Claude DELVINCOURT

 

Claude Delvincourt [photo Studio Harcourt]

 

 

Claude Étienne Edmond Marie Pierre DELVINCOURT dit Claude DELVINCOURT

 

compositeur français

(24 avenue Montaigne, Paris 8e, 12 janvier 1888* Orbetello, Toscane, Italie, 05 avril 1954 [acte transcrit à Paris 8e le 04 mai 1954*])

 

Fils de Pierre Paul DELVINCOURT (Paris 7e, 28 septembre 1861* – Paris 16e, 19 juin 1920*), diplomate, et de Jeanne Louise Marie Marguerite FOURÈS (Paris 16e, 14 octobre 1867* – Paris 8e, 29 janvier 1953*), institutrice, mariés à Paris 8e le 11 février 1887*.

Son père est le fils de Dominique Étienne Edmond DELVINCOURT (Paris, 19 janvier 1819* – Rouxmesnil-Bouteilles, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 06 juillet 1894), avocat au Conseil d’Etat, lui-même fils du célèbre jurisconsulte Claude Étienne DELVINCOURT (Paris, 04 septembre 1762 – Paris, 23 octobre 1831).

 

 

Elève de Léon Boëllmann, Henri Büsser, Georges Caussade et Charles-Marie Widor, il a remporté en 1911 le 1er second grand prix de Rome avec la cantate Yanitza, et, en 1913, le premier grand prix avec la cantate Faust et Hélène sur un poème d’Eugène Adenis, ex-aequo avec Lili Boulanger. Grand blessé de guerre, il reprit son activité musicale en 1922. Il a dirigé, de 1931 à 1941, le Conservatoire de Versailles et, de 1941 à sa mort, le Conservatoire national supérieur de musique à Paris, dont il a, par des réformes hardies, modernisé l’esprit.

Disciple indirect de Camille Saint‑Saëns et de Gabriel Fauré, Delvincourt a continué la tradition de Maurice Ravel, retenu l’esprit bouffe de Janequin et de Chabrier, sans ignorer Debussy ni Stravinski.

On doit à W. L. Landowski l’Œuvre de Claude Delvincourt (éd. le Bon Plaisir, 1947).

Il est décédé, célibataire, à soixante-six ans, victime d'un accident d'automobile. Il est enterré au Père-Lachaise (14e division).

 

 

 

bottin mondain de 1942

 

 

œuvres lyriques

 

Œdipe-Roi, tragédie de Sophocle, nouvelle version française de Gabriel Boissy, musique de scène avec chœurs (Théâtre antique d'Orange, 30 juillet 1939, dir. Philippe Gaubert)

Bal vénitien, ballet en 1 acte, argument de Constantin Tcherkas (Opéra-Comique, 27 mai 1941) => fiche technique

la Femme à barbe, opéra bouffe en 2 actes, livret d'André de la Tourrasse (Versailles, 09 juin 1938 ; Opéra-Comique, 29 octobre 1954) => fiche technique

Lucifer, mystère en 1 prologue et 3 épisodes, argument de René Dumesnil (Opéra, 15 décembre 1948) => fiche technique

  

mélodies

 

Ce monde de rosée, recueil de 14 Uta traduits du japonais par P. L. Couchoud (1925)

Ce n’est pas encore le printemps, mélodie

Chansons de la ville et des champs (1936)

Onchets (1936)

Quatre Chansons de Clément Marot

Salut solennel, pour chœur et orchestre (1951)

Six Poèmes (1919)

Sur le penchant de la falaise, mélodie

  

Œuvres instrumentales

 

Pour piano : Cinq Pièces (1926) ; Boccaceries, Croquembouches, Heures juvéniles (1931)

Musique de chambre : 1 sonate pour piano et violon (1925) ; Danceries (1935), pour violon et piano ; 1 trio, 1 quintette, 1 quatuor (1954)

Pour orchestre : Offrande à Siva, ballet hindou (1926) ; Bal vénitien, suite d’orchestre (1929) ; Pamir (1935) ; Radio‑Sérénade (1938) ; Passion, suite symphonique

 

 

 

              

Chant des Croix de Feu et des Volontaires Nationaux (par. Gabriel Boissy / mus. Claude Delvincourt) 1935

 

 

Claude Delvincourt est un musicien très complet, doublé d’un humaniste. Il s’inscrit dans la grande tradition aristocratique de la musique française et, si son art est audacieux, ouvert à toutes les innovations de l’écriture la plus pimentée, il conserve toujours un souci d’ordre et de logique qui ôte tout caractère de gratuité à ses hardiesses.

