Raoul GUNSBOURG
Samuel [dit Sammy] Raoul GUNSBOURG dit Raoul GUNSBOURG
compositeur et directeur de théâtre naturalisé français le 03 février 1892
(Bucarest, Roumanie, 25 décembre 1859 – Monte-Carlo, Monaco, 30 mai 1955)
Fils de Louis GUNSBOURG (– Shanghai, Chine, 02 janvier 1880), et de Sarah SAPHIR (Bucarest, 1841 – 27 rue de Pétrograd [auj. rue de Saint-Pétersbourg], Paris 8e, 01 novembre 1926*).
De sa liaison avec Adeline Victorine IMBERT (Guillaumes, Alpes-Maritimes, 28 juillet 1871 – Cap-d'Ail, Alpes-Maritimes, 02 janvier 1969), est né Pierre André IMBERT (Paris 6e, 19 décembre 1897* – Monaco, 25 mai 1977), ingénieur, qu'il n'a pas reconnu.
Epouse à Cormatin, Saône-et-Loire, le 29 juin 1905 Aline Françoise Andrée LETURC (Paris 8e, 07 novembre 1879* – 6 avenue George V, Paris 8e, 21 août 1967*) [enterrée au Père-Lachaise, 20e division], fille de Maurice André LETURC (Paris ancien 1er, 31 janvier 1850* – Paris 5e, 11 octobre 1928*), capitaine d'infanterie de marine puis général de brigade et commandeur de la Légion d'honneur, et de Marie Louise Yvonne DOGE (Serbonnes, Yonne, 25 mai 1857* – Paris 9e, 19 juin 1946). Parents de quatre enfants.
Il est né en Roumanie de parents français. Il n'avait que treize ans et demi lorsqu'il se fit, tout au début de ses études médicales, enrôler dans la Croix-Rouge russe pendant la guerre russo-turque de 1877-1878. Il y joua un rôle aussi brillant qu'inattendu. A l'attaque de Nikopol, une partie des 18e et 123e régiments d'infanterie russe ayant perdu tous ses officiers, il se mit à leur tête et enleva d'assaut une des redoutes qui couvraient la place (15 juillet 1877). Dans la nuit qui suivit, les Turcs ayant fait une sortie, il se trouva un moment coupé du reste des troupes ; mais, lorsque les Turcs battirent en retraite, il se jeta à leur poursuite, et arriva, derrière eux, avec une poignée d'hommes, sur la brèche de la ville par laquelle ils étaient rentrés. Il s'y installa, et le lendemain sa présence à cet endroit laissa croire à l'état-major turc que l'avant-garde des Russes était maîtresse de la brèche. Cet incident devait amener la capitulation prématurée de la place. Gunsbourg avait reçu au cours des opérations un coup de baïonnette à l'aine gauche.
Après la clôture des hostilités, Gunsbourg vint à Paris, où il continua ses études médicales. Il ne devait retourner en Russie qu'en 1881, au moment de l'assassinat du tsar Alexandre II. Il se décida alors à faire du théâtre, bien accueilli d'ailleurs à la cour par le grand-duc Alexis et par le nouveau souverain Alexandre III lui-même. Il fonda à Moscou et à Saint-Pétersbourg les premiers théâtres français d'opéra, dont la vogue fut dès l'abord considérable. Sa carrière dramatique le conduisit ensuite dans diverses villes : il dirigea notamment les théâtres d'opéra de Lille (1889), de Nice (1891-1892), et enfin de Monaco (1893-1951), où il a pu accueillir et monter, avec un remarquable souci d'art, les œuvres capitales de l'opéra français contemporain. On lui doit une adaptation de la Damnation de Faust, ainsi que le livret et la musique d'un opéra : le Vieil Aigle, représenté avec succès à Monte-Carlo au mois de février 1909.
Il fut nommé chevalier (22 novembre 1898), puis officier (01 août 1910) de la Légion d'honneur.
En 1898, il habitait 4 rue Le Verrier à Paris 6e et avait acheté le château de Cormatin (Saône-et-Loire) ; en 1909, il était maire de cette ville et habitait également 190 rue de Rivoli à Paris 1er. Il est décédé en 1955 à quatre-vingt-quinze ans. Il est enterré au Père-Lachaise (96e division).
