Judith GAUTIER
Judith Gautier vers 1880
Louise Charlotte Ernestine GAUTIER dite Judith GAUTIER
femme de lettres française
(Paris ancien 5e, 25 août 1845 – Dinard-Saint-Énogat, Ille-et-Vilaine, 26 décembre 1917*)
Fille de Jules Pierre Théophile GAUTIER (Tarbes, Hautes-Pyrénées, 30 août 1811 – Neuilly-sur-Seine, Seine [auj. Hauts-de-Seine], 23 octobre 1872*), écrivain, et de sa concubine Ernesta Giuseppina Jacomina dite Ernestine GRISI (Visinada, Istrie, 25 octobre 1816 – Paris 16e, 09 décembre 1895*), cantatrice [sœur de Carlotta GRISI, danseuse].
Sœur d'Estelle Julia GAUTIER [épouse Emile BERGERAT, écrivain].
Epouse à Neuilly-sur-Seine, 17 avril 1866* (séparation en 1878 ; divorce le 28 décembre 1896) Catulle MENDÈS (1841–1909), écrivain.
Son père, le célèbre écrivain Théophile Gautier, est l'auteur des Beautés de l’Opéra (1845), du Selam, ode-symphonie (musique d'Ernest Reyer, 05 avril 1850), ainsi que d’un grand nombre d’articles et d’études sur les artistes et musiciens de son temps. Judith Gautier était également la filleule de l'écrivain Maxime Du Camp. On lui doit des romans et des drames. Epouse de Catulle Mendès, de qui elle se sépara vite, elle fut aimée de Richard Wagner. En 1882, elle fit paraître Richard Wagner et son Œuvre poétique depuis Rienzi jusqu'à Parsifal. Elle a remporté en 1888 le prix du concours Rossini pour le libretto des Noces de Fingal. Elle fut la première femme membre de l'académie Goncourt, élue en octobre 1910, et fut nommée chevalier de la Légion d'honneur le 29 décembre 1910. Parmi ses ouvrages, il faut citer Iseult (1885) ; Parsifal (1885) ; les Musiques bizarres à l'Exposition (1900) ; le Roman d'un grand chanteur, Mario de Candia (1911) ; etc.
En 1897, elle habitait 30 rue Washington à Paris 8e. Elle est décédée en 1917 à soixante-douze ans, en son domicile, villa "le Pré aux Oiseaux" à Dinard-Saint-Énogat.
livrets
la Marchande de sourires, pièce japonaise en 5 actes, prologue d'Armand Silvestre, musique de scène de Benedictus (Odéon, 21 avril 1888) les Noces de Fingal, scène lyrique en 3 parties, musique de Blas Maria de Colomer (Conservatoire, 24 novembre 1889) Parsifal, opéra allemand en 3 actes, version française avec Maurice Kufferath, musique de Richard Wagner (Monnaie de Bruxelles, 05 janvier 1914) |
Conservatoire. — Prix Rossini : les Noces de Fingal, poème en trois parties, de Mme Judith Gautier, musique de M. B.-M. Colomer. C'est dimanche dernier, qu'a eu lieu au Conservatoire, avec le concours de l'orchestre et des chœurs de la Société des concerts, dirigés par M. Garcin, l'exécution des Noces de Fingal, la scène lyrique de M. Colomer, couronnée par l'Académie des Beaux-Arts au dernier concours Rossini. Cette composition a été écrite par M. Colomer sur un poème divisé en trois parties, — trois actes, pourrait-on dire, — lequel est l'œuvre de Mme Judith Gautier. Je constate tout d'abord que Mme Judith Gautier n'a pas la poésie gaie, car son livret est singulièrement poussé au noir, et l'on peut trouver que la passion y tourne un peu trop à la fureur. Je lui reprocherai aussi une trop grande uniformité, et le peu de soin pris par elle pour fournir au musicien les contrastes qui lui sont nécessaires. Dans cette histoire tragique de deux amants, dont l'un, la fiancée, périt sous les coups de son père, qui se tue à son tour, on ne trouve pas un élan de tendresse, pas un cri du cœur, pas une de ces échappées de passion palpitante qui peuvent soulever l'inspiration du compositeur et opérer une diversion salutaire dans le style et la couleur d'une œuvre toujours tendue. toujours sauvage, toujours sanglante. Et puis, il faut l'avouer, les vers de Mme Judith Gautier ne sont pas toujours favorables à la musique, sans compter que parfois ils sont d'une étrangeté que d'aucuns pourraient tenir pour excessive. Le vieux roi Starne, surtout, a par instants de singulières façons de s'exprimer lorsqu'il s'entretient avec sa fille :
Le vieux roi dépouillé n'a plus dans son ciel noir, Où clament, non vengés, les spectres des ancêtres, Que ton front pour étoile.....
