Adolphe DENNERY

 

 

 

Adolphe PHILIPPE, devenu le 10 janvier 1860 Adolphe PHILIPPE d'ENNERY, dit Adolphe DENNERY puis Adolphe d'ENNERY

 

auteur dramatique français

(104 rue du Temple, Paris ancien 6e, 17 juin 1811* Paris 16e, 25 janvier 1899*)

 

Fils de Jacob PHILIPPE (Mayence, Allemagne, 1765 – 1869), marchand fripier, et de Guitton D'ENNERY (Metz, Moselle, 16 mars 1785 –), légitimé par leur mariage à Paris ancien 6e le 10 janvier 1812.

Frère de Sarah Adélaïde PHILIPPE, mère de Caroline Léontine LAMBERT [épouse Adrien DECOURCELLE, auteur dramatique].

Epouse à Paris 16e le 30 mai 1881* Joséphine Clémence LECARPENTIER, veuve DESGRANGES (Paris ancien 5e, 29 août 1823* – Paris 16e, 07 septembre 1898*), fille d'Armand Louis François LECARPENTIER, propriétaire, et de Joséphine Amable COUSTEAU DE LA BARRÈRE.

 

 

Il collabora d'abord à quelques journaux, puis écrivit des pièces de théâtre. Sans grand talent littéraire, mais possédant à un haut degré l'instinct scénique et l'art de charpenter les pièces, il a été, presque toujours en collaboration d'ailleurs, un des plus féconds et des plus heureux metteurs en scène de situations dramatiques. Il a présenté, de 1831 à 1887, un nombre considérable de drames, comédies, vaudevilles, féeries, livrets d'opéra. Parmi ses pièces qui ont eu le plus de succès, nous citerons : Gaspard Hauser (1838) ; la Grâce de Dieu (drame en 5 actes, avec Gustave Lemoine, Gaîté, 16 janvier 1841 ; Gaetano Rossi en a tiré l'opéra Linda di Chamounix) ; la Nuit aux soufflets (vaudeville en 2 actes, avec Dumanoir, Variétés, 23 mars 1842 ; il en a tiré avec Paul Ferrier  l'opérette du même titre) ; les Bohémiens de Paris (1843) ; la Dame de Saint-Tropez (1844) ; Don César de Bazan (avec Dumanoir, 1844 ; il en a tiré avec Chantepie l'opéra-comique du même nom) ; le Juif errant (1845) ; Marie-Jeanne (1845) ; les Compagnons de la mansarde (1845) ; les Sept péchés capitaux (1848) ; la Case de l'oncle Tom (1853) ; la Prière des naufragés (1853) ; le Médecin des enfants (1855) ; Faust (en 5 actes et 16 tableaux, Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 27 septembre 1858) ; le Savetier de la rue Quincampoix (1859) ; l'Escamoteur (1860) ; l'Aïeule (1863) ; Marengo (1863) ; les Mystères du vieux Paris (1865) ; les Deux orphelines (avec Eugène Cormon, Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 20 janvier 1874), qui eut un succès retentissant ; le Tour du monde en 80 jours (1875) ; les Enfants du capitaine Grant (Porte-Saint-Martin, 1878) ; Michel Strogoff, drame, musique de scène d'Alexandre Artus (Théâtre du Châtelet, 17 novembre 1880) [ces trois dernières œuvres sont adaptées des romans de Jules Verne] ; les Mille et une nuits (1881) ; Martyre ! (1886) ; etc. Parmi ses féeries, citons : les Sept châteaux du diable (en 19 tableaux, avec Clairville, Gaîté, 1844) ; la Poule aux œufs d'or (avec Clairville, Cirque-Olympique, 1848) ; les Sept merveilles du monde (en 5 actes, avec Grangé, 1853) ;  les Cinq cents diables (en 3 actes et 30 tableaux, avec Dumanoir, 1854) ; Rothomago (en 3 actes et 25 tableaux, avec Clairville et Albert Monnier, Cirque-Olympique, 1862) ; Aladin ou la Lampe merveilleuse (en 4 actes et 20 tableaux, avec Hector Crémieux, Châtelet, 1863). Il a écrit aussi de nombreux livrets d'opéras : Si j'étais roi ! (musique d'Adam, 1852) ; le Tribut de Zamora (musique de Gounod, 1881) ; le Cid (musique de Massenet, 1885). On lui doit encore des romans, entre autres : le Prince de Moria (1873) ; Martyre ! (1886) ; les Deux orphelines (1887) ; la Grâce de Dieu (1890) ; Marie-Jeanne (1893) ; Seule (1896) ; etc. Il a été nommé chevalier (10 décembre 1849), officier (12 août 1859), puis commandeur (31 décembre 1895) de la Légion d'honneur. Il est enterré au Père-Lachaise (25e division).

