Catulle MENDÈS

 

Catulle Mendès en 1905

 

 

Abraham Catulle MENDÈS dit Catulle MENDÈS

 

écrivain français

(Bordeaux, Gironde, 21 mai 1841* – Saint-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 08 février 1909*)

 

Fils naturel reconnu d'Abraham Tibule MENDÈS (Bordeaux, 1815 Paris 16e, 30 novembre 1887*), commis négociant, et de Suzanne BRUN.

Epouse 1. à Neuilly-sur-Seine, Seine [auj. Hauts-de-Seine], le 17 avril 1866* (séparation, 1878 ; divorce 28 décembre 1896) Judith GAUTIER (1845–1917), écrivain.

Epouse 2. à Chatou, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], le 08 juillet 1897* Jane CATULLE-MENDÈS (1867–1955), écrivain ; parents de Jean Primice Catulle MENDÈS (Paris 16e, 10 juillet 1896* mort pour la France, Prosnes, Marne, 23 avril 1917 [acte du 24 juillet 1917 à Paris 8e*]).

De sa liaison avec Augusta HOLMÈS, compositrice, sont nés : Raphaël Rémy MENDÈS (Paris 1er, 18 mai 1870* – Chatou, 14 juillet 1896*), dessinateur et illustrateur [reconnu par le père de Catulle Mendès, acte à Paris 1er, 28 mai 1887*] ; Jeanne Huguette Olga Wagram MENDÈS (Paris 17e, 01 mars 1872* – Saint-Germain-en-Laye, 17 juillet 1964), institutrice [reconnue par le père de Catulle Mendès, acte à Paris 17e, 28 mai 1887*] [épouse Gabriel CAILLARD-BELLE (01 avril 1870 – 29 mars 1949), publiciste ; parents d'Hugues Christian CAILLARD (Clichy, Seine [auj. Hauts-de-Seine], 26 juillet 1899* – Paris 9e, 18 septembre 1985), peintre] ; Marianne Claudine MENDÈS (Paris 9e, 15 juin 1876* – Paris 17e, 10 mars 1938*) [reconnue par le père de Catulle Mendès, acte à Paris 9e, 29 mai 1887*] [épouse puis divorcée de Mario DE LA TOUR DE SAINT YGEST] ; Helyonne Geneviève MENDÈS (Paris 9e, 12 septembre 1879* 1955) [reconnue par le père de Catulle Mendès, acte à Paris 9e, 29 mai 1887*] [épouse à Croissy-sur-Seine, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], le 18 avril 1898* Adrien Gustave Henri BARBUSSE (Asnières-sur-Seine, Seine [auj. Hauts-de-Seine], 17 mai 1873* Moscou, U.R.S.S., 30 août 1935), romancier] ; Marthian MENDÈS (mort en bas âge en 1881).

 

 

