Symphonie

 

 

Ballet réglé sur la Symphonie n°1 en ré (1854). musique de Charles GOUNOD.

 

 

   partition

 

 

Création au Théâtre de l'Opéra (Palais Garnier) le 04 mars 1959. Décor et costumes de Bouchène. Chorégraphie de George Balanchine.

Mlles Josette AMIEL, Josette VAUCHELLE, Monique BIANCHI, Christiane BASSI, Francine SOUARD, Liliane GARRY.

MM. Jean-Paul ANDRÉANI, Robert BLANC, Roland DUFLOT, Jacques TOUROUDE, Jacques JODEL.

Chef d'orchestre : Robert BLOT

 

21 représentations à l’Opéra au 31 décembre 1961.

 

 

 

 

 

 

la création, à l’Opéra, de la Symphonie en , de Gounod

 

 

 

 

 

Nous avons assisté récemment, au Théâtre de l'Opéra, à un nouveau ballet de Balanchine, « chorégraphié » sur « la Symphonie en ré », de Gounod. Comment ce ballet a-t-il été accueilli ? — C'est ce qu'André Boll va examiner...

 

« Balanchine recrée, sur la scène, une œuvre chorégraphique étroitement liée à l’œuvre musicale, et il le fait avec une précision, une minutie et une connaissance des sons comme un art d'enchaîner les pas qui sont la marque de son génie propre. »

(Nicole Hirsch, France-Soir)

 

« Symphonie, en vérité, ne représente, pour Balanchine, qu'une amusette... un hors-d’œuvre ou un dessert, une sorte de concentré piquant où l'on reconnaît le chorégraphe du Palais de cristal et d'autres visualisations. »

(Dinah Maggie, Combat)

 

« Le corps de ballet, utilisé au maximum, a pu faire valoir toutes ses possibilités, ainsi que les deux jeunes étoiles de la Maison, Josette Amiel, ravissante et fidèle interprète, et Jean-Paul Andréani, qui a une bien jolie technique.

Un vrai triomphe pour Balanchine. »

(Nicole Hirsch, France-Soir)

 

« Apprendre les pas en quelques jours... ne pouvait suffire à la troupe de l'Opéra pour réagir avec ensemble, et s'imprégner individuellement de l'esprit dansant balanchinien. Josette Amiel se tire au mieux, avec Andréani comme partenaire, des difficultés de son rôle de soliste, et y apporte un sobre lyrisme. »

(Dinah Maggie, Combat)

 

« Balanchine pousse le respect de la musique à son point de perfection : les lignes des quadrilles font leur entrée en même temps que les thèmes apparaissent à l'orchestre, chaque note fait éclore un pas, une attitude.

La chorégraphie devient, ainsi, la projection visuelle de la partition. »

(Claude Baignières, le Figaro)

 

« L'ambition de Balanchine consiste à traduire plastiquement les mouvements de la musique, à en utiliser les moindres allusions descriptives...

Certes, il s'agit là d'un ballet académique. Mais peut-on, sans déception vive, supporter de ne trouver aucune trace d'invention réelle, dans une œuvre dont l'auteur donne tant d'étonnantes preuves de son talent ? »

(Micheline Bazin, le Parisien libéré)

 

« Andréani interprète un « rôle en or », avec une nonchalance coupable. Josette Amiel aurait pu être victime, dans le « pas de deux » de l'adagio, qu'elle a néanmoins dansé avec moelleux et précision. »

(Claude Baignières, le Figaro)

 

« Josette Amiel traduit ce ballet avec une aisance espiègle et déliée, Jean-Paul Andréani met en valeur, autant que faire se peut, son prince en velours traditionnel. »

(Micheline Bazin, le Parisien libéré)

 

« Si les costumes roses, verts et jaunes conjuguent à merveille leurs teintes pastel, je conçois difficilement un décor « rococo » pour un spectacle strictement classique. »

(Claude Baignières, le Figaro)

 

« Les costumes... se trouvent fort saugrenus devant une toile de fond dont l'étrangeté minérale pourrait plaire ailleurs. »

(Micheline Bazin, le Parisien libéré)

 

« Parées de ravissants tutus bouton d'or ou rose bonbon, ces jeunes filles, plus jolies les unes que les autres, s'en donnent à cœur joie pour le bonheur des yeux. »

(Olivier Merlin, le Monde)

 

« Il n'est pas jusqu'aux couleurs dont les combinaisons ne trouvent une justification dans la matière sonore. »

(Algazi, Paris Journal)

 

« Le corps de ballet donne de la musique une image de mouvement dans l'espace, à la fois d'une fidélité exemplaire et d'une subtilité de transposition, qui constitue un sujet d'émerveillement de chaque instant. »

(Antoine Goléa, Carrefour)

 

« Il me paraît excessif d'entonner un chant d'enthousiasme en faveur de cette « symphonie »... qui, de fait, n'a pas transcendé l'inspiration du chorégraphe... lequel, au surplus, se révèle dépourvu d'imagination. »

