Théâtre National de l'Opéra de Paris
(Palais Garnier)
le Nouvel Opéra, boulevard des Capucines (lithographie)
=> Histoire de l'Opéra de Paris
=> les ateliers et magasins de décors, boulevard Berthier
Après avoir occupé différentes salles, le Théâtre de l'Opéra s'installa dans l'immeuble dû à l'architecte Charles Garnier, construit de 1861 à 1874 et inauguré en 1875. Sa façade principale comprend un rez-de-chaussée élevé au-dessus des marches d'un perron et percé de sept arcades. Il est surmonté d'une loggia avec seize grandes colonnes monolithes en pierre, reliées par des balcons et accompagnées par dix-huit colonnes en marbre. Le tout est surmonté d'un attique richement sculpté. Cette façade polychrome est très richement ornée de bustes, de statues et de groupes. Citons : le Drame, de Falguière ; le Chant, de Dubois ; l'Idylle, d’Aizelin ; la Cantate, de Chapu ; la Musique, de Guillaume ; la Poésie lyrique, de Jouffroy ; le Drame lyrique, de Perraud ; la Danse, de Carpeaux. Les deux angles des avant-corps sont surmontés de groupes dorés représentant la Musique et la Poésie avec les Muses, par Gumery. Le dôme qui s'élève au centre de l'édifice est orné d'un Apollon de Millet. Quant aux façades latérales, où se trouvent des pavillons, elles sont décorées de bustes de musiciens et de figures symboliques. A l'intérieur du théâtre, on admire surtout le grand escalier d'honneur, qui est un chef-d’œuvre, avec ses trente colonnes monolithes en marbre, et les fresques du plafond, par Pils. La salle, à cinq étages, est d'une riche ornementation et entourée d'une belle frise de Lenepveu. La scène, qui a 60 mètres de hauteur sur 55 de largeur et 25 de profondeur, communique avec le foyer de la danse décoré de peintures par Boulanger. Le foyer du public, très vaste et très beau (54 m. de long, 18 m. de haut et 13 m. de large), est décoré de statues dorées et de peintures renommées dues à Paul Baudry. La bibliothèque est l'une des plus riches du monde. Le musée conserve des souvenirs d'artistes célèbres, ainsi que des manuscrits, des portraits, des maquettes.
Un décret, du 29 septembre 1860, déclara d'utilité publique la construction, sur un emplacement qui lui fut spécialement affecté - celui de la place de l'Opéra - d'une très belle salle destinée à remplacer l'Opéra de la rue Le Peletier.
Un délai d'un mois seulement avait été accordé aux architectes pour fournir leurs projets ; les concurrents en présentèrent 171, sur lesquels 43, puis 16, puis 7 et, enfin, 5, furent retenus. Charles Garnier fut désigné à l'unanimité comme lauréat du nouveau concours chargé de départager les auteurs de ces cinq derniers projets. Il reçut 1 500 francs pour le sien.
La première pierre de l'Opéra fut posée le 21 juillet 1862. Dès le début, les travaux furent contrariés par les eaux du sous-sol pouvant provenir de la nappe d'infiltration de l'ancien bras de la Seine qui, jadis, passait dans le voisinage. Huit pompes à vapeur travaillèrent huit mois à épuiser l'eau ; des puits furent forés à 7,50 mètres au-dessous du niveau moyen de cette nappe afin de permettre la construction de la cuve étanche, en béton, ciment, briques et bitume, voûtée en berceau, qui coiffe un petit lac souterrain et qui supporte actuellement le bâtiment de la scène avec ses « dessous » et ses « grils ».
Pendant le siège de Paris, la salle, inachevée, servit d'entrepôt à 4 500 tonnes de vivres ; peu après, sous la Commune, les Versaillais l'utilisèrent pour tirer sur les Fédérés qui avaient établi des barricades rue Meyerbeer.
Le théâtre fut inauguré le mardi 5 janvier 1875, en présence du maréchal de Mac-Mahon, du jeune roi d'Espagne Alphonse XII, de sa mère, la reine Isabelle, de l'ex-roi de Hanovre, du lord-maire de Londres qui fit une entrée éclatante et du bourgmestre d'Amsterdam. On y joua des passages de la Juive, de la Muette de Portici de Guillaume Tell, des Huguenots et le ballet la Source, de Delibes. Charles Garnier avait dû payer sa place, une deuxième loge (120 francs).
L'Opéra est, par sa superficie, le plus grand théâtre du monde. Dimensions : 172 mètres de long, 101 de large, 79 de haut depuis le sol du cinquième dessous jusqu'au sommet de la lyre d'Apollon, d'Aimé Maillet, qui domine le pignon de la scène. Il contient 5 « dessous », 3 « grils » pour la manœuvre des décors 5 « services » ou passerelles, un grand réservoir d'eau ou « grand secours » alimenté par le réservoir de Montmartre, pouvant déverser 420 mètres cubes d'eau par heure. Il contient 2 156 places ; on y compte 1 606 portes, 7 593 clefs, 334 loges d'artistes, 450 cheminées et 6 319 marches. Coût : 35 400 000 francs sur lesquels Garnier toucha 2 % d'honoraires.
Façade principale sur la place de l'Opéra : vestibule de sept arcades décorées de statues, dont la Danse de Carpeaux qui souleva d'ardentes polémiques au point qu'un mécontent brisa contre ce groupe un encrier ; loggia à colonnes corinthiennes ; attique bordé de masques.
Façade latérale sur les rues Halévy et Gluck avec le pavillon de l'entrée des abonnés.
Façade nord sur les rues Gluck et Auber avec l'entrée de l'administration, du personnel et des décors.
Façade latérale sur les rues Auber et Scribe avec le pavillon d'honneur (aujourd'hui musée et bibliothèque de l'Opéra) prévu pour Napoléon III et qui communiquait avec sa loge.
A l'intérieur : le grand escalier, le grand foyer (54 m de long, 13 m de large, 18 m de haut), la salle, rouge et or, à cinq étages de loges, la scène (26 m de large, 52 m de profondeur et 60 m de haut) communiquant avec le foyer de la danse.
Théâtre restauré et modernisé en 1936-1937 et 1952. Deux seuls accidents à noter depuis qu'il a été construit : la chute d'un contrepoids du lustre qui tua une spectatrice des quatrièmes galeries, le 20 mai 1896, et un incendie, le 23 décembre 1950, qui fut maîtrisé en un quart d'heure. La première illumination de sa façade eut lieu en 1900 ; elle coûta 600 francs.
plan de l'Opéra
coupe transversale de l'Opéra, plan de Charles Garnier
Coupe longitudinale de l'Opéra, dessin de Karl Fichot et Henri Meyer, gravure de F. Méaulle (le Journal Illustré, 28 février 1875). De gauche à droite : l'entrée, le grand foyer, le grand escalier, la salle, les décors et la scène, les foyers du chant et de la danse.
esquisse réalisée par le bureau de Charles Garnier de l'entrée du musée et de la bibliothèque de l'Opéra, initialement prévue pour les salons de Napoléon III
un aspect de l'Opéra en construction
état des travaux en 1865
derrière cet immense écran, on travaille à la décoration extérieure de la façade
le percement de l'avenue de l'Opéra en 1867 ; l'arasement de la butte des Moulins découvre la façade de l'édifice non encore achevé
travaux en cours vers 1870
Les toits ne sont pas terminés ; les travaux dureront de longs mois encore.
construction de la façade ouest, rue Auber (1874)
Nouvel Opéra. Incessamment vont être repris les travaux qui restent à terminer au nouvel Opéra, lesquels consistent dans l’achèvement de quelques travaux de décoration intérieure, l’aménagement de certaines pièces des dépendances, la décoration du foyer-glacier, la construction de l’ascenseur qui doit servir à monter, jusqu’au dernier étage des places, les personnes âgées ou infirmes. – On mettrait aussi en état le pavillon de gauche où l’on ne voit que la pierre brute. Ce pavillon, qui était destiné au chef de l’Etat, devait être très richement décoré, et les travaux artistiques avoir une grande importance. (la Semaine des constructeurs, 10 février 1877)
Les travaux du nouvel Opéra. Le budget des travaux publics ne prévoit en 1878 aucune allocation spéciale aux travaux qui peuvent être reconnus nécessaires au nouvel Opéra. Il en est cependant qui, en raison de circonstances particulières, présentent un caractère d’urgence et qu’il conviendrait de ne pas ajourner indéfiniment. Le foyer et le grand escalier sont en communication avec une galerie occupée par le glacier. Cette galerie a un parquet en planches de sapin usées et effondrées, des murs sales recouverts de papier gris, un plafond inachevé, un mobilier d’un aspect misérable. Il serait convenable qu’elle fût immédiatement mise en état de recevoir les visiteurs qu’attirera à Paris l’Exposition de 1878, et par ces motifs la commission du budget a proposé de consacrer, l’année prochaine, à cette amélioration une somme de 100.000 francs. Depuis 1870, on n’a affecté aux travaux que les sommes nécessaires pour mettre l’édifice en état de remplir son rôle d’Académie de musique. On a laissé inachevées les parties appropriées, d’après le programme du concours, au service particulier du chef de l’Etat. Après 1870, on s’est borné à terminer le gros œuvre de l’intérieur, et le pavillon de gauche, resté inachevé, n’a encore reçu aucune destination. Il serait possible cependant d’utiliser les dépenses faites, en installant dans ce pavillon indépendant la riche bibliothèque musicale et dramatique, les précieuses collections d’estampes et de costumes que possède l’Opéra et dont la garde est confiée à un archiviste et à un bibliothécaire nommés par le ministre des beaux-arts. La commission du budget recommande donc au gouvernement l’étude de ces dispositions, qui permettraient d’enrichir Paris, peu à peu et sans grandes dépenses, d’une nouvelle bibliothèque publique consacrée à l’histoire du théâtre et de la musique. (la Semaine des constructeurs, 09 juin 1877)
Le nettoyage de l’Opéra. Depuis quelques jours, des échafaudages de badigeonneurs ont été descendus du faîte de l’Opéra le long de sa façade, et l’on a opéré le nettoyage de certaines parties du monument de M. Garnier. On sait que la façade de notre Académie de musique se compose d’éléments différents ; la pierre s’y trouve côtoyée par le marbre, le bronze et la dorure ; aussi emploi-t-on pour chacune de ces parties des procédés de nettoyage différents. La pierre est lavée soit à l’eau simple, soit à l’eau seconde, soit même frottée à la pierre ponce ; les bustes de nos grands musiciens sont passés à l’huile, pour déjouer les attaques de la pluie ; quant aux colonnes en marbre, elles sont lavées d’abord avec le plus grand soin, ensuite passées à l’encaustique, ce qui leur donne un brillant des plus agréables. Il n’est pas question, pour le moment, de nettoyer les dorures ; elles font bon effet, d’ailleurs, bien que le grand air les ait quelque peu altérées, et par cela même d’après l’opinion de l’architecte. (la Semaine des constructeurs, 28 juillet 1877)
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l'Opéra de Paris photographié par Charles Marville (1813-1879)
Avant que l'incendie du 28 octobre 1873 eût
détruit la salle de la rue Le Peletier, on s'était préoccupé de faire bâtir un
théâtre plus vaste et plus digne de sa destination. Un décret du 29 septembre
1860 avait déclaré d'utilité publique la construction d'une nouvelle salle
d'Opéra sur un emplacement sis entra le boulevard des Capucines, la rue de la
Chaussée-d'Antin, la rue Neuve-des-Mathurins et le passage Sandrié. Un arrêté du
29 décembre de la même année ouvrit un concours et en détermina les conditions.
Au bout d'un mois, délai accordé aux concurrents, 171 projets, formant un total
de 700 dessins et vues, furent présentés et exposés. M. Charles Nuitter,
archiviste de l'Opéra, nous fournit sur ce concours les détails suivants : 43
projets furent retenus d'abord, puis, par de nouveaux examens, les admissions
furent réduites à 16 et enfin à 7. Voici les devises et les noms des auteurs de
ces premiers projets :
– Intérieur de l'édifice. Du côté de la
façade principale, après avoir monté les dix marches du perron, franchi les
grilles qui ferment les grandes baies et dépassé les doubles portes formant
tambour, on se trouve dans un grand vestibule éclairé par quatre groupes de
lanternes reposant sur des gaines de marbre Beyride et ornés des quatre statues
assises de Lulli, Rameau, Gluck et Hændel,
qui personnifient la musique italienne, la musique française, la musique
allemande et la musique anglaise. Ce grand vestibule, accompagné de deux autres
vestibules de forme octogonale très remarquables par la coupe nouvelle et
ingénieuse de leurs voûtes, est d'un aspect très simple et très grandiose. Dix
marches en marbre vert de Suède donnent accès à un second vestibule destiné au
service du contrôle et orné de gracieux candélabres et de huit panneaux sculptés
et complétés par de belles plaques en marbre de Sarrancolin. Là, on voit en face
de soi le grand escalier et, de chaque côté, les escaliers secondaires
conduisant à tous les étages de la salle.
«...A chaque étage, les spectateurs accoudés aux balcons garnissent les murs et les rendent, pour ainsi dire, vivants, pendant que d'autres montent et descendent et ajoutent encore à la vie. Enfin,
en disposant des étoffes ou des draperies tombantes, des girandoles, des
candélabres ou des lustres, puis des marbres ou des fleurs, on fera de tout cet
ensemble une composition somptueuse et brillante, qui rappellera en nature
quelques-unes des dispositions que Véronèse a fixées sur ses toiles. La lumière qui
étincellera, les toilettes qui resplendiront,
les figures animées et souriantes, les rencontres qui se produiront, les saluts qui
s'échangeront, tout aura un air de fête et
de plaisir, et, sans se rendre compte de
la part qui doit revenir à l'architecte dans
cet effet magique, tout le monde en jouira
et tout le monde rendra ainsi, par son impression heureuse, hommage à ce grand
art, si puissant dans ses manifestations et
si élevé dans ses résultats. »
– Grand foyer. Il a 54 mètres de longueur
sur 13 de largeur et 18 de hauteur. Cette
hauteur est ce qui frappe le plus en entrant dans cette immense galerie, et les
yeux s'élèvent d'abord vers la voûte qui couronne les
riches parois de la salle ; mais, dans ce rapide
coup d'œil, le regard passe nécessairement
du sol aux-voussures et embrasse dans cette course l'ordonnance monumentale de
l'ensemble.
– Loggia. Cinq grandes portes vitrées séparent la loggia de la partie centrale du
foyer ; mais ces portes, par lesquelles on
peut apercevoir la place de l'Opéra, sont
condamnées. Aux deux extrémités du foyer,
deux sorties, convenablement munies de tambours préservateurs, par lesquelles on peut
aller sur la loggia, ont été ménagées. La description technique de cette partie de l'Opéra
peut se résumer par ces mots : portes monumentales ornées de colonnes de marbre
et couronnées par un cartouche et des enfants modelés par Gumery ; meneaux, en
fonte de grande élégance ; candélabres originaux portés sur des consoles en pierre
sculptée et plafonds en plates-bandes de diverses nuances, contenant des médaillons en
mosaïques d'émaux représentant des masques
antiques au milieu de divers attributs. Des
balcons de la loggia, on voit l'avenue qui
relie l'Opéra aux Tuileries. Un fumoir et un
glacier ont été construits des deux côtés de
la loggia. Ces deux pièces sont, par leur ornementation, dignes de l'ensemble de l'édifice.
Entrons maintenant dans la salle.
Le rouge et l'or forment le fond de la couleur de la salle. Dans son livre, le
Théâtre,
M. Garnier explique les raisons artistiques
et scientifiques qui l'ont conduit à faire choix
de ce parti de coloration. M. Garnier a voulu
songer surtout aux dames et faire valoir leur
toilette et leur beauté.
