Mado ROBIN
Madeleine Marie ROBIN dite Mado ROBIN
soprano français
(Yzeures-sur-Creuse, Indre-et-Loire, 29 décembre 1918 – Paris 17e, 10 décembre 1960*)
=> sa généalogie
Elève de Mario Podesta, elle débuta au concert en 1942 à Paris, puis entra à l’Opéra en 1945 et à l’Opéra-Comique en 1946. Dès 1951, elle entreprit de nombreuses tournées à l’étranger, d’Amérique en Russie (1959). Renommée pour l’étendue inusitée de sa voix dans l’aigu, elle fut une exceptionnelle Lakmé. Elle fut surnommée « la voix la plus haute du monde ». Sa ville natale lui a consacré un musée.
En 1946, elle habitait 5 square de l'Opéra à Paris 9e. Elle est décédée en 1960 à quarante-et-un ans, en son appartement, 11 bis rue Ampère à Paris 17e. Elle est enterrée au cimetière d'Yzeures-sur-Creuse.
=> sa biographie
=> sa discographie
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Elle y a débuté le 18 février 1945 dans Rigoletto (Gilda).
Elle y a chanté dans le Ballet blanc de Castor et Pollux (1945) ; la Flûte enchantée (la Reine de la nuit, 1945) ; Antar (Nedda, 1946) ; l’Enlèvement au sérail (Constance, 1953). |
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Elle y a débuté le 22 septembre 1946 dans Lakmé (Lakmé).
Elle y a chanté le Barbier de Séville (Rosine) ; les Contes d’Hoffmann (Olympia). |
Mado Robin, de l'Opéra, dans le rôle de Rosine du Barbier de Séville [photo Jacques Aubin]
Cette interprète idéale de Rosine, de Lakmé, de Gilda, de la Reine de la Nuit, d'Ophélie, possède une voix de coloratura unique au monde : elle donne les sons les plus aigus qu'aucun larynx humain ait jamais atteint : ré 6/2.320 vibrations à la seconde (et le diapason a monté de près d'un ton depuis Mozart). Seule, dans l'histoire du chant, la Basterdella, cantatrice attitrée de Mozart, atteignit des notes aussi hautes : ut/6 et ré/6. La Malibran et l'Alboni n'atteignaient que l'ut/5 ; la Mora, le mi/5 ; et la Patti, le fa/5. La sûreté des trilles de Mado Robin, la ciselure de sa déclamation cristalline, l'extraordinaire souplesse de son organe vocal, et son intelligence subtile du texte en font une des cantatrices les plus rares, les plus extraordinaires, les plus éblouissantes de notre temps — et ce aussi bien au concert que sur nos grandes scènes lyriques internationales.
Rossini l'enchanteur par Mado Robin, de l'Opéra
Il y a quelques années, certain quotidien avait organisé un grand concours : il s'agissait, pour les lecteurs, de dresser la liste des dix plus grands bienfaiteurs de l'humanité. En tête de mon palmarès, je crus devoir inscrire ce nom : Gioacchino Rossini, « père » de Figaro, de Rosine et de don Basile. Un peu plus tard, j'ai su, par une indiscrétion, que le président du jury avait failli s'étrangler d'émotion en lisant ma proposition. Je n'ai pas été classée. Tant pis. Mais si jamais l'occasion se représentait, je recommencerais encore ; Rossini, voyez-vous, c'est un enchanteur qui a déversé de la joie sur ce pauvre monde...
Côté salle — et côté jardin. Et cela n'est pas une boutade ; c'est là un jugement motivé. J'ai chanté, plus de trois cents fois, sur les scènes de dix ou douze pays différents, le rôle de Rosine. Je suis donc bien placée, croyez-moi, pour connaître les pouvoirs de ce diable d'homme pour dérider une salle, la transporter, la mettre en état d'euphorie. Et si je vous disais qu'il en est de même de l'autre côté du rideau ? Quels que soient les soucis du moment, quels que soient leurs ennuis particuliers, tous les chanteurs du « Barbier » passent une soirée pleine de gaieté. Je me rappelle encore cette représentation, à Marseille, où Roberto Benzi — alors âgé de quatorze ans ! — dirigeait l'opéra-comique de Rossini : il pouffait de rire, au pupitre, en nous voyant jouer et chanter... Et nous, nous nous en donnions aussi à cœur joie ! Jusqu'aux machinistes et aux électriciens (pourtant si blasés, d'ordinaire) qui, dans la mesure où ils ne sont pas retenus par leurs travaux, viennent subrepticement jeter un coup d'œil sur telle ou telle scène : le grand air de Figaro, les vocalises de Rosine, la « calomnie » de don Basile... Et, bien souvent, je les ai vus s'amuser comme des petits fous. Non, je ne crois pas qu'il existe une partition de même genre : alerte, spirituelle, vive et charmante. Rossini est un enchanteur !