Il est décédé en 1899 à quatre-vingt-sept ans, dans son hôtel particulier, 59 avenue du Bois-de-Boulogne [auj. avenue Foch] à Paris 16e, devenu le musée national d’Ennery. Sa femme Clémence d'Ennery l'avait fait construire en 1875 et y avait réuni près de 7 000 objets d'art asiatique. Elle légua sa collection et son immeuble à l'Etat, et le musée a été inauguré le 27 mai 1908. Riche en objets d’art et en meubles d’Extrême-Orient, il est remarquable surtout par un ensemble de 2 000 netzkés japonais.

 

 

 

 

Musée d'Ennery, 59 avenue Foch à Paris 16e.

 

 

livrets

 

la Rose de Péronne, opéra-comique en 3 actes, avec Adolphe de Leuven, musique d'Adolphe Adam (Opéra-Comique, 12 décembre 1840)

Don César de Bazan, drame en 5 actes mêlé de chant, avec Dumanoir (Porte-Saint-Martin, 30 juillet 1844) => fiche technique

Gastibelza ou le Fou de Tolède, opéra en 3 actes, avec Eugène Cormon, musique d'Aimé Maillart (Opéra-National [Théâtre-Lyrique], 15 novembre 1847)

la Croix de Marie, opéra-comique en 3 actes, avec Joseph Lockroy, musique d'Aimé Maillart (Opéra-Comique, 19 juillet 1852)

Si j'étais roi !, opéra-comique en 3 actes, avec Jules Brésil, musique d'Adolphe Adam (Théâtre-Lyrique, 04 septembre 1852)

le Muletier de Tolède, opéra-comique en 3 actes, avec Clairville, musique d'Adolphe Adam (Théâtre-Lyrique, 16 décembre 1854)

A Clichy, opéra-comique en 1 acte, avec Eugène Grangé, musique d'Adolphe Adam (Théâtre-Lyrique, 24 décembre 1854)

les Lavandières de Santarem, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Grangé, musique d'Auguste Gevaert (Théâtre-Lyrique, 27 octobre 1855)

l'Habit de noce, opéra-comique en 1 acte, avec Louis Thomas Bignon, musique de Paul Cuzent (Théâtre-Lyrique, 29 décembre 1855)

la Chatte merveilleuse, opéra-comique en 3 actes, avec Dumanoir, musique d'Albert Grisar (Théâtre-Lyrique, 18 mars 1862)

Aladin ou la Lampe merveilleuse, féerie en 1 prologue et 3 actes, avec Hector Crémieux, musique d'Adolphe de Groot (Châtelet, 03 octobre 1863)

la Rose d'Érin, opéra, version française avec Hector Crémieux, musique de Julius Benedict (non représenté, 1865)

le Premier Jour de bonheur, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Cormon, musique d’Esprit Auber (Opéra-Comique, 15 février 1868)

Rêve d'amour, opéra-comique en 3 actes, avec Eugène Cormon, musique d’Esprit Auber (Opéra-Comique, 20 décembre 1869)

Don César de Bazan, opéra-comique en 3 actes, avec Jules Chantepie, musique de Jules Massenet (Opéra-Comique, 30 novembre 1872)

la Fiancée du roi de Garbe, opéra-comique en 4 actes, avec Henri Chabrillat, musique d'Henry Litolff (Folies-Dramatiques, 29 octobre 1874)

la Fée aux perles, opérette en 3 actes, avec Paul Burani, musique d'Olivier Métra (Bouffes-Parisiens, 1880)

le Tribut de Zamora, opéra en 4 actes, avec Jules Brésil, musique de Charles Gounod (Opéra, 01 avril 1881) => fiche technique