Né d'un père israélite et d'une mère catholique. S'étant rendu à Paris, il fondait, dès 1859, la Revue fantaisiste. Cotte feuille littéraire vécut assez longtemps pour assister à la naissance de l'école des parnassiens, qui s'y groupèrent. Catulle Mendès a raconté les origines de cette école dans la Légende du Parnasse contemporain (1884). Il épousa en 1866 Judith Gautier, dont il se sépara ensuite. Ses premiers vers : Philomela (1864), Contes épiques (1870), Odelettes guerrières (1871) ; puis son étrange épopée, Hespérus (1869), inspirée des mystiques rêveries de Swedenborg, furent accueillies avec faveur, ainsi que le Soleil de minuit et Soirs moroses (1876), malgré bien des étrangetés voulues, des effets trop recherchés d'énergie et l'abus d'expressions nuageuses. Doué d'une brillante facilité, Catulle Mendès menait de front la prose et la poésie, s'essayait tour à tour dans la nouvelle : Histoires d'amour (1868), et au théâtre : la Part du roi (1872) ; les Frères d'armes, drame en quatre actes et en prose (1873) ; la Justice, drame en trois actes (1877) ; le Capitaine Fracasse, opéra-comique, musique de Pessard (1878) ; les Mères ennemies, drame (1882) ; Gwendoline, opéra, musique de Chabrier (1886) ; la Femme de Tabarin (1887) ; la Reine Fiammette, conte dramatique (Théâtre-Libre, 1889 ; Odéon, 06 décembre 1898), dont il tira lui-même un livret d'opéra-comique pour le compositeur Xavier Leroux (Opéra-Comique, 1903) ; Médée, tragédie en trois actes, en vers (1898), reprise par la Comédie-Française en 1903 ; le Cygne, ballet, musique de Charles Lecocq (Opéra-Comique, 1899) ; la Carmélite, musique de Reynaldo Hahn (Opéra-Comique, 1902) ; le Fils de l'Etoile, musique de Camille Erlanger (Opéra, 1904) ; Scarron (Gaîté, 1905) ; la Vierge d’Avila (1905) ; Glatigny (Odéon, 1906) ; l’Impératrice (1909) ; Bacchus, opéra, musique de Massenet (1909) ; enfin prodiguait des romans qui, pour la plupart, laissent loin derrière eux, en perversité subtile, les débauches d'imagination des conteurs licencieux du XVIIIe siècle : les Folies amoureuses (1877) ; la Vie et la Mort d'un clown (1879) ; le Roi vierge (1881) ; Monstres parisiens (1882) ; Jupe courte, Pour lire au bain (1884) ; la Demoiselle en or (1886) ; l'incestueuse aventure de Zo'har (1886) ; la Petite Impératrice, Pour lire au couvent, l'Homme tout nu (1887) ; la Première Maîtresse (1887) ; Gog (1894) ; etc. Il a encore écrit : les 73 Journées de la Commune (1871) ; et, avec R. Lesclide : la Divine Aventure, traduction des Confessions de Cagliostro (1881). Il a fait paraître ensuite de nombreux ouvrages : le Chercheur de tares (1898) ; Arc-en-ciel et Sourcil-Rouge (1899) ; Bêtes roses (1899) ; les Braises du cendrier (1900), poésies où s'accuse l'influence des romantiques et des parnassiens, de Hugo à Banville, et enfin des livres de critique : l'Art au théâtre, l'Œuvre wagnérienne en France, et le Mouvement poétique de 1867 à 1900, rapport rédigé à l'occasion de l'Exposition universelle, et qui est suivi d'un index biographique et critique fort bien documenté. Promoteur du mouvement wagnérien en France, il a fait, tant en province qu'à Paris, de nombreuses conférences sur Wagner. Il publiait en même temps des chroniques, et, en 1893, était chargé au « Journal », de la critique dramatique et musicale. Comme auteur d'imagination, Catulle Mendès a déployé une singulière virtuosité, sur des thèmes chers aux littératures de décadence. Sa prose, à la fois travaillée et négligée, est inférieure à ses vers, qui le distinguent des autres parnassiens par quelque chose d'aigu et de précieux. Il est mort en 1909 à soixante-sept ans, broyé par un train sous le tunnel de la gare de l’Ouest près de Saint-Germain-en-Laye.

En 1897, il habitait 6 quai de Seine à Chatou (Yvelines) ; en 1905, 6 rue du Boccador à Paris 8e ; en 1909, 160 boulevard Malesherbes à Paris 17e. Il est enterré au cimetière du Montparnasse (22e division du petit cimetière).

 

 

 

 

 

les Filles de Catulle Mendès [et d'Augusta Holmès : Huguette, Claudine et Helyonne]

tableau d'Auguste Renoir (1888)

 

         

livrets

 

le Capitaine Fracasse, opéra-comique en 3 actes, musique d'Emile Pessard (Théâtre-Lyrique de la salle Ventadour, 02 juillet 1878)

Gwendoline, opéra en 2 actes, musique d'Emmanuel Chabrier (Monnaie de Bruxelles, 10 avril 1886 ; Opéra, 27 décembre 1893)

la Femme de Tabarin, comédie-parade en 1 acte, musique d'Emmanuel Chabrier (Théâtre-Libre, 11 octobre 1887 ; Comédie-Française, 1894)

Isoline, conte de fées en 3 actes et 10 tableaux, musique d'André Messager (Renaissance, 26 décembre 1888 ; Opéra-Comique, 21 novembre 1958) => fiche technique

Rodrigue et Chimène, opéra inachevé en 3 actes, musique de Claude Debussy (1890-1892)

le Collier de saphirs, pantomime en 1 acte et 2 tableaux, musique de Gabriel Pierné (Théâtre du Casino de Spa, 10 août 1891)

les Joyeuses commères de Paris, fantaisie en 5 actes avec Georges Courteline, musique de scène d’Alfred Rabuteau et Gabriel Pierné (Nouveau-Théâtre, 16 avril 1892) => livret

le Docteur Blanc, mimodrame fantastique en 5 actes, musique de Gabriel Pierné (Menus-Plaisirs, 02 avril 1893)