Rossini : un bon vivant. L'œuvre s'explique par l'homme. Considérez donc un de ses portraits. Figure de bon vivant, visage épanoui, teint fleuri, œil narquois, sourire malin. Une figure qui vous met en joie. Remarquez-le, les caricaturistes eux-mêmes n'ont pu le priver de cette bonhomie hilare qui fait son charme. Ils ont renforcé l'aspect de son génie humoristique, sa malice naturelle, sa puissance de séduction. Ils nous ont donné une « charge » où Rossini est plus Rossini que jamais. Et puis, quel naturel ! Pas poseur pour deux sous. Toujours simple et toujours direct. Un bon vivant. Un bien brave bonhomme.
Les gens sont méchants. On a reproché à Rossini d'avoir écrit une œuvre musicale aussi volumineuse que celle de Jean-Sébastien Bach, alors que, chez le compositeur italien, deux partitions semblent surnager de l'oubli : « le Barbier » et « Guillaume Tell ». Mais ce n'est pas si mal que cela, deux chefs-d'œuvre dans une vie ! Que les détracteurs de Rossini en fassent donc autant ; alors seulement nous consentirons à écouter leurs conclusions hypocrites... Bien sûr, il a écrit très vite — trop vite ! Mais il fallait vivre ; et c'était là, d'ailleurs, les coutumes professionnelles de l'époque, tout au moins en Italie. Au début du XIXe siècle, chaque ville tant soit peu importante de la péninsule possédait son théâtre lyrique, lequel avait quatre « saisons » par an. Le compositeur engagé par une de ces scènes arrivait sans savoir encore ce qu'il allait écrire, car il ignorait les possibilités vocales de la troupe locale. Au début, il auditionnait donc les artistes, voyait ce qu'il pouvait leur faire chanter. Après quoi, il commençait à composer. En une vingtaine de jours au maximum, il importait d'écrire la partition d'un opéra ou d'un opéra-comique. Puis, sans tarder, le maestro distribuait les rôles et dirigeait les répétitions. Ne nous étonnons donc pas de voir Rossini écrire — comme, d'ailleurs, tous ses confrères italiens — à une vitesse effarante... « Le Barbier » a été composé à bride abattue : en treize jours ! Rossini avait alors vingt-quatre ans, et c'était son quatrième ouvrage. A la création, en 1816, au théâtre Argentina de Rome, l'œuvre s'appelait : « Almaviva, ou la Précaution inutile ». Evidemment, il eût été trop beau que Gioacchino Rossini nous ait donné un chef-d'œuvre authentique tous les treize jours de son existence. Ne demandons pas l'impossible, messieurs les musicologues !