œuvres lyriques
le Vieil Aigle, drame lyrique en 1 acte, livret et musique de Raoul Gunsbourg (Monte-Carlo, 13 février 1909 ; Opéra de Paris, 26 juin 1909) => fiche technique Ivan le Terrible, opéra en 3 actes, livret et musique de Raoul Gunsbourg, orchestration de Léon Jehin, créé à la Monnaie de Bruxelles le 20 octobre 1910, sous la direction de Sylvain Dupuis, avec Mmes B. Lamare (Elena), J. Montfort (un innocent), MM. J. Bourbon (Ivan IV), Etienne Billot (le boyard Afanasie), L. Girod (Vladimir Petrowich), de Cléry (Bielsky Skouratoff), Lheureux (le pope), Dua (un paysan), Colin (un Dapifer). Représenté à la Gaîté-Lyrique en 1912 avec Léontine Willaume-Lambert. => partition Venise, opéra en 3 actes et 4 tableaux, livret et musique de Raoul Gunsbourg, orchestration de Léon Jehin (Monte-Carlo, 08 mars 1913) => fiche technique Maître Manole, opéra en 3 actes, musique de Raoul Gunsbourg (Monte-Carlo, 17 mars 1918) Satan, opéra en 9 tableaux, musique de Raoul Gunsbourg (Monte-Carlo, 20 mars 1920) Lysistrata, opéra en 3 actes, musique de Raoul Gunsbourg (Monte-Carlo, 20 février 1923, avec Yvonne Gall et Vanni-Marcoux) Contes d'Andersen, opéra-féerie en 3 actes et 5 contes, livret de Raoul Gunsbourg, musique d'Edvard Grieg (Monte-Carlo, mars 1938) les Dames galantes de Brantôme, opéra en 5 scènes, musique de Raoul Gunsbourg, Maurice Thiriet et Henri Tomasi (Monte-Carlo, 12 février 1946)
livrets
Parsifal, drame mystique en 3 actes, version française de Raoul Gunsbourg, musique de Richard Wagner (Monte-Carlo, 23 janvier 1913) => partition |
Raoul Gunsbourg en 1910
Les Troyens à Carthage, d'Hector Berlioz, et Mefistofele, de M. Arrigo Boito au Théâtre-Antique d'Orange.
Alors que les théâtres parisiens restent obstinément fermés, en raison de l'exode des habitants de la capitale, qui sont allés chercher, soit à l'ombre des montagnes, soit aux bords de la mer, un peu de fraîcheur et de repos, dans les antiques cités méridionales, où l'occupation romaine laissa de glorieuses et impérissables traces, d'ardents amis du beau ont eu l'idée, depuis quelques années déjà, d'organiser aux blafards clairs de lune d'été, au scintillement émouvant des étoiles, des spectacles dont la somptuosité magistrale pût rappeler, dans leur cadre réel, l'éminente splendeur de ceux que vingt siècles mouvementés n'ont pu éliminer tout à fait de l'histoire ! Les temps ont passé, destructeurs et créateurs, modifiant partout les êtres et les choses. remplaçant les fanfares guerrières d'antan par de mélodieux orchestres et les lueurs antiques des torches par de vivaces clartés électriques ! C'est cela même, toute cette agglomération du progrès réalisé qui choque un peu et qui surprend, dans les séculaires bâtisses aux murailles déchiquetées et noires, qui ont survécu, impétueuses, à la fureur des temps et des cataclysmes ! Lorsqu'on pénètre, soit à Nîmes, soit à Orange, dans ces enceintes gigantesques, il semble qu'on doive assister à quelque chose de surnaturel et d'immense, comme le furent ces luttes athlétiques, ces combats de gladiateurs et de fauves, ces indicibles carnages de martyrs chrétiens !... Pour avoir rêvé aux choses du passé, bannies heureusement de l'heure présente, le spectateur éprouve une surprise et une déception, en entendant, au lieu de furieuses clameurs, les accents d'une harmonie parfaite, et c'est ce qui fait, peut-être, que, malgré la plus brillante des interprétations et des mises en scène, ces représentations des plus immortels chefs-d'œuvre n'ont pas toujours le succès qu'on pourrait espérer. L'ardeur des premières tentatives s'est singulièrement refroidie avec la curiosité satisfaite, et, sans la prodigalité de quelque généreux Mécène, il est probable que nous aurions eu, déjà, à enregistrer pas mal d'incidents comme celui qui mit, dernièrement, la ville de Nîmes sens dessus dessous, et que toutes les gazettes ont conté en détail. Plus heureux que celui de la capitale du Gard, le théâtre antique d'Orange a donné, cette année, jusqu'au bout, deux intéressantes représentations lyriques, mais qui n'ont pas non plus soulevé l'enthousiasme délirant de jadis. Les Troyens à Carthage, l'une des plus belles conceptions de Berlioz, fait partie de la première et plus intéressante catégorie de son œuvre entière, qui en compte deux : La catégorie virgilienne, pour laquelle le compositeur s'est inspiré uniquement du classique génie de Virgile, et la catégorie romantique, dans laquelle on remarque trop souvent le constant souci d'étonner et de dérouter le spectateur par des audaces incroyables, par une passion démesurée du formidable irraisonné. L'impression produite par l'exécution des Troyens à Carthage fut favorable, bien que l'orchestration merveilleuse du compositeur, si classiquement correcte et savante, ait semblé trop dispersée, trop raffinée, trop compliquée surtout, dans cet immense théâtre en plein air, ressemblant si peu à une salle de concerts dans laquelle chaque détail, chaque dessin se fussent rassemblés au lieu