Le mur du fond est entièrement revêtu de
glaces. Il n'existait pas à Saint-Gobain de
table assez vaste pour couler d'un seul morceau une glace de cette étendue. Il a fallu se
résigner à joindre trois morceaux. Ce sont
les limites de la fabrication actuelle. Dans ces glaces se reflète un lustre en bronze doré
de 104 lumières. Le foyer est orné de chaque
côté de six colonnes cannelées en spirale,
surmontées de chapiteaux, où des papillons
aux ailes déployées remplacent l'épanouissement des feuilles d'acanthe. Le plafond est
double, orné, au milieu, de caissons entourés
de guirlandes de fleurs et de grelots ; il est
encadré par une voussure représentant un ciel d'été dans lequel des enfants
ailés poursuivent des papillons et des oiseaux. Cette
voussure et les autres peintures du foyer
sont l'œuvre de M. Boulanger. Au-dessous
règne une seconde voussure ornée de lyres
qui s'y découpent en plein relief et de vingt
statues d'enfants, encadrant vingt médaillons ovales, où M. Boulanger a peint les
portraits des vingt danseuses les plus célèbres depuis l'origine de l'Opéra. C'est
d'abord Mlle de La Fontaine (1681-1692),
la première femme qui ai dansé sur la scène de l'Opéra. Dès le début, il y avait eu des
chanteuses ; mais jusqu'alors, dans la danse,
les rôles de femme étaient remplis par des
danseurs travestis.
– Dépendances de la scène. Elles occupent
aux différents étages un espace considérable. Il faut, en effet, pourvoir aux besoins du
service pour un personnel nombreux : machinistes, tapissiers de la scène, gaziers,
lampistes, sapeurs-pompiers, garçons de
théâtre, avertisseurs, ustensiliers, habilleuses, tailleurs, coiffeurs,
comparses, régisseurs, chefs du chant, des chœurs, souffleurs, musiciens de l'orchestre, artistes, etc.
Pour le service de cet immense personnel,
il existe au nouvel Opéra 80 loges, destinées
aux sujets du chant et de la danse.
Les musiciens de l'orchestre ont aussi un
foyer garni de 100 armoires, dans lesquelles
ils peuvent déposer leurs instruments ; un
foyer vestiaire a été de même réservé pour
les musiciens de la bande militaire. A proximité des loges se trouvent deux postes pour
les coiffeurs et deux, postes à chaque étage
pour les avertisseurs.
Les armures constituent une des richesses
de l'Opéra. Exécutées avec un soin tout spécial, d'après des modèles de l'époque
ou d'après les documents historiques les plus certains, ce sont, dit M. Nuitter, de véritables
objets d'art. Le magasin d'armes du nouvel
Opéra constitue une sorte de musée d'artillerie.
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arrivée du lord-maire de Londres, lors de l'inauguration du Palais Garnier, le 05 janvier 1875, gouache sur papier d'Edouard Detaille (1878) [château de Versailles]
affiche de la soirée d'inauguration du Palais Garnier, le 05 janvier 1875
la salle vue de la scène lors de l'inauguration du Palais Garnier, le 05 janvier 1875 (dessin de Scott et Lix)
scène de la bénédiction des poignards des Huguenots lors de la soirée d'inauguration du Palais Garnier, le 05 janvier 1875 (lithographie)
grand escalier de l'Opéra
grand escalier de l'Opéra
grand escalier du Nouvel Opéra, dessin et lithographie de Fichot
le foyer de l'Opéra
Les travaux au dépôt des décors de l’Opéra.
On vient de commencer, dans le bâtiment de remise des décors de l’Opéra, les travaux d’édification d’un grand hall en fer. Ces travaux, qui s’exécutent sous la direction de M. Charles Garnier, ont pour but d’utiliser toutes les parties à ciel ouvert qui étaient encore disponibles dans le dépôt en question. Le dépôt aux décors de l’Opéra, situé au n° 6 de la rue Richer, près la rue du Faubourg-Poissonnière, est une ancienne dépendance de l’hôtel des Menus, au siècle dernier, dont le bâtiment principal est affecté au Conservatoire de musique et de déclamation. La superficie de ces bâtiments est de 740 m., dont moitié environ est couverte de constructions. Le hall que l’on construit en ce moment aura 12 mètres de large et sera supporté par des colonnes en fonte, sur lesquelles reposeront cinq fermes en fer, à une hauteur maxima de 14 mètres. Grâce à ces agrandissements, tous les décors du répertoire de l’Opéra pourront être remisés dans la rue Richer, alors que jusqu’ici on était obligé d’en laisser une grande partie au théâtre, où ils gênent notablement la mise en scène.
(la Semaine des constructeurs, 22 novembre 1879)
C'est au cours de l'un des bals de l'Opéra, le 06 janvier 1894, que l'on apprit la disparition sous les flammes du magasin de décors de l'Opéra, installé rue Richer ; une trentaine de décors disparurent.
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l'Atelier de menuiserie ou Magasin des décors du Boulevard Berthier en 1904 [revue l'Opéra, mars 1904]
Est-ce à l'admirable monument de Charles Garnier, est-ce à la salle infiniment plus modeste de la rue Le Peletier que le IXe arrondissement doit, depuis 1860, son titre administratif ? Aux deux, sans doute, car à cette date la construction était déjà décidée d'un édifice destiné à remplacer la salle Le Peletier, ouverte « provisoirement » en 1821, et sa place déjà fixée au point sur lequel il s'élève. En 1857, le second Empire était à l'apogée de sa puissance. Paris, depuis quelque temps, s'ouvrait à la lumière, dans le sens propre du mot, — par des percements, bien conçus pour la plupart, et indispensables. C'est alors que Napoléon III invita son ministre d'Etat, M. Fould, à faire étudier un projet de nouvel Opéra. Ce fut l'architecte ordinaire de l'Opéra, Rohault de Fleury, que l'on en chargea. Dans ses Mémoires, le baron Haussmann a raconté avec quelque mauvaise humeur comment les choses tournèrent :
Après approbation des plans, M. Fould conclut avec la Ville un traité qui la chargeait de l'expropriation des terrains nécessaires à l'emplacement du théâtre et des bâtiments l'entourant de trois côtés ; à l'établissement de la grande place sur laquelle s'élevait, comme aujourd'hui, la façade principale, et de celles qu'on voit sur les côtés et sur le derrière du monument, où débouchaient la cour de l'empereur, la cour des abonnés et la cour de l'administration ; enfin, à l'ouverture des rues Auber, Scribe, Halévy et Meyerbeer qui, reliant ces diverses places, encadraient les autres parties de cet énorme ensemble de constructions, affectant la forme octogonale. Les expropriations ont lieu, les voies publiques demandées sont établies ; des constructions privées, le Grand-Hôtel, entre autres, s'élèvent suivant le type fourni par l'architecte de l'Etat, type se raccordant avec celui de ses bâtiments secondaires. Cependant, une question de budget retarde la mise à exécution des plans adoptés. M. Fould est remplacé ; son successeur (Walewski), sans tenir compte de cette approbation, ni des faits accomplis, ouvre un concours. Le projet de M. Charles Garnier, alors architecte ordinaire de la Ville, aujourd'hui mon très aimable confrère à l'Institut, l'emporte, et quand son Opéra s'élève triomphalement au fond de la place ménagée sur le boulevard des Capucines, dans l'axe de l'avenue Napoléon (aujourd'hui avenue de l'Opéra), il se trouve médiocrement en harmonie, pour ne dire rien de plus, avec le cadre préparé pour un autre monument, et l'architecture imposée à toutes les maisons voisines n'a plus de raisons d'être.
Ce couplet... académique, encore que peu aimable pour un « très aimable confrère à l'Institut », méritait d'être cité pour plusieurs raisons. D'abord il nous fait connaître — au moins sommairement — l'historique de la fondation du nouvel Opéra, les rues projetées dès lors, et dont le tracé a été réalisé — puis, il montre que les hommes descendus du pouvoir sont trop souvent enclins à l'amertume, « pour ne dire rien de plus ». En quoi la construction dont Paris a lieu de s'enorgueillir n'est-elle pas en harmonie avec le cadre environnant, et quelle physionomie fallait-il donc rêver pour les larges voies dessinées tout autour ? Les maisons qui les bordent — et qui font honneur à leurs architectes et à leur époque — ne pouvaient cependant pas avoir la prétention de rivaliser de luxe avec un édifice que l'on avait raison de souhaiter sans rival possible. D'autre part, n'était-il pas équitable de désirer que le dessin d'un pareil édifice fût mis au concours, sollicitât l'activité, le talent des cerveaux les plus dignes de le concevoir ? Napoléon III et son ministre d'Etat furent donc bien inspirés en le comprenant ; notre ville n'a pu qu'y gagner. Rappelons maintenant que c'est en 1863 que le projet présenté par Charles Garnier fut accueilli avec enthousiasme. Son auteur est mort dans le courant de l'été de 1898 ; on est donc à l'aise pour le louer largement, même avec quelques réserves. Ce n'est pas, en effet, une faible gloire pour un homme d'avoir élevé le plus beau monument civil de Paris après le Louvre, nous dirions même à l'égal du Louvre, si nos grands artistes de la Renaissance pouvaient avoir des égaux. Ce que l'on admire tout d'abord à l'Opéra, c'est la façade, d'une si riche et large ordonnance, formée, après un perron de quelques marches, d'une galerie voûtée que surmonte la colonnade de la loggia, composée de seize colonnes monolithes, surmontée elle-même d'un attique chargé de sculptures et complété par deux groupes en bronze doré, la Poésie, l'Harmonie, sculptés par Gumery. Au premier plan de cette façade, quatre groupes de sculptures symbolisant les arts musicaux : la Danse, de Carpeaux (le plus remarquable par sa beauté et son audace) ; la Musique, par Eug. Guillaume ; la Poésie lyrique, par Jouffroy ; le Drame lyrique, par Perraud. Les deux autres merveilles de l'Opéra sont le grand escalier et le foyer. L'escalier aurait à lui seul suffi à la gloire de Garnier. Sa majesté le rend digne des palais les plus orgueilleux, digne d'un conte des Mille et une nuits. Il est seulement regrettable qu'au premier palier l'accès de l'amphithéâtre soit fait d'une baie un peu étriquée et que la double révolution qui conduit aux premières loges ne comporte pas une nouvelle révolution se terminant aux portes mêmes du foyer, qui paraît ainsi séparé et pour ainsi dire indépendant du théâtre. Combien cependant il mérite d'en être partie intégrante ! Si l'escalier est la gloire de Garnier, le foyer assure celle de Paul Baudry par les admirables peintures dont il l'a décoré, se traduisant toutes en apothéose de l'art. La salle est simplement belle, spacieusement disposée et d'acoustique suffisante. Le plafond est l'œuvre de Lenepveu. On doit convenir que si les façades latérales sont inspirées du même goût heureux que la façade principale, celle de l'administration, sur le boulevard Haussmann, est vraiment trop peu en accord avec elles. L'architecte l'a négligée, et le mal est irréparable de transmettre aux siècles futurs un monument ainsi manquant d'homogénéité. De même, tout en reconnaissant quelles exigences la décoration imposait pour les proportions de la scène, il faut bien reconnaître que cette toiture d'une hauteur démesurée, ces surfaces nues vues du dehors, ne sont pas d'un heureux effet ; elles écrasent l'édifice que l'on voudrait parfaitement harmonieux dans toutes ses parties. Au fond, ce sont là de minces critiques ; elles n'infirment pas l'admiration que l'on doit à ce superbe spécimen de notre architecture nationale. Commencée en 1863, l'œuvre ne fut menée que lentement, tant l'architecte avait souci de ne réunir que des matériaux rares, de n'imposer aucune hâte à ses collaborateurs artistiques. Puis, la guerre survint, et nos désastres, pour bien des causes, ralentirent le travail après l'avoir, même, un moment, fait cesser complètement. L'incendie de la salle Le Peletier, dans la nuit du 28 au 29 octobre 1873, réveilla l'ardeur, et finalement la nouvelle salle fut inaugurée le 5 janvier 1875. Ce fut une soirée de grand gala donnée en présence du maréchal de Mac-Mahon, président de la République, et d'illustres hôtes étrangers : le jeune roi d'Espagne et sa mère Isabelle, le lord maire, le bourgmestre d'Amsterdam. Il va sans dire que tout ce que notre pays compte de notabilités y était convié. La représentation fut composée de fragments d'œuvres diverses, ce qu'on appelle un spectacle coupé : deux actes de la Juive, deux actes de Guillaume Tell, la bénédiction des poignards des Huguenots, etc. Depuis lors, l'Opéra n'a pas démérité ; il emploie noblement, pour l'honneur de l'art et le bon renom de la France, la subvention annuelle de 800.000 francs qui lui est allouée sur le budget de l'Etat. Rappelons encore que l'Opéra renferme une bibliothèque et un musée contenant une grande quantité de documents précieux : autographes de compositeurs, maquettes de décors, portraits d'artistes, archives administratives, etc.
(Fernand Bournon, Paris-Atlas, 1900)
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matinée gratuite à l'Opéra à l'occasion du 14 juillet 1899
charge sur l'Opéra par Charles Giraud, 1899
Les urnes de l’Opéra.
Le 24 décembre 1907 et le 13 juin 1912, des disques de la Compagnie du Gramophone furent enfermés dans des urnes enfouies dans les caves de l’Opéra pour une durée de cent ans.
