est nommé directeur de l’Orphéon de la Ville de Paris ; Scribe lui offre le livret de la Nonne sanglante (Opéra, 1854), et Ponsard l’occasion d’écrire de jolis chœurs et une charmante musique de scène pour la tragédie Ulysse ; malgré leur nouveauté poétique, les qualités de la mélodie et de l’harmonie, aucun de ces ouvrages, loués pourtant par Berlioz, n’a pleinement réussi. La Messe de sainte Cécile (1855), qui offre un curieux mélange du style profane et du style sacré, celle des Orphéonistes furent, dès leur apparition, fort appréciées. Le Médecin malgré lui (Théâtre-Lyrique, 15 janvier 1858), exquise et spirituelle comédie musicale, semble avoir été écrite avec la plume de Mozart. C’est avec Faust que Gounod a conquis une gloire et une popularité définitives. Créée d’abord au Théâtre-Lyrique en 1859, puis entrée dix ans plus tard à l’Opéra, l’immortelle partition, qui valut à son auteur d’être élu à l’Institut (Académie des Beaux-Arts, 19 mai 1866, en remplacement de Clapisson), continue de parcourir triomphalement les deux mondes depuis. Philémon et Baucis, qui vint ensuite, fut très bien accueilli au Théâtre-Lyrique (1860), mais la Reine de Saba subit un nouvel échec à l'Opéra (1862), bien que cet ouvrage ait obtenu un vif succès en Allemagne et en Belgique. Mireille, dont le premier acte peut être considéré comme un chef-d'œuvre, parut au Théâtre-Lyrique en 1864. Après avoir donné à l'Opéra-Comique la Colombe (1866), qu'il avait fait représenter à Bade en 1860, Gounod retrouva au Théâtre-Lyrique, avec Roméo et Juliette (1867), un succès presque égal à celui de Faust. La carrière dramatique de Gounod se complète avec les ouvrages suivants : Cinq-Mars, opéra-comique (1877) ; Polyeucte, opéra (1878) ; le Tribut de Zamora, opéra (1881) ; un remaniement de Sapho (1884) ; la musique écrite pour les Deux Reines de France, drame de Legouvé (1872), celle de Jeanne d'Arc, drame de Jules Barbier (1873), et celle des Drames sacrés de Armand Silvestre et Eugène Moreau (1893). Gounod termina l'instrumentation du ballet Namouna d'Edouard Lalo (Opéra, 06 mars 1882).
En dehors de la musique de théâtre, on remarquera le psaume Près du fleuve étranger (1860), Gallia, lamentation inspirée par les malheurs de la France en 1870-1871 et composée pendant le séjour de l’auteur à Londres chez Georgina Weldon, 13 Messes, 2 Requiem, quantité de motets pour chœurs, solistes ou duos avec orchestre ou orgue, des recueils de cantiques, des pièces de piano et d’orgue, des chœurs, de nombreuses mélodies (plus d’une centaine), dont plusieurs sont universellement connues : le Rossignol, Sérénade, le Soir, le Vallon, Venise, des pièces symphoniques, de la musique de chambre et des cantates de circonstance. Après la chute du Tribut de Zamora, Gounod consacra exclusivement son art à sa foi ; composant dans l’enthousiasme une trilogie sacrée : Rédemption (1882), bientôt suivie d’un grand oratorio en 3 parties : Mors et vita, dont l’Angleterre eut, en 1885, la primeur sous la direction de Hans Richter. Une messe de Pâques (1885), une autre « à la mémoire de Jeanne d’Arc » (1887), la « messe de Clovis » et celle « en l’honneur de saint Jean-Baptiste de La Salle » portent le témoignage d’un retour à Palestrina et au chant grégorien. Il entreprit aussi la composition d’un drame lyrique et mystique sur les amours d’Héloïse et Abélard : Maître Pierre, demeuré inachevé et inédit. La dernière œuvre de l’auteur de Faust est un Requiem à la mémoire de l’un de ses petits-enfants ; il venait d’en terminer l’orchestration lorsqu’il fut frappé de la congestion cérébrale qui devait rapidement l’emporter.
Il dirigea certaines de ses œuvres à l’Opéra-Comique, et à l’Opéra de Paris il dirigea les trois premières représentations du Tribut de Zamora (01, 04 et 06 avril 1881), la reprise de Sapho (02 avril 1884), et la première de Roméo et Juliette (28 novembre 1888).
Contemporain de Richard Wagner, Gounod, créateur par le sentiment, a su échapper à l’emprise impérieuse du maître de Bayreuth pour donner à la musique française, à l’époque où régnait encore sur nos théâtres l’opéra cosmopolite, un cœur nouveau, une jeunesse radieuse, une tendre et pénétrante poésie. Doué d’un sens très juste et très profond de la déclamation lyrique, infaillible dans le choix des mélodies, des harmonies et des sonorités de l’orchestre, il trouvait spontanément l’accent vrai, simple et naturel qui convient à l’expression de l’amour. « La mélodie, disait-il, sera toujours l’expression la plus pure de la pensée humaine » ; c’est précisément parce qu’il « a exprimé en mélodies caractéristiques des états d’âme familiers à la généralité qu’il a remporté les succès qui ont fait sa gloire » (Paul Dukas). Les oratorios et la musique religieuse de Gounod ont perdu de leur nouveauté depuis la diffusion universelle des chefs-d’œuvre de Palestrina, Vittoria, Monteverdi, Schütz, Bach et Händel ; mais on ne peut plus entendre Faust, Mireille ni Roméo et Juliette, sans reconnaître que leur auteur a été, au XIXe s., l’une des forces de renaissance de la musique française.
L'influence de Gounod a été profonde non seulement sur les musiciens de sa génération, mais encore sur ceux des générations suivantes. Il a aidé, à l'issue du règne de Meyerbeer, la musique française à reprendre conscience d'elle-même. Surtout avec ses mélodies — telle Venise où passe un pressentiment fauréen — il a été l'initiateur du lied dont l'épanouissement avec Chausson, Debussy, Fauré ou Duparc est incomparable.
Gounod n'était pas seulement un musicien de génie, c'était aussi un esprit élevé et un lettré délicat. Admirateur passionné de Mozart, dont il semblait, par la grâce et la pureté de son style, comme une sorte de descendant, il a publié le « Don Juan » de Mozart (1890). On lui doit également une Autobiographie (1875). Après sa mort, on a publié sous ce titre : Mémoires d'un artiste (1896), un volume qui contient des notes autobiographiques, un certain nombre de lettres et quelques articles parus dans divers journaux.
Il a été nommé chevalier (29 décembre 1855), officier (13 août 1866), commandeur (09 août 1877), puis grand officier (12 juillet 1880) de la Légion d’honneur.
En 1852, il habitait 49 rue Pigalle à Paris ; en 1856, 17 rue de La Rochefoucauld à Paris ancien 2e [devenu 9e en 1860] ; en 1880, 20 place Malesherbes à Paris 8e. Il est décédé en 1893 à soixante-quinze ans, en son domicile, 41 route Nationale à Saint-Cloud. Il est enterré au cimetière d’Auteuil (1re division).
=> Méthode de cor à pistons, par Charles Gounod (1839)
=> Autobiographie de Ch. Gounod, par Charles Gounod (1875)
=> Charles Gounod, par Henri Blaze de Bury (Musiciens du passé, du présent et de l'avenir, 1880)
=> Charles Gounod, par Alfred Carel (Histoire anecdotique des Contemporains, 1885)
=> le Don Juan de Mozart, par Charles Gounod (1890)
=> Charles Gounod, sa vie et ses œuvres, par Louis Pagnerre (1890)
=> Charles Gounod, par Hugues Imbert (Nouveaux profils de musiciens, 1892)
=> Charles Gounod et le Don Juan de Mozart, par Camille Saint-Saëns (1894)
=> Notice sur Charles Gounod, par Théodore Dubois (1894)
=> Mémoires d’un artiste, par Charles Gounod (1896)
=> Charles Gounod, les Mémoires d'un artiste et l'Autobiographie, par Hugues Imbert (1897)
=> Charles Gounod, par Paul et Lucien Hillemacher (1906)
=> Gounod, sa vie et ses œuvres, par J.-G. Prod’homme et A. Dandelot (préface de Camille Saint-Saëns, 1911)
=> Gounod, par Camille Bellaigue (1919)
=> Gounod, par Paul Landormy (1942)
=> Charles Gounod, par Henri Büsser (1961)
Charles Gounod à la Villa Médicis, Rome, 1840, par Dominique Ingres
œuvres lyriques
Sapho, opéra en 3 actes, livret d'Émile Augier (Opéra, 16 avril 1851) => fiche technique le Bourgeois gentilhomme, comédie-ballet en 5 de Molière, cérémonie et divertissements (Comédie-Française, janvier 1852) Ulysse, tragédie en 5 actes de François Ponsard, chœurs et musique de scène (Comédie-Française, 18 juin 1852) => voir ci-dessous la Nonne sanglante, opéra en 5 actes, livret d’Eugène Scribe et Germain Delavigne (Opéra, 18 octobre 1854) => fiche technique Ivan le Terrible, opéra en 4 actes et 6 tableaux, livret de François-Hippolyte Leroy et Henri Trianon, non terminé et détruit (1857) le Médecin malgré lui, opéra-comique en 3 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Théâtre-Lyrique, 15 janvier 1858 ; Opéra-Comique, 22 mai 1872) => fiche technique Faust, opéra en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Théâtre-Lyrique, 19 mars 1859 ; Opéra, 03 mars 1869) => fiche technique Philémon et Baucis, opéra-comique en 2 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Théâtre-Lyrique, 18 février 1860 ; Opéra-Comique, 16 mai 1876) => fiche technique la Colombe, opéra-comique en 2 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Baden-Baden, 03 août 1860 ; Opéra-Comique, 07 juin 1866) => fiche technique la Reine de Saba, opéra en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Opéra, 28 février 1862) => fiche technique Mireille, opéra-comique en 5 actes, livret de Michel Carré (Théâtre-Lyrique, 19 mars 1864 ; Opéra-Comique, 10 novembre 1874) => fiche technique Roméo et Juliette, opéra en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Théâtre-Lyrique, 27 avril 1867 ; Opéra-Comique, 20 janvier 1873 ; Opéra, 28 novembre 1888) => fiche technique les Deux Reines de France, drame en 4 actes et en vers d'Ernest Legouvé, chœurs et musique de scène (Théâtre-Italien [salle Ventadour], 27 novembre 1872) => livret et partition Jeanne d'Arc, drame en 5 actes de Jules Barbier, chœurs, musique de scène et de danse (Gaîté, 08 novembre 1873) => livret et partition George Dandin, opéra-comique sur le texte de la comédie de Molière, inachevé [ouverture orchestrée et une dizaine de numéros à l'état d'ébauche] (1874) Cinq-Mars, drame lyrique en 4 actes, livret de Paul Poirson et Louis Gallet (Opéra-Comique, 05 avril 1877) => fiche technique Maître Pierre, opéra en 4 actes, livret de Louis Gallet, inachevé (1877-1884) Polyeucte, opéra en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré (Opéra, 07 octobre 1878) => fiche technique le Tribut de Zamora, opéra en 4 actes, livret d'Adolphe d'Ennery et Jules Brésil (Opéra, 01 avril 1881) => fiche technique les Drames sacrés, poème dramatique en vers en 1 prologue et 10 tableaux d'Armand Silvestre et Eugène Morand, musique de scène (Vaudeville, 17 mars 1893) |
Ulysse
Tragédie en cinq actes de François Ponsard, avec chœurs et musique de scène de Charles Gounod, représentée à la Comédie-Française le 18 juin 1852, et reprise avec quelques changements en 1854. Un des confrères de Gounod, l'auteur de Giselle et de Giralda, parlait ainsi de la musique d'Ulysse dans son feuilleton de l'Assemblée nationale : « La nouvelle partition de M. Gounod est des plus remarquables et de beaucoup supérieure à celle de Sapho, son premier ouvrage. Il y a un très grand progrès dans l'instrumentation ; elle est plus puissante, plus sonore, plus sérieuse. On ne sent plus le tâtonnement. Le maître a produit les effets qu'il désirait, et ces effets sont souvent nouveaux. Il y avait dans Sapho un esprit de parti pris de musique rétrospective, qui annonçait le pastiche plus que l'étude ; ici, il y a bien réellement invention, mais invention dans une couleur donnée et parfaitement saisie... Le succès de M. Gounod a été d'autant plus flatteur qu'il a été obtenu devant un auditoire essentiellement peu musical, tel qu'il doit être, du reste, au Théâtre-Français… » (Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)
Table thématique : Prologue. - Introduction - 1er chœur des Naïades - 2e chœur des Naïades. Entr'acte symphonique. 1er Acte. - 1er chœur des porchers - Invocation et libations - 2e chœur des porchers - 3e chœur des porchers. Entr'acte symphonique. 2e Acte. - 1er chœur des suivantes infidèles - Air des suivantes fidèles - 2e chœur des suivantes infidèles. 3e Acte. - Entr'acte, solo et chœur des serviteurs, des prétendants, des servantes et des porchers - 4e chœur des porchers - 5e chœur des porchers - Chœur des mendiants. Epilogue. - Chœur des serviteurs et des servantes. Finale. - Chœur et mélodrame.