Voyages et rencontres de M. Rossini. Il fut un grand voyageur, heureux de visiter les capitales, et très curieux d'aborder les grands personnages de son temps. Tout d'abord, il voulut se rendre à Bonn, pour voir Beethoven et lui dire son admiration fervente. Par malheur, à cette date, le vieux maître était devenu complètement imperméable aux sons. Ce fut non pas un dialogue de sourds, mais avec un sourd. La rencontre fut décevante. Avec Chateaubriand, il eut plus de chance. Mais le vicomte était sourd, lui aussi — à sa manière : plus littérateur que musicien. A Paris, en 1823, Rossini sera reçu en triomphateur. Lorsqu'il entre au restaurant, il est accueilli par l'ouverture d'une de ses œuvres. Ses admirateurs portent des toasts à la musique italienne. En souriant, il répond en levant son verre à la musique française... et à Mozart. L'Académie des Beaux-Arts l'élit, par acclamation, à titre d'associé étranger. En compensation, les compositeurs parisiens grognent et s'insurgent, ne le dénommant que M. Crescendo ou Il signor Vacarmini. Et les bons confrères s'entretiennent, avec une condescendance affectée, de la « musique mécanique » de M. Rossini. A Londres, le roi George V tient à le recevoir lui-même à la cour. Le monarque le prend par le bras et, tout en lui parlant musique, il promène le maestro à travers la salle de concerts du palais, tandis que, en sourdine, l'orchestre exécute l'ouverture de « la Gazza ladra » (« la Pie voleuse »). Au cours de ce séjour dans la capitale anglaise, Rossini donnera quelques concerts : il sera au piano d'accompagnement, et, par endroits, de sa jolie voix de baryton, il chantera... Pour pareille audition, il n'en coûtera que deux guinées : c'est pour rien. Le revoilà bientôt à Paris, où il devient intendant général de la musique royale ; Charles X veut le décorer de la Légion d'honneur. Rossini s'excuse, il demande qu'on place plutôt le ruban rouge au revers de la redingote d'Hérold, son chef des chœurs. C'est ainsi qu'Hérold accroche l'étoile des braves. Après le succès de Rossini avec sa création de « Guillaume Tell » (1829), le roi reviendra à la charge, et demandera au compositeur d'accepter la décoration. Rossini y consentit : il avait compris que cela faisait tant de plaisir au monarque ; et notre Italien détestait faire de la peine à quiconque.
Et quelle modestie... Gioacchino est la simplicité même. Chez lui, pas la moindre trace d'orgueil... J'ai dit, tout à l'heure, son admiration pour Beethoven, pour Mozart. Il tient également en haute estime l'opéra allemand. Et à Paris, il aura de longues conversations amicales avec Wagner, en qui il a su reconnaître un génie. Certain jour, devant le père de « Tristan », il laissera échapper cette phrase tout à fait dans sa ligne psychologique : « J'avais de la facilité ; j'aurais peut-être pu arriver à quelque chose... » Dans la bouche de l'auteur du « Barbier », ne trouvez-vous pas cela charmant — et même touchant ? Sans doute le maître italien voulait dire qu'il avait travaillé un peu trop sous la donnée des circonstances, qui exigeaient un travail ultra-rapide... Et, aussi, voulait-il marquer combien il se sentait loin des grands compositeurs d'outre-Rhin. Dans une autre occasion, il lancera, en public, cette phrase ahurissante : « Je suis un pauvre mélodiste ! » Pardon, pardon, monsignor Gioacchino, nous sommes des milliers et des milliers à ne pas être de votre avis. C'est à croire que, lui aussi, il était devenu sourd !
Rossini, idole des chanteurs... et du public. Il fut aussi, empressons-nous de le dire, l'idole des musiciens par son souci de mise en valeur des instruments.
Pourquoi ce succès de Rossini ? C'est que
— à mon sens — il nous ensorcelle par son naturel, Tout, chez lui, est clarté, sourire, chatoiement. Voilà, sans doute, pourquoi tous les artistes aiment chanter le « Barbier ». Voilà, j'en suis certaine, pourquoi Rosine, Figaro, don Basile et Bartholo restent, aux yeux du grand public, des symboles vivants, inoubliables. Beaumarchais les avait créés. Et, sur le plan lyrique, Rossini a su les nimber d'une gloire radieuse, que l'on peut bien croire immortelle.