Cette étoile, au milieu de spectres qui clament dans un ciel noir, me fait un singulier effet. Plus loin, le monarque vénérable dit encore à son enfant :
L'ennemi fou d'amour et par ces yeux charmés, Ces yeux profonds et bleus, dont il nourrit tes larmes, Au palais des vaincus vient suspendre ses armes.
Que vous semble de cet amoureux qui nourrit les larmes des yeux de sa bien-aimée ? Enfin, voici une troisième image qui n'est pas au-dessous des deux autres :
La vengeance est une vipère, Dont la dent mord et dont l'œil ment !
Passons, et occupons-nous du sujet en lui-même. Le vieux Starne, roi de Loclin, a vu son fils Daskor tué dans un combat par Fingal, roi du Morven, son vainqueur. Pour venger la mort de ce fils, il ne trouve rien de mieux que d'accorder la main de sa fille Moïna à Fingal, qui en est épris, mais avec la pensée d'assassiner celui-ci, lorsqu'il l'aura attiré dans son royaume. Fingal vient, sans défiance ; on se rend au temple, mais tout à coup, au milieu de la cérémonie, le ciel s'obscurcit, l'oracle se fait entendre, déclarant que les dieux s'opposent à cet hymen sacrilège si Fingal ne se rend avant tout sur la tombe de Daskor pour apaiser ses mânes par des libations. Fingal résiste d'abord, puis, cédant aux prières de sa fiancée, il prend, sans suite et sans armes, le chemin du tombeau de Daskor. C'était ce que voulait Starne, qui l'attendait, entouré de ses guerriers. Dès que Fingal s'avance, il se jette sur lui avec les siens, et Fingal va succomber, lorsque Moïna, qui a découvert la trahison, accourt avec ses propres soldats, qui défendent leur chef. Furieux, Starne s'élance sur Fingal, qu'il va égorger avec son poignard ; mais c'est Moïna, s'avançant pour détourner l’arme de son père, qui est frappée mortellement par lui. A la vue du corps inanimé de sa fille, Starne se tue, « heureux de léguer à son ennemi le désespoir. » On voit que ce n'est pas par la gaîté que brille ce poème aux sombres couleurs. Il s'agit encore ici d'une de ces légendes scandinaves, dont on commence vraiment à abuser un peu trop, qui sont assurément très poétiques en elles-mêmes, mais que nos librettistes devraient bien laisser reposer au moins pendant un temps. Tous ces personnages ne vivent pas, leur passion est à la fois grandiloquente et fausse, et ils habitent un monde et nous montrent des sentiments qui ne sauraient, en aucune façon, exciter chez nous une parcelle d'intérêt. Je préfère, et de beaucoup, la musique de M. Colomer à la poésie de Mme Judith Gautier. Le malheur est qu'elle manque un peu trop de personnalité, de nouveauté et, tranchons le mot, de véritable inspiration. Mais elle est remarquable au point de vue de la forme, particulièrement de la forme scénique, à laquelle vise assurément le compositeur. Cette musique est chaude, colorée, empreinte d'un vrai sentiment dramatique, avec un orchestre très nourri, très corsé, parfois d'une très belle sonorité, mais qui n'étouffe jamais les voix et les laisse s'épandre en toute liberté. M. Colomer n'entre d'ailleurs dans les voies nouvelles que pour justifier l'évolution qui s'est produite depuis un quart de siècle dans la musique ; il est aussi peu wagnérien que possible, mais il est de son temps et fait en sorte de le prouver par le ton et l'allure générale de son œuvre. Sous ce rapport, il me semble qu'on pourrait trouver un juste point de comparaison entre la partition des Noces