=> livret |
mélodies
À la brise, madrigal, paroles françaises de Jules Barbier (1875) => partition À la Madone, romance, poésie de Jules Barbier et Michel Carré À toi mon cœur, poésie de Jules Barbier (1872) => partition À une bourse, poésie d’Emile Augier (1869) => partition À une jeune fille, poésie d’Emile Augier (1869) => partition Absence, poésie du comte Anatole de Ségur (1870) => partition Absent (l’), poésie de Charles Gounod (1876) => partition Ah ! valse légère, poésie de Jules Barbier et Michel Carré
Aimons-nous !, poésie de Jules Barbier (1872) => fiche technique Âme d’un ange (l’) (la Rondinella), poésie de Théodore de Banville (1863) => partition Âme de la morte (l’), poésie de Théodore de Banville Arithmétique (l'), duettino, paroles de Ch. Turpin (1883) => partition Au printemps, poésie de Jules Barbier (1868) => partition Au rossignol, harmonie poétique, poésie d’Alphonse de Lamartine (1867) => partition Aubade, poésie de Victor Hugo => partition Ave Maria, mélodie religieuse adaptée au 1er Prélude de J.-S. Bach (1853) => fiche technique Aveu (l’), poésie de Jean Rameau Banc de pierre (le), poésie de Paul de Choudens (1876) => partition Barcarola, duetto pour soprano et baryton, poésie italienne de Giuseppe Zaffira (Londres, 1873) => partition Beware !, poésie de H. W. Longfellow Biondina, poème musical de 12 chants, poésies italiennes de Giuseppe Zaffira, paroles françaises de Jules Barbier (Londres, 1872) => partition Blessed is the man [en fr. Bienheureux le cœur sincère], duetto pour soprano et contralto, paroles françaises de Jules Barbier (Londres, 1873) => partition Blessures, poésie d'Henri Taupin (1885) => partition Boire à l’ombre, poésie d’Emile Augier (1869) => partition Boléro, poésie de Jules Barbier (1871) => partition Cantilène de Ponsard, duo Ce que je suis sans toi, poésie de Louis de Peyre (1868) => partition Cantique Champs (les), poésie de Pierre Jean de Béranger (1863) => partition Chanson d'avril, sérénade du Passant de François Coppée (1872) => partition Chanson de la brise, voir Message of the breeze (the) Chanson de la glu (la), poésie de Jean Richepin (1883) => fiche technique Chanson de printemps, poésie d’Eugène Tourneux (1849) => manuscrit
Chanson du pêcheur (la), voir Ma belle amie est morte Chanson printanière, poésie de Jules Barbier (œuvre posthume) Chant d’automne => partition Chanter et souffrir, poésie d’Albert Delpit (1872) => partition Chantez Noël !, poésie de Jules Barbier (1867) => fiche technique Clos ta paupière, berceuse, paroles françaises de Jules Barbier (1873) => partition Compliment, poésie d’Alexandre Dumas fils (1876) => partition Crépuscule (1849) => manuscrit ; partition Déjà l'aube matinale, duo Déjà dans l'azur des cieux, duo Départ, scène, poésie d’Emile Augier (1869) => partition Départ du mousse (le), barcarolle, poésie de Pierre Barbier (1877) => partition Deux Pigeons (les), poésie de Jean de La Fontaine Dieu partout, duo « Donne-moi cette fleur », poésie de Léon Gozlan (1868) => partition Ell’è malata, poésie de G. Zaffira En avant !, chanson militaire, poésie de Paul Déroulède (1875) => partition Enthousiasme, poésie de Victor Hugo Envoi de fleurs, poésie d’Emile Augier (1869) => fiche technique Fauvette (la), chanson, poésie de Charles Millevoye (1872) => partition Fête des couronnes (la), duo Fleur des bois, duo, paroles de Charles Ligny (1873) => partition Fleur du foyer (la), poésie de Charles Ligny => partition Fuyons, ô mes compagnes, duo Good night, paroles anglaises de Percy Bysshe Shelley (1871) => partition Heureux le cœur sincère, duo Heureux sera le jour, chanson, poésie de Pierre de Ronsard (1872) => partition Hymne à la nuit, poésie de Jules Barbier (1868) => partition Hymne pour la réception d'un évêque, duo If thou art sleeping, maiden, awake ! [en fr. Viens ! les gazons sont verts], poésie anglaise de Henry Wadsworth Longfellow, paroles françaises de Jules Barbier (1873) => partition Invocation, poésie d’Alexandre Onésime Pradère-Niquet (1825-1891) (1864) => partition Je ne puis espérer, poésie d’Albert Delpit (1870) => partition
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Jeanne d'Arc et les Voix du ciel, duo Jeunes Danoises (les), duo Jeunes Françaises (les), duo Joseph en Egypte, romance (1835) => manuscrit Juif-errant (le), poésie de Pierre Jean de Béranger (1861) => partition Lever (le), poésie d’Alfred de Musset => partition Lilas blancs (les), valse chantée, poésie de Paul Bourguignat (1876) => partition Little Celandine, duo pour soprano et contralto, poésie anglaise de William Wordsworth (1872) => partition Loin du pays, poésie de Charles Gounod (1873) => partition Ma belle amie est morte, lamento [la Chanson du pêcheur], poésie de Théophile Gautier (Rome, 1841) => manuscrit ; partition Ma fille, souviens-toi !, poésie de Louise Marie B. (1876) => partition Maid of Athens, poésie anglaise de lord Byron (1872) => partition Marguerite, poésie d’Onésime Pradère
Medjé, chanson arabe, poésie de Jules Barbier (1865) => fiche technique Mélancolie, poésie de François Coppée => partition Mélodies enfantines (Quinze) (1857) => partition Message of the breeze (the) [en fr. la Chanson de la brise], duo pour sopranos, poésie anglaise de Francis Turner Palgrave, paroles françaises de Charles Ligny (1872) => partition Mignon, poésie de Louis Gallet (1871) => partition Mon amour a mon cœur, poésie de Jules Barbier (1875) => partition Mon habit, poésie de Pierre Jean de Béranger (1857) => partition My beloved spake [en fr. Viens mon cœur !], paroles françaises de Jules Barbier (1871) => partition Ni l’or, ni la grandeur, cantilène de Jean de La Fontaine (composée pour Philémon et Baucis et coupée à la représentation) Nom de Marie (le), cantique, poésie du comte A. de Ségur Notre-Dame des petits enfants, cantique, poésie du comte A. de Ségur Ô ma belle rebelle, poésie d’Antoine de Baïf [XVIe siècle] (1850) => fiche technique Oh dille tu, madrigal, poésie italienne de Giuseppe Zaffira (1872) => partition Oh ! That we two were maying, poésie anglaise de Charles Kingsley (1871) => partition Où voulez-vous aller ?, barcarolle, poésie de Théophile Gautier (1839) => fiche technique Ouvrier (l'), scène lyrique Pâquerette (la), poésie d’Alexandre Dumas fils (1871) => partition Par une belle nuit, nocturne à deux voix, poésie d'Anatole de Ségur (1870) => partition Passiflore Pays bienheureux (le), question d'enfant, poésie de Charles Gounod (1872) => partition Premier jour de mai (le), poésie de Jean Passerat [XVIe siècle] => partition Prends garde !, poésie de Jules Barbier (1872) => partition Prière, poésie de Sully Prudhomme (1876) => fiche technique Prière d'Abraham, paroles françaises de Jules Barbier (1873) => partition Prière de Jeanne d'Arc (la), duo Prière du soir, poésie d’Eugène Manuel (1866) => partition Primavera, poésie de Théophile Gautier (1868) => partition Quanti Mai !, poésie italienne de Pietro Metastasio, paroles françaises de Jules Barbier (1872) => partition Que ta volonté soit faite, prière, poésie de Charles Gounod (1872) => partition Reine du matin (la), poésie de Jules Barbier et Michel Carré Repentir, sous forme de prière, poésie anglaise d'Alfred William Phillips (œuvre posthume)
Réponse de Medjé, poésie de Marie Barbier (1882) Rêverie, poésie de Jules Barbier (1872) => partition Ring out, wild bells, poésie anglaise d'Alfred Tennyson (1880) => partition Sainte ivresse, extase, poésie de Michel Carré Salutation angélique (la), Ave Maria (1877) => partition Sea hath its pearls (the), poésie anglaise d'Henry Wadsworth Longfellow (1871) => partition Sérénade, poésie de Victor Hugo (1857) => fiche technique Seul ! (la Pensée des morts), poésie d’Alphonse de Lamartine (1863) => partition Si la mort est le but, stances, poésie de Louise Bertin (1866) => partition Si vous n’ouvrez votre fenêtre, chanson, poésie d’Alexandre Dumas fils (1872) => partition Siesta (la), duetto (1871) => partition Soir (le), poésie d’Alphonse de Lamartine => fiche technique Soir d’automne, poésie de Charles Gounod => partition Solitude, poésie d’Alphonse de Lamartine (1865) => partition Souvenir (le), poésie de Joseph Collin (1871) => partition Sur la montagne, poésie de Jules Barbier (1872) => partition Sweet baby, sleep, poésie anglaise de George Wither (1871) => partition Temps des roses (le), poésie de C. Roy There is a Green Hill far away, poésie anglaise de Cecil Frances Alexander (1871) => partition There is Dew, poésie anglaise de Thomas Hood (1871) => partition Tombez mes ailes !, poésie d’Ernest Legouvé (1866) => partition Tout l’univers obéit à l’amour, poésie de Jean de La Fontaine (1890) => partition Vallon (le), méditation poétique d’Alphonse de Lamartine (1861) => fiche technique Venise, poésie d’Alfred de Musset (1849) => manuscrit ; partition Viens ! les gazons sont verts, voir If thou art sleeping maiden Viens mon cœur !, voir My beloved spake Vierge d’Athènes, poésie anglaise de lord Byron, paroles françaises de Jules Ruelle (1887) => partition Vivat !, duo Worker (the), poésie anglaise de Frederic Edward Weatherly (1872) => partition |
musique religieuse
a) messes Messe à trois voix, chœur et orchestre (Rome, 01 mai 1841) => partition Messe de Requiem à plusieurs voix sans accompagnement (1843) Messe à trois voix d'hommes sans accompagnement (Messe des Orphéonistes, 1853) Messe à quatre voix d'hommes sans accompagnement (Messe des Sociétés chorales, 1853) Messe solennelle de Sainte-Cécile, chœurs et orchestre (Saint-Eustache, 22 novembre 1855) => partition Deuxième messe solennelle, chœurs et orchestre (Londres, 1872) Messe brève pour les morts (Londres, 1872-1873) => manuscrit ; partition Messe des Anges gardiens, à quatre voix et orgue (Londres, 1873) => partition Messe instrumentale, pour orchestre seul, voix ad libitum (Londres, 1874) Messe du Sacré-Cœur de Jésus, à quatre voix et orgue (Saint-Eustache, 22 novembre 1876) => partition Messe de Pâques (troisième messe solennelle), chœurs et orchestre (1885) => partition Messe à la mémoire de Jeanne d'Arc, soli, chœurs, trompettes et orgue (1887) => partition [voir ci-dessous] Messe dite de Clovis, d'après le chant grégorien, à quatre voix et orgue (œuvre posthume) => partition Messe en l'honneur du Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle, d'après le chant grégorien, à quatre voix et orgue (quatrième messe solennelle) (1888) => partition Requiem à quatre voix et orchestre (1891 ; Paris, 24 mars 1894) => partition
b) oratorios et cantates avec orchestre Pierre l'Ermite (1853) Tobie, petit oratorio, paroles de Hippolyte Lefèvre (1854) => partition Super flumina Babylonis (Près du fleuve étranger), psaume, paroles d'A. Quételard (1860) => partition Gallia, lamentation, paroles de Charles Gounod (Londres, 01 mai 1871) => manuscrit ; partition l'Annonciation (1871-1872) la Nativité (1871-1872) Te Deum en l'honneur du Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle (1875) Cantate en l'honneur du Bienheureux Jean-Baptiste de la Salle (1875) Jésus sur le lac de Tibériade (1877) => partition la Rédemption (1882) => partition Mors et Vita (1885) => partition [voir ci-dessous] la Communion des Saints (1889) Saint François d'Assise (1891) => partition
c) chœurs avec ou sans accompagnement d’orchestre Offices de la semaine sainte, à quatre voix d'hommes (1846) Pastorale sur un Noël du XVIIIe siècle, à quatre voix mixtes (1859) Prière à Marie (1861) le Vendredi-Saint, à six voix mixtes, paroles d'Alexis Badou (1866) => partition l'Adoration des Mages (1871) Hymne à saint Augustin (1885) l'Angelus A saint Jean l'Évangéliste (à quatre voix mixtes) le Crucifix, à quatre voix mixtes, paroles de Victor Hugo (1866) => partition Déjà l'ange des cieux, à deux voix
D'un cœur qui t'aime, double chœur à voix
mixtes, paroles de Jean Racine (1851) =>
partition le Jour de Noël, à quatre voix mixtes les Martyrs, à quatre voix d'hommes Noël, à deux voix de femmes et orgue, poésie de Jules Barbier (1869) => partition Nuit (la), à six voix, poésie de Robert de Crèvecœur (1867) => partition O Jesus, my Lord, double chœur à voix mixtes The old hundreth Psalm, à quatre voix mixtes Omnipotent Lord, à quatre voix mixtes Portuguese hymn (Adeste fideles), à quatre voix mixtes Prière du soir et du matin, à six voix mixtes Russian anthem les Sept paroles de notre Seigneur Jésus-Christ sur la croix, à quatre voix mixtes => partition Sicut cervus, à quatre voix mixtes (1868) => partition Tout l'univers est plein de sa magnificence, double chœur à voix mixtes
d) motets En chœurs avec orchestre ou orgue Agnus Dei (1838) ; Ave verum (1852) ; Ave verum (quatre voix mixtes) ; Benedictus ; Da pacem ; Inviolata Kyrie ; Libera ; Magnificat (1874) => partition Miserere pour quatre voix soli et chœur (1880) => partition Nunc dimittis O salutaris (œuvre posthume)
O sanctissima (quatre voix d'hommes) ; Pater noster (quatre voix mixtes) ; Requiem ; Sanctus ; Stabat mater, paroles de l'Abbé Castaing (1867) => partition Te Deum ; Vexilla regis ; etc. En soli ou duos avec orgue Adoro te supplex ; Ave Maria ; Agnus Dei ; Benedictus ; Christus factus est ; Ecce panis ; Magnificat ; Memorare ; Miserere ; Nunc dimittis ; O salutaris ; Pater noster ; Pie Jesu ; Quam dilecta ; Salve regina ; Sancta Maria ; Tantum ergo => partition Te Deum ; etc.
e) cantates ou mélodies sacrées (A une voix, avec orgue ou piano) l'Anniversaire des martyrs, paroles de Charles Dallet (1869) => partition Ave Maria de l'enfant ; Cantique pour la première communion, paroles du R. P. Dulong de Rosnay (1874) => partition Cantique pour l'adoration du Saint Sacrement ; Ce qu'il faut à mon âme ; le Ciel a visité la terre, cantique, paroles d'Anatole de Ségur (1868) => [voir enr. ci-dessous]
Chantez, voix bénies, hymne, poésie de Louis Gallet (1870) => partition D'un cœur qui t'aime, duo pour soprano et contralto, paroles de Jean Racine
le Départ des missionnaires, paroles de Charles Dallet (1852) => partition Dormez, divin enfant ; Élévation ; Hymne à l'Eucharistie ; Hymne à saint Augustin ; Hymne sacrée (1843), manuscrit Je vous salue, pleine de grâce ; Jérusalem ; Jésus de Nazareth, chant évangélique, paroles d'Ad. Porte (1864) => partition |
Laudate Dominum, duo (1856) [voir ci-dessous] Marche des Pèlerins ; les Martyrs ; Matinée dans la montagne, poésie d'Eugène Tourneux (1869) => partition Noël (avec orgue et violon) ; Noël ! Noël ! ; le Nom de Marie, cantique, poésie du comte Anatole de Ségur (1870) => partition Notre-Dame des petits enfants, cantique, poésie du comte Anatole de Ségur (1870) => partition Prière à Jeanne d'Arc ; Prière à la Vierge, cantique
Prière du soir ; le Retour de Tobie ; Sainte Marie ; Salut, ô Vierge ; Sois notre mère ; Vierge, épouse et mère de Dieu ; Vierge Marie, ô sainte mère ; etc.
musique vocale profane
a) cantates avec orchestre Marie Stuart et Rizzio (2e grand prix de Rome, 1837) la Vendetta (1838) Fernand (1er grand prix de Rome, 1839) Vive l'Empereur, chant national, paroles d'Auguste Lefranc (1855) Cantate pour l'anniversaire de Molière (1858) Hymne à la musique (1862) le Temple de l'harmonie, cantate, paroles de Jules Barbier et Michel Carré (1869) => partition A la frontière, paroles de J. Frey (Opéra, 08 août 1870) Ilala, May 1873, stances à la mémoire de D. Livingstone, paroles anglaises de Richard Monckton Milnes Houghton (1873) => partition Memorare du soldat (1875) la Liberté éclairant le monde (1876) Vive la France, chant patriotique, poésie de Paul Déroulède (1878) => partition
b) chœurs A quatre voix (avec ou sans accompagnement) Adam could find no solid peace ; The Bell (1873) => manuscrit Bright star of Eve ; Chant des compagnons ; la Cigale et la fourmi, paroles de Jean de La Fontaine (1856) => partition le Corbeau et le renard ; Chœur des chasseurs ; Chœur des amis ; Du monde et des cieux ; Fleurs des bois ; The Farewell ; Go, lovely Rose ; Gitanella ; Hymne à la France ; Loin du pays ; le Loup et l'agneau ; My true love hath my heart ; Oh ! by rivers ; le Repos de la tombe ; Russian Hymn ; Take me, mother earth ; etc. le Vin des Gaulois et la danse de l'épée, légende bretonne
A trois voix (avec ou sans accompagnement) le Catéchisme ; les Cloches ; les Couronnes ; le Dessin ; la Distribution des prix ; l'Ecriture ; la Grammaire ; les Vacances ; etc.
musique instrumentale
a) orchestre Scherzo (1837) ; Symphonie n° 1 en ré (1854), dont on a tiré le ballet Symphonie (Opéra, 04 février 1959) => fiche technique Symphonie n° 2 en mi bémol (1855) => partition Marche religieuse (1876) => partition Saltarelle (1877) ; Souvenirs d'un bal (orchestre à cordes et deux flûtes) ; Nonetto pour instruments à vent ; Marche funèbre d'une marionnette (1879) => partition [voir ci-dessous] Scherzo pour deux contrebasses ; le Calme, méditation pour violon et orchestre ; la Vision de Jeanne d'Arc, pour violon et orchestre (ou orgue) => partition Méditation sur un prélude de Bach ; Trois quatuors pour instruments à cordes Quintette pour deux violons, alto, violoncelle et cor => manuscrit Petite symphonie (1885) => partition
b) piano l'Angelus (1858) => partition Dodelinette (berceuse) => partition la Fête de Jupiter (grande marche processionnelle) (1876) => partition Gavotte (œuvre posthume) => partition Grande valse brillante (1891) => partition Impromptu => partition Invocation (1875) => partition Ivy [le Lierre] (romance sans paroles) (1871) => partition Marche fanfare, composée pour le 12e Hussards (1876) => partition Matinée de mai (œuvre posthume) => partition Musette, impromptu (1863) => partition Passacaille => partition les Patriotes, marche ; les Pifferari (1863) => partition Prélude (1877) => partition le Rendez-vous, pour piano à quatre mains (1847) => partition Sérénade ; Six pièces : Pastorale ; Menuet ; Nazareth ; Royal-Menuet ; le Bal d'Enfants ; la Danse de l'Epée => partition Sonate à quatre mains : Introduction, thème original et variations Souvenance, nocturne pour piano (1865) => partition Valse caractéristique ; Valse des fiancés (1865) => partition la Valse des Sylphes (1874) => partition la Veneziana, barcarolle (1874) => partition
c) piano avec violon Entreat me not to leave thee ; Peacefully slumber ; Romance ; etc.