(Norbert Dufourcq, la Musique des origines à nos jours, 1946 [la préface de ce livre est de Claude Delvincourt])

 

 

 

 

 

Claude Delvincourt en 1913 [photo H. Manuel]

 

 

 

C'est avec un ballet, le Bal vénitien, que Claude Delvincourt aborda le théâtre ; puis il donna la Femme à barbe, opéra bouffe d'un humour plein de finesse, avant d'entreprendre avec Lucifer de restaurer la forme oubliée du mystère. Destiné d'abord à Mme Ida Rubinstein, l'ouvrage récompensait à l'Opéra l'audace de son auteur et s'imposait par sa puissance concise, par la qualité de la langue harmonique et la nouveauté de la forme.

(René Dumesnil, Histoire illustrée du théâtre lyrique, 1953)

 

 

 

 

 

une des dernières photos du maître Claude Delvincourt qui vient de trouver la mort dans un accident d'automobile (photo Fallot) [revue l'Opéra de Paris n° 09, 2e trimestre 1954]

 

 

 

 

Petit-fils d'un juriste, doyen de la Faculté de droit de Paris, fils d'un diplomate, qui représenta la France en Argentine, et d'une mère, excellente pianiste, il entreprend, après ses baccalauréats et son droit, ses études musicales avec Léon Boellmann, et devient, à la mort de ce dernier, disciple d'Henri Büsser, qui lui apprend l'harmonie, la fugue, la composition. Entré au Conservatoire de Paris (1906), il suit la classe de contrepoint et fugue de Caussade, celle de composition de Widor (1908). En 1911, il remporte le second grand prix de Rome, en 1913 le premier, avec la cantate Faust et Hélène, et il partage cette récompense avec Lily Boulanger. La Première Guerre mondiale le surprend à la Villa Médicis ; il s'engage le 10 août, suit les cours d'officiers de réserve, est nommé aspirant en janvier 1915. Grièvement blessé en Argonne le 31 décembre de la même année, il perd l'œil gauche, outre la double fracture de la jambe droite et de multiples plaies dont il souffrira en silence durant toute son existence. Démobilisé en 1919, il doit poursuivre quatre années durant une douloureuse et longue convalescence. Nommé directeur du conservatoire de Versailles en 1931, il prend à charge, dix ans plus tard, la direction du Conservatoire national. Deux parts en son œuvre : celle d'administrateur, celle de compositeur, la première l'emportant finalement sur la seconde.

En pleine période d'occupation allemande, il lui faut réorganiser la maison de la rue de Madrid ; pour arracher les jeunes gens des classes 1941 et 1942 au Service du travail obligatoire, il crée l'orchestre des Cadets, qui deviendra une « pépinière de jeunes instrumentistes destinés à pourvoir les pupitres de nos plus grandes formations ». Avec sang-froid, il tient tête aux occupants, et camoufle son équipe de jeunes. Il crée de nombreuses classes (saxophone ; ensemble pour les « vents » ; analyse et esthétique musicales ; opérette ; timbales et percussions ; danse [pour les hommes] ; section pédagogique ; déchiffrage pour les classes d'instruments) ou des charges de cours (clavecin). Il transforme le règlement de maintes disciplines ; il s'engage dans la voie de réformes hardies (concours de piano, concours pour le prix de Rome) ; il n'a de cesse de penser à la vie matérielle des jeunes qui lui sont confiés et de venir en aide à leur infortune (bourses, cantine) ; il inaugure de nouveaux bâtiments destinés à décongestionner la grande famille, qui vit à l'étroit rue de Madrid ; il pense un jour avoir la joie de poser la première pierre d'un conservatoire moderne et modèle qu'il rêve d'installer en un parc... du silence, loin du bruit de la capitale. Toujours à la tâche, il travaille nuit et jour pour sa « maison », celle qu'il représente en maints comités, en maintes séances, avec ce tact, cet esprit d'à-propos et cette constante bonne humeur qui sont les ressorts premiers d'une personnalité hors cadre, dont la culture générale, le bon sens soutiennent et alimentent les interventions.