la cérémonie de 1907
Une étrange cérémonie. J'étais fort intrigué, je l'avoue, en me rendant hier à l'invitation que m'avait adressée Charles Malherbe, le très distingué bibliothécaire de l'Opéra. « Soyez à deux heures et demie précises, m'avait-il écrit, au musée de l'Opéra. Suivez l'homme qui vous y attendra et vous assisterez à une curieuse cérémonie, dont je vous réserve la surprise. » Cet infatigable fureteur, pensai-je, vient encore de dénicher un précieux manuscrit musical qu'il se propose de dépouiller devant quelques amis... Et pourtant le libellé de son invitation me laissait perplexe... pourquoi tant de mystère ? A l'entrée du musée, « l'homme » m'attendait. Un homme grave, vêtu de noir, coiffé d'une casquette rabattue sur les yeux et dont le galon portait en lettres presque effacées ces mots engageants : Beaux-Arts. — M. Malherbe ? Demandai-je le plus aimablement du monde. — Suivez-moi, me répondit-il froidement. Nous traversâmes d’abord une pièce vaste et somptueuse, véritable salle d'armes, où s'évoquaient les épopées légendaires, les époques héroïques, les drames sombres : ici l'armure de Lohengrin, les casques des Walkyries, les épées des Huguenots, la flèche de Guillaume Tell, plus loin les boucliers des Barbares et les brûle-parfums de Salammbô. J'étais en plein rêve. C'était charmant. Brusquement une voix brève me réveilla. — Attendez-moi, je vais allumer une lanterne... En même temps l'homme disparaissait, revenait avec une lanterne, ouvrait une porte dissimulée dans le mur, m'entraînait dans un escalier noir, à travers des corridors étroits et silencieux, puis dans un autre escalier en spirale... Nous descendions, descendions toujours ; nos pas résonnaient lugubrement sous des voûtes immenses ; des tuyaux bizarres couraient le long des murs ; des fils d'acier innombrables s'enchevêtraient au-dessus de nos têtes ; je songeais à l'Affaire des Poisons que j'avais vue la veille ; je songeais à ces armures formidables, à ces épées flamboyantes que je venais d'apercevoir là-haut. Je me rappelais aussi — que ne se rappelle-t-on en de pareils moments ! — le triste sort du Masque de Fer, la mort du duc d'Enghien. Bref, je n'étais pas du tout rassuré. Etait-ce un complot ? une messe noire ? Impossible, je connaissais trop Malherbe pour m'arrêter à de pareilles hypothèses. Et puis quoi, en plein jour, en plein Paris ? Un jet de lumière électrique, une voûte éclairée, des bruits de voix me détournèrent du sombre chemin où s'engageait mon imagination troublée. Des messieurs en redingote et chapeau haut de forme, assis en cercle, écoutaient Charles Malherbe qui lisait un papier devant une grille entrouverte. — Voilà les conjurés, pensai-je. A moins que ce ne soit le Conseil des Dix... Engagé dans l'aventure il me fallait la suivre jusqu'au bout. Rassemblant tout mon courage, je m'avançai. Oh ! stupeur, je reconnus dans ces ombres mystérieuses MM. Adrien Bernheim, Gailhard, Gheusi, Georges Boyer, Banès, Pioch et quelques amis de l'Opéra. J’aperçus enfin sur une table un phonographe, une pile de disques, des marmites en cuivre et des bandelettes... J'étais du coup rassuré. Mais que signifiaient cette réunion souterraine et ces accessoires... inattendus ? Un éloquent discours de M. Malherbe allait me l'apprendre. Le bibliothécaire de l'Opéra recevait, au commencement de l'année, la visite d'un Américain, M. Alfred Clark, qui lui tenait le langage suivant : « Croyez-vous qu'il y aurait pour nous intérêt à savoir d'une manière précise comment Molière récitait ses comédies, comment Talma, déclamait les vers de Corneille ou de Racine, comment Mozart exécutait une de ses sonates, comment Sophie Arnould chantait un air de Rameau ou de Gluck ? Oui, n'est-ce pas ? Eh bien, ce que nos ascendants n'ont pu faire pour nous, nous pouvons le faire pour nos descendants. Nous pouvons enregistrer une collection de pièces instrumentales et vocales figurant au répertoire de l'Opéra, par exemple, et les transmettre de telle manière que les Français du vingt et unième siècle connaissent exactement dans quel mouvement le chef d'orchestre faisait prendre ce morceau-ci et avec quelle expression le chanteur interprétait ce morceau-là. Je vais vous remettre un appareil et des disques ; nous les enfermerons dans une boîte scellée dont la clef restera dans vos archives, et qu'on ouvrira dans... cent ans ! Donnez-moi la place nécessaire, et je me charge du reste. » Séduit par l'originalité et la nouveauté de cette proposition, conscient de l'inestimable service que sa réalisation pouvait rendre à l'histoire musicale et à l'art, M. Malherbe s'empressa de l'accepter et d'obtenir le consentement de M. Dujardin-Beaumetz. Restait à en assurer l'exécution. Il importait en effet de préparer l'emplacement de ce dépôt précieux, surtout de soustraire les disques à l'action du temps, sans quoi on risquait de ne retrouver, dans cent ans, qu'une poussière informe... On construisit donc une sorte de cellier dans les caves de l'Opéra, pendant que l’éminent chimiste, M. Bardy, résolvait le problème de la conservation intacte des disques en introduisant une matière nouvelle dans leur composition chimique. Et c'est ainsi, qu'hier, en présence du gouvernement, représenté par MM. Adrien Bernheim, Etienne Port et Gabriel Faure, chefs de cabinet de Briand et Dujardin-Beaumetz, de la direction de l'Opéra, personnifiée par MM. Gailhard et Gheusi, et du généreux promoteur de cette originale idée, M. Clark, on procéda à l'émouvante et curieuse cérémonie de l' « Enfouissement » de ces choses inanimées et pourtant parlantes et qui parleront encore longtemps après que ceux dont elles reproduisent si merveilleusement la voix seront rentrés dans l'éternel silence ! Aussi bien, lorsqu'en entendant pour la dernière fois, avant qu'ils fussent enfermés, les disques reproduisant successivement les voix de la Patti, de Tamagno, de Caruso, de Plançon, de Calvé, de Melba, de Mérentié et tutti quanti, dont les résonances sous ces voûtes sonores offraient l'apparence de la plus saisissante réalité ; lorsque ensuite ces disques, soigneusement isolés, entourés de bandelettes d'amiante, comme jadis les momies d'Egypte, furent déposés et scellés dans leurs caisses de cuivre, lorsque nous apposâmes nos signatures au bas du parchemin qui les devait suivre dans leurs étranges cercueils, et où sont rappelées la cérémonie d'aujourd'hui et les indications nécessaires pour la mise en mouvement de l'appareil, lorsque enfin la lourde porte de fer fut refermée, personne, je vous assure, ne songea à se défendre d'un peu de mélancolique émotion et de vague effroi. Il semblait que nous assistions à nos propres funérailles... (René Lara, le Figaro, 25 décembre 1907)
Une intéressante cérémonie a réuni mardi quelques invités dans les caves de l'Opéra. Des disques de gramophone des plus illustres chanteurs contemporains ont été disposés de manière à ne pas être en contact immédiat les uns avec les autres. Les disques avant été établis avec des matières résineuses, pour que trop de sécheresse ne leur nuise pas, on a décidé d'exercer sur eux un séjour prolongé dans les caves de l'Opéra : la privation de lumière et d'air contribuera au bon état de leur conservation. Entre deux piliers un mur a donc été construit, et, dans l'intervalle, des casiers métalliques ont été disposés de manière si recevoir les caisses de disques, à mesure qu'elles parviendront. Lorsqu'un progrès aura été réalisé, le témoignage en sera apporté dans les caveaux et les armoires se garniront, afin d'aboutir à ces deux résultats pour nos descendants : 1° Montrer quel était l'un des aspects de la musique du vingtième siècle, ce que chantaient et comment chantaient les principaux artistes de notre Opéra ; 2° Montrer quelle aura été la marche ascendante d'une des inventions les plus géniales de ce temps, en en suivant, pour ainsi dire, pas à pas, les progrès pendant une centaine d’années. Il est entendu que les caisses de disques ne devront être ouvertes qu'au bout d'un siècle. Un parchemin spécial donne la liste détaillée des morceaux contenus dans les caisses et toutes les indications nécessaires pour mettre en mouvement la machine et ses accessoires, car au cours d'un si long espace de temps bien des détails se seront forcément modifiés, et il importe que les ouvriers d'alors, munis des outils nouveaux, ne soient pas embarrassés pour manier ceux que l’âge aura plus ou moins démodés. Cette liste est la suivante : Tamagno, Caruso, Scotti, Plançon, Battistini, de Lucia, Mme Huguet, Mme Patti, Mme Melba, Mme Schumann-Heink, Mme Boninsegna, Mlle Calvé, Kubelik, Mlle Mérentié, Mme Auguez de Montalant, Mlle Lindsay, M. Affre, M. Renaud, M. Noté, M. Beyle, M. Dufranne, M. Pugno, Mme Selma Kurz, Mlle Korsoff. MM. Briand et Dujardin-Beaumetz s'étaient fait représenter par leurs chefs de cabinet, MM. Etienne Port et Gabriel Faure, à cette cérémonie â laquelle assistaient MM. Gailhard, directeur de l'Opéra, le chimiste Bardy, M. Clark, le promoteur de l'idée, etc. En réponse au discours de M. Malherbe, conservateur du musée de l'Opéra, M. Adrien Bernheim, commissaire du gouvernement auprès des théâtres subventionnés, a prononcé une allocution très goûtée. Une audition des principaux disques en service a ensuite eu lieu, clôturant cette impressionnante et originale cérémonie. (le Ménestrel, 28 décembre 1907)
Mercredi dernier, dans l'après-midi, une cérémonie singulière et tout à fait inédite rassemblait quelques invités dans les sous-sols de l'Opéra. Sous ces voûtes silencieuses, dans ces souterrains qui, pour la circonstance, avaient pris un aspect de crypte ou de catacombes, on procéda – si l'on peut dire – à la mise en cave des voix de nos plus illustres chanteurs contemporains. En présence de M. Malherbe, bibliothécaire de l'Opéra, du chimiste Bardy, de M. Clark, promoteur de l'idée, des représentants du ministre de l'Instruction publique et du sous-secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts, des disques de gramophone enregistrés furent déposés de manière à ne pas se trouver en contact immédiat les uns avec les autres, et placés dans une double boîte où l'on fit le vide ; ce récipient soudé a pris place dans l'un des casiers métalliques aménagés dans un mur construit exprès pour recevoir les caisses de disques à mesure qu'elles parviendront. [...] Les caisses de disques ne pourront être ouvertes que dans cent ans. (l’Illustration, 28 décembre 1907)
la cérémonie de 1907
Les voix endormies. Au fond d'un caveau souterrain de l'Opéra, mystérieusement incluses en la cire des disques d'un gramophone, les voix de la Patti, de Tamagno, de Caruso, celles de Mmes Calvé, Melba, Mérentié et bien d'autres encore, dormaient silencieuses, depuis le mois de décembre 1907. Cet après-midi (jeudi), le repos de ces belles endormies sera, quelques instants, troublé. Car l'enchanteur à qui elles doivent leur réclusion s'apprête à leur donner des compagnes qui, ainsi qu'elles-mêmes, n'auront pas le droit de rompre le silence avant un siècle révolu. En présence de M. Léon Bérard, sous-secrétaire d'État aux beaux-arts, des directeurs de l'Opéra et du personnel de la bibliothèque et des archives, M. Alfred Clark qui, en 1907, avait offert aux archives de l'Opéra une première collection de phonogrammes, procédera avec le même cérémonial que la première fois à la remise d'une série nouvelle. Il n'est pas besoin d'insister sur l'importance que présenteront pour les musicographes du vingt et unième siècle ces documents précis sur le talent et le style des grands artistes de nos jours. (le Figaro, 13 juin 1912)
Dans les sous-sols de l’Opéra on enfouit des voix célèbres. Le gramophone les révèlera dans cent ans. On se souvient que le 24 décembre 1907, il avait été procédé dans les sous-sols de l'Opéra, à l'enfouissement d'une vingtaine de disques de gramophone, sur lesquels étaient gravées les voix de quelques-uns de nos chanteurs les plus célèbres. Parmi ces chanteurs on comptait : Tamagno, la Patti, Mme Calvé, MM. Plançon et Renaud. Soigneusement enfermés dans d'épaisses urnes de fonte soudées, lesquelles sont elles-mêmes enfouies dans un caveau spécial dont M. Banès, bibliothécaire de l'Opéra a seul la clé, ces précieux disques ne doivent revoir le jour que dans cent années. Ce sera là un instant de belle émotion pour nos petits-fils, et l'on peut supposer aisément celle que nous éprouverions s'il nous était donné d'entendre le clavecin de Mozart, le piano de Liszt, la déclamation de Talma et la voix de la Malibran. Une cérémonie analogue eut lieu hier à la même place. A trois heures de l'après-midi, M. Bérard, suivi de son chef de cabinet, M. Maurice Reclus, arrivait à la bibliothèque de l'Opéra, lieu de réunion de tous les invités. Le Sous-Secrétaire d'Etat aux Beaux-Arts devait, en effet, présider à cet enfouissement et sceller de sa propre main, avec le sceau de l'Etat, les deux urnes contenant les disques nouvellement gravés. Dans l'assistance, assez nombreuse, on remarquait MM. Messager et Broussan, Marius Gabion, Pierre Soulaine, Maurice Lefèvre, Paul Vidal, Croze, Bozonet, Schneider, Ecorcheville et de Curzon... ... Puis, comme le cortège s'enfonçait dans les profondeurs du sol, M. Demange, chef électricien de l'Opéra, profita du passage du Sous-Secrétaire d'Etat devant l'immense installation électrique, pour lui en expliquer le minutieux fonctionnement ; ce qui parut l'intéresser prodigieusement. Enfin, après de longs détours sous de sombres arcades, nous arrivâmes dans une sorte de caveau où plusieurs rangées de fauteuils avaient été installées. Il y régnait une fraîcheur humide qui glaça quelques crânes, aussi M. Bérard crut-il répondre au désir de plusieurs assistants en couvrant son chef ministériel. Il fut aussitôt imité. Sur une table ornée d'un tapis rouge, les disques avaient été préparés. En face, la tombe attendait, grande ouverte, laissant deviner dans ses sombres profondeurs, les deux urnes déposées en 1907. Voici les noms des artistes dont les voix allaient connaître l'honneur de se voir vouées à une postérité centenaire : MM. Gémier, Journet, Mme Tetrazzini, MM. Campagnola, Beyle, Reynaldo Hahn, Vigneau, Mlle Brohly, Mme Auguez de Montalant, Mlle Korsoff, MM. Franz, Caruso, Amato, Chaliapine, Mlle Farrar, Mme Melba et M. Scotti. Il y eut aussi des instrumentistes : MM. Kubelik, déjà enfoui en 1907 ; Kreisler également violoniste, et Paderewski. Ne croyez pas que tout ceci se passât sans solennité, voire sans émotion. Avant de les enfermer à jamais - du moins pour nous - on mit sur un appareil installé exprès, le disque de M. Gémier. C'était une allocution au ministre. Puis, ou entendit la belle voix de M. Franz dans le « récit du Graal ». Elle était reconnaissable dans ses moindres inflexions. Mlle Brohly chanta « Samson et Dalila ». M. Kubelik termina ce concert. A près quoi, dûment enveloppés, cachetés et soudés, les disques disparurent. « On ne les entendra plus qu'en 2012 » dit quelqu'un. Chacun se regarda. Personne ne souriait. Le procès-verbal, sur parchemin, fut signé par tous les assistants, et le stylographe circulait de main en main comme un goupillon qui laisserait tomber de l'eau bénite sur une tombe encore ouverte. (L. Borgex, Comœdia, 14 juin 1912)
Ainsi que nous l’avions annoncé, c’est jeudi de la semaine dernière qu’a eu lieu à l’Opéra la cérémonie, présidée par notre intendant des Beaux-Arts, M. Léon Bérard, de l’ensevelissement des disques phonographiques qu’on ne devra exhumer que dans cent ans… si l’on y pense encore ! M. Bérard, entouré de MM. Messager, Broussan, Gabion, Soulaine, Maurice Lefebvre, M. Reclus, Antoine Banès et Alfred Clark, scella les urnes-marmites contenant les voix de Mlle Brohly, de MM. Franz et Gémier et aussi une exécution pianistique de M. Paderewski et une violonistique de M. Kubelik. (le Ménestrel, 22 juin 1912)
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l'Opéra de Paris, photo vers 1889
l'Opéra de Paris, photo vers 1890
Le Cinquantenaire de l’Opéra.
L'Opéra a célébré, le 6 janvier 1925, à un jour près, son cinquantenaire. Un décret en date du 29 septembre 1861 avait déclaré d'utilité publique la construction d'une nouvelle salle d'opéra sur un emplacement délimité par le boulevard des Capucines, la rue Neuve-des-Mathurins et la rue de la Chaussée-d'Antin. Le 29 décembre, un arrêté avait fixé les conditions d'un concours ouvert à cet effet. Cent soixante et onze projets furent exposés l'année suivante. On sait comment le jury, en ayant d'abord retenu seize, puis sept, réduisit enfin à cinq le nombre des candidats, dont Charles Garnier demeura le vainqueur. L'ancien Opéra de la rue Le Peletier ayant été détruit par le feu le 28 octobre 1873, le directeur en exercice, Halanzier, s'entendit avec les directeurs du Théâtre-Italien, Merelli et Strakosch, pour donner les représentations de l'Opéra dans leur salle de la rue Ventadour jusqu'au jour où le nouveau bâtiment en construction serait achevé.
La nouvelle salle, enfin prête, fut inaugurée le 5 janvier 1875, par une représentation de gala à laquelle assistaient le lord-maire de Londres, en costume de grande cérémonie, et de nombreux personnages officiels : le maréchal de Mac-Mahon, le président de l'Assemblée nationale, les souverains d'Espagne, le roi de Hanovre, le maréchal Canrobert.
Les spectateurs furent frappés, plus encore que par le style pompeux de l'édifice, par les dimensions considérables de l'Opéra de Garnier, qui tiennent surtout au développement donné à l'entrée avec le foyer du public et le célèbre escalier monumental, ainsi qu'aux dépendances de la scène, qui contiennent environ cinq cents loges d'artiste et des foyers d'étude pour la danse et le chant. Cependant, ni la scène ni la salle ne dépassent sensiblement en ampleur les dimensions de l'Opéra de la rue Le Peletier. La scène actuelle a 15 m. 10 en hauteur et, en largeur d'ouverture au cadre, 52 m. 90 de largeur totale. La salle a 20 m. 59 de largeur, 25 m. 65 de profondeur et 20 mètres de hauteur. Elle contenait à l'origine 2.156 places, dont le tarif (reste en vigueur jusqu'en 1914), oscillait entre 2 fr. 50 (cinquièmes loges ; 3 fr. en location) et 15 francs (premières loges ; 17 fr. en location).