d) orgue Marches, entrées et sorties pour le service divin Hymne à sainte Cécile (avec piano et violon) (1865) => partition [voir ci-dessous] Offertoire pour grand orgue (œuvre posthume) => partition Sérénade (avec piano et violon) Trois chorals et fugues Trois préludes et fugues
e) piano-pédalier avec orchestre : Danse roumaine ; Fantaisie sur l'Hymne national russe => partition Suite concertante => partition seul : Canzonetta en ré ; Toccata en fa
f) arrangements la Jeune religieuse, de Schubert, pour piano, violon, violoncelle et harmonicorde (1856) Méditation sur un prélude de Bach pour violon principal, cor obligé et orchestre (1855), puis orgue, piano et violon Chant des Jacobites Deux chants écossais Quintette de Cosi fan tutte, de Mozart, pour piano, violoncelle et orgue Bello in ciel, mélodie sur une étude de Chopin Choix de Chorals de Bach (152) transcrits pour orgue |
le Ciel a visité la Terre Albert Vaguet et Orchestre Pathé saphir 90 tours n° 4927, réédité sur 80 tours n° 3092, enr. en 1906/1908
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le Ciel a visité la Terre Jean Planel et Trio Pathé X 93.106, mat. N 203692, enr. en 1932 |
Laudate Dominum Edmond Tirmont, Lucien Rigaux et Orchestre Odéon 111.127, mat. xP 5561, enr. à Paris en 1912 |
O Salutaris Albert Piccaluga et Orgue APGA 2296, mat. A 509, enr. v. 1904
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Prélude de la Messe de Jeanne d'Arc Chanteurs de Saint-Nicolas-des-Champs dir Abbé Marcel Lepage, Grand Orgue et Trompettes Lumen 32.001, mat. YL 4, enr. à Saint-Nicolas-des-Champs vers 1934
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Judex de Mors et Vita Chanteurs de Saint-Nicolas-des-Champs dir Abbé Marcel Lepage Lumen 32.001, mat. YL 3, enr. à Saint-Nicolas-des-Champs vers 1934 |
Hymne à sainte Cécile Paul Viardot (violon) et Piano Aspir 5161, mat. 567, enr. vers 1901
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Marche funèbre d'une marionnette Orchestre des Concerts Colonne dir Edouard Colonne Pathé saphir 90 tours n° 8943, réédité sur 80 tours n° 6209, enr. en 1906/1907
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Marche funèbre d'une marionnette Orchestre de l'Association des Concerts Lamoureux dir Albert Wolff Polydor 566.016, mat. 1676 BM, enr. en 1929 |
Marche funèbre d'une marionnette Orchestre Philharmonique de Londres dir Sir Henry J. Wood Columbia DX 969, mat. CAX 8747 et 8748, enr. à Londres le 04 mars 1940
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Charles Gounod dans l'atelier du peintre Isidore Pils, pendant leur séjour à l'Académie de Rome en 1842 (dessin de Georges Clairin d'après une étude peinte par Pils)
portrait de Charles Gounod à vingt-cinq ans (détail), peinture de Louis Léopold Boilly [Bibliothèque de l'Opéra]
Il suivit au Conservatoire le cours de contre-point d'Halévy, et apprit la composition sous la direction de Lesueur et de Paer. En 1839, il obtint le premier grand prix au concours de l’Institut. Tout jeune, il avait manifesté le goût de la musique ; la Revue française a raconté à ce propos l'anecdote suivante : « Ses parents s'inquiétaient de cette vocation artistique et s'en plaignirent au proviseur du collège, M. Poirson, qui les rassura. « Lui, musicien ? jamais ! dit-il. Il sera professeur : il a la bosse du latin et du grec. » Et M. Poirson fit appeler le lendemain le petit Charles dans son cabinet. « On t'a encore surpris à griffonner sur du papier des notes de musique ? ˗ Oui ; je veux être musicien. ˗ Toi ? allons donc ! ce n'est pas un état. D'ailleurs, voyons, que sais-tu faire ?... Tiens, voilà du papier, une plume. Compose-moi un air nouveau sur les paroles de Joseph : A peine au sortir de l'enfance. Nous allons bien voir », dit M. Poirson triomphant. C'était l'heure de la récréation. Avant que la cloche de l'étude eût sonné, Gounod revenait avec sa page toute noire. « Déjà ? fit le proviseur ; eh bien, chante ! » Gounod chanta. Il se mit au piano. Il fit pleurer le pauvre M. Poirson, qui se leva, l'embrassa et s'écria : « Ah ! ma foi ! ils diront ce qu'ils voudront, fais de la musique ! » Quand Gounod, premier grand prix de Rome, fit exécuter sa première œuvre à Saint-Eustache, au retour il trouva ce billet écrit de la main du vieux proviseur : « Bravo, cher homme que j'ai connu enfant ! » M. Poirson était allé, sans rien dire, écouter, à l'ombre d'un pilier, la musique de celui qu'il avait appelé le petit Charles. » Charles Gounod, arrivé à Rome, se livra spécialement à la culture de la musique religieuse. Une messe solennelle, qu'il fit exécuter, dans cette ville, à l'église Saint-Louis des Français, lui valut le titre de maître de chapelle honoraire à vie, faveur accordée pour la première fois à un pensionnaire du gouvernement français. En 1843, il se rendit à Vienne, où il composa un Requiem et une messe à voix seules, dans le style de Palestrina. A son retour à Paris, il fut nommé directeur de la musique à l'église des Missions étrangères, et parut un instant disposé à embrasser l'état ecclésiastique. Jusqu'en 1851, M. Gounod s'isola complètement, et il commençait à se faire oublier, quand un article publié dans un journal anglais révéla l'exécution, à Saint-Martin-Hall, de quatre de ses compositions. La nouvelle fit sensation. Le 16 avril 1851, Sapho, dont le libretto avait été écrit par Emile Augier, fit son apparition ; l'opéra n'obtint qu'un succès d'estime, bien qu'il renfermât des beautés de premier ordre. A Sapho succédèrent les chœurs d'Ulysse de Ponsard ; ces beaux morceaux, d'une inspiration large, établirent solidement la réputation de M. Gounod : le chœur des Servantes infidèles et le Chant d'Euryclée furent surtout remarqués. En 1854, la Nonne sanglante, en cinq actes, fut jouée à l'Opéra. Ce ne fut encore qu'une demi-victoire. Et pourtant, dans le premier acte, la délicieuse cantilène : Grand Dieu, c'est mon Agnès qui passe ! la symphonie fantastique du second acte, page qui place le compositeur français au rang des vrais poètes musicaux ; la romance du troisième acte : Un air plus pur... ; le duo de la nonne et de Rodolphe, le divertissement et le finale sont des passages vraiment inspirés que bien des grands compositeurs eussent été fiers de signer. Nous n'accusons personne de ce quasi-échec, l'honneur du musicien étant sain et sauf. Le Médecin malgré lui fut donné, en 1858, au Théâtre-Lyrique. Cette fois, le compositeur s'est rendu plus accessible à la multitude ; les couplets : Qu'ils sont doux, bouteille jolie ! sont devenus populaires. La romance de Léandre est un bijou ; le sextuor de la consultation touche de bien près à la perfection ; le chœur à voix d'hommes : Salut à monsieur le docteur ! est ravissant ; enfin le duo de Sganarelle et de Jacqueline, le morceau principal de la partition, peut affronter la comparaison avec les plus célèbres duos bouffes connus dans le répertoire italien. La popularité, cette couronne des élus, allait-elle échoir enfin à M. Gounod ? Le 19 mars 1859, Faust était représenté au Théâtre-Lyrique, et la France, nous pourrions dire le monde entier, comptait un grand compositeur de plus. Nous avons consacré une analyse spéciale à ce chef-d'œuvre pour lequel la postérité a déjà commencé. Philémon et Baucis, que des critiques compétents placent encore au-dessus de Faust, fut donné au même théâtre en 1860 et ne se soutint pas à la scène ; pour quelle cause ? c'est ce qu'il nous est impossible de comprendre ; car la mélodie la plus chaste et la plus fine y est répandue à pleines mains, et la grâce antique souffle de la première à la dernière note son charme et sa fraîcheur dans ces pages qui renferment cent fois plus de musique réelle que bien des opéras acclamés. Infatigable au travail, M. Gounod présenta, en 1862, à l'Opéra, la Reine de Saba, qu'on joue en lui retranchant le tableau de la fonte de la mer d'airain. Le public se montra encore indifférent. A la Reine de Saba succéda au Théâtre-Lyrique, avec la même malchance, Mireille, qui est empruntée au poème de Frédéric Mistral, et qui contient des trésors de mélodie et d'instrumentation. A part Faust, que l'autorité du génie a imposé à la multitude, l'œuvre générale de Gounod n'est savourée et appréciée que par les artistes et les gens de goût. Cependant son Ave Maria sur le prélude de Bach, et le petit chef-d'œuvre la Sérénade de Marie Tudor, ont fait pénétrer sou nom même dans le public le plus indifférent. La musique instrumentale de ce maître, composée principalement de symphonies entendues aux concerts du Conservatoire, jouit d'une grande estime auprès des connaisseurs. Sa collection de vingt mélodies est entre les mains de tous ceux qui professent la sainte et légitime horreur de la romance insignifiante et de la charge grotesque. M. Gounod a épousé une des filles de M. Zimmermann, professeur de piano au Conservatoire. Chargé, en 1852, de la direction de l'Orphéon, il a donné sa démission, en 1860, pour se livrer en toute liberté à ses travaux. En 1866, il a été promu officier de la Légion d'honneur et nommé membre de l'Institut en remplacement de Clapisson. Vers cette époque, les journaux répandirent le bruit que, dans un accès de ferveur mystique, l'auteur de Faust renonçait au théâtre pour aller s'enfouir dans une retraite profonde à Rome ; mais l'illustre compositeur ne tarda pas à leur donner un démenti en faisant représenter sur le Théâtre-Lyrique, au mois d'avril 1867, une de ses plus belles œuvres, Roméo et Juliette, opéra en cinq actes, qui eut un nombre considérable de représentations. Dans ces dernières années, des bruits de même nature se sont renouvelés avec assez de persistance pour qu'on puisse croire qu'ils ne sont pas tout à fait sans fondement. M. Gounod, depuis son premier voyage a Rome et ses études sur la musique sacrée, a toujours gardé dans l'esprit une certaine propension vers les idées religieuses, et ses amis, comme ses admirateurs, ont pu craindre que ses éminentes facultés n'en aient reçu quelque atteinte. En 1872, on ne sait pour quelle cause, M. Gounod a quitté non seulement la France, mais la nationalité française, et s'est fait naturaliser Anglais. Nommé président de la société chorale d'Albert-Hall, à Londres, il n'a pas tardé à se brouiller avec ses nouveaux compatriotes et a donné sa démission. Des nouvelles alarmantes ont circulé sur son état mental ; espérons qu'il les démentira encore une fois en mettant au jour quelque nouveau chef-d'œuvre. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1872-1876)
En 1870, après la bataille de Reichshoffen, M. Gounod fit exécuter à l'Opéra un chant patriotique, intitulé : A la frontière ! En mai 1871, on exécuta à Albert Hall, à Londres, puis, en novembre, à l'Opéra-Comique de Paris, une cantate intitulée Gallia, ode symphonique, paroles et musique de M. Gounod. Ces deux œuvres attirèrent peu l'attention. En 1872, l'éditeur Choudens publia la musique écrite par M. Gounod pour les Deux reines, drame en quatre actes de M. Legouvé. On y trouve quelques beaux morceaux, notamment le chœur des jeunes filles danoises et la marche des pèlerins. Depuis deux ans, l'auteur de Faust habitait l'Angleterre, mais il ne s'était point fait naturaliser Anglais, comme on l'a dit. A Londres, où il vivait, il forma une société musicale, qu'il appela Gounod's Choir (Chœur de Gounod) et avec laquelle il donna des concerts, dans lesquels il figura à la fois comme directeur, comme compositeur et même comme chanteur. Pendant son long séjour à Londres, Gounod publia des lettres sur des compositions musicales et autres, écrivit un grand nombre de morceaux de musique pour sa société musicale et composa en totalité ou en partie des partitions, notamment un Polyeucte, opéra qui n'a point encore été représenté ; des fragments d'un opéra-comique, intitulé George Dandin, et la musique des chœurs de Jeanne Darc, de Barbier, drame en cinq actes et en vers, qui fut joué avec un grand succès à Paris en 1873. En 1875, M. Gounod quitta l'Angleterre et revint a Paris. Au mois d'octobre de cette année, il sortait de chez M. Oscar Comettant, où il était allé chercher plusieurs partitions qui venaient de lui être renvoyées de Londres, lorsqu'il fit une chute et se fractura l'épaule et le col du fémur. Cet accident n'eut point de suites graves. Le célèbre compositeur put bientôt se remettre au travail. Il termina son Polyeucte, qu'il avait recommencé de mémoire, et écrivit une Messe du Sacré-Cœur, qui fut exécutée à l'église Saint-Eustache en décembre 1876, et dans laquelle on trouve des morceaux d'un grand style empreints du sentiment religieux le plus profond. Le dernier ouvrage de l'auteur de Faust est un drame lyrique en quatre actes et cinq tableaux, intitulé Cinq-Mars, et dont les paroles sont de MM. Poirson et Gallet. Dans cet opéra, qui fut représenté à l’Opéra-Comique en avril 1877, et qui avait été composé en cinquante-neuf jours par M. Gounod, on retrouve, à côté de parties faibles, de très beaux morceaux, la pureté du style, l'élégance des harmonies, la distinction des formules qui caractérisent le talent du compositeur. Nous avons consacré un artiste spécial à cet opéra. Le 9 août 1877, M. Gounod a été nommé commandeur de la Légion d'honneur. Outre les œuvres que nous avons citées, on doit à l'auteur de Faust un grand nombre de morceaux de musique religieuse, plusieurs Messes, des Stabat, des Te Deum, des Magnificat, des Offertoires, des Cantiques, etc. ; plusieurs symphonies, un grand nombre de chœurs, de cantates, de duos, et des mélodies écrites sur des paroles françaises, anglaises et italiennes. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1er supplément, 1878)
Polyeucte, qu'il fit jouer à l'Opéra le 7 octobre 1878, ne s'est pas maintenu au répertoire ; cependant, la partition renferme de belles pages. Le Tribut de Zamora, opéra en quatre actes, paroles de d'Ennery et de Brésil, joué sur la même scène, en 1881, ne fournit pas une bien longue carrière. Un peu découragé par ce double échec, M. Gounod partit, pour l'Angleterre et présenta au public de Birmingham, en 1882, les prémices d'un oratorio en trois parties. « Rédemption, dit l'auteur lui-même, est l'exposition lyrique des trois grands faits sur lesquels repose l'existence de la société chrétienne : la Passion, la Résurrection et la Diffusion du christianisme dans le monde par la mission apostolique. » Cette même année, M. Carvalho, qui avait monté Roméo et Juliette au Théâtre-Lyrique, reprit avec éclat à la salle Favart cette œuvre si délicate, dont les mélodies resteront comme un modèle du genre. L'Académie nationale de musique remit à la scène, le 2 avril 1884, Sapho, opéra en quatre actes. M. Godard organisa, en 1885, au Cirque d'hiver, le « Festival-Gounod ». L'illustre compositeur ne trouva pas de contradicteurs en offrant au public des fragments de sa Jeanne Darc, que déclama Sarah Bernhardt, et le troisième acte de Sapho, tel qu'il avait été joué à l'origine. Mlle Bloch chanta Sapho de sa belle voix, et Capoul soupira l'air de Phaon et la chanson du Pâtre. En même temps que l'Opéra-Comique reprenait le Médecin malgré lui, en attendant Maître Pierre, M. Gounod faisait exécuter, à la salle du Trocadéro, en 1886, Mors et Vita, oratorio en trois parties, qui souleva l'enthousiasme de l'auditoire. Mme Krauss et Faure chantèrent les soli avec un art exquis. M. Gounod écrivit pour Mlle Reichenberg une charmante chanson : la Cigale, qui fut intercalée dans Vincenette, représentée au Théâtre-Français, au mois de mai 1887. Revenu à la musique religieuse, il fit paraître une Messe à la mémoire de Jeanne Darc, qu'on entendit d'abord dans la cathédrale de Reims et ensuite à Paris, a l'église Saint-Eustache. On fêta la même année à l'Opéra la 500e représentation de Faust. Le 8 novembre 1888, la Patti interpréta à Paris le rôle de l'adorable fille de Capulet dans Roméo et Juliette. « Le maître dirigeait lui-même l'exécution de son œuvre, dit M. Vitu. Il n'a pas eu de changement matériel à introduire dans son orchestration pour l'adapter au vaste vaisseau de l'Opéra. Il a récrit et agrandi le finale du troisième acte, c'est-à-dire l'entrée du roi, qui suit le double duel et la mort de Tybalt. » M. Gounod a rédigé la préface du onzième volume des Annales du théâtre et de la musique (1886, in-8°). Il a été nommé en 1877 membre du conseil supérieur des Beaux-Arts et de la commission consultative des théâtres. Il est commandeur de la Légion d'honneur. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)