les Mille et une nuits, féerie en 3 actes et 31 tableaux, avec Paul Ferrier, musique d'Amédée Artus (Châtelet, 14 décembre 1881)

la Nuit aux soufflets, opérette en 3 actes, avec Paul Ferrier, musique d'Hervé (Nouveautés, 18 septembre 1884)

le Cid, opéra en 4 actes, avec Edouard Blau et Louis Gallet, musique de Jules Massenet (Opéra, 30 novembre 1885) => fiche technique

le Mari d'un jour, opéra-comique en 3 actes, avec Armand Silvestre, musique d'Arthur Coquard (Opéra-Comique, 04 février 1886)

l'Escadron volant de la reine, opéra-comique en 3 actes, avec Jules Brésil, musique d'Henry Litolff (Opéra-Comique, 14 décembre 1888)

le Talisman, opéra-comique en 3 actes, avec Paul Burani, musique de Robert Planquette (Gaîté, 20 janvier 1893)

 

 

 

Figures contemporaines tirées de l'album Mariani, 1899

 

 

 

 

Il est né de parents israélites. Il fut d'abord commis dans un magasin de nouveautés, à Malvina ; une cliente s'étant intéressée à lui, il quitta la demi-aune [le commerce], écrivit dans quelques journaux et débuta au théâtre en 1831 par Emile ou le Fils d'un pair de France, pièce écrite en collaboration avec Charles Desnoyers. A peine ce modeste essai l'eut-il fait connaître qu'on le vit produire, avec une fécondité inépuisable, des vaudevilles, des drames, des féeries, des revues et une foule de pièces où l'art et le style se trouvent trop souvent sacrifiés au mauvais goût du public des scènes secondaires. Proportionnant à l'intelligence de ce même public ses nombreuses productions, on le vit remporter succès sur succès et arriver rapidement à une fortune qui lui permit bientôt de contribuer à la réorganisation de la Société thermale de Cabourg-Dives, dont il devint directeur gérant, après en avoir été le secrétaire général. Cette société, en partie composée des capitalistes de la littérature et du théâtre, de ceux que les lettrés et les vrais artistes, comme pour mieux s'en distinguer, appellent des faiseurs, plaça M. Dennery à sa tête. Maire de la nouvelle commune, il a été décoré de la Légion d'honneur le 10 décembre 1849 et fait officier le 12 août 1859. On a souvent blâmé le genre auquel M. Dennery, comme plusieurs de ses confrères en mélodrames, s'est plu à sacrifier ; les critiques qui se piquent de littérature se sont souvent révoltés en voyant le peu de cas qu'il faisait de l'art, du goût et de la logique. M. Dennery a répondu : « Les pièces que vous trouvez mauvaises ont cent, cent cinquante représentations. Le public nous applaudit. » On pourrait peut-être répondre : M. Dennery a été, il est vrai, et est encore très applaudi, mais par qui ? Est-ce par l'élite des amateurs parisiens ou par cette foule ignorante et grossière dont il suffit de flatter les instincts pour obtenir ses suffrages ? « Il faudrait s'entendre une fois pour toutes, écrivait en 1860, dans le Constitutionnel, M. Fiorentino. Dix lignes bien écrites, avec une idée juste et une forme convenable, sur n'importe quel sujet, sont une production bien plus sérieuse, plus utile et plus difficile que cent pièces iroquoises, fussent-elles jouées deux cents fois de suite, et gagnât-on à les faire jouer 100,000 francs par an. Au surplus, nous respectons les personnes, nous ne discutons que les œuvres ; seulement, quand nous voyons certains auteurs si fiers de leurs succès, si dédaigneux des travaux d'autrui, traiter nos amis et nos confrères d'envieux ou d'impuissants, nous avons le droit de leur répondre : vos machines n'ont rien de commun avec la littérature. Appelez-vous fabricants de pièces, charpentiers et carcassiers dramatiques, ébénistes, maçons, serruriers en mélodrames et en mimodrames ; c'est une industrie comme une autre et qui n a rien d'illicite ni de subversif. Mais ne vous appelez point gens de lettres : vous ne l'êtes pas, vous ne le serez jamais ! » D'autres critiques, plus sévères encore, ajoutent que cette fécondité prétendue de M. Dennery est sujette à caution. « M. Dennery, disent-ils, a rarement travaillé seul, et le plus souvent il n'a été que l'entrepreneur faisant gâcher le mortier dramatique par d'honnêtes compagnons qui ne se sont pas fait faute d'emprunter au besoin la truelle, du voisin. Ce voisin s'appelait aujourd'hui Victor Hugo, demain Balzac, une autre fois Jules Janin ou Eugène Sue ; quelquefois il portait un nom étranger, comme Richardson, par exemple, ou Beecher Stowe ; un autre jour on faisait main basse sur une succession, vacante, et l'on changeait en gros sous les brillants écus de Scarron et de tant d'autres, dont les héritiers légitimes ne sont plus lu, depuis longtemps pour réclamer. » « M. Dennery, disait en 1847 M. Théophile Gautier, a l'habitude de détrousser M. Hugo : il lui a pris don César de Bazan, il lui prend Gastibelza. M. Dennery est un voleur plein de goût, et, s'il fait le foulard de l'idée, il ne s'adresse du moins qu'aux poches bien garnies. » Bref, il faudrait beaucoup rabattre de l'admiration que semblent naïvement éprouver certains esprits crédules pour cette production incessante de M. Dennery et compagnie. M. Dennery serait le type de la fécondité stérile, et il n'y aurait guère que M. Clairville qui pût lui disputer la palme. Tous ces jugements sont fort bien formulés, dira à son tour le Grand Dictionnaire ; mais le théâtre de M. Dennery a réussi au-delà de toute expression, et, comme disent les Orientaux, plus une tour est élevée, plus elle projette d'ombre. Résumons-nous en disant que M. Dennery est un dramaturge puissant, un charpentier qui agence admirablement toutes les parties d'une intrigue, et cette qualité rare est de nature à justifier ou à expliquer bien des succès.
Au mois de novembre 1850, M. Dennery fut nommé directeur du Théâtre-Historique, mais il se démit de ces fonctions au bout de quinze jours. A la fin de 1855, il s'est occupé de créer une scène nouvelle, qui a dû successivement s'appeler Théâtre du Peuple, un excellent titre, et Théâtre du Prince-Impérial : il a obtenu dès lors un privilège dont il n'a jamais usé.
Ses nombreux ouvrages, dont le total dépasse deux cent cinquante, M. Dennery les a composés seul ou en collaboration, sous les noms d'Adolphe, de Philippe ou d'Eugène, et surtout sous le pseudonyme de Dennery ou d'Ennery.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866)