De 1875 à 1925, les directeurs de l'Opéra se sont succédé de la façon suivante : Halanzier (qui avait succédé lui-même à Emile Perrin en 1871) jusqu'en 1879 ; Vaucorbeil, de 1879 à 1884 ; des Chapelles, commissaire du gouvernement, à la suite du décès de Vaucorbeil, survenu deux mois avant la fin de son privilège ; Ritt et Gailhard (1884-1891) ; Bertrand (1891-1893) ; Bertrand et Gailhard, puis Gailhard seul jusqu'en 1908 ; Messager et Broussan (1908-1914) ; enfin Jacques Rouché. On voit qu'en fait l'Opéra n'a changé que cinq fois de direction, Gailhard étant resté au pouvoir pendant vingt-trois ans.
Avec Halanzier, l'Opéra, bien que sa subvention ne fût plus que de 800.000 francs au lieu de 900.000 (et si paradoxal que paraisse le fait, elle n'a pas augmenté depuis lors !) retrouva son ancienne prospérité. Reyer disait de lui qu' « il avait un grand avantage sur quelques-uns de ses confrères : il ne savait pas la musique, mais, là, pas du tout ». Il ne fut pas, cependant, trop maladroit, puisque c'est lui qui fit jouer Gretna Green, de Guiraud (1873) ; Sylvia, de Delibes (1876) ; le Roi de Lahore, de Massenet (1877) ; Polyeucte, de Gounod (1878). Vaucorbeil, qui savait la musique (il a laissé plusieurs œuvres de musique de chambre et un opéra, Mahomet, qu'il eut la modestie de ne pas faire représenter sur la scène qu'il dirigeait), obtint que Aïda, de Verdi (créée au Caire dix ans plus tôt), fût inscrite au répertoire de l'Opéra (1880) ; fit reprendre la même année le Comte Ory, de Rossini ; créa la Korrigane, de Widor (1880) ; le Tribut de Zamora, de Gounod (1881) ; Namouna, de Lalo, et Françoise de Rimini, d'Ambroise Thomas (1882) ; Henri VIII, de Saint-Saëns, et la Farandole, de Théodore Dubois (1883) ; une version nouvelle de la Sapho de Gounod (1884), et commanda à André Messager le ballet des Deux Pigeons, qui fut monté par la direction suivante. C'est à Pedro Gailhard que revient le mérite d'avoir accueilli Sigurd, de Reyer (1885) ; Patrie !, de Paladilhe (1886) ; Roméo et Juliette, de Gounod (1888) ; Salammbô, de Reyer (1892), précédemment créée à Bruxelles ; Samson et Dalila, de Saint-Saëns (1892), d'abord créé à Weimar en 1877, puis joué à Rouen en 1890 ; Thaïs, de Massenet, en 1894.
A partir de cette date, l'Opéra tomba en décadence. On a souvent fait remarquer que, durant les treize années que dura encore la direction Gailhard, aucun opéra nouveau n'échappa à l'insuccès. Qui, à part les musicologues et les vieux abonnés, se souvient encore de la Montagne Noire, d'Augusta Holmès (1895), ou de Hallé, de Duvernoy (1896) ou de Lancelot, de Victorin Joncières (1900), ou d'Astarté, de Xavier Leroux ? Des œuvres meilleures, mais mal comprises de la direction et mal présentées, ne purent se maintenir : de Chabrier, Gwendoline (1893) et Briséis (1899) ; Messidor, de Bruneau (1897) ; l'Etranger, de V. d'Indy (1902). Aussi, en 1904, Romain Rolland pouvait-il écrire : « En dépit du changement de goût et des campagnes de presse, l'Opéra est resté jusqu'à ce jour le théâtre de Meyerbeer et de Gounod, ainsi que de leurs disciples. Un tel théâtre ne compte plus dans l'histoire de la musique française, et il faudra à ses nouveaux directeurs beaucoup d'énergie et d'ingéniosité pour faire rentrer un semblant de vie dans ce colosse mort. »
Depuis 1908 avec Messager, puis avec Rouché, l'Opéra a repris dans la vie musicale française la place qu'il n'aurait jamais dû perdre : Fervaal, de V. d'Indy (1913) ; Scemo, de Bachelet (1914) ; la Légende de saint Christophe, de V. d'Indy (1920) ; Antar, de Gabriel Dupont (1921) ; l'Heure espagnole, de Ravel (1921) ; le Martyre de saint Sébastien, de Debussy (1922) [ces deux derniers créés auparavant sur d'autres scènes] ; Padmâvati, d'Albert Roussel (1923) ; et, parmi les ballets : España, de Chabrier (1911) ; la Tragédie de Salomé, de Florent Schmitt (1919) ; la Péri, de Paul Dukas (1921) ; Daphnis et Chloé, de Ravel (1922), etc. Berlioz, dont la Prise de Troie avait reparu sur l'affiche en 1900, a enfin droit de cité désormais avec la Damnation de Faust, adaptée à la scène en 1910, et les Troyens, repris sous la direction Rouché en 1921. Moussorgski figure au répertoire avec Boris Godounov (1922) et la Khovanchtchina (1923). Richard Strauss y a vu jouer Salomé (1910) et la Légende de Joseph (1914). Le Falstaff de Verdi a été accueilli en 1922. Rameau a été remis en honneur avec Hippolyte et Aricie et Castor et Pollux. Quant à Wagner, il a conquis lentement, mais sûrement, sa place : après la mémorable création de Tannhäuser, en 1861, ce fut l'apparition, sous la direction Vaucorbeil, de Lohengrin (1891) ; sous la direction Bertrand et Gailhard, de la Walkyrie (1893) et des Maîtres Chanteurs (1897) ; sous la direction Gailhard, de Siegfried (1902) et de Tristan (1904) ; sous la direction Messager et Broussan, du Crépuscule des Dieux (1908), de l'Or du Rhin (1909) et de Parsifal (1914).
l'Opéra de Charles Garnier. Coupe longitudinale du monument, d'après un dessin d'A. Deroy (le Monde illustré, 6 février 1875)
Parmi les chanteurs qui ont illustré ces cinquante années, il faut rappeler le souvenir de la célèbre Mme Krauss et de son partenaire, le baryton J.-B. Faure, illustres prédécesseurs de Van Dyck, de Jean et Edouard de Reszké et des chanteurs actuels, dont les noms sont familiers à tous. La liste n'est pas moins longue des danseurs et danseuses, depuis Mérante et Rosita Mauri jusqu'à Aveline et Carlotta Zambelli. Quant aux chefs d'orchestre, la baguette a passé successivement des mains de Lamoureux et de Colonne dans celles de Taffanel, de Messager, de Chevillard, de Gaubert, Rühlmann, Büsser, Grovlez.
Pour la représentation de gala de l'inauguration, Halanzier avait eu recours au spectacle en usage dans ces sortes de cérémonies : comme il s'agit d'y faire entrer ce que la maison peut offrir de plus célèbre ou de plus brillant, on utilise un « spectacle coupé », c'est-à-dire que le programme réunit des fragments d'ouvrages divers. En 1875, il comportait deux actes de la Juive, d'Halévy ; la Bénédiction des Poignards, des Huguenots, de Meyerbeer ; un tableau de la Source, ballet de Delibes, et les ouvertures de la Muette de Portici et de Guillaume Tell. En 1925, en présence du président de la République, de presque tout le corps diplomatique et de nombreux parlementaires, un spectacle analogue réunissait la Bénédiction des Poignards (terriblement vieillie), l'acte (non moins vétuste) d'Ophélie dans Hamlet, d'Ambroise Thomas ; un acte (toujours frais et vivant) de Sylvia, ballet de Delibes, et la reprise du Triomphe de l'Amour, de Lully.
Cette reprise est d'une importance capitale, car elle fait revivre une forme d'art qui est celle-là même qui paraît le mieux convenir au gigantesque monument et aux possibilités de la musique, à condition, bien entendu, de l'adapter, comme a su le faire Albert Roussel avec Padmâvati, aux nécessités de l'esthétique et de la syntaxe musicales contemporaines.
Aussi, en ranimant cet opéra-ballet de Lulli qui n'avait pas été repris depuis 1705, la direction de l'Opéra a fait un geste qui va bien au delà des vœux des musicologues : elle a planté un solide jalon sur une route rajeunie.
On sait que le Triomphe de l'Amour, commandé par Louis XIV à Lulli et à Quinault, fut le ballet de cour du Carnaval de l'an 1681. Depuis plusieurs années, les opéras, qui faisaient fureur, avaient remplacé les ballets, aux divertissements du Carnaval. Lulli, en revenant à cette forme, ranimait la tradition du ballet, qu'il avait lui-même abondamment illustrée déjà. Mais cette nouvelle œuvre ne ressemblait nullement aux anciennes. La danse n'y reste pas au premier plan ; elle cède le pas à la musique : les chœurs, les airs, les « symphonies » occupent désormais une place prépondérante. A la cour, on se plaignit qu'il y eût trop de musique : l'orchestre empêchait d'entendre les castagnettes de Mlle de Nantes. La danse cède aussi le pas au spectacle : Lulli avait résolu de monter la pièce avec une extraordinaire magnificence. Déjà à Saint-Germain, où le Triomphe de l'Amour fut représenté pour la première fois le 21 janvier 1681, les décors et costumes élégants et fastueux de Berain excitèrent l'enthousiasme. Lorsque l'œuvre fut donnée à Paris, Lulli voulut plus de magnificence encore. De Bologne il fit venir le machiniste Ravini, qui multiplia les apothéoses. Il eut même l'idée de confier à des ballerines les entrées, qui, aux représentations de Saint-Germain, avaient été dansées par des dames de la cour. Jusqu'alors, on n'avait eu recours, sur la scène de l'Opéra, qu'à des hommes travestis en femmes. On admira cette « nouveauté toute singulière »...
Inauguration de l'Opéra. Ovation à M. Garnier à sa sortie de l'Opéra. Dessin de M. Lix (le Monde illustré, 16 janvier 1875)
Le livret a les qualités ordinaires et réelles de Quinault : tendre mollesse, aisance du style, souplesse de la versification. Le sujet est agréable, avec quelques idées de vrai poète. Les dieux paraissent et, par leur exemple, célèbrent les hauts faits de l'Amour. Vénus, son orgueilleuse mère, appelle Dryades, Naïades, Nymphes et Plaisirs. Mars et ses compagnons d'armes voient leur ardeur guerrière désarmée par la cohorte des Amours. Amphitrite cède à Neptune, acharné à la poursuivre. Borée enlève Orythie à ses compagnes athéniennes. Diane, rebelle, sent fléchir sa rigueur à l'approche d'Endymion. A l'Amour qui triomphe, la Nuit vient apporter son mystère. Mais les peuplades de Carie s'étonnent de ne point voir au ciel l'astre accoutumé. Ce présage sinistre excite leurs clameurs. En vain : le jour va reparaître sans que Diane ait éclairé la nuit. Déjà. Bacchus ramène une Ariane domptée. Mercure annonce l'approche d'Apollon avec ses bergers, de Pan avec ses Sylvains, de Flore, de Zéphire et des Nymphes. Enfin voici l'Amour suivi de la Jeunesse, qu'accompagnent les Jeux. Une Gloire lumineuse paraît dans le ciel, où s'étagent Jupiter et les Olympiens. Les voix de l'univers célèbrent l'apothéose du jeune Amour, auquel tous les dieux rendent hommage.
Spectacle heureux, souriant, mais monotone. L'intérêt dramatique manque. Beaucoup de scènes se ressemblent ; les entrées des Nymphes, des Naïades, des Plaisirs et des Jeux ne sont pas différenciées : aussi prit-on le parti, à l'Opéra — et l'on ne saurait blâmer cette audace, — d'en laisser de côté quelques-unes. La musique ne va pas, elle non plus, sans quelque monotonie ; plus encore que l'agencement du livret, l'interprétation en est responsable. Les phrases de Lulli ne se doivent pas chanter comme des phrases de cantate. C'est une grave erreur que de donner à ces chants, sous prétexte que le spectacle est pompeux et conventionnel, une allure de déesse trop majestueuse. On risque d'étouffer une partition qui renferme quelques-uns des morceaux les plus parfaits que le Florentin ait écrits et où il a mis, pour remplacer le récitatif déclamé qui n'y pouvait guère trouver place, le plus de pure musique. Le Nocturne, avec le murmure vaporeux de ses violons, sur lequel vient se poser un chant d'une exquise douceur, est une des merveilles symphoniques du XVIIe siècle. En plaçant la célébration du cinquantenaire sous l'égide de Lulli, qui, ayant racheté à Perrin son privilège, fut le premier directeur effectif de l'Opéra en France, l'Opéra de 1925 a su rendre à la fois hommage à l'Histoire et à l'Art.