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Charles Gounod à l'époque de Sapho (1851) par Pauline Viardot
Charles Gounod par Ary Scheffer [Château de Versailles]
Charles Gounod
photo de Charles Gounod à l'époque de Faust (1859)
caricature de Charles Gounod par Léonce Petit parue dans le Hanneton du 02 mai 1867
Charles Gounod
Charles Gounod peint par son beau-frère Édouard Dubufe en 1867
Il a reçu des leçons d'Halévy, pour le contrepoint, au Conservatoire, dans les années 1836-1838, et a fait des études pratiques de composition sous la direction de Lesueur, puis de Paer. En 1837, il obtint un second prix au concours de l'Institut, et le premier lui fut décerné en 1839, pour la composition de la cantate intitulée Fernand. Devenu pensionnaire du gouvernement à ce titre, il se rendit à Rome et s'y livra particulièrement à l'étude du style de la musique d'église. En 1843, il était à Vienne et y fit exécuter à l'église Sainte-Charles une messe pour des voix seules, imitée du style de Palestrina. De retour à Paris, Il fut chargé de la direction de la musique à l’église des Missions étrangères, et parut vouloir embrasser l'état ecclésiastique, dont il porta même l’habit. Jusqu'en 1851, le silence le plus absolu régna dans le monde musical sur la personne et les travaux de M. Gounod : la Gazette musicale de Paris avait seulement annoncé, en 1846, qu'il venait d'entrer dans les ordres. Mais tout à coup il se fit une révélation par un article inséré dans l’Athenæum de Londres et qui fut attribué alors à M. Viardot, mari de la célèbre cantatrice de ce nom, et littérateur connu par de bons ouvrages relatifs aux arts. On y rendait compte d'un concert donné à Saint-Martin-Hall, où quatre compositions de M. Gounod avaient été exécutées, et l'on y remarquait des passages tels que ceux-ci : « Cette musique ne nous rappelle aucun autre compositeur ancien ou moderne, soit par la forme, soit par le chant, soit par l'harmonie : elle n’est pas nouvelle, si nouveau veut dire bizarre ou baroque ; elle n'est pas vieille, si vieux veut dire sec et raide, s'il suffit d'étaler un aride échafaudage derrière lequel ne s'élève pas une belle construction ; c'est l'œuvre d'un artiste accompli, c'est la poésie d'un nouveau poète... … Que l'impression produite sur l’auditoire ait été grande et réelle, cela ne fait nul doute, mais c'est de la musique elle-même, non de l'accueil qu'elle a reçu, que nous présageons pour M. Gounod une carrière peu commune ; car s’il n'y a pas dans ses œuvres un génie à la fois vrai et neuf, il nous faut retourner à l'école, et rapprendre l'alphabet de l’art et de la critique. » Cet article, en forme de prophétie, qui fut répété dans la Gazette musicale de Paris (26 janvier 1851), produisit une sensation d'autant plus vive, que la Sapho de M. Gounod, première œuvre dramatique de ce compositeur, était à l'éluda à l'Opéra, et devait être bientôt représentée. L'attention publique était éveillée autant que l'auteur pouvait le désirer, lorsque son ouvrage fut joué pour la première fois, le 16 avril de la même année. Le succès ne répondit pas aux espérances des amis du compositeur. Il y eut à cela plusieurs causes dont les plus importantes étaient un livret mal fait, et l'absente d'unité, de logique des idées, et de périodicité des phrases dans la partition. Cependant, en dépit des longueurs excessives du récitatif, de la prétention trop persistante d'éviter les formes consacrées par le génie des maîtres, et de l'inexpérience de l’effet scénique, il y avait dans cette musique un sentiment de poésie qui ne pouvait être méconnu, et qui jetait à chaque instant des éclairs d'inspiration. Sapho ne réussit pas et n'eut qu'un très petit nombre de représentations ; mais de ce que les connaisseurs avaient entendu, ils conclurent que M. Gounod était un artiste d’avenir. Des chœurs écrits par lui pour Ulysse, tragédie de M. Ponsard, furent la première production de son talent qui succéda à Sapho ; cette tragédie tut représentée au Théâtre-Français, en 1852. Dans cette œuvre, le compositeur s'est attaché à la recherche du caractère antique, soit par le rythme, soit par des modulations inusitées. Bien qu'il résulte de ce système une certaine teinte monotone, à laquelle fait pourtant diversion le chœur séduisant des Servantes infidèles, un talent véritable se montre avec évidence dans la plus grande partie de l'ouvrage. Malheureusement la lenteur de l'action, et l'absence d’intérêt dans la tragédie, ont rendu le succès impossible, et le travail distingué du compositeur a été perdu pour le public. La Nonne sanglante, grand opéra, joué pour la première fois le 18 octobre 1854, a marqué un progrès de M. Gounod en certaines parties essentielles de la musique dramatique, particulièrement dans la conduite des idées, dans la forme, et dans le coloris Instrumental. Tout n'y est pas à une hauteur égale ; on peut même y signaler des parties très faibles, et la fatigue de l’imagination se fait sentir jusqu'à la fin, depuis le milieu du troisième acte ; mais un duo de la plus grande beauté au premier acte, presque tout le second, un air et un duo au troisième, font voir dans le talent du compositeur une progression évidemment ascendante. Il est fâcheux que ce talent se soit appliqué à des livrets défectueux qui l'ont entraîné dans leur chute. La Nonne sanglante n'a pu se soutenir à la scène. Le Médecin malgré lui, de Molière, arrangé en opéra-comique, et que M. Gounod a donne au Théâtre-Lyrique en 1858, est son premier essai de musique comique. Quelques bons morceaux se trouvent dans cette partition ; mais on y sent que le talent de l’artiste n'est pas fait pour ce genre. Le 19 mars 1859 est le grand jour de la vie d'artiste de M. Gounod : ce fut celui de la première représentation de Faust, son œuvre capitale jusqu'au moment où cette notice est écrite. Le cachet de l'originalité est empreint sur cette production : il n'en faut pas davantage pour donner la certitude que la partition de Faust passera à la postérité quoiqu'on y puisse d'ailleurs reprendre à certains égards, comme une des belles créations de l’école française dans le genre de la musique dramatique. Si les rôles de Faust et de Méphistophélès n'y satisfont pas d'une manière complète à ce qu'on attend de ces personnages fantastiques, celui de Marguerite est d'une beauté achevée. Quelques parties du premier actes presque tout le second, et surtout le troisième, sont l'œuvre d'un talent de premier ordre. Dans ce troisième acte, l’air de Faust, Salut, demeure chaste et pure, celui de Marguerite (la chanson du Roi de Thulé), le quatuor de la promenade, le duo de Faust et de Marguerite : Laisse-moi contempler ton visage, et cette phrase : O nuit d'amour, ciel radieux, sont de véritables inspirations du génie. Il y a aussi de beaux chœurs bien rythmés dans le second et le troisième actes. Celui des vieillards, dans l’introduction du second acte, est d'une naïveté charmante. La marche du quatrième acte est aussi très remarquable. Malheureusement l’inspiration ne se soutient pas après ce morceau, et là où commence la partie sombre du drame, elle abandonne le compositeur. Lorsque M. Gounod cherche la force, il ne trouve que le bruit. Le trio du duel, le morceau d'ensemble qui le suit, la scène où Méphistophélès pousse Marguerite au désespoir dans l'église, et le trio final de la prison, sont plus ou moins manqués. Il en est de même du sabbat du Brocken, à l'exception de la chanson à boire de Faust. D'ailleurs, cette partie de l'ouvrage réveille trop le souvenir du second acte du Freischütz. Il y a de belles choses dans Philémon et Baucis, opéra en trois actes, qui suivit le succès de Faust, et fut représenté, pour la première fois, au Théâtre-Lyrique, le 18 février 1860. On y retrouve les précieuses qualités du compositeur, particulièrement dans une multitude de détails charmants ; mais l'inspiration sentimentale y est moins heureuse, parce que le sujet du drame est faux. Cet ouvrage ne s'est pas soutenu à la scène. Au moment où ceci est écrit, le grand opéra de M. Gounod, la Reine de Saba, est en répétition à l'Académie Impériale de musique. La musique religieuse a été d'abord, comme il a été dit ci-dessus, l’objet principal des travaux du compositeur : il a écrit des messes, des psaumes, des motets pour un ou deux chœurs, pour des voix seules ou avec orchestre. L'Agnus Dei, extrait d'une de ces messes, fut un des morceaux exécutés dans le concert de Londres dont il est parlé dans l'article de l’Athenæum de 1851 ; depuis lors il a été entendu aux concerts de la Société du Conservatoire, à Paris, et y a produit une vive impression par sa belle et noble inspiration. Une messe, composée par M. Gounod pour des voix seules, a été exécutée dans l’église Saint-Germain-l'Auxerrois ; les amis de l'auteur m'en avaient dit merveille ; mais elle n'a pas été trouvée à la hauteur de leurs éloges par les connaisseurs. Le même artiste a écrit aussi de la musique instrumentale, particulièrement des symphonies qu'on a entendues à la Société des concerts du Conservatoire et dans les séances de l'Association des jeunes artistes de cette école : elles ont été considérées comme des œuvres distinguées. Dans les œuvres dramatiques de M. Gounod, le récitatif a de la vérité d'expression et dit bien les paroles ; les chœurs ont une puissance magistrale et vigoureuse de rythme ; la mélodie s'y trouve, et même elle y est parfois d'une rare suavité ; il s'y joint une harmonie souvent remarquable par l'élégance et l’inattendu des successions ; l’instrumentation est riche d'effet ; mais lorsque la force, la vigueur d'expression, l'élan inspiré sont nécessaires pour la situation du drame, ces qualités font souvent défaut à M. Gounod, comme le prouvent les derniers actes de Faust. Il a du sentiment ; mais ce sentiment est réservé, contenu par l’intelligence ; il ne déborde pas. Partout on aperçoit l'esprit fin, délicat, analytique ; partout on sent le mérite d'une facture de maître ; mais ces qualités, si précieuses qu'elles soient, ne peuvent tenir lieu de l'inspiration énergique, lorsque celle-ci est réclamée par l'action dramatique. M. Gounod a épousé une des filles de feu Zimmerman. Il était, depuis 1852, chargé de la direction de l'Orphéon, réunion chorale des écoles communales de musique, à Paris ; mais il a donné sa démission de cette place en 1860, pour se livrer exclusivement à ses travaux.
(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866-1868)
Le plus grand musicien de l'école française contemporaine, est le petit-fils d'un artisan fort habile qui avait le titre de « fourbisseur du roi » et pour ce fait logeait au Louvre, et le fils d'un peintre de talent, François-Louis Gounod, qui fit son éducation artistique dans l'atelier de Lépicié fils, où il se lia d'une vive amitié avec Carle Vernet, et qui obtint le second prix de Rome en 1783. Le père de M. Gounod épousa, étant déjà âgé, une jeune femme charmante et d'un esprit fort distingué, et mourut lorsque son fils était encore en bas âge. C'est, dit-on, avec sa mère, excellente musicienne, que le futur auteur de Faust et du Médecin malgré lui apprit les premiers éléments de l'art qu'il devait illustrer un jour. Depuis l'époque où son nom a été inscrit dans la Biographie universelle des Musiciens, M. Gounod, à qui ses premiers travaux avaient créé une renommée légitime, a acquis, on peut le dire, une gloire incontestée, grâce à l'abondance, à la variété et à la valeur des œuvres offertes par lui au public. Ce n'est pas seulement en France que, depuis quinze ans, le génie de M. Gounod est apprécié comme il mérite de l’être ; la renommée du maître rayonne aujourd’hui sur l'Europe entière, et non seulement l'Allemagne et l'Angleterre le considèrent comme un des plus grands artistes de ce temps, mais l’Italie elle-même, si longtemps rebelle aux manifestations et à l'influence de l’art français, a acclamé son Faust avec un véritable élan d'admiration. On a d'ailleurs peu d'exemples d'une vogue aussi complète, aussi universelle, aussi constante que celle qui a accueilli cet ouvrage. D'une part, Faust, traduit dans toutes les langues, a fait fortune jusque sur cette terre italienne, d'ordinaire si inhospitalière pour notre musique, et il a détrôné, dès son apparition en Allemagne, le Faust de Spohr, qui avait joui jusque-là d'une grande popularité, s'imposant, malgré sa provenance française et les susceptibilités nationales, à l'admiration de tous ; de l'autre, le succès de Faust fut tel chez nous qu'au bout de quelques années l'Opéra songea à s'approprier et à faire entrer dans son répertoire une œuvre si fortunée. Faust passa donc, dix ans après sa création, du répertoire du Théâtre-Lyrique à celui de notre première scène musicale, qui suivait ainsi l'exemple tant de fois donné par la Comédie-Française, laquelle s’est fort souvent emparé, lorsque ceux-ci lui en semblaient dignes, d'ouvrages représentés sur des scènes secondaires. L'Opéra avait agi ainsi une première fois au sujet de la traduction de Lucie de Lammermoor, donnée d'abord à la Renaissance ; mais jamais pareil fait ne s'était produit pour une œuvre française, et il appartenait à M. Gounod d'être l'objet d'un tel honneur (*).
(*) À cette occasion, les auteurs durent supprimer le dialogue parlé, et le musicien dut remplacer celui-ci par des récitatifs, qui d'ailleurs avalent été écrits en partie pour la traduction italienne. D’autres remaniements aussi furent opérés dans l'ouvrage. Lorsque Faust disparut ainsi du Théâtre-Lyrique, il y avait été représenté plus de quatre-cents fois ; le chiffre des représentations qu'ils a obtenues ensuite à l'Opéra en porte le nombre total à beaucoup plus de cinq-cents. Voici une particularité inconnue au sujet de Faust. Le fameux chœur des soldats : Gloire immortelle de nos aïeux, qui, malgré son succès, n'est pas un des meilleurs morceaux de la partition, n'a pas été écrit pour les paroles qu'il porte, ce dont il est facile de s’apercevoir à la façon dont il est prosodié. C’était, dans l’origine, un chœur de cosaques faisant partie d’un opéra intitulé Ivan le terrible, dont le poème avait pour auteur M. Henry Trianon. M. Gounod avait écrit presque entièrement la partition de cet opéra lorsque, j’ignore pour quelles raisons, il crut devoir y renoncer. Mais comme il trouva que les morceaux en étaient bons, il en utilisa plusieurs par la suite, entre autres celui dont il est ici question.