(Mado Robin, de l'Opéra, Musica disques, avril 1960)
|
Naissance d’une voix illustre « Je serais très heureuse si vous vouliez bien entendre ma fille Madeleine. Elle a 17 ans et, paraît-il, une jolie voix. Elle vient d'avoir le premier prix dans un concours de chant. » La dame qui me disait cela était fort sympathique ; je venais de chanter le duo de Faust avec Yvonne d'Arles du Metropolitan Opera, et rendez-vous fut pris à mon studio, rue Henri-Monnier. Quelques jours après, j'entendais une jeune fille brune, vive, enjouée, me chanter, avec une voix pure et flexible Chanson provençale. C'était Mado Robin. Elle fut ma première élève, et devait travailler avec moi chaque jour, et souvent deux fois par jour, pendant près de 10 ans. Sa voix de soprano léger était remarquable par la qualité rare de son timbre et par sa facilité. Mais, contrairement à ce que l'on croit, elle ne dépassait jamais le contre-mi, et ses fameuses contre-notes qui la rendirent célèbre ne devaient apparaître qu'après 5 ans d'exercices. Toutefois, les progrès furent très rapides et au bout de deux ans, je décidais de présenter Mado Robin au concours des plus belles voix de France organisé à l'Opéra. Elle obtint le premier prix dans l'air de Gilda (Rigoletto), Reynaldo Hahn qui présidait le Jury lui dit : « Il doit y avoir une erreur ; vous figurez comme ayant dix-neuf ans, mais on ne chante pas comme vous à dix-neuf ans. » — « J'ai eu la chance, répondit Mado Robin, de débuter par la méthode italienne. Mon professeur est élève de Fernando de Lucia. » — « Dès lors tout s'explique, dit Reynaldo, j'ai souvent dirigé le ténor de Lucia à Monte-Carlo, c'était un merveilleux chanteur. » Deux ans plus tard, Reynaldo Hahn devait retrouver Mado Robin à la première répétition de la Flûte enchantée. Comme le violon solo demandait au Chef : « On transpose comme toujours l'air de la Reine de la Nuit ? » Reynaldo Hahn répondit : « Quand c'est Mado Robin qui chante on ne transpose pas ». Tant de choses ont été dites et écrites sur les fameuses contre-notes de Mado Robin que je me demande si on croira la vérité toute simple. Pendant près de 4 ans de leçons quotidiennes elle ne dépassa jamais le contre-mi. Or, à cette époque, la cantatrice autrichienne Erna Sack fit entendre à la Salle Gaveau quelques contre-si ultra-légers mais ravissants dont on commença à parler dans le milieu du chant ; une de mes élèves possédait ce registre, et le hasard fit que Mado Robin assista à la fin d'une de ses leçons. En vertu du vieil adage de l'école italienne « écoutez et imitez », elle vocalisa ce jour-là jusqu'au contre-ut dièse six mais avec une richesse, une beauté et une facilité inouïes. Nous étions bouleversés, et je me souviens que je lui téléphonai à minuit et le lendemain matin pour savoir si elle avait toujours ses fameuses notes. Elle ne devait jamais plus les perdre. Il convenait d'abord de les utiliser et de les présenter au public. Le pianiste Janopoulo, l'accompagnant un jour à mon studio eut cette parole très heureuse : « Mado Robin c'est une sensation nouvelle ! » Dans notre entourage immédiat et dans le milieu du chant les opinions étaient très partagées. Les uns comme Louis Beydts, alors Directeur de l'Opéra-Comique, disaient : « Ce n'est plus du chant, la voix humaine s'arrête au contre-mi », or, tout récemment le contre-fa de Lily Pons venait de bouleverser l'Amérique. J'étais certain que le contre-si de Mado ferait encore plus. Le hasard encore une fois intervint. Le music-hall de l'A.B.C. voulait un programme et une vedette de choc pour sa nouvelle direction. Une audition de l'Hirondelle de Dell'Acqua avec un contre-si bémol final stupéfia le nouvel état-major et le lendemain des calicots et des affiches annonçaient une vedette totalement inconnue pour le nouveau programme. La générale fut plus qu'un triomphe : une révélation. Dans le public, qui comprenait les personnalités les plus diverses : le Ministre des Beaux-Arts, le ténor Muratore, Directeur de l'Opéra-Comique, Tino Rossi, Édith Piaf et Jean Bérard, Directeur de Pathé-Marconi, l'avis fut unanime : une étoile de première grandeur était née. Mais chose plus importante