(André Cœuroy, Larousse Mensuel Illustré, avril 1925)
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la place de l'Opéra vers 1900 [photo M. P. Jousset]
l'Opéra de Paris vers 1910
la façade latérale
la foule attendant lors d'une représentation gratuite du 14 juillet
la place de l'Opéra le 14 juillet 1919 [photo Hunters, Buxton]
la place de l'Opéra vers 1920 [photo Braun et Cie]
la place de l'Opéra en 1950
Le progrès technique à l'Opéra
Commencés en avril 1936, les travaux de l’Opéra vont être terminés prochainement et l’inauguration officielle du palais Garnier modernisé aura sans doute lieu avant la fin de février. Sous la haute direction de M. Jacques Rouché, ces travaux d’une ampleur considérable ont été dirigés par M. J. Marrast*, architecte en chef des monuments nationaux, avec la collaboration de tous les instants de M. Pierre Chereau, régisseur général de l’Opéra. Une telle collaboration entre un architecte éminent, parfaitement documenté, qui sait réaliser, et un homme de théâtre accompli, qui sait ce qu’il faut réaliser, ne peut manquer d’être féconde. Dans l'immense scène de l'Opéra 1937, il n'y a plus — les décors mis à part — que le plancher qui soit en bois, en sapin de Lorraine. Les trois grils superposés, les magasins latéraux de décors, tous les dessus sont maintenant métalliques. Tous les planchers, sauf le plancher de scène, sont en béton armé ou en caillebotis métallique. M. Marrast a fait abondamment usage de ce caillebotis en tôle d'acier perforée parce qu'il offre plusieurs avantages. Il pouvait être établi en planches faciles à substituer aux planches de bois existantes, il est incombustible et, en cas d'incendie, il laisse passer par ses trous l'eau s'écoulant des 28 déversoirs du grand jeu. Ce dispositif, qui avait été déjà installé en partie à la fin de 1935, a fait ses preuves au cours du dernier incendie. Généralisé maintenant à tout plancher surplombant la scène, le caillebotis métallique serait d'une grande utilité en cas de sinistre. Car l'eau ne manque pas sur la scène de l'Opéra. Le grand jeu est alimenté par deux canalisations, l'une de 30, l'autre de 20 centimètres de diamètre, issues du réservoir de Montmartre et assurant un débit de 420 mètres cubes à l'heure. L'essentiel est que l'eau coulant des déversoirs puisse atteindre les parties de décors en feu. Cette condition est remplie grâce au caillebotis métallique. Le nouveau rideau de fer, qui date également de la tranche des travaux achevée en décembre 1935, a prouvé lui aussi sa résistance et son efficacité au cours du malencontreux incendie de septembre dernier. Tous les tambours des grils et des parties supérieures de la scène ont été supprimés, et, bien entendu, leurs fils de chanvre. M. Marrast leur a substitué des équipes à l'allemande, avec fils de manœuvre en acier et contrepoids. Une grande innovation sur la scène, dont bénéficiera largement la présentation des décors d'extérieur, c'est le panorama. Car il n'y avait pas de panorama à l'Opéra. Celui qu'a réalisé M. Marrast a une forme elliptique qui embrasse tout le décor. Il est en tôle d'acier ployée et emboutie et revêtu de panneaux d'un aggloméré spécial d'amiante et de mica. Cette composition est incombustible et son coefficient d'absorption du son est aussi élevé que celui de la toile. Elle est en outre d'une densité réduite. Ceci n'est pas négligeable, puisque le panorama pèse cependant plus de 20 tonnes. Et cette masse énorme est constamment suspendue au troisième gril — le plus haut. Quand il n'est pas utilisé, le panorama est rangé tout en haut et, lorsqu'il est en service, il doit encore demeurer suspendu derrière le décor à deux mètres au-dessus du plancher de scène pour laisser le passage libre au personnel. Un emploi ingénieux de fils, de poulies et de contrepoids facilite énormément la tâche des moteurs électriques pendant les manœuvres qui sont obligatoirement très rapides. Sur le revêtement d'amiante et de mica du panorama est marouflée une toile peinte couleur d'azur. Mais à l'Opéra le temps se gâte souvent. Ce sont alors des lanternes électriques qui troublent le ciel en y projetant des cumulus, ou l'assombrissent avec des faisceaux de lumière judicieusement colorée. Dans ce domaine magique, M. Marrast a installé de nouvelles lanternes carrées, dotées d'écrans de toutes les couleurs, même de toutes les teintes, et qui, aussi bien pour l'éclairage par projection des décors que du panorama, marquent un progrès appréciable sur l'ancien procédé consistant à jouer avec l'éclairement relatif des lampes blanches, rouges et bleues portées par les herses. Quant au jeu d'orgue — qui ne pouvait guère être comparé à un orgue qu'au siècle du gaz, lorsque les canalisations étaient des tuyaux, — M. Marrast l'a établi suivant une formule due à l'ingénieur italien Bordoni, qui supprime l'emploi des résistances et utilise exclusivement des transformateurs. Il est enfermé dans une chambre en béton armé, placée non plus sous l'orchestre, mais sous l'avant-scène. Il y a maintenant des ascenseurs à l'Opéra. Ascenseurs pour les spectateurs et ascenseurs pour les décors. Ces derniers, au nombre de deux et d'une puissance de 1.500 kilos, faciliteront considérablement le service des magasins latéraux de décors qui se superposent en cinq étages et sur 45 mètres de hauteur. Comment cette usine de l'Opéra est-elle alimentée en énergie électrique ? Le courant arrive à la cabine de transformation sous la tension de 12.000 volts. En deux câbles : l'un en service, l'autre en réserve. Ces deux câbles ne sont d'ailleurs pas issus de la même centrale électrique. Un conjoncteur-disjoncteur automatique assure immédiatement l'alimentation par le câble de secours en cas de défaillance du câble en service. La puissance absorbée est actuellement de 1.800 kilowatts, et répartie en trois groupes de 600 kilowatts chacun qui se mettent automatiquement en service par relais, le deuxième dès que les besoins du théâtre dépassent le chiffre de 600, le troisième dès que ces besoins franchissent le palier de 1.200 kilowatts. L'installation est prévue de telle sorte que la puissance totale puisse être portée ultérieurement à 2.400 kilowatts. Dans la salle, en dehors de la remise en état des peintures, des dorures, des tapisseries, les spectateurs constateront un certain nombre de modifications. Pour améliorer la visibilité des places élevées, le lustre a été relevé — il a été en même temps débarrassé de ses globes à becs de gaz qu'il portait encore. Pour améliorer la visibilité des premiers rangs de l'orchestre, l'ancienne rampe a été supprimée et remplacée par une rampe en contrebas dont le réflecteur ne fait plus saillie au-dessus du plancher de scène. Et les trois boîtes, du souffleur, du chef électricien et du maître de ballet, ont disparu ; seulement aux yeux du public évidemment. La fosse de l'orchestre, enfin, a été sensiblement modifiée. Elle comporte maintenant quatre gradins descendant, sous l'avant-scène, la batterie devant occuper le gradin le plus bas. La hauteur de ces gradins a été calculée pour qu'il soit désormais impossible que les lampes des musiciens gênent la vision du public. Toutes les précautions techniques ont été prises, en outre, par M. Marrast pour que le rendement acoustique de la nouvelle fosse d'orchestre soit excellent. Bref, un gros effort vient d'être accompli, un effort averti et méthodique. L'Opéra de Paris est à présent une des scènes les plus modernes du monde.
(C.-G. Bossière, le Temps, 03 février 1937)
[* Gautier Joseph Eugène MARRAST (Paris, 09 juillet 1881 - 26 septembre 1971), frère du chef d'orchestre Walther Straram.]
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la place de l'Opéra
Le nouvel Opéra
Le monument bâti sur les plans de Garnier et inauguré le 5 janvier 1875 passe à juste titre pour un des plus magnifiques palais qui jamais aient été offerts aux arts réunis de la musique, du théâtre et de la danse. Sa masse imposante, mais de proportions harmonieuses, sa façade où les groupes de Carpeaux font vivre et danser la pierre, son escalier de marbre, d'une majesté souveraine, le foyer à l'étage des premières loges, doublé de sa riche loggia, la salle où brillent le pourpre et l'or, la scène qui a 16 mètres en hauteur et largeur d'ouverture, 32 mètres en profondeur d'aspects célèbres et déjà presque légendaires, que tout étranger de passage veut avoir contemplés ; on en parle en toutes les langues et leur renom est mondial. Depuis cette année, un nouvel intérêt s'y ajoute : entièrement remis à neuf, l'Opéra, en son noble édifice, loge un appareillage scénique d'une puissance et d'une perfection sans égales. L'appareil qui distribue sur la scène les lumières diversement colorées et qu'on appelle jeu d'orgues (un souvenir de l'ancien éclairage au gaz et de ses tuyaux juxtaposés) est actuellement le plus grand du monde. Une énergie électrique de 2.400 kw. s'y trouve à volonté répartie sur 300 circuits. Pour tous les décors de plein air, les toiles de fond, qui s'éclairent mal, font des plis et prennent la poussière, ont été remplacées par un panorama, c'est-à-dire par un demi-cylindre rigide, qui a la forme de l'horizon et procure à s'y méprendre l'illusion du ciel. Construit en tôle d'acier ployée et emboutie, celui-ci pèse 22 tonnes. S'il n'est pas en service, il reste suspendu à trente mètres de hauteur au-dessus de la scène. S'il est en action, on le voit doucement descendre. La manœuvre est silencieuse et s'accomplit en moins d'une minute. La surface intérieure de ce cylindre, qui est de 940 mètres carrés, est revêtue d'un enduit d'amiante et de mica, dont le coefficient d'absorption du son est aussi élevé que celui de la toile. Les projecteurs y répandent à volonté le calme de l'azur, les rougeurs de l'aurore, les pourpres crépusculaires, comme ils y précipitent la course échevelée des nuées orageuses ou y allument dans une transparence ténébreuse les étoiles nocturnes. Tout peut s'y accomplir.
une vue de la salle de l'Opéra pendant les récents travaux [photo Chevojon]
Si l'on vient à l'Opéra, c'est d'abord, sans aucun doute, pour écouter la musique ; mais il faut que le spectacle l'illustre : telle est la règle du genre ; ni la réforme de Wagner, ni les innovations de la musique moderne ne l'ont abolie. On s'efforce, comme le disait déjà La Bruyère, de « tenir les yeux, l'esprit et les oreilles dans un égal enchantement ». A l'Opéra, les plus récents progrès de la science, employés avec une ampleur et une ingéniosité sans précédent, concourent mieux que jamais à cet effort magique. La salle et ses annexes, c'est-à-dire la partie du monument accessible au public, ont été également remises en état. On a ravivé l'éclat des fonds éteints, la chaleur des ors, révélant à nouveau le magnifique plafond de Lenepveu dans la salle, les fresques de Baudry dans le grand foyer. Les travaux, commencés en juillet dernier, ont duré un peu plus de six mois et exigé le concours de 22 entreprises différentes, employant 700 ouvriers. Les peintures ont couvert une surface de 200.000 mètres carrés et les dorures ont consommé 4 kilos d'or. On a posé plus de 500 kilomètres de câbles et fils électriques, 44 kilomètres de filins métalliques pour les manœuvres, 500 tonnes de charpente métallique et 34 kilomètres de dallage en tôle ondulée pour remplacer sur la scène l'ancien équipement en bois, entièrement enlevé, et dont le volume était de 12.000 stères. On ne sera pas surpris de l'énormité de ces chiffres si l'on songe que dans l'espace occupé derrière le rideau pour la scène de l'Opéra et ses coulisses, depuis le plancher jusqu'au faîtage, tiendrait tout l'édifice de la Comédie-Française. La dépense totale a atteint 24 millions. Elle n'a rien d'exagéré si l'on songe que pour construire un monument pareil à l'Opéra, il faudrait, d'après les évaluations les plus modérées, au moins 400 millions de francs.
(Académie Nationale de Musique et de Danse, programme du 04 décembre 1937)
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le grand escalier d'honneur
le grand escalier d'honneur |
soubassement du grand escalier |
le grand foyer
monument à Charles Garnier
un acrotère du Théâtre de l'Opéra
le Palais Garnier vu du ciel
Un siècle d’opéra au Palais Garnier
Le 29 septembre 1860, la construction d'un nouvel édifice, destiné à abriter l'Opéra de Paris, est décidé par le gouvernement. Depuis l'incendie du Palais Royal, le 8 juin 1781, l'idée de doter Paris d'une salle digne de sa réputation revient régulièrement, mais c'est probablement l'attentat manqué du 14 janvier 1858 qui décide Napoléon III à l'envisager sérieusement. En effet, ce jour là, l'Empereur faillit tomber sous les bombes de l'anarchiste Orsini, alors qu'il se rendait à une représentation de l'Opéra à la Salle Le Peletier. L'étroitesse de la rue Le Peletier, par laquelle on accédait au théâtre, avait facilité l'attentat, Napoléon III qui aimait tout à la fois la sécurité, bien sûr, et le faste, commence à songer à la construction d'un théâtre digne de son règne. Il sera proche des Tuileries, à proximité de la Comédie-Française et on l'atteindra par une voie impériale, propice tout à la fois aux mesures de sécurité et aux déploiements de cortèges spectaculaires. Lorsque le gouvernement prend sa décision, deux projets sont étudiés. L'un place la nouvelle salle entre les rues Le Peletier et Drouot, l'autre qui émane du baron Haussmann alors préfet de Paris, situe le bâtiment à l'emplacement où il est effectivement. Un concours ouvert par le Ministère d'État aux Beaux-Arts, réunit cent soixante et onze projets. Cinq sont retenus et leurs auteurs invités à concourir une nouvelle fois. Un jeune architecte, assez peu connu, Charles Garnier l'emporte à l'unanimité. Lorsque Garnier vient présenter son projet à l'Empereur, l'Impératrice Eugénie critique le style du bâtiment, estimant que ce n'était ni du Louis XV, ni du moderne ; « mais c'est du Napoléon III » répond Garnier à l'Impératrice. Il ne croit pas si bien dire. Cent ans après, le colossale édifice symbolise au cœur de notre capitale cette époque brillante à plus d'un titre. C'est au mois d'août 1861 que les travaux de terrassement commencent. Pendant le même temps, le baron Haussmann trace ce qui deviendra l'avenue de l'Opéra et imagine une immense esplanade de 14 000 m2, faisant ainsi abattre un lot entier d'immeubles. Les premières difficultés se présentent à l'architecte. Une énorme nappe d'eau souterraine doit être asséchée pour pouvoir poser les assises de la bâtisse. Ce travail énorme dure des mois et lorsqu'il s'achève, l'eau qui provient des hauteurs de Ménilmontant — alors qu'on pense que ces infiltrations étaient dues à un ruisseau souterrain — s'infiltre toujours. Garnier, pour sauvegarder son futur édifice, décide de le faire reposer sur une immense double cuve, isolant ainsi ses bases des infiltrations. Après l'achèvement de ces travaux préparatoires, le comte Walewski, fils naturel de Napoléon Ier et alors Ministre d'État, pose la première pierre le 21 juillet 1862. La toiture et la coupole sont achevées en 1869, mais la guerre de 1870 va interrompre les travaux qui ne seront repris qu'après la Commune. L'Empire est tombé, la guerre puis la révolution ont tourné les pages de l'histoire de France et, lorsque le 5 janvier 1875, on inaugure le Palais Garnier, c'est le maréchal de Mac-Mahon, premier président de la 3ème République qui préside cette cérémonie. Des spectateurs de l'Europe entière sont là pour assister à la première représentation du Palais Garnier. Lorsqu'à 20h 10, Monsieur Halanzier premier directeur, frappe les trois coups, les fauteuils de l'orchestre s'ornent de tout ce qui est célèbre en France et au hasard des loges on découvre le jeune Roi d'Espagne Alphonse XII qui vient d'être couronné, la Reine Isabelle, sa mère, le Lord Maire de Londres, l'ex-Roi de Hanovre ... et une multitude de toilettes somptueuses et d'uniformes chamarrés. L'architecte Charles Garnier, sans aucun doute héros de cette grande première, n'a eu droit, pour sa part, qu'à une seconde loge et encore dut-il la payer ! Pour cette soirée de gala, la direct ion a mis à l'affiche un acte de la Juive avec Madame Krauss et Monsieur Villaret, la bénédiction des poignards des Huguenots avec Monsieur Pedro Gailhard qui deviendra, quelques années plus tard, directeur de l'Opéra. Le programme comporte, en outre, un ballet de Léo Delibes : la Source, les ouvertures de la Muette de Portici et de Guillaume Tell. Les invités auraient dû entendre un acte de Faust et un acte de Hamlet, mais pour des raisons de préséance, Madame Christine Nilsson, titulaire des rôles de Marguerite et d'Ophélie, refuse de paraître en scène. La tradition des querelles internes commence le jour même de l'inauguration ! Chacun des interprètes de cette soirée inaugurale reçoit sa part d'applaudissements, mais il ne faut pas s'y tromper, les spectateurs, dont certains ont payé jusqu'à mille francs un fauteuil d'orchestre, sont venus pour découvrir cette merveilleuse salle. Garnier a conçu son théâtre, comme une salle de spectacle enchâssée dans un palais féérique, de 11 000 m2 de velours, d'or, de marbre, de bois précieux et de toiles de maîtres. Le grand escalier s'élance avec ses marches de marbre blanc de 10 mètres de large et de rampes d'onyx, vers les