Pour reprendre maintenant le récit de la carrière artistique de M. Gounod à l'époque où il a été forcément interrompu par l'auteur de la Biographie universelle des Musiciens, il faut tout d'abord enregistrer la représentation de la Reine de Saba, qui fut donnée à l'Opéra le 29 février 1862. Cet ouvrage ne fut point heureux à Paris, où l'on trouva le livret fort médiocre et la musique d'une couleur uniforme et manquant d'inspiration ; il fut cependant accueilli en Allemagne avec une sorte d'enthousiasme, particulièrement à Darmstadt, où, monté avec un grand luxe de mise en scène, il obtint un éclatant succès. À la suite de cet échec, M. Gounod retourna au Théâtre- Lyrique, où il donna Mireille (1864), opéra dialogué en cinq actes dont le sujet était emprunté au joli roman de M. Frédéric Mistral. Il y avait des pages exquises dans Mireille, notamment le premier acte, qui formait un tableau tout ensoleillé, plein de jeunesse, de grâce et de poésie, mais l'œuvre était inégale, mal venue dans son ensemble, et la partie dramatique était loin d'être heureuse ; après un petit nombre de représentations, on réduisit la pièce à trois actes sans qu'elle réussit, sous cette nouvelle forme, à attirer les sympathies du public. Un petit ouvrage en deux actes, écrit d'abord pour le théâtre de Bade, la Colombe, ne fut guère plus heureux à l'Opéra-Comique, où il parut en 1866. Mais M. Gounod allait prendre sa revanche en donnant au Théâtre-Lyrique (27 avril 1867) Roméo et Juliette, et en s'attaquant au chef-d’œuvre de Shakespeare après que tant d'artistes illustres l'avaient transporté sur la scène musicale. Cette fois il obtint un succès éclatant, qui retentit par toute l'Europe, et qui rappela les beaux jours de Faust. Quelle que soit l'opinion que certains artistes un peu trop timorés aient pu porter sur ce produit de son génie, on ne peut nier que la partition de Roméo ne soit écrite dans un style admirable, empreinte d'une couleur pleine de poésie, chaude et généreuse, et que les lignes en soient aussi élégantes que grandioses. C'est là une œuvre largement inspirée, d'un caractère chevaleresque, passionné, hardi et contenu tout à la fois, et qui comptera parmi les plus belles et les plus nobles productions de la musique dramatique du dix-neuvième siècle. Bien des gens placent la partition de Roméo sur le même plan que celle de Faust, et j'avoue que pour moi ceux-là n'ont pas tout à fait tort, en dépit des objections soulevées par certains esprits réservés dont je parlais tout à l'heure. Après un long silence, M. Gounod reparut à la scène avec deux productions d'un caractère particulier ; je veux parler de la musique écrite par lui pour deux drames en vers, l'un, les Deux Reines, représenté au théâtre Ventadour en 1872, l'autre, Jeanne d'Arc, donné à la Gaîté l'année suivante ; les partitions de ces deux ouvrages consistent en chœurs, intermèdes symphoniques, chansons, etc. Au reste, M. Gounod a touché à presque tous les genres ; dans différents ordres d'idées, il faut mentionner ses symphonies, ses nombreuses mélodies vocales, qui se rapprochent du lied allemand et dont quelques-unes, particulièrement la Sérénade, ont eu tant de vogue, enfin ses chœurs orphéoniques, ses cantates, et ses chœurs avec orchestre. Mais c'est surtout comme compositeur de musique religieuse que le maître a droit de fixer aussi l'attention du public ; là surtout les tendances mystiques de son esprit, les ferventes ardeurs de sa jeunesse, l'ont servi avec un rare bonheur ; aussi son talent et sa fécondité se sont affirmés sous ce rapport avec un véritable éclat. Il suffira de citer, parmi les œuvres écrites par lui pour l'église, les Sept Paroles du Christ, sa messe de Requiem, ses messes solennelles, son petit oratorio de Tobie, la paraphrase française du psaume Super flumina Babylonis, et ses nombreux motets. On a même parlé, il y a quelques années, d'un grand drame sacré, intitulé Sainte Geneviève, dont M. Gounod avait écrit la musique sur un poème de M. Freppel, aujourd'hui évêque d'Angers, alors doyen du chapitre de Sainte-Geneviève à Paris. Mais, jusqu'ici, cet ouvrage important n'a pas vu le jour. M. Gounod est revenu aujourd'hui à Paris, après un séjour de quelques années à Londres, où il s'était rendu pendant la guerre de 1870-1871. À cette époque il s'était établi en cette ville, et y avait formé un chœur d'amateurs des deux sexes (Gounod’s Choir), à l'aide duquel il donna de nombreuses séances musicales et pour lequel il écrivit de nombreuses compositions. Le public anglais témoigna à l'auteur de Faust une sympathie presque ardente, qui n'était pas sans analogie avec celle que, plus d'un siècle auparavant, il avait témoignée à Haendel ; l'enthousiasme en sa faveur s'affirmait en toute occasion, et la preuve s'en trouve surtout dans l'accueil qui lui fut fait à Albert-Hall lorsque, pour l’inauguration de l'Exposition universelle, le 1er mai 1871, il fit entendre, sous sa direction, sa grande cantate Gallia, écrite expressément pour la circonstance (*). Heureux de posséder parmi eux un si grand artiste, les Anglais, dit-on, espéraient que M. Gounod se fixerait pour toujours dans leur pays et deviendrait leur en quelque sorte. En France même, on taxait volontiers M. Gounod d'indifférence et d'ingratitude envers sa patrie malheureuse, si bien qu'en 1872 il crut devoir écrire de Spa, où il se trouvait alors, la lettre suivante au directeur d'un journal de Paris : « ... Un de mes amis, en me communiquant le numéro d'aujourd'hui (26 septembre) de votre estimable journal, où je suis qualifié « l’Anglais Gounod », ajoute que ce n'est pas la première fois que le Gaulois a la délicate attention de me défigurer ainsi. Assurément, si je n'étais Français, je voudrais être Anglais, et je mentirais à la justice autant qu'à l’amitié, si je ne profitais pas de l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à tout ce que j'ai rencontré de noble, de délicat et de profondément sûr et dévoué dans les affections qui m'attendaient en Angleterre. Mais je ne sache pas qu'aucun acte ou aucune parole de ma vie, privée ou publique, ait donné à qui que ce soit le droit de me fabriquer un acte de naturalisation. Je n'ai pas à juger les personnes qui se font naturaliser ; elles peuvent avoir pour elle des raisons que je n'ai pas qualité pour apprécier. Ce que je puis dire, c'est que la notion de patrie n'est nullement, à mes yeux, une notion géographique, mais une notion morale : c'est qu'on peut rester Français et très Français en vivant ailleurs qu'en France ; c'est qu'on n'est pas déserteur ni renégat pour être voyageur ; c’est qu'un homme appartient à son pays par le nom qu'il en a reçu et qu'il tâche de lui laisser le plus honorable et le plus illustre, en retour de sa naissance ; c'est qu'enfin Haendel a passé trente ans de sa vie en Angleterre, comme Rossini et Meyerbeer en France, pour la gloire de leur patrie. Je m'étonne, Monsieur, que dans ce temps où nous avons, d'une part, si cruellement souffert, et où, de l'autre, tant d'efforts s'accomplissent, en dépit de l'horreur des guerres, pour arriver à ce que les peuples voient dans les idée de solidarité autre chose qu'un vain mot, je m'étonne, dis-je, qu'à une telle époque un Français qui a laborieusement consacré sa vie à l'honneur de l'art français, trouve chez ses compatriotes un journal qui se charge de le mettre au ban de son pays et à l'index de ses concitoyens. … Je vous prie de vouloir bien, par l'insertion de cette lettre dans votre journal, me permettre de rectifier, aux yeux de vos lecteurs, la méprise dont j'ai été l'objet, et dont je désire que le désaveu soit public comme l'a été l'erreur. Recevez, etc. Charles Gounod. »
(*) Quatre grandes compositions avaient été demandées, en cette occasion, à quatre artistes différents : M. Sullivan pour Angleterre, M. Gounod pour la France, M. Ferdinand Hiller pour l'Allemagne, et M. Pinsuti pour l'Italie. Voici le titre inscrit sur le manuscrit original de la partition de M. Gounod : « Gallia, élégie biblique avec chœurs, soli, orchestre et orgue, composée pour l’ouverture de l’Exposition internationale de Londres et exécutée pour la 1re fois le 1er mai 1871 dans Royal-Albert Hall. Charles Gounod. » — M. Gounod avait traduit lui-même un épisode des Lamentations de Jérémie, appliqué dans son esprit à la situation cruelle de la France à cette époque, et c’est sur ces paroles qu’il avait écrit sa musique.
C'est perdant son séjour en Angleterre que M. Gounod termina sa partition de Polyeucte, depuis si longtemps commencée, et qu'il écrivit celle de George Dandin, sur la prose même de Molière (*). Ces deux ouvrages n'ont pas encore été représentés, et si leur caractère profondément dissemblable a trouvé néanmoins le musicien à la hauteur de la tâche qu'il s'est imposée en les écrivant, on peut compter sur deux œuvres qui auront leur large part dans l'éclat de sa renommée. Mais l'artiste s'est produit une fois encore, et d'une façon importante, depuis son retour en France. Lorsqu'en 1876 M. Carvalho fut appelé à la direction de l'Opéra-Comique, il n'eut garde d'oublier qu'il devait à M. Gounod une partie de la prospérité dont le Théâtre-Lyrique avait joui naguère sous sa direction, et que c'est à ce théâtre qu'avaient vu le jour Faust, le Médecin malgré lui, Mireille, Philémon et Baucis et Roméo et Juliette. Il demanda donc à M. Gounod un nouvel ouvrage, et celui-ci écrivit, avec un peu de hâte peut-être, la partition de Cinq-Mars, qui parut à l'Opéra-Comique le 5 avril 1877. L'œuvre était inégale, par suite de la précipitation avec laquelle elle avait été conçue, mais elle renfermait de grandes beautés et des parties puissantes, dignes en tout point du génie de l'auteur. Si le succès de Cinq-Mars, d'ailleurs très réel, n'a pas été plus considérable encore, je crois qu'il faut s'en prendre et la trop grande rapidité qui a présidé à sa mise à la scène, et aux imperfections qu'on a pu relever dans l'exécution de cette œuvre, qui aurait exigé des interprètes de premier ordre.
(*) M. Gounod a fait connaître ses idées sur l'emploi de la prose en musique, par une préface écrite pour cette partition de George Dandin. Cette préface a été publiée par plusieurs journaux, entre autres par la Revue et Gazette musicale, dans son numéro du 17 octobre 1878.
Quelque peu d'entraînement que ses détracteurs — car il en a — puissent éprouver pour le génie de M. Gounod, ils ne peuvent du moins nier ce génie, sa puissance, son action sur le public. D'ailleurs, les artistes ainsi discutés ne sont que ceux qui possèdent une véritable valeur. Plus noble que majestueux, plus tendre que pathétique, plus rêveur qu'enthousiaste, plus réfléchi que spontané, l'immense talent de l'auteur de Faust brille par un assemblage de qualités bien rares, et dans ce talent on peut presque dire que l'étude, une étude constante et infatigable, a presque autant de part que l'inspiration. Non seulement M. Gounod est un lettré fin, délicat, singulièrement instruit, versé dans la connaissance des langues et des chefs-d'œuvre, mais, au point de vue musical, peu d'artistes se sont, comme lui, nourris de la moelle des lions. Il n'est pas un grand musicien que M. Gounod ne sache pour ainsi dire par cœur, et il exprime son admiration à l'égard des maîtres avec un véritable enthousiasme. C'est lui qui, un jour, venant d'entendre au Conservatoire la Symphonie avec chœurs de Beethoven, court à un ami et lui crie, le visage en feu et tout en agitant la partition : C'est la Bible du musicien ! C’est lui qui encore, dans an salon où l'on causait musique et où l'on discutait sur le rang qu'il fallait attribuer à chaque compositeur, prit la parole et exprima ainsi sa pensée : « Si les plus grands maîtres, Beethoven, Haydn, Mozart, étaient anéantis par un cataclysme imprévu, comme pourraient l'être les peintres par un incendie, il serait facile de reconstituer toute la musique avec Bach. Dans le ciel de l’art, Bach est une nébuleuse qui ne s'est pas encore condensée. » J'ai dit que l'étude a presque autant de part que l'inspiration dans le talent de M. Gounod, ce qui est le fait de tous les artistes vraiment supérieurs ; on peut ajouter que ce talent acquiert une couleur toute personnelle, toute particulière, par l'alliance des sentiments presque mystiques de l'artiste avec une compréhension très vive des passions humaines et des orages du cœur. Il est resté à M. Gounod, dans le cours de sa carrière, comme une sorte de ressouvenir de ses premières années vouées par lui aux études théologiques, de son penchant pour la vie monastique et pour le séjour du cloître ; peut-être est-ce là ce qui caractérise son génie d'une façon toute spéciale, ce qui lui donne son originalité, sa couleur propre et sa saveur exceptionnelle, bien qu'il soit difficile, on le comprend, de déterminer avec précision la part d'influence que les idées et les aspirations de sa jeunesse ont pu conserver plus tard sur son imagination, au profit ou aux dépens de sa personnalité artistique. Musicalement, et en ce qui se rapporte au théâtre, M. Gounod est plus spiritualiste que matérialiste, plus poète que peintre, plus élégiaque et plus nerveux que foncièrement pathétique. C'est peut-être là ce qui a fait dire qu'il manque de sens dramatique ; en quoi l'on s'est trompé, car ce n'est point le sens dramatique, c'est-à-dire la perception passionnée, qui parfois fait défaut à M. Gounod : ce serait, à proprement parler, le tempérament. Toujours est-il que l'auteur de Faust, de Roméo et du Médecin malgré lui reste un vrai poète, un créateur inspiré, un artiste de premier ordre et de haute lignée, et sinon de ceux qui éclairent le monde et l'illuminent d'une lueur radieuse, du moins de ceux qui le charment et qui l'émeuvent, qui le touchent, l'attendrissent et le font penser. Le catalogue des compositions de M. Gounod, extrêmement abondant, n'est point facile à dresser, surtout à cause de ce fait que, pendant son séjour en Angleterre, l'artiste a écrit, et publié à Londres un grand nombre de morceaux de chant sur paroles anglaises, morceaux dont la liste exacte et complète est malaisée à produire. Voici cependant la nomenclature la plus étendue qui ait encore été faite des œuvres de M. Gounod. — A. MUSIQUE DRAMATIQUE. 1° Sapho, grand opéra en 3 actes, Opéra, 16 avril 1851 ; — 2° Chœurs pour Ulysse, tragédie en 5 actes de Ponsard, Comédie-Française, 18 juin 1852 ; — 3° la Nonne sanglante, grand opéra en 5 actes, Opéra, 18 octobre 1854 ; — 4° le Médecin malgré lui, opéra-comique en 3 actes, Théâtre-Lyrique, 15 janvier 1858 (repris plus tard à l'Opéra-Comique) ; — 5° Faust, opéra dialogué en 5 actes, Théâtre-Lyrique, 19 mars 1859 (repris à l'Opéra, avec des récitatifs remplaçant le dialogue et quelques modifications dans la partition, le 3 mars 1869) ; — 6° Philémon et Baucis, opéra en 3 actes, Théâtre-Lyrique, 18 février 1860 (repris à l'Opéra-Comique, réduit en 2 actes, en 1876) ; — 7° la Reine de Saba, grand opéra en 4 actes, Opéra, 29 février 1862 ; — 8° Mireille, opéra dialogué en 5 actes, Théâtre-Lyrique, 19 mars 1864 (réduit à 3 actes le 15 décembre de la même année, et reprit à l'Opéra-Comique, sous cette dernière forme, en novembre 1874) ; — 9° la Colombe, opéra-comique en 2 actes (écrit pour le théâtre de Bade et représenté en cette ville en 1860), Opéra-Comique, 7 juin 1866 ; — 10° Roméo et Juliette, grand opéra en 5 actes, Théâtre-Lyrique, 27 avril 1867 (repris à l'Opéra-Comique le 20 janvier 1873) ; — 11° Chœurs et musique symphonique pour les Deux Reines de France, drame en 4 actes de M. Ernest Legouvé, théâtre Ventadour, 27 novembre 1872 ; — 12° Chœurs et musique symphonique pour Jeanne d'Arc, drame de M. Jules Barbier, théâtre de la Gaîté, 8 novembre 1873 ; — 12° bis. Cinq-Mars, opéra dialogué en 4 actes, Opéra-Comique, 5 avril 1877 ; — 13° et 14° Polyeucte, George Dandin, opéras non représentés. — B. MUSIQUE RELIGIEUSE. 