pour moi, j'étais fixé sur la valeur magnétique des fameuses notes ; suivant l'expression courante dans les théâtres d'Italie « tirare dei poltroni », elles tiraient les gens hors de leur fauteuil. Le même phénomène se produisit à toutes les représentations : à chaque contre-note, vingt personnes se dressaient en criant « Bravo ». Une deuxième étape était prévue ; il fallait toucher le public des mélomanes après le public populaire. A cette occasion, Jean Bérard apporta à Mado Robin une aide inestimable. C'est la maison Pathé-Marconi qui organisa un concert Salle Gaveau et présenta au Tout-Paris musical la voix du siècle. Lorsque j'avais parlé pour la première fois de Mado Robin à Jean Bérard, il m'avait dit : « Mais, comment voulez-vous que mes machines enregistrent un contre-si quand elles ont toutes les peines du monde à enregistrer les contre-mi de ces dames de l'Opéra. » Le premier essai fut concluant ; quand le contre-si de Chanson provençale jaillit du haut parleur comme une trombe d'or, Jean Bérard ajouta « et ces notes me donnent une vraie joie physique ». C'est pourquoi nous eûmes l'idée de faire précéder l'entrée de Mado à son concert par quelques passages enregistrés de ses notes phénoménales. Elle fut donc applaudie, quoique totalement inconnue, avant d'avoir chanté. Restait la troisième escalade : l'audition à l'Opéra. Elle fut la plus rapide et la plus éblouissante. Dans la salle Jacques Rouché, Directeur, un délégué des Beaux-Arts et les chefs de chant habituels, sur la scène Mado Robin tremblante d'émotion. Dès les premières notes de Gilda, le miracle s'accomplit ; je suis tout au fond d'une loge de 3e étage et l'immense salle à peine éclairée paraît s'illuminer. Le contre-mi final est une vraie nappe de clarté et le Directeur Jacques Rouché lui dit de la salle cette phrase que je n'oublierai jamais : « Eh bien ! vous allez en faire pâlir des cantatrices. Qui vous a appris à chanter comme ça ? » Et c'est à cet instant que je conçus ce slogan qui plaisait tant à Sacha Guitry : « C'est très facile de chanter quand on chante « comme ça » mais c'est très difficile de chanter comme ça ». Un quart d'heure après Mado signait son contrat et, le lendemain, elle répétait la Reine de la Nuit et Gilda de Rigoletto. C'est dans ce rôle qu'elle fit ses débuts au Palais de Chaillot ; dans le fameux quatuor on n'entendait qu'elle. Mais, revenons aux fameuses contre-notes qui ont fait sa célébrité. Un phoniatre l'entendant à une de ses leçons décréta : « Dans un an elle ne chantera plus ». Il n'avait pas remarqué que la condition de réussite de ces notes était « la divine facilité » donc aucune fatigue. Plus tard, en Sorbonne, Mado fut examinée, stroboscopée, chronaxée et avec un ensemble digne des docteurs de Molière, la conclusion générale fut que si Mado Robin donnait ces notes extraordinaires c'est que vraiment elle ne pouvait pas faire autrement. L'un d'eux écrivit dans une communication académique : « Mado Robin obtient ces notes grâce à une concentration cérébrale et à l'influx bulbaire », « elle en a mal à la tête. » Ce n'est pas à la tête que Mado Robin avait mal mais, elle me le disait souvent, aux muscles abdominaux et lombaires. La vérité était que Mado Robin devait ces notes à la méthode italienne classique que m'avait léguée de Lucia, la même que celle de la Bastardella de Mozart. Il est de toute évidence que si en lançant un contre-si elle avait négligé l'appui du souffle entraîné et développé par dix ans d'exercices et si elle avait forcé sa voix au lieu de « la laisser filer » en tête, jamais elle n'aurait atteint ces sommets. Cette méthode disparaît même en Italie, et le beau chant se meurt. Tout évolue. Les micros, les haut-parleurs barbares s'installeront d'ici peu sur les scènes lyriques, et une représentation d'opéra du siècle dernier avec des chanteurs comme de Lucia, Battistini et Galli-Curci, sera aussi loin d'un opéra moderne qu'une toile de Raphaël d'un puzzle de Picasso. Remercions cependant le progrès et la Maison Pathé-Marconi de nous permettre d'entendre l'écho précieux d'un chant disparu en jouissant des couleurs raphaéliques de la voix de Mado Robin.
