Maria CALLAS

 

 

 

Maria Sophie Cecilia CALOGEROPOULOS dite Maria MENEGHINI-CALLAS puis Maria CALLAS

 

soprano grec

(New York, États-Unis, 02 décembre 1923 – Paris 16e, 16 septembre 1977*)

 

Epouse à Vérone, Italie, le 21 avril 1949 (divorce en octobre 1959) Giovanni Battista MENEGHINI (Vérone, 11 janvier 1896 – Desenzano del Garda, Lombardie, Italie, 21 janvier 1981), industriel italien.

 

 

Elle étudie avec Elvira de Hidalgo à Athènes, où elle débute à quinze ans dans Cavalleria rusticana, mais ne s'imposera qu'en 1947 à Vérone. Rendue célèbre pour avoir su chanter alternativement Wagner et Bellini, elle paraît en Amérique du Sud, à la Scala (1950), à Londres et enfin au Metropolitan de New York ; elle est sacrée dès lors comme la plus grande vedette lyrique internationale (1956). Elle chanta peu à Paris (Opéra, 1958, 1963 et 1964) et au Théâtre des Champs-Elysées (05 juin 1963). Aprement discutée, l'artiste a su renouer avec la tradition du bel canto et mettre sa virtuosité au service de l'expression dramatique, répondant ainsi à l'évolution de l'esthétique moderne. Son tempérament exceptionnel trouve son plein emploi dans des opéras tels que Norma, la Traviata, Tosca ou la Gioconda.

Elle est décédée en 1977 à cinquante-trois ans dans son appartement parisien, où elle s'était retirée, 36 avenue Georges-Mandel à Paris 16e. Elle a été incinérée au Père-Lachaise.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Elle y débuta lors du Gala de la Légion d'honneur "Grande nuit de l'Opéra" le 19 décembre 1958, avec les chœurs et l'orchestre de l'Opéra sous la direction de George Sebastian, composé de la Forza del destino : ouverture ; 1re partie : extraits de Norma dont "Casta diva" par Maria Callas (Norma) et Jacques Mars (Oroveso) ; Il Trovatore : "D'amor sull' ali rosee" et "Miserere" par Maria Callas (Leonora) et Albert Lance remplaçant José Luccioni (Manrico) ; Il Barbiere di Siviglia : ouverture ; "Una voce poco fa" par Maria Callas (Rosina) ; 2e partie : acte II de Tosca par Maria Callas (Floria Tosca), Albert Lance remplaçant José Luccioni (Mario Cavaradossi), Tito Gobbi (Scarpia), Louis Rialland (Spoletta), Jean-Pierre Hurteau (Sciarrone).

 

Elle y revint du 22 mai au 24 juin 1964 pour huit représentations de Norma (Norma) dans la mise en scène de Franco Zeffirelli. En 1965 elle interpréta neuf fois Tosca (Floria Tosca) avec Renato Cioni (Mario Cavaradossi) et Tito Gobbi (Scarpia) les 19, 22, 26 février sous la direction de Georges Prêtre, et 01, 03, 05, 08, 10 et 13 mars sous la direction de Nicola Rescigno*. Puis elle donna cinq représentations de Norma (Norma) les 14, 17, 21, 24 et 29 mai 1965 avec Giulietta Simionato (Adalgisa) ; le 29, Maria Callas ne chanta pas le dernier tableau et la représentation fut interrompue au second acte.

 

* Du 19 février au 13 mars 1965, Maria Callas fut l'interprète de Tosca au Théâtre National de l'Opéra dans la mise en scène de Franco Zeffirelli.

Ses partenaires étaient M. Tito Gobbi dans le rôle de Scarpia et M. Renato Cioni dans celui de Mario Cavaradossi. La distribution était complétée par des artistes de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux : M. Robert Geay, Angelotti, M. Jean-Christophe Benoît, le Sacristain, M. Louis Rialland, Spoletta.

Pour ces huit représentations exceptionnelles dont le succès fut considérable, M. Georges Prêtre, puis M. Nicola Rescigno conduisirent l'orchestre du Théâtre National de l'Opéra.