Chand d'habits !, pantomime, musique de Jules Bouval (Théâtre Salon, mai 1896 ; Folies-Bergère, 18 novembre 1896)

Briséïs, drame en 3 actes, avec Ephraïm Mikhaël, musique d'Emmanuel Chabrier (Concerts Lamoureux, 31 janvier 1897 ; Opéra, 08 mai 1899)

Hansel et Gretel, conte musical allemand en 3 actes, version française, musique d'Engelbert Humperdinck (Anvers, 23 février 1897 ; Opéra-Comique, 30 mai 1900)

Médée, tragédie en 3 actes, musique de scène de Vincent d'Indy (Renaissance, 28 octobre 1898)

le Cygne, ballet-pantomime en 1 acte, musique de Charles Lecocq (Opéra-Comique, 20 avril 1899)

la Carmélite, comédie musicale en 4 actes, musique de Reynaldo Hahn (Opéra-Comique, 16 décembre 1902)

la Reine Fiammette, conte dramatique en 4 actes, d'après sa pièce de théâtre, musique de Xavier Leroux (Opéra-Comique, 23 décembre 1903)

le Fils de l'Etoile, drame musical en 5 actes, musique de Camille Erlanger (Opéra, 20 avril 1904)

Scarron, comédie tragique en 5 actes en vers, musique et chansons de Reynaldo Hahn (Gaîté, 29 mars 1905) => livret

Ariane, opéra en 5 actes, musique de Jules Massenet (Opéra, 31 octobre 1906) => fiche technique

Bacchus, opéra en 4 actes, musique de Jules Massenet (Opéra, 02 mai 1909) => fiche technique

la Fête chez Thérèse, ballet-pantomime en 2 actes, musique de Reynaldo Hahn (Opéra, 16 février 1910)

 

mélodies

 

Abandonnée (l'), musique de Georges Bizet (1868/1873) => partition

Chanson mélancolique, musique d'André Messager (entre 1884 et 1888) => fiche technique

Chanson pour Jeanne, musique d'Emmanuel Chabrier (1886)

Chansons à danser (six), musique d'Alfred Bruneau (1895) [1. le Menuet ; 2. la Gavotte ; 3. la Bourrée ; 4. la Pavane ; 5. la Sarabande ; 6. le Passe-pied]

Clair de lune, musique de Camille Saint-Saëns (1866)

Console-moi, fleur de l'été, musique de Léon Delafosse (1904)

Dans la forêt de septembre, musique de Gabriel Fauré (op. 85 n°1, 1902)

Fleur qui va sur l'eau (la), musique de Gabriel Fauré (op. 85 n°2, 1902)

Gascon (le), musique de Georges Bizet (1868/1873)

Heure volée (l'), musique de Jules Massenet (1902) => partition

Je t'offrirai ces fleurs de serre, musique de Léon Delafosse

Lettre (la), musique de Jules Massenet (1907) => partition

Lieds de France (les), musique d'Alfred Bruneau (Théâtre d'Application, 12 décembre 1891) [01. Noces dans l'or ; 02. le Diable à Saint Jean le Neuf ; 03. les Pieds nus ; 04. les Amants fidèles ou le cierge dans le paradis ; 05. l'Heureux vagabond ; 06. les Enfants du Roi Galant ; 07. le Retour du beau soldat ; 08. Semailles ; 09. le Sabot de frêne ; 10. la Ronde des petites belles]

Mélodies (douze), musique d'Ignacy Jan Paderewski (op. 22, vers 1903) [01. Dans la forêt ; 02. Ton cœur est d'or pur ; 03. le Ciel est très bas ; 04. Naguère ; 05. Un jeune pâtre ; 06. Elle marche d'un pas distrait ; 07. la Nonne ; 08. Viduité ; 09. Lune froide ; 10. Querelleuse ; 11. l'Amour fatal ; 12. l'Ennemie]

Naguère au temps des églantines, musique de Reynaldo Hahn (1896)

Nez au vent, musique d'Emmanuel Chabrier (vers 1886)

Oiseau d'amour (l'), version française de la poésie de H.-C. Andersen, musique d'Edvard Grieg

Poèmes russes, mis en vers français par Catulle Mendès, musique de Camille Erlanger [01. Aubade (Fête) ; 02. les Larmes humaines (Tioutchev) ; 03. Printemps (Tioutchev) ; 04. les Seuls pleurs (Nekrassov) ; 05. l'Ange et l'âme (Lermontov) ; 06. Fedia (Tourgueniev)]