fresques élégiaques de Pils. Le foyer, merveilleux ensemble de cinquante quatre mètres de long, treize mètres de large et dix-huit mètres de haut, s'ouvre sur une loggia extérieure par sept porches monumentaux. Le foyer de la danse, la rotonde des abonnés, sans parler des grands salons particuliers qui devaient, dans le projet initial, servir aux réceptions de l'Empereur et qui abritent maintenant la bibliothèque et le musée de l'Opéra sont à l'image de cet ensemble fastueux. La scène elle même, possède des dimensions grandioses : trente-six mètres de haut, vingt-six mètres de profondeur et cinquante-trois mètres de largeur. Elle est la plus grande du monde, le théâtre de la Comédie-Française pourrait y tenir en entier. Il est amusant de noter que, par un fait du hasard, cette scène occupe exactement l'emplacement du petit théâtre privé que la célèbre danseuse Guimard avait fait aménager dans son hôtel particulier de la Chaussée d'Antin. Enfin, au cœur de l'édifice, la salle : chef-d'œuvre du style second Empire. Elle comprend cinq étages de loges, huit colonnes dorées, et un lustre de six tonnes illumine le plafond de Lenepveu, représentant les heures éclairées par le soleil, la lune, l'aurore et le crépuscule. C'est ce plafond que Monsieur André Malraux, Ministre d'Etat aux Beaux Arts en 1964, faisait recouvrir par celui de Marc Chagall. Il faut toutefois signaler que les peintures de Lenepveu n'ont pas été détruites, l'œuvre de Marc Chagall ayant été posée sous forme de faux plafond, préservant ainsi celui déjà existant. Trente peintres, soixante-treize sculpteurs participent à la décoration du Palais Garnier et parmi eux, Jean-Baptiste Carpeaux dont le merveilleux groupe la Danse provoque un tel scandale que l'on envisage, pendant un temps, de le remplacer par une autre composition. La revue le Théâtre va même jusqu'à parler de prostitution, un groupe de « bien pensants » jette sur le chef-d'œuvre de Carpeaux de l'encre que l'on ne pourra jamais faire totalement disparaître. De plus, endommagé également par les intempéries, il trouve refuge au Musée du Louvre ; il est remplacé par une réplique exacte due au sculpteur Paul Belmondo, père du comédien. Les représentations publiques commencent le 8 janvier 1875 avec la Juive de Halévy et comprenant la distribution suivante : Mesdames Krauss (Rachel), Belval (Eudoxie), Messieurs Villaret (Éléazar), Belval (Duc de Brogni), Vergnet (Léopold), Gaspard (Ruggiero), Auguez (Albert), sous la direction d'Ernest Deldevez. Monsieur Halanzier, pour assurer le démarrage du nouveau théâtre, dispose d'une quarantaine d'artistes consacrés et possède un répertoire d'une soixantaine d'ouvrages. Malheureusement, l'incendie de la salle Le Peletier en 1873 a détruit la quasi totalité des costumes et un grand nombre de décors. Ceux existants, n'étant pas à la dimension de la nouvelle scène, deviennent totalement inutilisables. Il est donc nécessaire de tout recréer. C’est très certainement la raison pour laquelle on ne donne, la première année, que dix ouvrages : huit opéras : la Juive (8 janvier), la Favorite (25 janvier), Guillaume Tell (26 février), Hamlet (31 mars), les Huguenots (26 avril), Faust (6 septembre), Don Juan (29 novembre) et deux ballets de Léo Delibes : la Source (5 janvier), Coppélia (5 juin). Le 25 janvier la Favorite, premier opéra intégral est donné, la mise en scène est de Léon Carvalho, le célèbre baryton Faure chante Alphonse. Le 26 février, reprise de Guillaume Tell dans une mise en scène du même Carvalho, Marie Belval est Mathilde, Faure est Guillaume. Le 31 mai, c'est Hamlet, même mise en scène, Madame Miolan-Carvallo, créatrice de Faust, chante Ophélie, Faure est Hamlet, le roi est incarné par Pedro Gailhard. Les Huguenots dont un extrait a été donné lors de la soirée d'inauguration sont repris intégralement le 26 avril, tous les artistes en renom du Palais Garnier y participent : Madame Carvalho, G. Krauss, Messieurs Villaret, Faure, Gailhard. Le 30 mai un gala au profit des Pupilles de la guerre est organisé, on y donne la scène de la prison de Faust et le trio du 5e acte, mais détail amusant, les décors n'étant pas encore prêts, ce sont ceux de Guillaume Tell qui sont utilisés. Ensuite se succèdent Coppélia le 5 juin et un acte du Trouvère le 3 juillet. La reprise intégrale de Faust a lieu le 6 septembre, dans la mise en scène de Léon Carvalho, Madame Miolan-Carvalho, la créatrice de 1859 est encore Marguerite, Daram est Siébel, Faust est chanté par Vergnet, Manoury interprète Valentin, Pedro Gaillard campe un redoutable Méphisto, c'est la cent-soixantaine représentation du chef-d'œuvre de Gounod qui deviendra l'œuvre la plus jouée au Palais Garnier (2300 fois). Le 29 novembre, c'est la deux-cent-dixième représentation de Don Juan à l'Opéra et la reprise au Palais Garnier, encore une fois, tous les artistes ayant produit le spectacle au cours de l'année 1875 sont affichés. Le maître Ernest Deldevez a dirigé toutes les reprises de l'année. En 1876, commence véritablement la vie féconde du théâtre avec sa première création : Jeanne d’Arc de Mermet, suit la première mondiale de Sylvia de Léo Delibes, Rita Sangalli incarne Sylvia, le Freischütz est repris le 3 juillet dans la version française de E. Pacini et Hector Berlioz, puis le Prophète. Robert le Diable est créé le 6 décembre 1876, avec une distribution éblouissante réunissant G. Krauss, Miolan-Carvalho, Messieurs Salomon, Vergnet, Boudouresque. Après deux années d'exploitation, Monsieur Halanzier, et malgré les dépenses considérables dues à la refonte de tout le matériel, fait de remarquables bénéfices. Effectivement, chaque parisien, chaque provincial. chaque étranger veut voir ce monument unique. Monsieur Halanzier institue même des visites organisées, couronnées d'un énorme succès. L'Assemblée Nationale s'en émeut et demande au directeur de se défendre lors de la session sur le budget fin 1875, on envisage de lui réduire de moitié ses bénéfices, mais finalement les députés lui laissent leur confiance et sa subvention est préservée intégralement pour un temps encore. Il peut présenter la création du Roi de Lahore le 27 avril 1877, la reprise de la Reine de Chypre le 6 août, il crée le Fandango et reprend pour la première fois au Palais Garnier le 17 novembre 1877 l’Africaine de Giacomo Meyerbeer, qui marque les débuts d'un chef prestigieux, Charles Lamoureux. C’est également ce dernier qui crée en première mondiale au Palais Garnier, Polyeucte de Gounod le 7 octobre 1878, Madame Krauss, Lassalle et Salomon en sont les principaux interprètes. Le 27 décembre 1878, le Palais Garnier voit la création de la Reine Berthe qui fait une carrière éphémère de cinq représentations puis la première de Yedda a lieu le 17 janvier 1879, c'est le dernier ouvrage, présenté par Monsieur Halanzier, qui vraiment réussit trop bien ... On le remercie. Monsieur Vaucorbeil, homme de ministère, le remplace, sa direction assez malheureuse ne laissera pas un grand souvenir, par exemple : lors de son passage à l'Éducation Nationale, il fait campagne pour la création du Roi d’Ys et le refuse catégoriquement lorsqu'il est nommé directeur. Étrange personnage ! Toutefois, il est l'auteur de quelques premières techniques assez sensationnelles pour l'époque. Son mandat débute par la cinq-centième de la Favorite, le 21 juillet 1879, suivie le 8 septembre par la reprise de la Muette de Portici. Le 22 mars 1880, un grand événement est célébré au Palais Garnier, l'illustrissime Maître Giuseppe Verdi crée son opéra : Aïda, qui déjà a remporté un triomphe sur toutes les scènes mondiales depuis la première au Caire en 1871. Madame Krauss est Aïda, Monsieur Sellier Radamès, Monsieur Maurel Amonasro et Monsieur Boudouresque Ramfis, Giuseppe Verdi est au pupitre, c'est une soirée inoubliable. Il est intéressant de noter que les costumes de E. Lacoste ont été réalisés avec le concours de Maspero, le plus important égyptologue de l'époque. Des trompettes de Sax sont spécialement conçues et réalisées pour la scène triomphale de l'œuvre. C'est une des plus grandioses représentations que connaît l'Opéra de Paris. Le 15 octobre de la même année, une prouesse technique va marquer un tournant dans l'histoire du Palais Garnier, le congrès de l'électricité se tient dans le théâtre et, pour la première fois, la salle est éclairée électriquement. On joue Aïda. C'est la même année que la première retransmission par téléphone, entre le magasin des décors rue Richer et la salle, est tentée lors d'une représentation du Tribut de Zamora. En 1884 Monsieur Vaucorbeil meurt subitement. On nomme pour le remplacer un ancien savetier, basse célèbre du Palais Garnier : Pedro Gailhard. C'est indiscutablement un grand directeur. On lui doit entre autre réussite, le courage d'avoir osé présenter Lohengrin en 1891. Mais auparavant, le 28 novembre 1888, il engage la plus fabuleuse cantatrice de cette fin du 19ème siècle : Adelina Patti qui fait ses débuts sur la scène du Palais Garnier en créant Roméo et Juliette de Charles Gounod, œuvre maîtresse du théâtre lyrique français et de l'Opéra de Paris. L'apparition de la grande Patti, dans le rôle de Juliette, intervient après des passages à New York, à Londres et, bien sûr, dans différents théâtres d'Italie. Elle est l'interprète de plus de trente rôles dans les œuvres de Rossini, Bellini, Donizetti, Verdi, Meyerbeer. Elle est la créatrice à Londres d'Aïda et de Juliette. Elle est la cantatrice la plus payée de son époque. Elle obtient deux cents guinées par représentation à Londres et plus de cinq mille dollars aux États-Unis. Bien qu'elle soit essentiellement un soprano coloratura, elle chante de nombreux airs lyriques, tels que Faust, le Trouvère et même dramatique comme Aïda. L'étendue de sa voix va du do au fa3. La souplesse et l'égalité de sa tessiture sont absolument parfaites. Elle est indiscutablement sans rivale pour la beauté et la pureté du son. Aux côtés d'Adelina Patti, Jean de Reszké incarne Roméo, Melchissedec : Mercutio, Edouard de Reszké : frère Laurent. La direction musicale de cette création inoubliable est assurée par l'auteur lui-même : Charles Gounod. Pedro Gailhard assure la mise en scène de l'ouvrage. Lorsque Lohengrin est affiché en 1891, l'initiative de Pedro Gailhard de présenter un opéra de Richard Wagner paraît folle. Des boules puantes sont jetées dans la salle pendant le spectacle et des manifestations, se transformant en émeutes, se déroulent sur la place de l'Opéra provoquant une intervention armée. Mais Pedro Gailhard, obstiné, ne renoncera pas à afficher Richard Wagner dans son théâtre. C'est lui qui fait inscrire pour la première fois, le nom du chef d'orchestre sur les affiches et qui oblige ce dernier à assurer toute la représentation. Effectivement, il n'était pas rare de voir le chef titulaire passer la baguette à son adjoint et rentrer chez lui le plus simplement du monde entre le deuxième et le troisième acte. Le 1er février 1907, autre initiative : le pupitre du chef d'orchestre est, définitivement placé à l'endroit où il se trouve aujourd'hui, puisque jusqu'à cette date, le chef se tenait contre le trou du souffleur, face à la scène et ne se tournait vers les musiciens que pour diriger les ouvertures des œuvres représentées. André Messager et Broussan succèdent à Pedro Gailhard en 1908. Si le bilan financier de leur gestion s'avère difficile, leur activité musicale s'inscrit parmi les plus bénéfiques. Ce sont eux qui amènent à l'Opéra la presque totalité du répertoire wagnérien et qui rendent un immense service à l'art lyrique en supprimant — du moins officiellement — la claque, obligeant ainsi ses organisateurs à se réfugier dans la clandestinité pour, finalement, disparaître progressivement. Curieuse institution que cette claque qui n'était autre qu'une forme d'escroquerie et de chantage (si l'on peut dire !) envers les artistes du théâtre. Pour une somme de cent cinquante francs or, le chef de claque assurait avec son équipe disséminée dans la salle un véritable triomphe au chanteur qui avait payé, mais inversement pouvait monter une véritable cabale envers celui qui refusait ce marché peu scrupuleux. Les chanteurs n'ayant pas « acquitté leurs taxes » et qui malgré tout obtenaient des applaudissements spontanés de la part du public et bissaient leur air, devaient payer une compensation de cinquante francs. On imagine le nombre de bis dont les spectateurs ont été privés pendant des dizaines d'années. Au lendemain du triomphe de Parsifal, la guerre de 1914 interrompt la direction de Messager et Broussan. Jacques Rouché est désigné pour leur succéder. Il assurera ses fonctions jusqu'en 1944. Jacques Rouché nous apparaît, indiscutablement, comme le plus grand directeur du Palais Garnier. Il le dirigera avec autorité, avec amour, mais surtout avec compétence. Sa fortune personnelle lui permet de ne jamais réclamer une augmentation de la subvention qui lui est accordée. Lorsqu'il se trouve devant une difficulté financière, il comble lui-même de ses deniers le déficit, uniquement parce qu'il considère que là est son devoir de directeur. Certes, Jacques Rouché en procédant de cette façon, ne s'enrichira jamais, mais par contre enrichira considérablement le Palais Garnier, qui ne connaît sous son règne que des soirées de qualités et souvent exceptionnelles. En trente années de direction, Jacques Rouché, en plus des reprises d'une dizaine de grands classiques, assure la création de soixante-et-onze ouvrages lyriques et soixante-treize ballets. Il accueille dans son théâtre les ballets russes de Serge de Diaghilev, les réalisations d'Ida Rubinstein. Il fait débuter celui qui marqua de son empreinte tout le ballet en France : Serge Lifar, le corps du ballet, jusque là un peu négligé, prend sa véritable place sous l'impulsion de son grand directeur. Il construit la plus fantastique troupe de chanteurs que connaît un théâtre à cette période. Rappelons que Germaine Lubin, Suzanne Juyol, Fanny Heldy, Lily Pons, Ninon Vallin, Georges Thill, Charles Cambon, José Luccioni, Albert Huberty, André Pernet, Endrèze, Paul Cabanel et bien d'autres encore ont débuté et appartenu à la troupe de l'Opéra sous la direction de Jacques Rouché. En 1938, une loi décide de la Réunion des Théâtre Lyriques Nationaux. La guerre et la pression de Jacques Rouché empêchent de rendre cette union véritablement concrète, mais en 1944 le départ de l'éminent directeur amène l'application textuelle de la loi et ainsi que l'avait prédit Jacques Rouché, cette application s'avérera désastreuse.
(Jacques Bertrand, 1975)
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le grand escalier d'honneur
le grand escalier d'honneur
les grandes dates du Palais Garnier
05 janvier 1875 - Inauguration du Palais Garnier.
08 janvier 1875 - la Juive (Halévy) - Soirée qui inaugurait les représentations publiques du Nouvel Opéra.
06 septembre 1875 - Faust (Gounod) - Reprise du rôle de Marguerite par Mme Miolan-Carvalho, créatrice de Faust en 1859.
14 juin 1876 - Première de Sylvia (Delibes) - Rita Sangalli, crée le rôle de Sylvia.
17 décembre 1877 - Reprise de l'Africaine (Meyerbeer) - Gabrielle Krauss incarne Sélika, Charles Lamoureux effectue ses débuts au Palais Garnier.
07 octobre 1878 - Création de Polyeucte (Gounod).
21 juillet 1879 - 500e de la Favorite (Donizetti).
22 mars 1880 - Première d'Aïda (Verdi) - Verdi dirige son ouvrage. Des trompettes de Sax ont été spécialement conçues et réalisées à l'occasion de cette représentation.
15 octobre 1881 - Congrès de l'électricité - La salle est pour la première fois éclairée électriquement, on joue le 4e acte d'Aïda et de Sylvia.
18 mai 1881 - Expérience de retransmission de spectacle - C'est la première tentative de retransmission par téléphone entre la salle et le magasin des décors, rue Richer.
27 février 1885 - Première de Rigoletto (Verdi) - Gabrielle Krauss crée le rôle de Gilda, la mise en scène est due au Directeur du Théâtre, Pedro Gailhard.
12 juin 1885 - Première de Sigurd (Reyer) - Brunehilde est incarné par la grande Rose Caron qui effectue ses débuts sur la scène de l'Opéra.
30 novembre 1885 - Création du Cid (Massenet) - Jean de Reszké fait ses débuts et chante en compagnie de son frère, Edouard de Reszké.
19 décembre 1885 - 100e de Coppelia (Delibes) - Le rôle de Swanilda est tenu par Julia Subra.
01 février 1886 - 500e de la Juive (Halévy) - Le rôle d’Eléazar est chanté par le formidable ténor, Léonce Antoine Escalaïs.
22 février 1887 - Première matinée au Palais Garnier - On jouait Faust.
23 novembre 1887 - 500e de Faust (Gounod).
29 mars 1888 - Première du Requiem (Verdi).
28 novembre 1888 - Première de Roméo et Juliette (Gounod) - La plus fabuleuse cantatrice de cette fin du XIXe siècle : Adelina Patti, incarne Juliette, Jean de Reszké, Roméo, et Charles Gounod dirige son œuvre, c'est une des soirées inoubliables du Palais Garnier.
09 décembre 1889 - Reprise de Lucia de Lammermoor (Donizetti) - Le rôle de Lucie est incarné par Nellie Melba.
16 septembre 1891 - Première de Lohengrin (Wagner) - Rose Caron, interprète Elsa, Van Dyck, Lohengrin. La direction d'orchestre est confiée à Charles Lamoureux.
14 novembre 1891 - Centenaire de Meyerbeer - Gala où sont donnés des extraits de l'Africaine, le Prophète, Robert le Diable, et les Huguenots.