(revue l'Opéra de Paris n°23, 1er trimestre 1965)

 

=> Maria Callas dans Norma à l'Opéra de Paris

 

 

 

 

Pierre Bourgeois (pdg de Pathé-Marconi) et Maria Callas au restaurant la Tour d'Argent, Paris, février 1957. [coll. Emmanuel Jourquin-Bourgeois]

 

 

 

Arrivée de Maria Meneghini-Callas à Paris. La Callas est accueillie par Pierre Bourgeois, pdg de Pathé-Marconi, dont le label la Voix de son maître diffusait en France ses disques. Salle de presse de l'aéroport d'Orly, jeudi 16 janvier 1958. [coll. Emmanuel Jourquin-Bourgeois]

 

 

 

au premier plan, de g. à dr. : Régine Crespin, Maria Callas et l'acteur et chanteur Jean-Claude Pascal. Salle de presse de l'aéroport d'Orly, jeudi 16 janvier 1958. [coll. Emmanuel Jourquin-Bourgeois]

 

 

 

 

 

les deux photos ci-dessus : de g. à dr. : Patrick Amoore (chargé des relations publiques de la Callas), Maria Callas, Pierre Bourgeois (ami de l'artiste et pdg de Pathé-Marconi). Dîner chez Maxim's, jeudi 16 janvier 1958. [coll. Emmanuel Jourquin-Bourgeois]

 

 

 

 

 

 

La Callas au cours de son dernier passage à Paris [Arrivée de Maria Callas à l'hôtel Crillon le jeudi 16 janvier 1958 ; au second plan, Pierre Bourgeois, grand patron des Industries Musicales et Electriques Pathé-Marconi.]

 

 

La Callas à l'Opéra le 19 décembre.

 

C'est une grande nouvelle pour les mélomanes, mais aussi pour les Parisiens : Maria Meneghini Callas, la Callas, la célèbre Callas, va chanter pour la première fois à Paris.

 

Car, aussi étonnant que cela puisse paraître, celle qui a triomphé sur toutes les scènes du monde, à Milan, à Rome, à New York, à Vienne, à Londres et à Venise n'avait jamais encore eu l'occasion de se produire dans notre capitale.

 

Cette première apparition, c'est aux œuvres de la Légion d'honneur que la grande diva a voulu en réserver le bénéfice, et c'est au profit de ces œuvres qu'elle donnera une seule et unique représentation au cours d'une soirée non moins unique.

 

Cette Grande Nuit de l'Opéra aura lieu le 19 décembre sur notre première scène nationale. Pour en être l'héroïne, la Callas interrompra une tournée qui doit la mener dès dimanche dans les grandes villes américaines jusqu'au mois de juin de l'année prochaine.

 

Elle traversera Paris demain soir et règlera, au cours de cette brève escale, certains détails du programme de cette prestigieuse soirée patronnée par notre confrère Marie-Claire.

 

(le Figaro, samedi 04 et dimanche 05 octobre 1958)

 

 

 

 

 

 

 

Maria Callas [photo Magnani]

 

 

Le vrai visage de la Callas

 

Il y a quelques semaines, débarquait à l'aérodrome d'Orly une grande jeune femme mince, simplement vêtue d'un tailleur de sport, un foulard noué autour de ses cheveux, le visage sans maquillage et le sourire aux lèvres. C'était Maria Callas, que personne n'avait remarquée. Durant six jours, celle qu'on appelle « la Diva du Siècle » réussit à cacher sa présence aux journalistes. Elle descendit dans un hôtel des Champs-Elysées, et non au Ritz comme elle en a l'habitude. On la rencontra bien dans quelques endroits où l'on dîne et où l'on danse, en compagnie de son chevalier servant Aristote Onassis, mais on n'y prêta guère attention. Tous ses amis complotaient pour la « subtiliser ». Et puis, un jour, un photographe la reconnut dans la rue, malgré ses lunettes et sa nouvelle coiffure, et il prit d'elle un cliché. Du coup, Maria redevenait Callas, et se retrouvait prisonnière d'un personnage qu'elle fuit désormais de toutes ses forces.