Présents (les), musique d'Emile Pessard (1880)

Rieuse (la), musique de Gabriel Pierné (1885)

Sirène (la), musique de Georges Bizet (1868) => partition

Souvenir d'avoir chanté (le), rondel, musique de Reynaldo Hahn (1899)

 

 

              

 

Console-moi, fleur de l'été (Catulle Mendès / Léon Delafosse)

 

 

 

 

le mime Séverin dans Chand d'habits ! aux Folies-Bergère en 1896 [affiche de Leonetto Cappiello], qu'il reprit à l'Olympia en 1920

 

 

 

 

(Figures contemporaines tirées de l'album Mariani, 1896)

 

 

 

 

 

Catulle Mendès

 

 

 

L'accident mortel.

 

« Ce jour, cinq heures matin, trouvé écrasé à extrémité côté Paris du tunnel du Parterre, voie descendante, M. Catulle Mendès. Le corps a été transporté à son domicile. »

Telle est la dépêche, terrible dans sa concision, par laquelle la gare de Saint-Germain a annoncé à Paris la mort du poète.

Comment s'est produit l'accident ? Voilà, ce que nous avons pu savoir :

Depuis trois ans, Catulle Mendès avait loué, pour y passer l'été, un petit pavillon entouré d'un jardin, 3, rue de Sully, à Saint-Germain. Cette année, pour des motifs personnels, il décida de s'y retirer l'hiver. Mais il venait souvent à Paris pour ses travaux et aussi pour ses relations.

Dimanche matin il se rendit au pavillon Henri-IV, où il prit l'apéritif, en compagnie de quelques amis, parmi lesquels Mme Liane de Pougy qui collaborait avec lui à une œuvre nouvelle. Puis il rentra déjeuner chez lui et se mit à sa table de travail. Il avait en chantier plusieurs ouvrages, un poème sur la mort de Coquelin, demandé par un magazine parisien, une pièce, l’Impératrice, dont il attendait avec une impatience « de débutant », disait-il en riant, les répétitions qui devaient commencer prochainement au théâtre Réjane.

A cinq heures il s'habilla pour aller, comme presque tous les dimanches, dîner et passer la soirée chez le baron Félix Oppenheim, rue de Villejust. Il devait rentrer à une heure et avait recommandé à sa bonne, Mlle Ruellau, de tenir prêt un bouillon froid pour son arrivée.

A minuit, il se rendit à la gare Saint-Lazare, accompagné par M. Charles-Henri Hirsch. Le poète paraissait très gai et causa avec son confrère jusqu'au moment de monter dans le train de minuit treize qui devait le ramener à Saint-Germain.

 

C'est ici que se passe la partie mystérieuse du drame, celle sur laquelle il sera difficile, peut-être impossible, de jamais savoir la vérité.

On connaît la disposition topographique de la gare de Saint-Germain. Après avoir dépassé la station du Pecq, les trains traversent la Seine et arrivent à la montée. La ligne décrit d'abord une courbe assez accentuée vers la gauche, traverse un premier tunnel, ressort à ciel ouvert, mais très encaissée, et disparaît ensuite sous le second tunnel, long de quatre-vingt-trois mètres, qui conduit à la gare.

C'est sous ce second tunnel, à seize mètres de l'entrée et soixante-sept mètres du quai de débarquement, que le corps de Catulle Mendès a été trouvé.

Il était cinq heures du matin. M. Foucher, lampiste attaché à la gare, visitant la voie, aperçut une tache blanche sur le côté. Il s'approcha, et à la lueur de sa lanterne, reconnut que c'était le plastron de chemise d'un homme en habit de soirée.

Il revint précipitamment sur ses pas et informa le chef de gare de sa découverte. On fit prévenir le commissaire de police, M. Carette, et on se rendit à l’endroit indiqué.

Tout secours était inutile. Le corps qui gisait là était horriblement mutilé. La partie postérieure de la boîte crânienne était fracturée et la matière cérébrale avait jailli et s'était répandue sur les

cailloux ; le bras droit était écrasé, l'épaule désarticulée et le pied droit coupé.

Près du cadavre étaient un chapeau et une canne brisée.

Quant à l'identité, elle n'était pas difficile à constater. M. Carette, du premier coup d'œil, reconnut M. Catulle Mendès qu'il rencontrait souvent dans les rues de la ville. Pendant qu'on relevait le cadavre, il se rendit rue de Sully et informa la domestique qui, après avoir attendu vainement son maître jusqu'au dernier train, avait supposé qu'il couchait à Paris.