15° Messe de Requiem, exécutée à l'église Saint-Charles, de Vienne, en 1842 ; — 16° Messe solennelle, exécutée à Paris, en l'église Saint-Eustache, en 1849 ; — 17° Messe brève ; — 18° Deuxième messe de Requiem (Londres, Goddard) ; — 19° Deux messes ; — 19° bis. Messe du Sacré-Cœur de Jésus, pour quatre voix, chœur, orchestre et orgue, exécutée à Paris, en l’église Saint-Eustache, le 22 novembre 1876 ; — 20° Stabat Mater ; — 21° Tobie, « petit oratorio » ; — 22° les Sept paroles du Christ ; — 23° Messe Angeli Custodes ; — 24° Pater noster ; — 25° Près du fleuve étranger, chœur avec accompagnement d'orchestre ; — 26° Jésus de Nazareth ; — 27° Ave verum ; — 28° O Salutaris hostia, pour voix seule avec chœur et orgue ; — 29° Te Deum ; — 29° bis. Jésus sur le lac de Tibériade, « scène tirée de l’Evangile », pour baryton solo, chœur et orchestre, exécutée à Paris en 1876 ; — 30° Magnificat ; — 31° Vexilla regis ; — 32° Christus factus est, offertoire à une voix ; — 33° Six nouveaux cantiques, pour solo ou chœur (1. Le ciel a visité la terre ; 2. Le nom de Marie ; 3. Chantez, voix bénies ; 4. Le Départ des Missionnaires ; 5. L'Anniversaire des martyrs ; 6. Notre-Dame des Petits-Enfants), Paris, Choudens. — C. MUSIQUE SYMPHONIQUE. 34° 1re Symphonie, en ré ; — 35° 2e Symphonie, en mi bémol, Paris, Choudens ; — 36° La Reine des Apôtres, symphonie ; — 37° Marche romaine, Paris, Choudens ; — 38° Prélude de Bach, orchestré (exécuté aux Concerts populaires le 8 décembre 1867). — D. MUSIQUE INSTRUMENTALE. 39° Méditation sur le 1er prélude de Bach, pour voix de soprano, violon, piano et orgue ; — 40° le Calme, méditation pour violon solo, avec orchestre ; — 41° la Pervenche, le Ruisseau, le Soir, le Calme, Chanson de printemps, romances sans paroles, pour piano (Paris, Choudens) ; — 41° bis. Dix morceaux originaux pour piano (1. L'Angélus, impromptu ; 2. Menuet ; 3. Les Pifferari, impromptu ; 4. Musette, impromptu ; 5. Le Bal d'enfants, valse ; 6. Sérénade ; 7. Royal-Menuet ; 8. Nazareth, chant évangélique ; 9. Prélude : « Près du fleuve étranger » ; 10. Invocation), Paris, Le Beau. — 42° Marche pontificale, pour piano (ib., ib.) ; — 43° 1e Valse, pour piano (ib., ib.) ; — 44° Valse des fiancés, id. (ib., ib.) ; 45° le Rendez-vous, suite de valses, id. (ib., ib.) ; 46° Souvenance, nocturne, id. (ib., ib.) ; 47° Ivy (le Lierre), id. (Londres, Goddard) ; — 48° Convoi funèbre d'une marionnette, id. (ib., ib.) ; — 49° Dodelinette, berceuse à 4 mains (ib., ib.) ; — 50° Méthode de cor à pistons, contenant un exposé des avantages des pistons, les principes élémentaires de l'instrument, huit mélodies connues et quatre morceaux d'études (Paris, Colombier). — E. MUSIQUE VOCALE. 51° Gallia, élégie biblique avec chœurs, soli, orchestre et orgue, composée pour l'ouverture de l'Exposition internationale de Londres et exécutée pour la première fois, le 1er mai 1871, dans Royal-Albert-Hall (Paris, Choudens) ; — 32° A la Frontière, cantate exécutée à l'Opéra le 8 août 1870— 53° Douze chœurs et une cantate (1. Le Vendredi Saint, à 6 voix ; 2. La Nuit, à 6 voix ; 3. Ave verum, à 5 voix ; 4. La Chasse, à 4 voix ; 5. Noël, à 3 voix ; 6. D'un Cœur qui t'aime, double chœur ; 7. Stabat Mater, à 6 voix ; 8. L'Affût, à 4 voix ; 9. Sicut servus, motet à 4 voix ; 10. Prière du soir, à 6 voix ; 11. Le Crucifix, à 6 voix ; 12. Matinée dans la montagne, à 6 voix ; Le Temple de l’harmonie, cantate avec chœurs), avec accompagnement, un vol., Paris, Choudens ; — 54° Chœurs orphéoniques à voix d'hommes, sans accompagnement (la Cigale et la Fourmi, le Corbeau et le Renard, la Danse de l'épée, Chœur de Chasseurs, le Vin des Gaulois, Vive l’Empereur ! Hymne à la France, l’Enclume, Chœur des Amis, etc.) ; — 55° Dans une étable, chœur avec accompagnement d'orchestre ; — 56° Les Gaulois, id. ; — 57° En Avant ! chanson militaire pour solo et chœur, avec accompagnement d'orchestre ; — 58° Chants lyriques de Saül ; 59° Pastorale sur un Noël du dix-huitième siècle, chœur avec orchestre ; — 60° Chœurs dédiés à la Société chorale d'Albert-Hall (Londres, Goddard, 3 vol.) ; — 61° Vingt mélodies pour chant et piano, 1er recueil (Paris, Choudens) ; — 62° Vingt mélodies pour chant et piano, 2e recueil (ib., ib.) ; 63° Vingt mélodies pour chant et piano, 3e recueil (ib., ib.,) ; — 64° Vingt mélodies pour chant et piano, 4e recueil (ib., ib.) ; — 65° Quinze duos pour chant et piano (ib., ib.), extraits pour la plupart des œuvres dramatiques de l'auteur ; — 66° Biondina, petit poème lyrique comprenant douze mélodies écrites sur des paroles italiennes de M. Zaffira conçues dans le style du stornello toscan ; — 67° Enfin un grand nombre d’autres mélodies écrites sur paroles anglaises ou françaises, publiées à Londres (Goddard) et à Paris (Lemoine), et parmi lesquelles je citerai les suivantes : If thou art sleeping Maiden, O ! happy home, Evening song, Sweet Baby, O that we two (avec accompagnement d'alto), April Song, the Worker, Maid of Athens, Thy Will be done, My beloved spake (avec accompagnement de violoncelle), My true love hath my heart, O dille tu, the Fountain mingles with the river, The sea hath ils pearls, To God, ye choir above, There is dew, When in the early Morn, Queen of love, Loin du pays, Ma belle amie est morte, la Fauvette, Si vous n'ouvrez, le Pays bienheureux, Heureux sera le jour, the Message of the Breeze (duo), Little Celandine (duo) ; — 68° Enfin, plusieurs mélodies italiennes à une ou deux voix : Perchè piangi ! Quanti mai, Barcarola (duo), la Siesta (duo), Sotto un cappello rosa, etc. M. Gounod, qui est commandeur de la Légion d'honneur, a été élu membre de l'Institut de France (Académie des Beaux-Arts) le 19 mai 1866, en remplacement de Clapisson. Les deux écrits suivants ont été publiés sur M. Gounod : 1° Ch. Gounod, par Jules Claretie (dans sa série de Portraits contemporains), Paris, Librairie illustrée, 1875, in-18° de 16 pages avec portrait ; 2° Autobiographie de Ch. Gounod, et articles sur la routine en matière d’art, édités et compilés avec une préface par Mme Georgina Weldon, Londres, William Reeves, in-8°, s. d. [1875] (*). Je signalerai aussi deux articles publiés sous ce titre : « Charles Gounod, par Arthur Pougin », dans le journal l'Art des 1er et 8 avril 1877 ; on trouvera dans ces articles des détails inconnus et particulièrement intéressants sur le grand artiste, ainsi que la reproduction d'un portrait jusqu'alors inédit de M. Gounod peint par Ingres en 1844, pendant son séjour à Rome comme pensionnaire de l'Académie de France.
(*) Mme Weldon, chez qui M. Gounod avait fixé sa demeure lors du séjour qu'il fit en Angleterre, qui, la première, a chanté à Paris, aux concerts du Conservatoire, sa cantate Gallia, et avec qui il a eu ensuite des démêlés que je n'ai pas à apprécier ici, s’est servi, pour cette publication, de plusieurs écrits de M. Gounod qui lui étaient restés entre les mains. Ce petit recueil est donc formé de plusieurs articles de M. Gounod, qui portent les titres suivants : le Public ; la Critique ; la Propriété artistique ; les Auteurs ; la Critique musicale anglaise ; Préface à « George Dandin », comédie de Molière, musique de Charles Gounod ; les Interprètes ; l'Enseignement ; les Compositeurs-chefs d'orchestre ; les Pères de l’église de la musique, études esthétiques. Mme Weldon, qui semble d’ailleurs avoir mis à profit le séjour de M. Gounod en Angleterre, l’a pris encore pour prétexte des publications suivantes, toutes faites à Londres : 1° Mon orphelinat et Gounod en Angleterre, lettres et documents originales (sic) ; 2° Mon orphelinat et Gounod en Angleterre, récit ; 3° La destruction du Polyeucte de Ch. Gounod, mémoire justificatif ; 4° La Réforme musicale. Les Concerts Gounod, et autres articles sur le « Métier musical » ; 5° La Querelle de la compagnie du Royal Albert Hall avec M. Ch. Gounod ; 6° Le Troisième « Faust ».
(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1878-1880)
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Charles Gounod en 1869, l'année où Faust est entré au répertoire de l'Opéra [photo Mayall]
Charles Gounod [photo Etienne Carjat]
Charles Gounod en 1870 [photo Goupil]
une soirée donnée à Paris dans le salon de Mme Mihály von Munkácsy : Franz Liszt au piano ; derrière lui, Mme Munkácsy et Charles Gounod ; au centre, Camille Saint-Saëns ; au premier rang à gauche, Alphonse Daudet (peinture de Frédéric Régamey)
GOUNOD FRANÇOIS-CHARLES
compositeur français, né à Paris, le 17 juin 1818. De bonne heure, il montra une vocation irrésistible pour la musique, mais surtout pour la musique religieuse. Tout jeune, quand on le laissait seul, ils transformait sa petite chambre en cathédrale. Il fermait les persiennes, allumait toutes les bougies qu'il avait pu trouver dans la maison, dressait un autel sur la commode, brûlait des pastilles du sérail et se faisait un grand orgue avec son accordéon, sur lequel il jouait des airs sacrés de sa composition.
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On le plaça au collège ; mais ni le latin ni le grec ne purent avoir raison de cette vocation. Dans l’intervalle des études, et souvent même pendant la classe, il mettait Virgile en plain-chant et ses pensums en fugue. Il fallut céder à ce penchant, et le jeune Gounod fut placé au Conservatoire où il suivit les cours d’Halévy, et travailla la composition sous la direction de Lesueur et de Paer. Ses parents, comme beaucoup de parents d’ailleurs, avaient vu avec inquiétude leur fils manifester le désir d’embrasser une profession artistique, et s’en étaient fortement plaints au proviseur du collège. L’occasion est peut-être opportune de constater ici qu’en général la carrière de la bonneterie a cette supériorité sur celle des arts, qu’on y entre presque toujours de force et pour satisfaire à la vocation irrésistible de… ses parents, tandis que pour arriver à se faire artiste, il faut commencer par escalader les formidables répugnances paternelles.
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Sur dix familles, neuf, au moins, considèrent comme un affreux malheur le goût d'un de leurs rejetons pour un des métiers interdits aux imbéciles, et il n'est pas rare de rencontrer un père qui vous aborde ainsi : « — Ah !... si vous saviez !... Mon fils Julien me donne bien de l'inquiétude !... Ce malheureux enfant est en train de mal tourner !... — Vraiment ! ajoutez-vous... Une déviation de la colonne vertébrale ? Il faut vite voir un spécialiste !... — Ah ! si ce n'était que cela, reprend le père, mais c'est autrement grave... Julien veut être artiste !... comprenez-vous cela !... Un enfant à qui je conservais ma fabrique de pâtes alimentaires !... »
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Ce fut à peu près le cas de Charles Gounod. Destiné à la carrière tranquille du professorat, il dut lutter pour échapper aux étreintes d'un éteignoir qu'une tendre sollicitude avait rêvé de placer sur son génie. — Du reste, il ne donna pas le temps à ceux qui avaient douté de lui de déplorer son insoumission : à dix-neuf ans, il remportait un second prix, et deux ans après, le premier grand prix de Rome. On le voit, à peine au début de sa carrière, il se couvrait le front de tant de lauriers, qu'il ne laissait pas le plus petit coin disponible pour y placer les malédictions paternelles.
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Arrivé à Rome, M. Gounod donna libre cours à sa toquade pour la musique religieuse. Il fit exécuter un grand nombre de messes, de Requiem, de Salutaris, de Tamtum ergo, etc., etc., enfin, un tas de compositions auxquelles nous eussions préféré le moindre morceau réussi de musique dite profane. Nous demandons à expliquer notre irrévérence à l'égard de la musique dite sacrée. Autant nous comprenons que la fanfare d'un régiment donne une aubade à son colonel à l'occasion de sa fête, autant nous avons de peine à admettre que l'homme ait la vanité énorme de se croire agréable au Seigneur en lui jouant du trombone, sans s'inquiéter s'il l'aime. D'ailleurs, cette innocente critique fait partie, nous l'avouons, d'un petit lot complet d'idées bien arrêtées qui sont les nôtres en matière de culte religieux. Nous avons une horreur profonde pour la mise en scène dans les églises, depuis le jour où, étant entré à Notre-Dame-de-Lorette pour nous y recueillir à la suite d'un chagrin domestique, nous avons été distrait de notre fervente prière par tant de lustres éblouissants aux plafonds, de dorures criardes aux confessionnaux, de mélodies mondaines exécutées sur l'orgue, de quêtes interminables, et de suisses bariolés aux coups de canne retentissants, qu'il nous a fallu sortir du saint lieu étourdi, aplati, ahuri... et attendre le soir que le Vaudeville fût ouvert pour y trouver enfin le calme bienfaisant et cette tranquillité sainte dont ont besoin les âmes disposées à la méditation.
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M. Charles Gounod revint à Paris et fut nommé directeur de la musique à l'église des missions étrangères. A cette époque, son existence devint tellement austère que l'on crut un instant qu'il allait embrasser l'état ecclésiastique ; mais il n'en fut rien ; et en fait d'ordres, il ne reçut que celui de la Légion d'honneur, qui lui fut offert en 1857. En 1851, M. Gounod donna son opéra : Sapho, dont le livret était de M. Emile Augier, puis les chœurs d'Ulysse, de Ponsard. Ces œuvres de haute science (les profanes prononcèrent de haut embêtement) établirent la réputation de M. Gounod aux yeux des vrais amateurs de musique sérieuse ; mais elles ne suffirent pas à provoquer l'enthousiasme du public, composé de gens qui demandent à être empoignés par une œuvre musicale avant de l'avoir entendue cinquante-neuf fois.
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En 1854, la Nonne sanglante, représentée à l'Opéra, n'eut pas un sort beaucoup meilleur, quoique, de l'avis des connaisseurs, cette partition contînt des pages de premier ordre. Mais le Médecin malgré lui, donné au Théâtre-Lyrique en 1858, fit enfin sortir M. Gounod du huis clos d'une célébrité un peu courte de rayonnement. Cette fois, M. Gounod avait mis dans le mille en écrivant une partition expressive et spirituelle, ce qui ne l'empêchait pas le moins du monde d'être savante. On le complimenta très fort de cette œuvre claire et saisissante ; et le Tintamarre lui-même félicita le maître et termina son éloge par cette leçon à l'usage de tous les compositeurs prétentieux et assommants : En art, la science ne doit servir qu'à faire croire qu'elle ne sert à rien.
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La chanson des Glous-glous, du Médecin malgré lui, est passée à la postérité ; mais on prétend que M. Gounod a eu souvent des remords d'avoir un instant lâché ses nuages pour composer une chanson bachique. Enfin, en 1859, Faust vint mettre le comble à la renommée de M. Gounod. Puis vinrent Philémon et Baucis, la Reine de Saba et Mireille, dont le succès fut loin d'être aussi vif que celui de Faust, mais qui n'en contiennent pas moins de merveilleuses choses.
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Avec Roméo et Juliette, M. Gounod retrouva presque ce triomphe. Un grand nombre de mélodies et le célèbre Ave Maria sur le prélude de Bach complètent ce bagage imposant.
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Plus récemment, M. Gounod a écrit la musique de deux opéras : Polyeucte et le Tribut de Zamora. Pour ces dernières œuvres, il a de nouveau donné carrière à son mysticisme chronique et invétéré. S'il a retrouvé, dans ce travail, son genre de prédilection, il y a retrouvé aussi l'insuccès qui avait accompagné ses précédentes œuvres de la même marque. M. Gounod devrait décidément conserver ce genre pour quand il sera maître de chapelle dans le Paradis. Là haut, ce sera peut-être très gai, eu égard au peu de distractions qui émailleront — dit-on — la vie éternelle ; mais, ici-bas, c'est d'un triste horrible.
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Au physique, M. Gounod est un homme au regard intelligent et profond. L'expression du visage a des intermittences de rigidité monacale et de gauloiserie rabelaisienne. Quand il est dans ses mauvais jours, il compose des marches funèbres à en faire bâiller le mort que l'on porte en terre. Quand il est dans ses bons moments, il trouve les Glous-glous ou la valse de Faust.
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De temps en temps, M. Gounod donne des inquiétudes à ses amis en leur annonçant son intention d'entrer à la Trappe. Mais la crise passe assez vite.
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On a dit qu'en 1872, il s'était fait naturaliser anglais sans que l'on sût à quelle cause attribuer cette résolution. Si le fait est vrai, nous pensons qu'il n'a pu renoncer à sa nationalité que pour ne point être compatriote d'Albert Wolff, qui parlait de se faire naturaliser Français.