Mado Robin et Sacha Guitry Lorsque Sacha Guitry fit le film la Malibran il pensa à Mado Robin et vint souvent l'entendre. Sa femme Geneviève Guitry était mon élève et sympathisait beaucoup avec Mado. La fatalité devait les unir également dans la mort en même temps et par la même terrible maladie. Sacha, très amateur de belles voix, fut tout de suite séduit par ce qu'il appela « la divine facilité » : « c'est un arbre qui chante, le vent n'a qu'à passer. » Au cours d'une réception, il la fit entendre à quelques amis parmi lesquels le curé de la Madeleine, grand musicien et fort spirituel ; comme Mado venait de donner une de ses notes-phénomènes, le curé s'approcha d'elle et demanda : « Madame, me permettez-vous de regarder dans votre gorge ? », et Sacha de dire : « L'Abbé, mon ami, cette gorge est comme la grotte de Lourdes, il s'y produit des miracles. »
(Mario Podesta, Voix illustres, rééditions en microsillon Pathé-Marconi, 1972)
|
Mado Robin dans la Flûte enchantée (la Reine de la Nuit)
Engagée pour la première fois à l'Opéra en 1945, Mado Robin, âgée de 41 ans, est décédée à Paris le samedi 10 décembre 1960.
La Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux vient de perdre l'une de ses plus admirables pensionnaires dont le talent exceptionnel, l'inépuisable générosité illustrèrent l'art lyrique d'une miraculeuse splendeur. Artiste de concert et de théâtre, Mado Robin était célèbre dans le monde entier. Interprète de Rigoletto, de la Flûte enchantée, de Hamlet, des Pêcheurs de perles, du Rossignol de Stravinsky, du Barbier de Séville, de Lucie de Lammermoor, de Lakmé, son art s'affirmait bien au-delà de ce phénomène vocal qu'était sa voix légère et agile planant avec la plus naturelle facilité au sommet de la tessiture humaine ; Mado Robin apportait à ses interprétations le rayonnement intérieur qui magnifie la richesse d'une partition musicale ou la grâce d'une ligne mélodique, la ferveur, l'émotion, le don de l'âme qui procurent les joies infinies de la perfection.
(revue l'Opéra de Paris n°19, 4e trim. 1960)
|
Mado Robin dans la Flûte enchantée (la Reine de la Nuit) à l'Opéra
Mado Robin fut un « cas » unique dans l'histoire du chant. On ne dira jamais assez que, lorsqu'elle lançait ses notes les plus hautes, elle ne donnait pas l'impression de se livrer à des acrobaties vocales ! Ces notes admirables, loin de paraître étranges ou phénoménales, étaient un régal pour les oreilles, car sa voix, toujours homogène, gardait toute sa fraîcheur, toute sa pureté.
Sans parler de cet aigu extraordinaire (Mado Robin atteignait le contre-contre-ré, c'est-à-dire celui de la 6e octave du piano), la voix gardait dans le médium une rondeur absolument unique. Le plus miraculeux était peut-être cette articulation parfaite. On comprenait tout ce qu'elle chantait, ce qui est infiniment rare pour les voix élevées.
Dans l'air de Rosine du Barbier, dans celui de Gilda de Rigoletto, et surtout dans le Carnaval de Venise, Mado Robin déploie une incomparable agilité vocale et une virtuosité à vous couper le souffle.
Pour l'air des clochettes de Lakmé, c'est autre chose. « Quand je suis Lakmé, disait-elle, je le suis de tout mon cœur, et quand elle meurt, je me sens mourir avec elle. » Pour donner la 1.500e représentation de Lakmé, l'Opéra-Comique avait choisi le 29 décembre 1960, anniversaire de Mado Robin qui, après avoir fait ses débuts salle Favart en 1946 dans le chef-d’œuvre de Léo Delibes, l'a, pendant plus de quatorze ans, fait triompher sur toutes les scènes du monde. Hélas ! le samedi 10 décembre, vers la fin de l'après-midi, Mado Robin était allée rejoindre les oiseaux qui chantent au paradis... Elle avait quarante et un ans.