 

 

 

 

 

 

 

 

Il commence par être commis de nouveautés, mais il se tourne bientôt vers le journalisme, puis vers le théâtre. Dès 1831, à vingt ans, il donne Emile ou le Fils d'un Pair de France, et alors se succèdent, sans interruption, ces longues séries de drames, de féeries, de pièces à spectacle qui composent aujourd'hui le plus considérable bagage théâtral qu'il soit.

Il serait téméraire d'essayer de donner la nomenclature des œuvres de M. d'Ennery ; rien qu’en citant celles de ces pièces qui sont devenues centenaires, on arrive à un total énorme. On ne peut cependant se dispenser de nommer Don César de Bazan (en collaboration avec Dumanoir), la Dame de Saint-Tropez, la Prise de Pékin, le Médecin des Enfants, les Sept Châteaux du Diable, Rothomago, la Case de l'Oncle Tom, le Juif-Errant, Marie-Jeanne, l'Aïeule, le Premier Jour de bonheur, Une Cause célèbre, les Enfants du Capitaine Grant, Diana, le Cid, Martyre, le Talisman et, surtout, la Grâce de Dieu, les Deux Orphelines, le Tour du Monde en 80 jours et Michel Strogoff.

M. d'Ennery est pour ainsi dire le fondateur de la plage de Cabourg, dont il a été longtemps maire.

Commandeur de la Légion d'honneur ; la croix de Chevalier lui avait été conférée dès 1849 ; dix ans après, il recevait la rosette d'Officier.

Peu d'auteurs ont eu à subir autant d'assauts de la critique. Mais son talent et ses succès ont triomphé de toutes les médisances, de toutes les hostilités ; il reste quand même et toujours l'un des maîtres du théâtre contemporain.

(le Photo-Programme, 1899)

 

 

 

 

 

 

 

 

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