Il va sans dire que ces multiples occupations ne lui ont guère laissé le temps d'enrichir le message musical dont il était porteur. Qui a connu l'existence fébrile de ses dix dernières années reste pourtant confondu devant l'apport du compositeur. Qu'on en juge. Pour le piano, une suite de pièces séparées ou de cycles : Cinq Pièces (1926), Boccaceries (1926), Croquenbouches, Heures juvéniles (1931), Images pour les contes du passé (1935). Pour le violon et le piano, la Sonate (1925), les Danceries (1935). Sa musique de chambre s'enrichit d'un Trio, d'un Quintette (inédits) et d'un Quatuor à la première audition duquel il se rendait à Rome. Pour l'orchestre : l'Offrande à Siva (1926), Pamir, suite symphonique (1935), le Bal vénitien (1929), Radio Sérénade (1938), et une musique de film pour la Croisière jaune (1935). Pour la voix, une série de cantates, dont seule Faust et Hélène a vu le jour ; Six Poèmes (1919) ; des chœurs : la Source, Nuit tombante, Aurore (1925) ; Ce monde de rosée (14 « uta » japonais, 1925) ; Chansons de la ville et des champs (1936, d'après des « timbres » du XVIIIe s.) ; Onchets (1936, R. Chalupt) ; Quatre Chansons de Clément Marot (1936) ; un Salut solennel pour chœur, quatuor vocal et orchestre (1951). Pour le théâtre enfin, le Bal vénitien (ballet), la Femme à barbe, comédie musicale en deux actes (1938), qui doit être montée à l'Opéra-Comique cette année ; une musique de scène avec chœurs pour l'Œdipe-Roi de Sophocle (1939), une autre pour le Bourgeois gentilhomme de Molière (1948) ; un grand mystère, Lucifer (1948), sur un livret de René Dumesnil.

Dès son adolescence, le destin a placé le musicien au croisement de plusieurs routes. Allait-il choisir l'une d'entre elles et la reconnaître pour sienne sans plus se préoccuper des autres ? Allait-il rester sourd aux bouleversements qui devaient les affecter toutes ? Ici, une lignée d'artistes qu'attire la personnalité de César Franck : l'admiration pour Beethoven, Schubert, Schumann, Liszt vient à s'épanouir dans l'envoûtement wagnérien. Là, une pléiade de musiciens qui découvrent, grâce à Gounod, Saint-Saëns, Messager, une tradition française mise en veilleuse depuis tantôt un siècle, sous les flots d'un germanisme, d'un italianisme débordants. Plus loin, quelques indépendants qui vont de l'une à l'autre rive et qui s'efforcent à naviguer sans s'arrêter à un port : les Chabrier, les Lalo, les Pierné. Ces trois phalanges, ces trois équipes auront à tenir tête — intra et extra muros — à des tempêtes, des cyclones qui menaceront de les submerger : Debussy, Schœnberg, Stravinsky en dirigeront les courants.

Au large des côtes balayées par les vents, Claude Delvincourt, le « Normand de Dieppe », passe sans avoir longtemps à s'interroger sur le parti qu'il doit prendre. Chez lui, la tradition a parlé ; une vaste culture a préparé le terrain ; en Saint-Saëns et en Fauré, il a reconnu ses pairs ; en Gigout, Boellmann et Büsser, il a salué ses vrais maîtres. De Chabrier, comme de Janequin, il retient l'esprit bouffe. Et sans ignorer Debussy, dont il savoure la révolution, sans omettre Schœnberg et Stravinsky, dont il admire maintes hardiesses — comme tout Latin prêt à assimiler l'apport d'un étranger, quitte à en traduire et en transmettre les accents en son idiome traditionnel —, Delvincourt, avec ses trente-cinq numéros d'œuvres, a creusé son sillon : en hommage aux maîtres du Moyen Age et de la Renaissance, aux maîtres de la danse, du spectacle, de l'esprit et du tendre, en souvenir des Saint-Saëns, des Fauré, des Chabrier, des Messager, en marge des Ravel, des Ibert, cet aristocrate de la pensée a salué, dans l'écriture et la clarté, dans l'acuité du trait et le choix des termes, dans la grandeur sans ostentation et le raffinement sans fadeur, les plus nobles qualités de la race, même s'il vient à évoquer Venise, le Pamir ou le Japon, même s'il vient à proclamer la souveraineté de Pierre dans une œuvre religieuse de haute tenue (Tu es Petrus).

(Norbert Dufourcq, Larousse mensuel illustré, juillet 1954)

 

 

 

 

 

Claude Delvincourt [photo Agence intercontinentale]

 

 

 

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