de Fingal et celle du Roi d'Ys — toute réserve faite en ce qui concerne la valeur de l'inspiration. Parmi les pages qui m'out semblé les mieux venues, je citerai, dans la première partie, un trio, court, bien écrit pour les voix, d'une bonne sonorité, la fanfare et la marche du cortège, qui s'enchaîne avec un chœur nerveux, plein d'éclat, de verve et de couleur, et le duo de Moïna et de Fingal, où l'on trouve de l'accent, de la chaleur et un vrai sentiment scénique. Dans la seconde partie il faut, signaler deux jolis airs de danse, dont l'un a été bissé, un chœur plein de largeur, la grande scène du temple, qui est très bien traitée au double point de vue musical et dramatique, avec un orchestre excellent, et l'ensemble final, d'une rare largeur d'accent, où la voix de Fingal se détache de la masse et plane de la façon la plus heureuse. La troisième partie s'ouvre par un grand unisson des instruments à cordes, énergique et d'un beau caractère ; j'aime moins l'air de Fingal, dont le phrasé est faux d'un bout à l'autre ; mais la scène qui suit est très vivante, et l'œuvre se termine par une sorte de déploration de Fingal : Adieu, ma bien-aimée, empreinte d'un sentiment douloureux et mélancolique, et dont M. Engel a fait ressortir toute la valeur par son interprétation absolument remarquable. C'est d'ailleurs à M. Engel, qui représentait Fingal, que revient surtout l'honneur de l'exécution. Il a déployé dans ce rôle, avec sa belle voix, de rares qualités de charme, d'expression et de sentiment, en même temps que la vigueur qu'exigeaient certains passages. Il y a obtenu un grand succès. Ceux de Moïna et de Starne étaient tenus par Mlle Martini et M. Auguez, qui ont fait de leur mieux, ainsi que MM. Maris et de La Tour dans les deux personnages du grand prêtre et du confident Colla. Quant à l'ensemble, il était superbe, et l'orchestre et les chœurs, sous l'excellente et ferme direction de M. Garcin, se sont véritablement surpassés.
(Arthur Pougin, le Ménestrel, 01 décembre 1889)
Le concours Rossini, dont on connaît la devise : « Moralité et Mélodie », a encore une fois porté ses fruits. L'ouvrage couronné est de M. Colomer. Il avait à mettre en musique les Noces de Fingal, poème de Judith Gautier. Ce poème, plein de beaux vers, non toujours très musicables, est la mise en œuvre d'une de ces sagas scandinaves, source féconde en drames lyriques sobres, d'une couleur barbare, en somme attrayante. Avec ou sans moralité, avec plus ou moins de mélodie, ce concours Rossini offrira toujours aux compositeurs nouveaux, sinon jeunes, ce qui est, je crois, le cas de M. Colomer, l'occasion de s'exercer à la gymnastique dramatico-musicale. Je regrette de n'avoir rien à dire de la partition de M. Colomer, qu'on m'assure avoir été très bien chantée par Mme Martini, MM. Auguez et Engel. (Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 15 décembre 1889)
|
Judith Gautier était elle-même très musicienne ; son goût pour la musique, a-t-elle confessé, ne s'était éveillé qu'assez tard ; il n'en fut que plus vivace. Admiratrice fervente de Wagner, elle fut une des premières, en France, à soutenir et à prôner l'auteur de Parsifal. Elle donna même de ce poème une traduction et, plus tard, consacra le Troisième Rang du collier (1909) à relater les impressions d'un séjour à Bayreuth. (Félix Guirand, Larousse Mensuel Illustré, avril 1918)
|
Judith Gautier en 1905