(Pierre Hiégel)
|
Mado Robin dans Lakmé (Lakmé)
Ton épaule pour y dormir chanson (Miarka Laparecerie / Tiarko Richepin) Mado Robin et Orchestre de l'Association des Concerts Lamoureux dir. Marcel Cariven Gramophone DA 5024, mat. OLA 5375-1, enr. le 27 septembre 1948 |
C'est à Champ Dominelle chanson (Miarka Laparecerie / Tiarko Richepin) Mado Robin et Orchestre de l'Association des Concerts Lamoureux dir. Marcel Cariven Gramophone DA 5024, mat. OLA 5376-1, enr. le 27 septembre 1948
|
émission radiophonique Fantaisie et Bel Canto : 1. "le Rossignol et la Rose", extrait de Parysatis (Saint-Saëns) - 2. l'Oiseau (André Delacour / Henry Février) - 3. la Gitane et l'oiseau (André de Badet / Julius Benedict) - 4. Grande valse brillante (Joachim Grandt) - 5. 'A Vucchella (Gabriele d'Annunzio / Francesco Paolo Tosti) - 6. Chanson provençale (Eva Dell'Acqua) - 7. Villanelle "J'ai vu passer l'hirondelle" (Eva Dell'Acqua) - 8. Chanson bohême (S. Margall / Louis Gallini) Mario Podesta, Mado Robin et Joachim Grandt au piano enr. en 1949
|
"Suis-je gentille ainsi ?" extrait de l'acte III de Manon de Massenet Mado Robin (Manon) et Orchestre de l'Opéra dir. Pierre Dervaux enr. à Paris en 1957
|
Ariette extrait de l'acte I de Roméo et Juliette de Gounod Mado Robin (Juliette) et Orchestre de l'Opéra dir Pierre Dervaux enr. en 1957
|
Ariette "O légère hirondelle" extrait de l'acte I de Mireille de Gounod Mado Robin (Mireille) et Orchestre filmé en public en 1958
|
le Rossignol extrait de l'acte II de Monsieur Beaucaire de Messager Mado Robin (Lady Mary) et Piano enr. vers 1960
|
Air de la Vision "Ne tremble pas" extrait de l'acte I de la Flûte enchantée de Mozart [v. fr. J. G. Prod'homme et J. Kienlin] Mado Robin (la Reine de la Nuit) et (a) Orchestre de l'Opéra dir Eugène Bigot, enr. le 24 octobre 1947 (b) Orchestre de l'Opéra dir George Sebastian, enr. à l'Opéra le 22 décembre 1954 (c) Orchestre de l'Ass. des Concerts Colonne dir Louis de Froment, enr. en 1960
|
Air "Ah ! venge-moi" extrait de l'acte IV de la Flûte enchantée de Mozart [v. fr. J. G. Prod'homme et J. Kienlin] Mado Robin (la Reine de la Nuit) et (a) Orchestre de l'Opéra dir Eugène Bigot, enr. le 24 octobre 1947 (b) Orchestre de l'Opéra dir George Sebastian, enr. à l'Opéra le 22 décembre 1954 (c) Orchestre de l'Ass. des Concerts Colonne dir Louis de Froment, enr. en 1960
|
Couplets du Mysoli "Charmant oiseau" extrait de l'acte III de la Perle du Brésil de Félicien David Mado Robin (Zora) (a) et Orchestre de l'Ass. des Concerts Lamoureux dir Henri Tomasi, enr. le 15 décembre 1949 (b) en public (c) et Orchestre de l'Opéra dir Pierre Dervaux, enr. en 1957
|
Scène de la Folie "Spargi d'amaro pianto" extrait de l'acte III de Lucia di Lammermoor de Donizetti Mado Robin (Lucia) et (a) Piano (b) Orchestre dir Jacques-Henri Rys extrait de l'émission télévisée la Joie de vivre, juin/juillet 1955
|
"O doux nom" extrait de l'acte I de Rigoletto de Verdi [version française d'Edouard Duprez] Mado Robin (Gilda) et Piano filmé en public en 1957
|
le Rossignol (Soloveï) (Anton Delwig [1798-1831] / Alexandre Alabiev [1787-1851]) (a) chanté en français (arrgt de Wal-Berg) par Mado Robin, avec le London Philharmonic Orchestra dir Anatole Fistoulari, enr. en novembre 1955 (b) chanté en russe par Mado Robin, avec piano
|
Hommage à Mado Robin (à partir de 49:33) avec Michel Dens, René Bianco, Henri Legay émission de télévision du 26 février 1990
|
voir également les enregistrements de Mireille (anthologie 1953)