29 février 1892 - Centenaire de Rossini - On jouait Guillaume Tell, Edouard Colonne était au pupitre.
23 novembre 1892 - Première de Samson et Dalila (Saint-Saëns) - Blanche Deschamps-Jehin, est la première Dalila à l'Opéra de Paris.
06 mai 1893 - Première audition à deux pianos de l'Or du Rhin (Wagner) - Les pianistes étaient : Raoul Pugno et Claude Debussy.
12 mai 1893 - Première de la Walkyrie (Wagner) - Brunnhilde était Lucienne Bréval, Sieglinde, Rose Caron, Fricka, Blanche Deschamps-Jehin. La direction de l'orchestre, avait été confiée à Édouard Colonne.
16 mars 1894 - Création de Thaïs (Massenet)
10 octobre 1894 - Première d'Othello (Verdi) - Rose Caron est Desdémone, Saléza, Othello, et Victor Maurel, le créateur du rôle à la Scala, est Iago. C'est au cours de cette soirée et en présence du Président de la République, Monsieur Casimir Perrier, que le Maître Giuseppe Verdi, fut élevé à la Dignité de Grand Croix de la Légion d'Honneur.
13 mai 1895 - Première de Tannhäuser (Wagner) - Paul Taffanel dirigeait l'orchestre.
21 février 1897 - Première audition, en oratorio, de la Damnation de Faust (Berlioz) - Lucienne Bréval, incarnait Marguerite.
10 novembre 1897 - Première des Maîtres chanteurs de Nuremberg (Wagner)
18 mars 1899 - Gala, première du Bourgeois gentilhomme de Molière - C. Coquelin interprétait Monsieur Jourdain, le divertissement était dansé par Mesdemoiselles Subra et Zambelli.
15 novembre 1899 - la Prise de Troie (Berlioz) - Marie Delna était Cassandre.
14 décembre 1902 - Première de Paillasse (Leoncavallo).
21 mars 1903 - 1000e des Huguenots (Meyerbeer).
01 décembre 1903 - Première de l'Enlèvement au sérail (Mozart).
11 décembre 1904 - Première de Tristan et Isolde (Wagner) - Albert Alvarez était Tristan.
28 juillet 1905 - 1.000e de Faust (Gounod).
29 décembre 1907 - Gala : Carmen (Bizet) - Créée à l'Opéra-Comique, le 3 mars 1875, Carmen était pour la première fois, joué intégralement au Palais Garnier.
19 mai 1908 - Première de Boris Godounov (Moussorgski) - Cette représentation, en version originale, donnée par la Troupe de l'Opéra Impérial de Moscou, voit les débuts du fantastique Fédor Chaliapine dans le rôle de Boris, les chœurs étaient également de l'Opéra de Moscou.
11 juin 1908 - Gala au bénéfice de la Caisse de la Société des Auteurs, on y jouait Rigoletto (Verdi) - Ce gala, toutefois exceptionnel, voyait les débuts de Enrico Caruso dans le rôle du Duc, il avait comme partenaire, Nellie Melba dans le rôle de Gilda. Le grand Tullio Serafin débutait à la direction de l'orchestre.
23 octobre 1908 - Première du Crépuscule des dieux (Wagner) - André Messager dirigeait cette première.
14 janvier 1909 - la Vestale (Spontini) - Cette œuvre fut reprise par les artistes de la Scala de Milan. Riccardo Stracciari interprétait Cinna, et Nino de Angelis le Grand Pontife.
14 novembre 1909 - Première de l'Or du Rhin (Wagner) - L'orchestre était dirigé par André Messager.
03 mai 1910 - Première de Salomé (Strauss) - Mary Garden crée le rôle de Salomé. La direction de l'orchestre était assurée par André Messager.
04 juin 1910 - Première représentation de la Compagnie des Ballets russes de Serge de Diaghilev, première de Shéhérazade (Rimski-Korsakov) - Ida Rubinstein dansait Zobéide, Nijinski interprétait le Nègre Favori.
18 juin 1910 - Première de Giselle (Adam) - Création au Palais Garnier dans le cadre des Ballets Russes de Serge de Diaghilev, Mlle Karsavina était Giselle, Nijinski interprétait Loÿs.
19 juin 1910 - Gala : 2e acte de Tristan et Isolde (Wagner) et 4e acte d'Otello (Verdi) - Ce gala a été dirigé par Arturo Toscanini c'est la seule fois où le grand chef italien dirigea au Palais Garnier.
10 au 29 juin 1911 - Deux cycles de l'Anneau du Nibelung (Wagner) - La direction de l'orchestré du premier de ces deux cycles, était assurée par Felix Weingartner, la seconde par Arthur Nikisch.
09 au 26 mai 1912 - Représentations de l'Opéra de Monte-Carlo - Sont donnés : Mefistolele avec Chaliapine dans le rôle principal, sous la direction de Tullio Serafin — Rigoletto avec Caruso (le Duc) et Tita Ruffo (Rigoletto) — la Fille du Far West avec également Caruso et Ruffo — le Barbier de Séville avec Elvira de Hidalgo (Rosine), Titta Ruffo (Figaro), Chaliapine (Basile).
04 janvier 1914 - Première de Parsifal (Wagner) - Le rôle de Parsifal est interprété par Paul Franz, l'œuvre était dirigée par André Messager.
24 mai 1914 - Première du Coq d'Or (Rimski-Korsakov) - Le Roi Dodon était chanté par B. Petroff, et dansé par A. Boulgakov, l'orchestre et les chœurs de l'Opéra Impérial de Moscou étaient dirigés par Pierre Monteux.
11 novembre 1918 - Armistice - Les musiciens de l'Opéra sont en grève, les spectacles interrompus, cependant, après l'annonce de l'Armistice, Madame G. Lubin chante la Marseillaise sur les marches du Palais Garnier au cours de l'après-midi. Le soir sur le péristyle du théâtre, face à la place de l'Opéra, sont chantés successivement avec le concours des chœurs de l'Opéra et d'un accompagnement au piano : la Marseillaise par Marthe Chenal, la Brabançonne par Jean Noté et l'hymne américain par André Gresse.
07 juin 1921 - Première des Troyens (Berlioz) - Paul Franz incarnait Enée, Philippe Gaubert dirigeait l'orchestre.
20 juin 1921 - Première de Daphnis et Chloé (Ravel) - Daphnis était dansé par M. Fokine et Chloé par V. Fokina.
05 décembre 1921 - Première de l'Heure espagnole (Ravel) - Fanny Heldy, interprétait Conception.
22 décembre 1921 - Première d'Hérodiade (Massenet) - Fanny Heldy, et Paul Franz étaient les deux interprètes principaux.
17 janvier 1922 - Tri-centenaire de Molière - Le Malade imaginaire, le Misanthrope : Lucien Guitry interprétait Alceste.
24 mars 1922 - Création de Petite Suite (Debussy) - C'est la première soirée de Ballets au Palais Garnier.
03 avril 1922 - Première de Falstaff (Verdi) - Albert Huberty interprétait le rôle de Falstaff.
23 mai 1922 - Prélude à l'après-midi d'un faune (Debussy) - Interprété par la Compagnie des Ballets Russes, de Serge de Diaghilev dans une chorégraphie de Nijinski, la direction d'orchestre était assurée par Ernest Ansermet.
17 juin 1922 - Première du Martyre de saint Sébastien (Debussy) - Ida Rubinstein, créatrice en 1911, était Sébastien.
22 décembre 1922 - Première de la Flûte enchantée (Mozart) - Ritter-Ciampi interprétait Pamina, Albert Huberty, Sarastro, la direction de l'orchestre était confiée à Reynaldo Hahn.
13 avril 1923 - Première de la Khovanchtchina (Moussorgski) - Marcel Journet créait le rôle de Dosiféi.
24 février 1924 - Thaïs (Massenet) - Début sur la scène du Palais Garnier du plus illustre des ténors français : Georges Thill.
26 novembre 1924 - Reprise de Giselle (Adam) - Le rôle de Giselle était tenu par Spessivtseva, et celui d'Albert par Aveline.
29 mars 1925 - 1.500e de Faust (Gounod).
24 novembre 1925 - Première, à l'occasion d'un gala, de la Tosca (Puccini).
15 février 1926 - Première de Fidelio (Beethoven).
24 décembre 1926 - Première de la Traviata (Verdi) - Fanny Heldy était Violetta, et Georges Thill était Rodolphe. La direction de l'orchestre était assurée par Henri Büsser.
08 février 1927 - Première du Chevalier à la rose (Strauss) - La mise en scène était de Jacques Rouché.
29 mars 1928 - Première de Turandot (Puccini) - Le rôle du Prince Inconnu était chanté par Georges Thill.
06 au 13 mai 1928 - Représentation exceptionnelle de l'Opéra de Vienne - On y joue successivement : Fidelio, Don Juan, les Noces de Figaro, la Servante maîtresse, l'Enlèvement au Sérail, Tristan et Isolde.
21 juin 1928 - Première de Mârouf, savetier du Caire (Rabaud) - Le rôle de Mârouf était interprété par Georges Thill et celui du Sultan par Marcel Journet.
30 décembre 1929 - Première des Créatures de Prométhée (Beethoven) - Ce ballet dansé par Olga Spessivtseva, marque les débuts d'un des plus grands danseurs et chorégraphes : Serge Lifar.
02 avril 1930 - Première de l'Italienne à Alger (Rossini) - Le rôle d'Isabelle était interprété par Conchita Supervia.
22 mai 1931 - Création de Bacchus et Ariane (Roussel) - Ce ballet était créé par O. Spessivtseva et Serge Lifar.
27 juin 1931 - Première d'Iphigénie en Tauride (Gluck) - G. Lubin chantait Iphigénie, le ballet était réglé par A. Aveline, la direction de l'orchestre était assurée par P. Monteux.
25 février 1932 - Première d'Elektra (Strauss) - Le rôle d'Elektra était tenu par Germaine Lubin, il est à noter que le rôle secondaire du jeune serviteur, était interprété par le ténor qui allait devenir un des plus célèbres que la France ait connu : José Luccioni.
19 août 1932 - Premier essai de Radiodiffusion - On jouait Mârouf, savetier du Caire.
31 décembre 1934 - 2000e à Paris de Faust (Gounod) - Cette 2000e représentation à Paris (1809e à l'Opéra), a été fêtée au cours d'un gala particulièrement somptueux, les artistes principaux étaient : Y. Gall (Marguerite), G. Thill (Faust), A. Pernet (Méphisto). C'est très certainement la meilleure distribution qu'ait connue l'Opéra de Paris pour cet ouvrage qui détient le record absolu des représentations.
21 mars 1935 - Création du Marchand de Venise (Hahn) - Avec Fanny Heldy et André Pernet.
15 mai 1935 - Reprise de Lucia di Lammermoor (Donizetti) - Lily Pons, faisait ses débuts sur la scène de l'Opéra dans le rôle de Lucie.
11 juin 1935 - Première de Norma (Bellini) par le Teatro Communale de Firenze - Cette représentation tout à fait exceptionnelle réunit les plus grands artistes lyriques du moment : Gina Cigna (Norma), Gianna Pederzini (Aldagisa), Francesco Merli (Pollione), Tancredi Pasero (Oroveso). La direction de l'orchestre était assurée par Vittorio Gui.
04 juillet 1935 - Falstaff (Verdi) - Représentation de gala, réunissant les plus grands artistes italiens : Pia Tassinari, Irene Minghini-Cattaneo et surtout celui qui fut considéré comme le plus grand Falstaff depuis la création : Mariano Stabile. L'orchestre était dirigé par Tullio Serafin.
09 juillet 1935 - Création d'Icare (Lifar) - Ce ballet a été composé par Serge Lifar, il est l'auteur de la chorégraphie et des rythmes, il interprétait le rôle d'Icare.
22 janvier 1936 - Première du Lac des Cygnes (2e acte) (Tchaïkovski) - La chorégraphie et l'interprétation étaient de Serge Lifar.
27 décembre 1937 - Première du Vaisseau fantôme (Wagner).
21 mars 1938 - Inauguration du monument de Saint-Saëns, Samson et Dalila - Deux des plus grands artistes de la troupe de l'Opéra, Lucienne Anduran qui fait ses débuts et José Luccioni sont respectivement Dalila et Samson.
16 mars 1939 - Création de la Chartreuse de Parme (Sauguet) - Une distribution éblouissante : Germaine Lubin, (Gina), Raoul Jobin (Del Dongo), Endrèze (Comte Mosca), Albert Huberty (Général Conti), Cambon (une voix).
17 mai 1939 - Première de l'Enfant et les Sortilèges (Ravel).
01 janvier 1940 - Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux (RTLN) - C'est à partir de cette date que l'Opéra et l'Opéra-Comique sont regroupés, Jacques Rouché, précédemment directeur de l'Opéra, devient Administrateur.
02 juillet 1941 - Création du Chevalier et la Damoiselle (Gaubert) - La Damoiselle était S. Schwarz, une noble dame : Y. Chauviré, le Chevalier : S. Lifar.
10 juillet 1942 - Création de Joan de Zarissa (Egk) - Les rôles principaux étaient dansés par : Darsonval, Ivanoff, Dynalix et S. Lifar.
23 juillet 1943 - Première de Suite en blanc (Lalo) - Les rôles principaux étaient dansés par Mesdemoiselles Darsonval, Schwarz, Chauviré, Messieurs S. Lifar et Fenonjois.
08 novembre 1943 - 100e d'Othello (Verdi) - Geori Boué interprétait Desdémone, José Luccioni, Othello, et Pierre Nougaro, Iago.
27 février 1945 - Première de Roméo et Juliette (Tchaïkovski) - Mlle Darsonval : Juliette, M. Perrault : Roméo, chorégraphie de S. Lifar.
12 mai 1950 - Création de Bolivar (Milhaud) - J. Micheau était Manuela. La direction d'orchestre était confiée à A. Cluytens.
14 juin 1950 - Création de Phèdre (Auric) - T. Toumanova (Phèdre), L. Darsonval (Oenone), D. Daydé (Aricie) et S. Lifar interprétaient cette œuvre.
18 décembre 1950 - Première de Jeanne au bûcher (Honegger) - Le rôle de Jeanne était tenu par C. Nollier et celui de Frère Dominique par J. Vilar.
30 juin 1951 - Première de Jeanne d'Arc (Verdi) - Cette représentation exceptionnelle était donnée par les artistes, chœurs et Orchestre du Théâtre San Carlo de Naples. Le rôle de Jeanne est chanté par Renata Tebaldi. L'orchestre était dirigé par Gabriele Santini.
01 juillet 1951 - Première d'Un bal masqué (Verdi) - Cette représentation est également donnée par la Troupe du San Carlo de Naples. Le rôle d’Ulrica, était tenu par la grande Ebbe Stignani et celui de Gustave III par Ferruccio Tagliavini.
18 juin 1952 - Première des Indes galantes (Rameau) - Ces représentations qui vont s'échelonner sur 9 ans, sont en fait les premières reprises depuis la création absolue le 23 août 1735. L'œuvre a été révisée par Paul Dukas et Henri Büsser, on peut considérer que tous les artistes du chant et de la danse ont été affichés dans cet ouvrage de 1952 à 1961, citons toutefois les principaux artistes de la création de 1952 : Mmes Castelli, Micheau, Boué, MM. Giraudeau, Bianco, Luccioni, Jobin, Huc Santana. Pour la danse : Mlles Daydé, Vyroubova et MM. S. Lifar, Renault.
09 mars 1955 - Reprise de Fidelio (Beethoven) - Le rôle de Florestan était chanté par W. Windgassen. L'orchestre était dirigé par F. Leitner.
11 au 27 mai 1955 - Deux cycles de l'Anneau du Nibelung (Wagner) - Ces représentations données par des artistes allemands, étaient placées sous la direction d'un des plus grands chefs wagnériens : Hans Knappertsbusch.
28 décembre 1955 - Première de Roméo et Juliette (Prokofiev) - La mise en scène et la chorégraphie étaient de S. Lifar.
21 juin 1957 - Première de Dialogues des Carmélites (Poulenc) - La quasi totalité des artistes de l'Opéra interprétaient cette création.