(Guy Dornand, Libération)

 

« Balanchine a su faire rayonner au maximum le corps de ballet... En vérité, j'ai rarement vu, à l'Opéra, une discipline des ensembles aussi parfaite, et aussi vivante à la fois, que dans cette symphonie. »

(Antoine Goléa, Carrefour)

 

« La recherche de l'émotion, dans la rigueur quasi janséniste de l'émotion, ne se justifie que si l'on est assuré d'une exécution sans la moindre bavure. Mieux aurait valu ajourner cette création que montrer un ensemble flottant. »

(Guy Dornand, Libération)

 

« Les costumes de M. Bouchène sont fort beaux, mais son décor, chaotique et tourmenté, est un non-sens... »

(Antoine Goléa, Carrefour)

 

« Ce ballet pâlit de la laideur et du décor et du désaccord des tons acides (jaunes, roses et verts) des costumes. »

(Guy Dornand, Libération)

 

 

 

 

Josette Amiel et Jean-Paul Andréani lors de la création

 

 

A lire les extraits qui précèdent, l'interprétation de la « Symphonie » de Gounod a été, dans son ensemble, extrêmement satisfaisante. Nous partageons cette opinion.

Tout le monde s'est également plu à reconnaître, en Balanchine, un maître qui met son immense talent au service de la chorégraphie, au point d'en « solfier les pas ». « Il est vrai, remarque Algazi, que le chorégraphe se double, ici, d'un musicien complet, pianiste virtuose et chef d'orchestre capable d'analyser une partition, d'en déchiffrer l'architecture, le rythme intérieur, le sens expressif. » Néanmoins, certains ont pu regretter le manque d'originalité qui s'attache à la chorégraphie de sa dernière œuvre. Là, encore, nous nous trouvons d'accord.

Les réserves qui entourent la présentation du ballet sont plus nettes : on a critiqué ouvertement le décor de Dimitri Bouchène. Sans doute, ce décor ne reflète-t-il pas exactement le caractère classique de ce ballet, sans doute ne s'accorde-t-il pas avec le sentiment de la musique... Toutefois, dès l'instant où l'on ne se contente pas, pour encadrer ces évolutions dansantes, de simples tentures, il convient de reconnaître que ce décor a pour premier mérite « d'actualiser » un ballet qui serait facilement tombé, sans lui, dans la mièvrerie.

Quant à la musique de Gounod, elle a suscité un « concert » d'éloges : « Cette symphonie a le pittoresque, la diversité, les brillantes couleurs de « la Symphonie italienne », de Mendelssohn. Elle est d'essence incontestablement française, jusque dans les moindres détails. » (René Dumesnil, dans « le Monde ») — « La Symphonie de Gounod brille par sa grâce, la délicatesse harmonique et la fraîcheur mélodique... » (Claude Baignières, dans « le Figaro ») — « Comme la musique de Gounod reste jeune et jolie ! s'écrie Algazi (« Paris-Journal »). Clair ruisseau bondissant, elle va droit son chemin, ravissant sur son passage les esprits et les cœurs. »

 

 

 

 

 

A nos oreilles, cette partition — fort bien écrite — est « une petite chose », pauvre d'invention, et d'un style mélodique bien maniéré.

Nous en profiterons, une fois de plus, pour nous élever contre cette manie qui porte les chorégraphes à puiser, souvent inconsidérément, dans des partitions écrites pour le concert. Tout Tchaïkovski y a passé... Brahms, Schumann, Chopin, Schubert, Liszt, d'autres encore ont suivi... Après Bizet, voici maintenant le tour de Gounod. Tel n'est pas l'avis de notre confrère J.  B., de « Aux Ecoutes », lequel qualifie Balanchine « d'homme étonnant », qui « plonge à la recherche de grandes œuvres musicales oubliées ou prêtes à tomber dans l'oubli, les sort de l'ombre, et les éclaire d'une chorégraphie subtile. » Il n'empêche que le beau temps d'un Diaghilev est révolu... C'est lui, c'est Diaghilev qui suscita l'éclosion de ces impérissables chefs-d'œuvre qui ont pour noms « Daphnis et Chloé », de Ravel, « Petrouchka », « l'Oiseau de feu », « le Sacre du printemps », « Noces », de Stravinsky, « le Tricorne », de Falla... lesquels, « nés ballets », ont acquis, par la suite, leurs droits de noblesse définitifs au concert. Exactement le contraire de ce qui se fait couramment de nos jours !

Seul, un Lifar, parfois une Janine Charrat, et aussi un Roland Petit ont conservé cette belle, cette grande tradition.

Aujourd'hui, au spectacle de ballet, la musique contemporaine est traitée en parente pauvre. Et elle se venge... car c'est elle, seule, qui est en mesure d'assurer à un ballet — même si la chorégraphie en est ultérieurement renouvelée ou simplement modifiée — sa pérennité.

 

(André Boll, Musica disques, mai 1959)

 

 

 

 

 

 

 

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