En même temps, M. Carette faisait prévenir la sœur de Catulle Mendès, qui habite boulevard Gounod, à Croissy. Puis il fit ramener le corps au domicile, où le docteur Grandhomme, médecin de la Compagnie procéda aux constatations officielles.

Dans les poches du défunt on a trouvé 750 francs en billets de banque, un carnet de chèques sur le Crédit lyonnais et la montre de Mlle Ruellau qu'il avait emportée, la sienne étant en réparation.

D'après les constatations, d'après l'opinion des personnes qui ont relevé le cadavre, il y a lieu de supposer que le poète a été victime d'une erreur fatale. Endormi probablement, il se sera réveillé à une heure, au moment où le train franchissait la partie de la voie qui est à ciel ouvert. Se croyant déjà dans la gare, il aura ouvert précipitamment la portière pour descendre et se sera broyé la tête sur le mur d'entrée du second tunnel. Rejeté sur le wagon par le contrecoup, il a franchi les seize mètres qui le séparaient de cette entrée et est retombé sur le côté de la voie.

Selon toute probabilité, il a été tué sur le coup. Quant à la mutilation du pied et du bras droit, elle a dû être faite par le train de minuit 42, qui suit celui de minuit 13.

Mme Catulle Mendès, prévenue par un télégramme du docteur Guinard, est arrivée par le train de 10 h. 47, accompagnée d'un ami du poète, le graveur Desmoulin. En proie à une vive douleur, elle s'est rendue à la maison mortuaire. En même temps se sont présentés de nombreux amis. Elle n'a reçu que les plus intimes, M. Eugène Fasquelle, M. Henri Barbusse, le secrétaire de Mendès, M. Payen, le docteur Guinard, etc.

Le docteur Guinard, un médecin de Saint-Germain, et M. Desmoulin ont procédé à la toilette mortuaire, opération assez difficile à cause des mutilations. Puis le corps, étendu sur un lit funéraire, a été veillé par Mme Catulle Mendès, M. Léon Dierx, M. et Mme Henri Barbusse, M. et Mme Bénassit, M. et Mme Gustave Kahn.

Au domicile de M. Catulle Mendès on a communiqué la note suivante :

 

M. Catulle Mendès revenait de Paris hier soir dimanche, par le train arrivant vers minuit à Saint-Germain. Le train ayant stoppé un instant à une centaine de mètres du quai d'arrivée, à la sortie du tunnel, M. Catulle Mendès, encore ensommeillé, croyant être en gare, descendit juste au moment où le train se mettait en marche. La secousse du départ lui ayant fait perdre l'équilibre, il alla rouler sous les roues, qui lui broyèrent l'arrière du crâne.

La mort dut être instantanée.

 

Mme la baronne Félix Oppenheim, dans le salon de laquelle Catulle Mendès avait passé sa dernière soirée, a fait part de ses impressions à un de nos confrères.

— Il était mélancolique, un peu somnolent même, a-t-elle dit. A plusieurs reprises, il s'est plaint de se sentir fatigué. « Et cependant, a-t-il ajouté, c’est effrayant ce que j’ai à faire ! » M. Catulle Mendès avait travaillé pendant toute la journée. Et c'est probablement là qu'il faut chercher la cause de sa mélancolie comme de sa fatigue.

» Il a parlé de ses projets et de ses occupations. Ainsi, il nous a annoncé qu'il signerait ce matin un contrat avec l’Illustration pour la publication de sa pièce l'Impératrice, dont les répétitions devaient commencer dans le courant de la semaine. Mercredi, il devait déjeuner avec M. Léon Barthou, le directeur du cabinet du ministre des travaux publics, et M. Nozière, du Temps. Le 18, il se proposait d'aller faire une conférence à Lyon.

» M. Catulle Mendès n'est sorti de l'espèce de torpeur où il se trouvait que lorsqu'il a raconté un voyage de jeunesse qu'il avait fait en compagnie de Villiers de L'Isle-Adam. Il est parti vers onze heures et demie avec M. Ch.-Henri Hirsch qui l'a accompagné jusqu’à la gare Saint-Lazare, où il a pris le train de minuit treize.