30 mai au 15 juin 1958 - Ballet du Théâtre du Bolchoï de Moscou - Ce corps de ballet prestigieux était en tournée en Europe. Lors de leur passage au Palais Garnier, ils ont interprété : Roméo et Juliette, le Lac des Cygnes, Mirandoline et Giselle. Les spectateurs présents à ces spectacles réservèrent un véritable triomphe à ces représentations.
19 décembre 1958 - Récital Maria Callas - Au cours de ce gala, donné en la présence de René Coty, président de la République, la grande cantatrice interprétait des extraits de la Norma et le 2e acte de la Tosca, elle avait pour partenaire A. Lance, et Tito Gobbi dans le rôle de Scarpia. Il est à noter que ce gala fut télévisé en direct.
23 mars 1959 - 2336e représentation à l'Opéra et Centenaire de la création de Faust (Gounod) - Cet anniversaire était marqué par une distribution multiple qui variait à chaque tableau. C'est ainsi qu'il y eut trois Marguerite, trois Faust, deux Méphisto. Toutefois Gabriel Bacquier a assuré l'intégralité du spectacle dans le rôle de Valentin.
10 novembre 1959 - Carmen (Bizet) - En présence du général de Gaulle, président de la République, Carmen entrait officiellement au répertoire du Théâtre National de l'Opéra au Palais Garnier ; la mise en scène était de R. Rouleau, les rôles principaux étaient interprétés par J. Rhodes (Carmen), A. Guiot (Micaëla), A. Lance (Don José), R. Massard (Escamillo), l'orchestre était dirigé par Roberto Benzi. Ce spectacle fut intégralement retransmis par la télévision française.
10 juin 1960 - Reprise de Samson et Dalila (Saint-Saëns) - Denise Charley était Dalila, Mario Del Monaco, Samson.
01 juin 1962 - Première de Médée (Cherubini) - Médée était chanté par Rita Gorr, elle avait pour partenaire Albert Lance, René Bianco. L'orchestre de l'Opéra était placé sous la direction de Georges Prêtre.
23 novembre 1963 - Première de Wozzeck (Berg) - La mise en scène était de Jean-Louis Barrault, la direction musicale de l'œuvre, était confiée à Pierre Boulez.
13 mars 1964 - Reprise de la Damnation de Faust (Berlioz) - Maurice Béjart a signé la mise en scène et la chorégraphie, l'orchestre était dirigé par Igor Markevitch.
22 mai 1964 - Norma (Bellini) - 2 représentations en 1935 avaient déjà été données par une troupe italienne et hors répertoire. Cette création de 1964 comprenait les artistes suivants : Maria Callas (Norma), Fiorenza Cossotto (Adalgisa), Franco Corelli (Pollione), la mise en scène était de Franco Zeffirelli. L'orchestre était dirigé par Georges Prêtre.
15 juin 1964 - Reprise de Don Carlo (Verdi) - Cette représentation marquait les débuts d'une des plus grandes basses de l'après guerre : Nicolaï Ghiaurov. Il est intéressant de noter qu'après l'air de Philippe II, Ghiaurov eut 37 rappels ! Ses partenaires étaient : Franco Corelli et Rita Gorr, c'est une des soirées inoubliables du Palais Garnier.
01 juillet 1964 - Première de Sarracenia (Bartók) - Ce ballet était construit sur la Musique pour cordes, percussion et célesta de Bartók, Claude Bessy, Claire Motte et Attilio Labis en étaient les principaux interprètes.
19 février au 08 mars 1965 - Tosca (Puccini) - Série de représentations dans une mise en scène de Zeffirelli et interprétées par Maria Callas et Tito Gobbi.
28 juin au 03 juillet 1965 - New York City Ballet - Représentation exceptionnelle de cette troupe américaine où furent représentées : Tarentelles, Raymonde, Méditation.
11 novembre 1965 - Création de Notre-Dame de Paris (Jarre) - Ce ballet a été créé par Claire Motte, Roland Petit et Jean-Pierre Bonnefous, la chorégraphie était de Roland Petit.
25 février 1966 - Tristan et Isolde (Wagner) - Ce spectacle tout à fait exceptionnel, et certainement le plus brillant qu'ait connu le Palais Garnier depuis la fin de la guerre, était dû au petit-fils de R. Wagner : Wieland Wagner ; la distribution tout aussi éblouissante, réunissait : Wolfgang Windgassen (Tristan), Birgit Nilsson (Isolde), Hans Hotter (le roi Marke), Rita Gorr (Brangaene). L'orchestre était placé sous la direction de George Sebastian.
26 mai 1967 - la Walkyrie (Wagner) - Encore une représentation exceptionnelle, due à Wieland Wagner, la distribution regroupait : A. Cilga (Brunnhilde), R. Crespin (Sieglinde), J. Thomas (Siegmund), T. Adam (Wotan).
07 janvier 1968 - Faust (Gounod) - 2.500e représentation au Palais Garnier, record absolu.
19 janvier 1968 - Reprise de Turandot (Puccini) - Cet ouvrage n'avait pas été joué sur la scène de l'Opéra depuis la création de G. Thill en 1926, c'était une nouvelle présentation de Margherita Wallmann. Birgit Nilsson a démontré après ces triomphales représentations au Metropolitan Opera, qu'elle était la princesse Turandot la plus extraordinaire que l'on ait connue depuis la création mondiale à Milan en 1926.
21 avril 1968 - Première du Prisonnier (Dallapiccola).
21 juin 1968 - Première de Turangalila (Messiaen) - La chorégraphie de ce ballet était de Roland Petit.
16 mai 1969 - Reprise du Martyre de saint Sébastien (Debussy) - Ludmilla Tchérina dansait le Saint, la chorégraphie était de Serge Lifar.
29 avril 1970 - Reprise de Falstaff (Verdi) - Cette nouvelle présentation a été mise en scène par Tito Gobbi, les décors et les costumes étaient dus à Franco Zeffirelli, c'est au cours de cette série de spectacles que les parisiens purent applaudirent pour la dernière fois un des plus grandes mezzo-sopranos de ce siècle dans le rôle de Mrs Quickly : Fedora Barbieri.
18 mai 1972 - Première de Benvenuto Cellini (Berlioz) - Les interprètes principaux de cette première étaient Andréa Guiot (Teresa), Jane Berbié (Ascanio), Alain Vanzo (Benvenuto Cellini), Robert Massard (Fieramosca).
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plan de la salle utilisé pour la location des places
la salle
la salle et le rideau de scène
esquisse du plafond de la salle par Jules Eugène Lenepveu
plafond de la salle par Jules Eugène Lenepveu, camouflé depuis 1964 par l'œuvre de Marc Chagall ci-dessous
le nouveau plafond de l'Opéra (les Actualités françaises, 23 septembre 1964) |
inauguration du nouveau plafond de l'Opéra (24 septembre 1964) [document muet] |
le grand foyer
le foyer de la danse
le foyer de la danse
la Danse
=> la Danse de Carpeaux, par Paul Vitry (Documents d'art Alpina, 1938) => Aventures et mésaventures de la "Danse" de Carpeaux (Henri Gaubert, 1955)
Groupe sculpté (H : 4,20 ; L : 2,98 ; P : 1,45) par Jean-Baptiste Carpeaux (Valenciennes, Nord, 1827 - château de Bécon, près de Courbevoie, Hauts-de-Seine, 1875), sur la façade de l'Opéra de Paris. Mis en place en 1869, il suscita le plus violent scandale. La pudeur des ballerines de l'Opéra s'alarma du réalisme, jugé indécent, de cette ronde, et un inconnu traduisit l'indignation publique en jetant sur la sculpture une bouteille d'encre. Un groupe plus chaste (musée d'Angers) fut commandé à Charles-Alphonse-Achille Gumery (1827-1871), pour le remplacer, mais la guerre de 1870 sauva le chef-d'œuvre de Carpeaux. Très abîmé par la pollution, le groupe fut déposé au Louvre et remplacé par une copie de Paul Belmondo en 1964.
Ces ménades aux chairs flasques, molles et usées, aux seins tombants, au ventre plissé (oh! rien n'a été omis), dont les bras et les mains peuvent à peine s'entrelacer, dont les jambes qui fléchissent, semblent s'avachir en quelque sorte sous leur corps fatigué, ces ménades, dis-je, ne sont-elles pas ivres ? N'ont-elles pas abusé de tout ? (...) Elles sentent le vice et puent le vin. (C. A. de Salelles, le Groupe de la Danse de M. Carpeaux jugé au point de vue de la morale, ou Essai sur la façade du Nouvel Opéra, 1869).
Eh ! mon Dieu ! c'est bien simple : le groupe de M. Carpeaux, c'est l'empire ; c'est la satire violente de la danse contemporaine, cette danse furieuse des millions, des femmes à vendre et des hommes vendus. Sur cette façade bête et prétentieuse du nouvel Opéra, au beau milieu de cette architecture bâtarde, de ce style Napoléon III, honteusement vulgaire, éclate le symbole vrai du règne. Les colonnes ont une lourdeur mensongère ; les autres groupes sont là, raides, figés, déguisés pour tromper l'Histoire ; le monument entier, avec ses lignes froides, son luxe bourgeois, son air de Prud'homme endimanché semble bâti pour dire à nos petits-fils : « Voyez ces statues de carton : vos pères étaient chastes. Et voyez ces marbres de couleur maçonnés sans goût : vos pères étaient cossus, mais honnêtes. » Tout ment dans cette grande bâtisse, l'empire y cache ses nuits chaudes sous un peinturlurage de jouet à treize sous. Mais tout à coup, des corps vivants de femmes sortent de cette grande boîte à momie, barbouillée de jaune et de rouge. Imaginez un sénateur se déshabillant en plein Sénat, montrant ses plaies, se livrant aux culbutes joyeuses qu'il exécute dans l'alcôve de Melle Gredinette. Ou bien encore imaginez un ministre pris de folie, et pinçant le cancan de sa jeunesse au milieu d'une réception officielle. C'est absolument l'effet que me produit le groupe de Carpeaux. Il crie : Et ta sœur ! dans la façade morne. Il « engueule » les autres groupes : « Eh ! les amis, ne faites pas tant votre tête ! Nous sommes tous aussi soûls les uns que les autres, et vous êtes encore de rudes canailles, de rester là à faire de la dignité ! » Il se déhanche, il se pâme, il vit seul la vie de l'empire, au bas du grand mensonge de l'édifice. Parfois l'art a de ces cris inconscients de vérité. On croit avoir soigneusement tiré les rideaux de l'alcôve ; on s'imagine les avoir drapés d'une façon chastement grave. Et voilà que des jambes de fille passent brusquement, toutes frémissantes. (Emile Zola, la Cloche, 22 avril 1870)
Groupe allégorique, par M. Carpeaux ; péristyle du théâtre de l'Opéra, à Paris. Ce groupe, une des œuvres les plus originales, les plus fougueuses de la statuaire contemporaine, a été découvert au mois d'août et a obtenu à ce moment un grand succès de curiosité. Voici quelle en est la composition : le Génie de la chorégraphie, ange par les ailes, démon par l'expression cynique du visage et de l'attitude, lève les bras en l'air et semble prêt à prendre son élan. D'une main il agite un tambour de basque, de l'autre il fait un geste pour exciter des danseuses qui tourbillonnent autour de lui. Celles-ci sont au nombre de six : deux d'entre elles, absolument nues, se détachent entièrement du fond, l'une se présentant de face, l'autre de profil, toutes deux se tenant la main et trébuchant comme des bacchantes possédées par leur dieu. Presque sous leurs pieds, un Amour folâtre secoue une marotte. « Ce qui frappe tout d'abord dans ce groupe, a dit M. Marius Chaumelin (l'Art contemporain), c'est son mouvement endiablé, c'est l'entrain, c'est la vie qui anime toutes les figures. Jamais la pierre n'a été taillée, modelée, tourmentée avec plus d'énergie et de fougue. Cette ronde s'agite, tournoie, se déchaîne et va se précipiter en bas du piédestal. Il n'y a que les maîtres qui sachent donner ainsi l'apparence de la vie et du mouvement à la matière inerte. Sous ce rapport, l'œuvre de M. Carpeaux ne saurait être assez admirée. Après cela, il faut bien reconnaître qu'au point de vue plastique, les figures n'ont rien de commun avec l'idéal académique. Le Génie a la poitrine et les flancs amaigris, comme il convient à un danseur effréné ; son visage, quelque peu vieilli, porte l'empreinte de la débauche ; ses yeux, qu'il baisse vers les danseuses, et sa bouche qui sourit, expriment la lubricité. Quant aux danseuses, elles n'ont des bacchantes antiques que l'ivresse ; ce sont des courtisanes modernes aux larges hanches, aux appas plantureux. Celle qui est à droite et qui se renverse en arrière, soutenue par une de ses compagnes dont la main s'enfonce dans des chairs épaisses et moelleuses, nous a remis en mémoire la célèbre Baigneuse de M. Courbet, qui fit tant de bruit au Salon de 1857. » Il est certain que les danseuses de M. Carpeaux n'ont pas l'élégance, la sveltesse, la distinction que l'on a coutume d'exiger des figures nues enfantées par la peinture et la statuaire ; mais, dans leurs formes plantureuses et luxuriantes, on sent des tressaillements de vie et l'on reconnaît une science de modelé qui défie les plus habiles. Reste à examiner si cette œuvre, d'une tournure si énergique, d'une exécution si magistrale, traduit bien l'idée qu'avait à exprimer le statuaire et convient à sa destination. C'était évidemment la danse théâtrale, la danse classique, réglée par les chorégraphes, l'art des Vestris, des Gardel, de la Camargo, de la Guimard, de Fanny Elssler, de Carlotta Grisi, de Taglioni, de Cerrito, de Rosati, qu'il s'agissait de représenter, sous forme allégorique, à l'entrée de l'Opéra. Tout devait être cadence, mesure, grâce, harmonie, dans ce troupe. A la pureté des formes, à la souplesse des mouvements, les danseuses étaient tenues de joindre cette décence aimable, plus provocante et plus séduisante que les mines lascives des courtisanes. Au lieu de cela, M. Carpeaux nous a offert la danse contorsionnée, échevelée, effrontée des bastringues ; il a déshabillé les virtuoses du cancan et leur a fait les honneurs d'un piédestal. Aurait-il voulu faire une satire de l'Académie impériale de musique, où l'art de la chorégraphie perd tous les jours de sa correction, classique, de sa grâce décente ? ou fixer un souvenir des galops vertigineux du bal de l'Opéra ? « Toujours est-il, dit encore M. Chaumelin, que ce groupe si réaliste fait une étrange, une terrible figure, sur le seuil du monument ; il frappe, il saisit, il étonne ; il déborde des lignes architecturales, il se penche, il arrête les gens au passage ; il éclate, il détonne sur cette masse de pierres multicolores ; il écrase tout ce qui l'entoure. Au point de vue du goût, on ne peut que condamner cette exubérance, cet empiétement de la décoration sur l'édifice. La ronde de M. Carpeaux est déplacée à l'Opéra : elle eût fait merveille à Mabille ou au Château-des-Fleurs. » Suivant M. Albert Wolff, du Figaro, « la Danse de M. Carpeaux est une œuvre très étonnante, pleine de hardiesse et d'entrain ; il y a même trop d'entrain ; on dirait une ronde fantaisiste à l'heure où le municipal est parti ; cela fait rêver au jardin Bullier bien plus qu'à l'Académie impériale de musique... Le Clodoche autour duquel sautent quelques cascadeuses dont les contorsions rappellent à merveille les audaces chorégraphiques de Fille de l'Air ou de Louise la Blanchisseuse, ce Clodoche est comme le reste d'un mouvement enragé. » Tel a été le jugement de tous les hommes de goût. Mais les critiques soulevées par cette œuvre ne sauraient jamais justifier l'acte de stupide vandalisme accompli dans les derniers jours d'août 1869. Nous voulons parler de cette bouteille d'encre brisée contre le groupe par une main habituée sans aucun doute à manier le goupillon. Les maculatures ont été fort heureusement enlevées, et de ces taches, comme des caleçons verts infligés aux danseuses par la Restauration, il ne reste plus que le souvenir. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
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