de se perdre en s'éparpillant dans l'espace ! L'action du libretto est restreinte et peu sujette à soulever des émotions violentes ; elle fut rendue moins intense encore par l'indisposition subite du ténor chargé du rôle d'Enée, indisposition qui nécessita plusieurs coupures regrettables. Cependant, toute l'œuvre fut écoutée avec une attention soutenue et admirative, et n'a pas provoqué l'indifférence de la foule, comme l'exécution de ce Mefistofele, de M. Boito, dont j'ai, précédemment, dit toute l'étrangeté, tous les surprenants contrastes. La vulgarité de l'orchestration de Mefistofele diffère trop de l'imposante majesté de l'édifice dans lequel il vient d'être représenté ; le public l'a senti dès l'abord, et ses applaudissements se sont adressés bien plus à M. Chaliapine, à sa voix merveilleuse, à son chant expert qu'à l'œuvre qu'il interprétait. La curiosité du début se changea, vers la fin, en indifférence, et même en lassitude, d'où il faut conclure que, malgré tout le grand art déployé par M. Raoul Gunsbourg, organisateur de ces représentations, tout le talent dont firent preuve de valeureux interprètes tels que M. Chaliapine, Mmes Cavalieri et Litvinne, ces spectacles ne sont point de ceux qui conviennent à ce théâtre antique, à ces murailles passives et émouvantes ! A toute cette vétusté géante et héroïque, la tragédie classique, aux actions simples et poignantes, convient, certes, beaucoup mieux qu'un opéra trop mouvementé par ses masses ; car elle s'en rapproche plus, autant par sa forme que par ses mœurs austères, que par l'époque robuste et glorieuse où ses auteurs la placent d'ordinaire.
(René de Bigorre, Phono-Gazette, 15 septembre 1905)
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Raoul Gunsbourg en 1913
San-Remo (7 janvier). On mande de Bordighiera que Mme Cosima Wagner, veuve de Richard Wagner, accompagnée de sa fille et de son gendre M. Stewart Chamberlain, venant de Bayreuth, est descendue cet après-midi dans un hôtel de cette ville. On attend également l'arrivée de M. Siegfried Wagner, qui viendrait se concerter avec sa famille sur les moyens à employer pour empêcher que Parsifal ne soit représenté à Monte-Carlo. On sait que les organisateurs de la représentation soutiennent cette thèse qu'ils ont le droit d'exécuter l'œuvre du compositeur allemand, attendu qu'en admettant même qu'elle ne soit pas tombée dans le domaine public, il s'agit d'une représentation qui sera donnée exclusivement sur invitations et non d'une représentation publique. De toutes façons, M. Raoul Gunsbourg n'en annonce pas moins imperturbablement la répétition générale de Parsifal pour le 20 janvier et la première représentation pour le 23.
(le Ménestrel, 11 janvier 1913)
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Raoul Gunsbourg en 1913 [photo Biard]
de g. à dr. : Richard Strauss, sa femme, son fils, Raoul Gunsbourg et Clemens Krauss dirigeant, à la première d'Arabella à Monte-Carlo en 1934, dessin de Dolbin
Raoul Gunsbourg parle de Chaliapine.
Ce colosse de stature n'avait qu'une petite voix de basse, mais assez jolie dans la demi-teinte et dont il savait se servir à merveille, car il était d'une intelligence et d'une roublardise qui frisait le summum. Il se connaissait bien et connaissait ses moyens, chose très rare chez un artiste. Tout de suite, il avait compris ce qu'il pouvait tirer de sa stature et de sa petite jolie voix et surtout ce qu'il n'en pouvait pas tirer. Au théâtre, trois genres de scènes portent toujours sur le public : la mort, l'ivresse et la folie. Dans ces scènes, point n'est besoin de voix ni de talent supérieur. Un artiste quelconque se fera toujours applaudir s'il a de ces scènes à jouer. Ainsi Chaliapine laissait-il les autres s'escrimer et se fatiguer dans des rôles de basses chantantes, tels que les Wotans de la Tétralogie, les Hans Sachs des Maîtres chanteurs ou les Marcels, les Brogni du répertoire romantique. A quoi bon se surmener et s'exposer à des comparaisons désobligeantes ? Il a tout de suite vu le parti qu'on peut tirer de Boris Godounov et du Prince Igor. Dans Boris, sur les neuf tableaux qui composent l'opéra, Boris ne paraît que dans deux et, dans ces deux tableaux, il y a une scène de folie et une autre de mort. Dans l'une et l'autre, nul besoin de grande voix, au contraire, dans celle de la mort la jolie petite voix dans la demi-teinte pouvait faire grande impression. Dans le Prince Igor, il n'y a également que deux scènes pour le rôle du prince Galitzki, deux scènes d'ivresse. Pendant toute sa carrière, Chaliapine s'est pratiquement tenu à ces deux rôles.
(Raoul Gunsbourg, Cent ans de souvenirs... ou presque, 1959)
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Georges Thill parle de Chaliapine et de Raoul Gunsbourg, propos recueillis à Lorgues le 23 août 1979
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Victor Pujol interviewé par Jacques Rouchouse vers 1982 parle de Raoul Gunsbourg
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