Mai 1882.
NOTICE COMPLÉMENTAIRE Dates à remplir PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE
M. Gounod est repris par ses idées noires le … 18.. ; il met les litanies en musique. — Le ... 18.. il revient à la santé et demande l'autorisation d'écrire une partition sur les Pensées d'un paveur en chambre du Tintamarre, de Briollet. — Enfin, il meurt le ... 19.., au moment où, succombant à un nouvel accès plus grave que les précédents, il allait entreprendre de mettre en récitatifs tous les articles de Francis Magnard.
(texte par Touchatout [Léon-Charles Bienvenu, 1835-1910], caricature par Benjamin Moloch, le Trombinoscope, 1882 [coll. ALF])
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Charles Gounod par Carolus-Duran, 1890 [Château de Versailles]
INSTITUT DE FRANCE ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS
FUNÉRAILLES DE M. GOUNOD MEMBRE DE L'ACADÉMIE Le vendredi 27 octobre 1893
DISCOURS DE M. GÉRÔME PRÉSIDENT DE L'ACADÉMIE
Messieurs, Le confrère, l'ami à qui nous venons adresser un suprême adieu, fut un grand artiste dans la plus haute et la plus noble acception du mot. Son œuvre est considérable ; la popularité dont quelques-uns de ses opéras ont joui de son vivant a consacré son génie : Charles Gounod aura dans l'histoire de l'Art musical, pendant la seconde moitié de ce siècle, une page glorieuse et son nom sera inscrit à côté de ceux des maîtres les plus illustres et les plus admirés. Oui, Messieurs, celui-là fut un grand artiste qui, dans sa longue carrière, n'eut d'autre préoccupation que de donner à l'art qu'il cultivait, qu'il aimait d'un amour sincère, des gages de sa fidélité. Il peut y avoir dans son œuvre de ces inégalités, des ces faiblesses que les plus fervents disciples de l'Art ont connues ; mais on n'y trouvera pas trace de la moindre concession au mauvais goût, du moindre sacrifice à ces exigences de la mode, auxquelles d'autres moins scrupuleux que lui ne cèdent quelquefois que trop volontiers. Le caractère de ses ouvrages pouvait, en se modifiant, forcer son inspiration à descendre des sommets où elle se plaisait. Mais il restait toujours le musicien impeccable qui, dans ses conceptions les plus légères, a toujours su éviter la banalité. Cette dignité qu'il apportait dans l'accomplissement de sa tâche se retrouvait mêlée aux finesses de l'esprit le plus délicat, le plus fin dans les relations ordinaires de sa vie qui ne fut pourtant exempte ni d'agitation ni de désenchantement. Deux vocations bien différentes se manifestèrent en lui dès les premières années de sa jeunesse : ses idées mystiques l'attirèrent jusqu'au seuil du cloître où, fort heureusement, ses rêves d'artiste vinrent l'arrêter : mais, l'empreinte que la foi religieuse avait mise dans l'âme du jeune néophyte ne s'effaça jamais ; on la retrouve tout aussi bien dans les œuvres d'église du grand musicien que dans ses compositions dramatiques, et s'il ne suivit pas l'exemple de quelques vieux maîtres qui, sur la première page de leurs œuvres, traçaient une inscription latine : A la gloire de Dieu, ad majorem Dei gloriam, il n'en était pas moins convaincu que toute inspiration vient d'en haut et que si l'étude donne le talent, c'est Dieu seul qui donne le génie. Il ne m'appartient pas de dire, Messieurs, si les compositions religieuses de Gounod l'emportent, au point de vue de la valeur intrinsèque, sur ses œuvres profanes. Mais il est incontestable que celles-ci, bien plus que les autres, ont contribué à donner à son nom un relief, un éclat, et surtout une popularité que peu de compositeurs ont obtenue de leur vivant, au même degré que lui. Gounod est le maître français par excellence, le musicien resté français quand même, ferme dans ses convictions, demeuré indifférent à toute influence étrangère, un de ceux que l'École française a fait éclore et dont elle peut à bon droit s'enorgueillir. Adieu, Gounod ! tes œuvres resteront, et ton souvenir laissera dans le cœur de ceux qui t'ont connu, qui t'ont aimé, un éternel regret.
DISCOURS DE M. AMBROISE THOMAS DIRECTEUR DU CONSERVATOIRE NATIONAL DE MUSIQUE
Messieurs, Malgré ma douleur, malgré ma profonde émotion, j'ai tenu à venir apporter à Charles Gounod le solennel hommage du Conservatoire National de Musique. Aurais-je pu croire, alors que mon cher et illustre confrère voulut bien, il y a un an, présider à ma place nos concours publics, que ce serait moi qui lui rendrais les derniers devoirs ! Je n'ai pas, Messieurs, à retracer la glorieuse carrière de Gounod ; ce que j'ai à cœur de dire ici, c'est l'intérêt qu'il n'a jamais cessé de porter à notre Conservatoire, c'est la reconnaissance que lui doivent nos élèves qui ont toujours trouvé en lui, en même temps qu'un juge indulgent, un conseiller d'une bienveillance inépuisable. Il avait tout particulièrement pour nos élèves compositeurs une sollicitude dont il était impossible qu'ils ne fussent pas touchés. Et comment ces jeunes gens n'auraient-ils pas été impressionnés, non seulement par son exemple, mais encore par sa parole éloquente, par son culte des grands maîtres et son admiration passionnée pour leurs chefs-d'œuvre ! Qu'il me soit permis de dire aussi, en quelques mots, ce que furent mes rapports personnels avec celui que nous pleurons. Tous deux élèves de Lesueur, j'avais pu, depuis notre jeunesse, apprécier son esprit et son cœur ; longtemps nous avons marché côte à côte, et à mesure que nous avancions vers le soir de notre existence, notre affection grandissait, son amitié semblait devenir plus tendre. C'est au nom de l'École où nous avons tous deux achevé nos études, c'est au nom de ce Conservatoire qui a toujours applaudi à ses triomphes, au nom de la Société des concerts qui toujours l'a compté parmi ses fidèles, que je dis le suprême adieu au compositeur admiré, regretté aujourd'hui par le monde entier, au Maître qui restera l'un des plus glorieux représentants de l'École Française.
DISCOURS DE M. SAINT-SAËNS MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Messieurs, Charles Gounod a été l'éducateur artistique de la génération de jeunes musiciens dont j'ai fait partie. Bizet, Guiraud, qui ont laissé dans nos souvenirs et dans nos cœurs une trace si profonde, ont été comme moi ses disciples, et c'est à ce titre de disciple que je joins ma voix aux voix illustres que vous venez d'entendre pur lui apporter le tribut de ma reconnaissance. La postérité, à laquelle il appartient désormais, dira quelle influence bienfaisante et féconde il a eue sur l'école française, quel surcroît d'éclat il a su lui apporter. Elle le verra peut-être autrement que nous, pour qui Gounod est surtout l'auteur d'opéras célèbres, applaudis dans le monde entier. Les œuvres de théâtre sont plus ou moins éphémères, et Gounod a mis le meilleur de son génie dans des œuvres religieuses qui lui conserveront l'admiration du public futur, quand les siècles écoulés auront relégué dans les archives de l'art les œuvres théâtrales qui nous passionnent aujourd'hui. Alors le monde musical appréciera à sa vraie valeur le grand artiste que nous pleurons. Son nom grandira d'âge en âge, parce qu'aux dons brillants d'une nature d'exception, il a joint l'amour du travail, celui du beau, le culte de l'art. Gounod a aimé l'art plus que tout au monde ; l'art, en retour, lui donnera l'immortalité.
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Charles Gounod, dessin de Baudé, 1893
lettre de Charles Gounod au ténor Théodore Stéphanne
Charles Gounod, d'après une photographie
Monument de Gounod.
Un comité, constitué sur l'initiative de la Société philharmonique de Saint-Cloud, décida d'élever dans cette localité un monument à la mémoire de Gounod, qui y fit de fréquents séjours. Le monument est une réplique en bronze (fondue par A.-A. Hébrard) du buste de Gounod par Carpeaux. Elle se dresse sur un socle en face de l'église. L'inauguration eut lieu le 2 juin 1907. Des discours furent prononcés par Maurice Leblond, président du comité, Belmontet, maire de Saint-Cloud, Saint-Saëns, Dujardin-Beaumetz.
(Larousse Mensuel Illustré, août 1907)
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photo de Charles Gounod [collection Viollet]
au cours de la séance du 27 avril 1889 à l'Académie des Beaux-Arts, Charles Gounod enregistre sur le nouveau phonographe d'Edison
Pour élever ses deux fils : Urbain et Charles, Victoire Gounod-Lemachois, veuve du graveur François-Louis Gounod, donnait des leçons de piano. Au cours que donnait sa maman, le petit Charles montrait des aptitudes plutôt rares. Il ne fut d'ailleurs pas moins bon élève à l'Institut Leteillier, puis au lycée Saint-Louis où il resta jusqu'au baccalauréat. Néanmoins, pendant cette période, le compositeur se manifeste déjà de diverses façons. Va-t-il être musicien ? La mère, inquiète, avise le proviseur du lycée qui la rassure. Pour décourager le jeune homme on lui fait subir diverses épreuves. Rien n'y fait : sa vocation s'affirme et Mme Victoire Gounod se résigne à l'inévitable. Sous les directions successives de Reicha, Halévy, Berton, Lesueur et Paer, Charles Gounod apprend la technique de son métier. Arrivé au terme de ses études il lui reste encore à mériter le grand prix de Rome qu'il n'obtiendra qu'au troisième essai, en 1839. A Rome il devint mélancolique. La Ville Eternelle le décevait. Mais bientôt son humeur changea. Ses aspirations religieuses (très superficielles en somme), son enthousiasme, sa mobilité de caractère, trouvaient à tous les carrefours de quotidiens sujets d'excitation. La mélancolie de Gounod était d'ailleurs une charmante compagne. Elle le traitait avec douceur, donnait à sa vie la délicieuse nostalgie d'un monde imaginaire, lui inspirait ses premiers poèmes : le Vallon... le Soir... Ce fut un heureux temps. Mais le règlement imposé par l'Institut obligeait Gounod à se rendre à Vienne. Adieu donc Rome, adieu très chers amis, belle Italie, adieu ! A Vienne, Lévy, célèbre corniste, présente Gounod au comte Stockhammer. L'entrevue aura des suites heureuses : exécution d'une messe écrite à Rome et la commande d'un Requiem. Bref séjour à Leipzig puis retour à Paris où il fut inopinément terrassé par un accès de fièvre religieuse. La température montait dangereusement. Une médication s'imposait. Il suivit donc les cours de théologie au séminaire de Saint-Sulpice. Mais bientôt l'inconstant séminariste rendit sa soutane, laissa pousser sa barbe et rêva de théâtre. Plus tard, en souvenir, sans doute, de cette crise de foi, dans un petit oratoire attenant à son cabinet de travail, Gounod, revêtu d'une robe de moine, entrait parfois en religion. Mais cela ne durait guère. Juste le temps d'une oraison. Puis, sans transition, nouvelle métamorphose et notre « révérend » retournait à son piano. Donc, à peine au sortir du séminaire, l'ex-abbé écrivit la musique de Sapho : opéra en trois actes qui fut créé en 1851. Trois ans plus tard, l'Opéra représentait la Nonne Sanglante : une sombre affaire en cinq actes. Dès la onzième représentation, cette Nonne, désormais silencieuse, entrait dans les archives de l'Opéra. Alors, pour se consoler, Gounod composa sa Messe de Sainte-Cécile, puis le Médecin malgré lui. Mais la première de Faust approchait. Elle eut lieu le 19 mars 1859 devant un public composé de détracteurs et de partisans. Les critiques furent, en général, sévères. Se tromper de chef-d’œuvre est une humaine erreur. Il y aura toujours des malins pour se moquer d'un nouveau Faust et louer sans réserve quelque atonale Africaine. Entre la première de Faust et la guerre de 1870, Gounod ne laissa point sécher sa plume. Quatre opéras parurent au cours de cette période : Philémon et Baucis, la Reine de Saba, Mireille, Roméo et Juliette et, enfin, une ode-cantate : A la Frontière (exécutée à l'Opéra le 8 août 1870). Mais l'invasion allemande menaçait Paris. Gounod passa la Manche avec les siens. En Angleterre il fut admirablement reçu. Entouré d'admirateurs... et d'admiratrices, ce temps de guerre se passait en somme le mieux du monde. Néanmoins cette retraite britannique devait mal finir. Gounod dut, en effet, lors de son retour à Paris, en 1874, récrire de mémoire la partition de Polyeucte imprudemment confiée à la séduisante et trop intéressée Mistress Weldon. Polyeucte, enfant chéri de l'auteur, fut représenté pour la première fois en 1878. Il n'eut guère de succès. Pour surmonter cette épreuve, Gounod eut encore recours à son remède ordinaire : le travail. Hélas, le premier résultat fut la chute lamentable du Tribut de Zamora. Le maître, alors, abandonne le théâtre et, pour terminer religieusement sa carrière, compose coup sur coup deux oratorios : Rédemption, puis Mors et Vita. L'œuvre de Gounod a été jugée autrefois avec une impitoyable sévérité. Il fut un temps où faire de l'esprit à ses dépens équivalait à un brevet de capacité. Ce jeu, présentement fort démodé, compte encore cependant quelques amateurs plus ou moins graves et plus ou moins dédaigneux. Essayons de faire le point. Si Gounod ne fut pas un très grand homme ni même un très grand artiste, il fut assurément un musicien exceptionnel. Certes, il ne compte guère parmi les grands symphonistes. D'autre part, sa douceur, sa mesure et sa gentillesse, excluent de son œuvre puissance ou grandeur et limitent ses aspirations. Gounod est un bourgeois français heureux et cultivé. Ses peines et ses sentiments ne dépassent jamais la moyenne décente admise dans son milieu social. Son unique ambition est de les traduire dans sa langue qui est musique ; de les envelopper en quelque sorte sous un réseau sonore expressif et charmant. C'est pour cela, sans doute, que son œuvre dramatique est en partie ratée. Elle manque d'humanité et d'authenticité psychologique. En général, les opéras de Gounod (comme ceux de Mozart) sont faits de pièces détachées et interchangeables jointes bout à bout. Le premier acte de Mireille mis à part (moins la valse), ils n'ont pas d'existence propre. Mais peu importe, puisque leur qualité transcendante et spécifiquement musicale se trouve à l'état pur, çà et là, dans les diverses parties qui les composent comme dans les merveilleux cahiers de mélodies. Il est vrai, parbleu, que dans Faust, Mireille et Roméo, ni Shakespeare ni Goethe, ni même Mistral, ne sont présents. Mais il y a Gounod. Saluons ! Lui fera-t-on éternellement grief d'avoir voulu plaire et d'y être parvenu ; d'avoir été un musicien de bonne éducation et respectueux des convenances ? Après tout, est bien puni qui boude à son plaisir. Il n'est point glorieux de montrer de l'humeur à qui vous sourit ! D'ailleurs, chacun le sait de reste, Aristarque ne peut rien contre le sentiment populaire. Ne récusons pas ce témoin de bonne foi ! N'oublions pas enfin que Gounod est le créateur, en musique, du climat français. Ce titre seul suffirait à sa gloire. De son opulente barbe blanche a jailli une source de pure musique. Cette source est toujours vive : Fauré y a trempé des lèvres avides ; le jeune Debussy y noya les germes du wagnérisme dont il subissait les premières atteintes tandis que Ravel y puisait l'eau claire de ses inimitables « aquarelles ». Mais, au fait, le monde entier ne lui doit-il pas quelque chose ?