» Ce matin, à huit heures, nous recevions un coup de téléphone de la domestique de M. Catulle Mendès, qui nous annonçait la terrible nouvelle. Nous avons aussitôt prévenu tous ses amis, soit par téléphone soit par télégramme, et mon mari est parti pour Saint-Germain, en compagnie de plusieurs d'entre eux. »

 

Voici maintenant ce que nous dit, tout ému encore, un des amis qui sont allés dire un suprême adieu au poète :

— Rue de Sully, la petite maison du poète, si simple, si discrète et si paisible est ouverte ; personne derrière la grille béante, personne sur le seuil de cette maison qui fut si hospitalière à tant d'amis ; avec un peu d'hésitation et en prenant garde de ne pas faire de bruit, nous tournons le bouton de la porte, et dans le vestibule nous trouvons le graveur Desmoulin, un grand ami du poète, qui lui fit ce matin sa suprême toilette. Peu de monde autour de lui, seuls les intimes ont été admis à pénétrer ; il nous conduit dans la petite chambre où paisiblement Catulle Mendès dort son dernier sommeil.

» L'affreuse mort qui le prit a épargné son visage et c'est bien le beau masque du poète que nous retrouvons ; les traits, sans la moindre altération, sont même ennoblis par la pâleur et cet amincissement du nez qui accuse encore son beau profil. L'horrible blessure ne se voit pas et, comme il en avait exprimé souvent le désir, Catulle Mendès est « mort en beauté ».

» Sur la pointe des pieds nous quittons la chambre où des femmes pleurent silencieusement et, nous traversons une salle, la pièce attenante, où se tiennent des amis désolés, lorsqu'un bruit de sanglots déchirants frappe nos oreilles : c'est le petit Primice, le fils du poète, qui pleure et crie désespérément, blotti contre sa mère qui le tient étroitement embrassé, dans un grand geste de protection et, muette et douloureuse, traverse la chambre sans regarder les personnes, sans entendre aucune parole... »

Parmi les amis accourus à la première heure à Saint-Germain, dont les noms sont inscrit sur le registre déposé, citons :

 

MM. Maurice Rostand, Abel Hermant, Gheusi, Jean Richepin, Hébrard, Emile Bergerat, de Nalèche, Jules Claretie, Armand d'Artois, Eugène Fasquelle, Henri de Régnier, Léon Dierx, Lucien Millevoye, Léon Bailby, Pierre Mortier, Jacques Madeline, Emile Massard, David Devriès, Théo Bergerat, docteur Isaurat, Mme Héglon, M. et Mme Mario de La Tour, M. et Mme Gustave Kahn, MM. Charles Bert, Xavier Leroux, Henri Letellier, Alexis Lauze, H. Vincent, Cocteau, de Pawslowski, Desgranges, M. et Mme Henry Février, MM. Paul Ollendorff, Léon Durocher, A. Lévy, de Max, Emile Lepage, Eugène Letellier, Eugène Lemaire, Jacques, Nicodémi, Mme de Peyrebrune, Jean du Taillis, M. et Mme Edmond Rostand, comte Albert du Bois, Saint-Georges de Bouhélier, Maurice de Faramond, M. et Mme Marcel Ballot, M. et Mme Albert Mockel, Edouard Rod, Reynaldo Hahn, Adolphe Brisson, Dupont-Viardot, Paul Hervieu, docteur Furet, Mme Richard-Lesclide, Xavier de Carvalho, Edouard Garnier, capitaine Mette, docteur et Mme Mette, Edmond Toucas-Massillon, Xavier de Ricard, Georges Courteline, Grenet-Dancourt, les frères Isola, Pierre Wolff.

 

Le corps de Catulle Mendès sera transporté aujourd'hui de Saint-Germain à son domicile 160, boulevard Malesherbes. Il y arrivera vers une heure de l'après-midi.

Les obsèques auront lieu demain mercredi, à dix heures du matin. On se réunira à la maison mortuaire, 160, boulevard Malesherbes. De là le cortège funèbre se dirigera vers le cimetière Montparnasse. Il ne sera pas envoyé de lettres de faire part. On est prié de considérer le présent avis comme en tenant lieu.

 

(Georges Grison, le Figaro, 09 février 1909)

 

 

 

Catulle Mendès en mars 1907 [photo Nadar]

 

 

 

Catulle Mendès vers 1907

 

 

 

Catulle Mendès par Ernest La Jeunesse

 

 

 

Camille Erlanger et Catulle Mendès, caricature de Cappiello (1905)

 

 

 

devant la tombe de Catulle Mendès : discours d'Edmond Rostand (les Annales, 25 mai 1913)

 

 

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