(Jean Dupérier, les Musiciens célèbres, 1946)
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photo de Charles Gounod
Mon maître Charles Gounod
C'est dans les dernières années de sa vie qu'il me fut donné d'approcher l'illustre compositeur et de le voir fréquemment, soit à Paris dans son bel hôtel de la rue Montchanin, soit à Saint-Cloud dans son chalet Gounod, jolie demeure de campagne, située près du parc de Montretout, entourée de jardins fleuris. Le grand orgue de Saint-Cloud s'étant trouvé vacant, j'avais posé ma candidature sans espoir de réussite. J'étais alors sur les bancs du Conservatoire, dans la classe d'orgue de Charles-Marie Widor et dans celle d'Ernest Guiraud pour la composition. Ce dernier, qui s'intéressait beaucoup à ses élèves, ayant appris que le plus clair de mes ressources me venait d'une collaboration forcée avec un compositeur autodidacte, mais fort ignorant, dont j'écrivais ce qu'il croyait être de la musique, Ernest Guiraud, dis-je, voulut m'enlever à cette tâche rebutante, en ayant l'heureuse idée de me recommander à son confrère de l'Académie des Beaux-Arts. Sur ces entrefaites le bon Guiraud mourut subitement au Conservatoire, dans le bureau même du Secrétaire Général, Émile Réty, quelques minutes après nous avoir fait sa dernière classe, qui précédait notre entrée en loge pour le Concours de Rome. Guiraud disparu, je croyais bien que Gounod oublierait l'humble étudiant que j'étais, quand je reçus en loge, au vieux Conservatoire, une carte-lettre adressée à « M. Bussère », orthographe qui me mit de méchante humeur. Cette carte que j'ai conservée précieusement était ainsi conçue : « Mon cher Monsieur Bussère, Monsieur le Curé de Saint-Cloud me prie de vous informer que le poste d'organiste de son église est à votre disposition à partir du dimanche 3 juillet, à la messe de dix heures ; ou bien si ce jour était trop tôt, vu le jugement de l'Institut qui a lieu la veille, vous commenceriez le dimanche 10, à la même heure. Les appointements sont de 850 francs, sans compter le casuel qui peut aller environ à 600 francs. Veuillez donc me répondre de suite si cette proposition vous convient. Bien à vous, et bonne chance pour le concours. Ch. Gounod ». Quand j'eus donné lecture de ce billet à mes camarades, le foyer où nous prenions nos repas sous le regard sévère de Cherubini et de sa muse familière, retentit de cris de joie : « Quelle aubaine ! le grand orgue de Saint-Cloud ! et nommé par Gounod lui-même, Büsser tu payes le champagne ? Je m'exécutai sur le champ. A ma sortie de loge, ma première visite fut pour le patriarche de Saint-Cloud. J'eus la bonne fortune de le rencontrer en sortant de la petite gare, où il était venu, lui-même, déposer son courrier. « Ah ! vous voilà, Monsieur l'organiste ; il va falloir prier Dieu à ma convenance. Je vous écouterai chaque dimanche. Vous me jouerez du Bach, du Mendelssohn.... Et du Gounod ajoutai-je ! car mon cher Maître j'ai pour votre musique religieuse la plus fervente admiration. » Puis me prenant familièrement par le bras il me conduisit à la villa Zimmermann, qui appartenait à sa belle-sœur, Mme Pigny, habitation reliée par le jardin au chalet du Maître. « Qu'avez-vous dans votre serviette, mon ami ? Serait-ce votre cantate de concours ? » En effet je l'avais apportée avec le secret espoir de la jouer à celui qui serait un de mes principaux juges. Mes vœux étaient comblés. Aussitôt je me mis au piano, Gounod me tournant les pages, chantant parfois avec moi. Le cœur battant, je jouai de mon mieux ma partition d' « Amadis de Gaule ». L'audition terminée, Gounod qui m'avait donné de ci de là, quelques marques d'approbation me dit en me regardant de ses grands yeux, si beaux, si francs et comme illuminés d'un feu intérieur : « Mon petit, ta cantate est bonne, tu as de la mélodie, tes accents sont justes, ta déclamation est excellente. » « Que d'indulgence pour mes vingt ans ! Maître, cette déclamation n'est pas de moi elle est de vous ! » « Comment cela ? » « Quand vous êtes venu nous mettre en loge au Conservatoire, et que vous nous avez dicté le texte du poème, j'ai noté soigneusement au crayon rouge les longues, les brèves et toutes vos intentions. Vous nous avez donné, sans vous en douter, une merveilleuse leçon de style dramatique par la manière dont vous avez déclamé les vers que nous avions à traiter. Vos précieuses indications ont facilité singulièrement notre tâche. » Presque tous les dimanches, à la messe de neuf heures, Gounod montait à la tribune et improvisait de préférence la sortie, dans toute la force de l'orgue, avec de grands accords majestueux, toujours dans des tons simples comme sol majeur, fa majeur et surtout ut majeur. Ne disait-il pas que Dieu était en Ut ?
le bon maître Charles Gounod dans son cabinet de travail, accoudé sur le piano construit spécialement à son usage, qui lui servait à la fois d'instrument et de bureau (d'après une gravure sur bois)
J'allais souvent lui soumettre mes travaux. Depuis la mort de Guiraud, il avait bien voulu m'accepter comme son disciple. Mais il était parfois difficile d'arriver jusqu'à lui, surtout pendant les vacances. Je me heurtais à la bonne maman Gounod qui invariablement me disait : « Mon enfant, vous viendrez une autre fois, vous allez fatiguer votre maître. » Et elle me fermait la porte au nez. Aussi avais-je pris le parti de passer par la cuisine et de prendre l'escalier de service pour atteindre sans encombre la chambre de mon bon maître. Quelles conversations j'avais avec lui ! Il parlait de tout avec une égale compétence et un charme incomparable. Quand il était sur le chapitre de la Villa Médicis sa verve devenait de l'éloquence : « Cette vie en commun avec des peintres, des statuaires, des architectes, dans ce palais magnifique, dans cette ville, berceau du génie latin, au milieu des chefs-d'œuvre, dans un paysage dont la poésie et la grandeur s'allient aux plus beaux souvenirs historiques ! Quelle richesse d'évocation païenne et religieuse ! Ah ! mon enfant, quand tu seras Romain, dis-toi bien que le plus beau jour de ta vie sera arrivé ». Dans quels termes parlait-il de ses vieux camarades, de son cher « Hébert » qui était encore à Rome, directeur de la villa ! En musique, son admiration allait au « divin Mozart » pour lequel il avait une dilection particulière. Bach et Beethoven le subjuguaient : « Ce sont les colonnes de marbre du temple de la musique, disait-il. Mozart est le prêtre de « la Flûte enchantée », d' « Idoménée ». Mais il mettait la partition de « Don Giovanni » au-dessus de tout. N'a-t-il pas écrit sur cette œuvre un livre émouvant, véritable bréviaire d'amour ? Parmi les contemporains il appréciait surtout Saint-Saëns et Georges Bizet, ses deux fils spirituels. Chez les jeunes d'alors, il aimait la poésie personnelle de Claude Debussy, la franchise un peu rude d'Alfred Bruneau, la vie intense qui animait la muse de Gustave Charpentier. Il se plaisait aussi à disserter philosophie et théologie avec le brave curé Deffaux, aux répliques mordantes, lorsqu'ils n'étaient pas d'accord sur les mérites de Saint Thomas d'Aquin ou de Saint Augustin. Il ne faut pas oublier que, tout jeune, l'auteur de « Mors et Vita » avait porté la soutane. Bien des fois j 'ai vu Gounod servant la messe, dans la petite chapelle de Montretout, au jeune vicaire, l'abbé Aglon, qui disait les textes dans un mouvement accéléré et que Gounod rappelait pieusement à l'ordre avec un « Et cum spiritu tuo » plein d'onction ou un « Amen » majestueux. Lorsque le Maître transportait le missel de l'Epitre à l'Evangile c'est lui qui avait l'air de dire la messe et non pas de la servir. Dans sa féconde production musicale ses préférences allaient sans conteste à son œuvre religieuse, à ses messes, à ses motets, à ses oratorios. En cela, il ressemblait à son confrère César Franck, dont j'ai suivi le cours d'orgue au Conservatoire, pendant une année. Leurs idées religieuses étaient les mêmes et il est bien regrettable que l'intransigeance de leurs disciples ou de leurs admirateurs les ait éloignés l'un de l'autre. Leur foi sincère, leur idéal mystique, s'exprimait dans un art qu'ils considéraient plutôt comme un apostolat. J'en fis un jour la remarque à Gounod en lui faisant entendre le touchant « Panis Angelicus », peu connu à cette époque, et quelques-unes des pages inspirées des « Béatitudes ». Comme je demandais à Gounod le secret infaillible de son art : « Vois-tu, me répondait-il, la mélodie seule compte en musique. Dernièrement j'ai entendu une œuvre moderne dans un grand concert il y avait beaucoup de notes et l'orchestre se déployait en de larges sonorités. Eh bien, j'aurais donné « deux sous » pour entendre une mélodie si courte fut-elle. Que ce soit au concert ou au théâtre, tout repose sur la mélodie. Le public qui aime la musique, même s'il est averti, va aux œuvres qui ont des idées, des phrases claires, qui portent au cœur et non pas seulement au cerveau. Quand j'ai écrit dans « Faust » : « Laisse-moi contempler ton visage » je n'ai point cherché à composer un air quelconque, j'ai voulu que le premier aveu de cet amant soit l'expression la plus pure de son âme et c'est pour cela que la réponse de Marguerite est toute pareille : elle répète cette phrase qui la trouble au plus profond d'elle-même. Quand Roméo quitte Juliette, à l'acte de la chambre, il crie éperdument : Reste, reste encore dans mes bras enlacés !... puis sa voix semble s'éteindre et il murmure ces mots : Un jour il sera doux à notre amour fidèle de se ressouvenir de nos tourments passés. Il n'y a dans ces phrases ni recherche harmonique ni accompagnement trop riche, Quelques notes discrètes les soutiennent, car l'expression de la parole chantée doit être au premier plan. De la mélodie, toujours de la mélodie, mon cher enfant, voila l'unique secret de notre art. » Certes, depuis Gounod, l'esthétique de la musique a sensiblement évolué, et elle se modifiera toujours selon les tempéraments des compositeurs véritablement originaux. N'est-ce pas à la musique surtout, dans le domaine artistique, qu'est destiné le plus vaste champ d'expérience ? Ce langage irréel, impalpable pour ceux qui ne l'ont pas étudié, mais qui le goûtent, obéit à des lois que nous avons édifiées, nous autres musiciens, sur un système harmonique, sur des bases d'architecture, souvent arbitraires. Un Debussy, un Gabriel Fauré, un Ravel, un Gabriel Pierné s'ils portent en eux-mêmes une filiation que l'on ne peut nier, n'ont-ils pas enrichi notre langage musical de pierres précieuses ? Parmi nos jeunes espoirs il se trouvera des génies nouveaux. J'en connais un, chez nos récents lauréats qui veut régénérer notre système harmonique par l'apport des modes anciens, issus du plain-chant, horizons peu exploités encore. Mais à ces hardis pionniers, il ne faut pas craindre de rappeler le mot de Gounod : « la mélodie sera toujours l'expression la plus pure de la pensée humaine ». Lorsque Gounod allait le samedi à l'Institut, j'avais parfois le grand honneur, que je partageais avec son neveu le peintre Guillaume Dubufé, d'aller le chercher à la gare Saint-Lazare, à la descente du train de Saint-Cloud et de le conduire en voiture jusqu'au Palais Mazarin. Sa figure était familière aux passants, beaucoup de gens le reconnaissaient et le saluaient. Un jour son cocher de fiacre lui dit : « Monsieur Gounod, je suis fier d'avoir conduit l'auteur de Faust ». Et Gounod de répliquer « Mon ami vous avez de l'allure, vous auriez fait un bon chef d'orchestre ». A l'arrivée il lui remit un petit louis. Un autre jour, nous rentrions ensemble place Malesherbes, quand un orgue de Barbarie se mit à jouer l'air célèbre de Siebel « Faites-lui mes aveux », dans un mouvement vertigineux. « Eh ! l'ami, s'écria Gounod, pas si vite ! Tenez, laissez-moi tourner la manivelle », et ce faisant il reprit lentement l'air interrompu. « Voici le mouvement et sachez, mon brave, que j'en suis l'auteur ». Puis souriant il remit une pièce au bonhomme ébahi.
photo de Charles Gounod dédicacée à Henri Büsser le 15 avril 1893
Le dimanche d'octobre 1893 qui précéda la mort de Gounod, je fus surpris de ne point voir le Maître monter à la tribune de mon orgue, ainsi qu'il avait coutume de le faire. Je m'en inquiétai et descendis après la messe : il m'attendait en bas, se sentant un peu fatigué pour gravir l'escalier assez raide, et me dit : « Peux-tu venir chez moi après déjeuner, mon cher enfant ? Je voudrais te confier la réduction pour piano de mon « Requiem » que je viens d'achever : je désirerais te voir entreprendre ce travail avant ton départ pour la Villa Médicis ». J'acquiesçai au désir du Maître, heureux et fier de la confiance qu'il me témoignait. A l'heure indiquée, j'étais à son chalet de Montretout. Gounod m'attendait dans son salon, en compagnie de sa fille Jeanne, mariée au baron de Lassus Saint-Geniès, excellente musicienne elle-même, ravie d'assister à l'audition de l'œuvre récente de son père. Celui-ci prit son manuscrit d'orchestre et se mit au piano. Il nous fit entendre toute sa partition qu'il accompagna tant bien que mal, mais qu'il chanta de cette voix ténue et si émouvante dont j'ai toujours gardé le souvenir. Arrivé au « Benedictus » à deux voix, ténor et soprano, dans lequel sa fille lui donnait la réplique, Gounod un peu fatigué voulut s'arrêter. Sur nos instances, il consentit à reprendre cette page inspirée, qui est peut-être un de ses plus beaux éclairs de génie et de foi. Cette inoubliable séance terminée, je quittai le Maître en le remerciant encore de l'honneur qu'il m'avait fait. Je le vois m'accompagnant sur le perron de sa demeure, me disant un affectueux « au revoir », qui hélas, était un adieu. En effet quelques instants après mon départ, en rangeant sa partition, l'illustre musicien était foudroyé par cette attaque d'apoplexie qui devait l'emporter. Comme Mozart, les dernières pensées de Gounod auront été pour ce texte admirable de la « Messe des Morts », œuvre attachante et d'un caractère presque intime qu'il écrivit à la mémoire d'un jeune petit-fils, Maurice, disparu prématurément. Après un recul d'un demi siècle, quelle fierté de constater que l'étoile de Charles Gounod, qui fut en quelque sorte le guide de toute une génération de compositeurs, n'a rien perdu de son éclat. N'avons-nous pas vu tout récemment les plus avancés de nos jeunes musiciens se réclamer de l'auteur de « Faust » ? Cela ferait sourire dans sa barbe notre bon Maître qui restera l'une des plus hautes figures de la musique française.
(Henri Büsser, de l'Institut, revue l’Opéra de Paris n°4, 1951)
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Hommage à Charles Gounod
C’était un hommage légitime à la mémoire de Gounod que l'apposition d'une plaque commémorative à la façade de l'hôtel de la Place Malesherbes où il vécut les quinze dernières années de sa vie. La cérémonie, due à l'initiative de Marc Roland et d'Henri Büsser, a eu lieu le 25 octobre 1952. Du discours de M. André Cornu, Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, nous extrayons les passages suivants : « A une époque où l'on aimait les couleurs voyantes, les contrastes accentués, Gounod s'intéresse moins aux effets dramatiques qu'aux états d'âme... Sa musique exprime surtout la douceur et la grâce... Cet attrait pour le sentiment pur ne gêne aucunement la sensualité sonore avec laquelle il se fond, sensualité purement musicale qui empêche la musique de tourner à la sentimentalité... La leçon la plus précieuse de Gounod est que l'esthétique du plaisir sonore franchement accepté, loin d'être superficielle et de retirer à la musique son pouvoir dans l'ordre de l'ontologie, est au nombre des approches concrètes de la communion avec l'Etre dont le désir inquiète tout artiste. » Après avoir évoqué ce que l'Opéra devait à Gounod, M. Maurice Lehmann, Administrateur de la Réunion des Théâtres Lyriques nationaux, conclut ainsi : « Nulle musique n'est plus séduisante et son œuvre tout entière exerça sur le théâtre lyrique français une influence qui rendit possible l'éclosion de nouveaux génies. Bizet, Saint-Saëns, Massenet entrèrent ensuite dans la voie qu'il avait ouverte en revenant aux sources pures de la musique française du XVIIIe siècle. En lui se découvrent les admirables ressources d'un art fait d'un merveilleux équilibre entre la profonde connaissance du métier et l'indispensable inspiration qui est l'éloquence du cœur. Il a bénéficié du don le plus rare, celui de joindre, à la richesse et à la sincérité de l'inspiration, la science de l'expression et de la forme, et s'il mérite justement, comme l'a dit Gabriel Fauré, « la reconnaissance infinie des musiciens français », il conserve justement la fidélité d'un public qui témoigne dans nos salles lyriques, à la jeunesse sans doute immortelle de ses chefs-d'œuvre, la plus émouvante des ferveurs. »
(revue l’Opéra de Paris n°6, 1953)
M. Henri Büsser prononçant son discours
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monument de Charles Gounod par Antonin Mercié, au Parc Monceau
Charles Gounod, dessin de Jean-Baptiste Carpeaux
Charles Gounod, buste en terre cuite sculpté par Jean-Baptiste Carpeaux (1875)