— Je veux qu'on sache, répète-t-elle partout, que je ne suis pas cette créature capricieuse et insupportable que l'on dépeint, mais une femme comme les autres, qui veut vivre pour son art et pour elle-même, à l'abri de la publicité et du bruit.

Pourtant, au cours de ce séjour parisien, Maria Callas devait s'apercevoir à ses dépens qu'il est difficile de détruire les légendes, et que les gens croient bien plus volontiers aux colères d'une prima donna qu'à la douceur de son caractère.

Il y eut quelques incidents (regrettables), lors de la visite d'un certain château. Ce n'était pas tout à fait sa faute, mais peu de gens en convinrent. Et Maria ne sourit pas de grand cœur lorsqu'elle lut dans les journaux : « La tigresse rentre ses griffes. »

A la vérité, Maria Callas recommence une vie, mais sur ce nouveau départ pèse une hypothèque, qu'il ne dépend pas d'elle de lever. Elle demeure mariée à Battista Meneghini, l'homme qu'elle rencontra, il y a plus de dix ans, au soir d'une représentation de « la Gioconda » à Vérone. Elle était inconnue, pesait quatre-vingt-quatorze kilos pour son mètre soixante-douze... On connaît la suite. Meneghini la présenta au chef d'orchestre Tullio Serafin ; elle maigrit de quarante-sept kilos, et elle devint « la Callas ». Mais ce n'est pas seulement par la grâce d'un régime ou de professeurs de premier plan. Il suffisait sans doute de donner à cette nature exceptionnelle, à cette musicienne d'une rare sensibilité, à cette tragédienne de race, le dé­part ou, si l'on veut, la chance qu'elle attendait depuis si longtemps. Exactement depuis 1942, lorsque, âgée de dix-neuf ans, elle fit ses débuts à l'Opéra d'Athènes, et qu'elle entendit son partenaire déclarer : « Jamais ce gros sac n'en sortira. »

 

 

 

 

Elle est toujours mariée.

S’il y a eu dans la vie de Maria Callas un désir de revanche, une soif de succès, ils sont aujourd'hui apaisés. Elle a connu tous les triomphes artistiques, et on fait autour d'elle une publicité que bien des vedettes de cinéma peuvent lui envier. Tous ses amis, ses conseillers artistiques s'accordent à le dire : « Meneghini adorait la publicité, autant pour lui que pour Maria, et, bien souvent, il la poussait à faire des scandales, alors qu'il aurait dû s'appliquer à la calmer. »

Walter Legge, le directeur artistique d'une grande maison de disques britannique qui enregistre Maria depuis des années, raconte avoir reçu un soir un coup de téléphone de Meneghini. On proposait à Callas un contrat fantastique pour se produire dans un cabaret, à Las Vegas. Walter Legge assure qu'il eut beaucoup de mal à persuader le mari de la diva qu'une exhibition de ce genre ne pouvait en aucune façon servir sa carrière.

Depuis qu'ils sont séparés, leurs relations ne sont pas très amicales ; divers procès les ont assombries, et la loi italienne est ainsi faite que, même séparée de Meneghini, Maria peut encore beaucoup craindre de lui. Car, s'il a le droit d'afficher, une liaison, elle risque, si elle le fait, de voir remis en question, par voie de justice, tous les accords auxquels ils sont péniblement arrivés. On a aussi beaucoup parlé d'un remariage possible de Maria Callas. Mais, là encore, on a oublié que la loi italienne lui interdit de contracter une nouvelle union tant que son mari est vivant, à moins qu'elle n'obtienne une annulation de son premier mariage en Cour de Rome. Si elle passait outre et divorçait, par exemple aux Etats-Unis, pour s'y remarier, Maria Callas se trouverait alors exactement dans la même situation que Sophia Loren, et risquerait de se voir interdire le territoire italien ou d'y être poursuivie pour bigamie.

D'ailleurs, ce n'est pas par hasard que Maria Callas vient à Paris plus souvent qu'on ne le croit, ou qu'on ne le sait en général. Elle y cherche un appartement ; elle aimerait, sinon s'y fixer définitivement, du moins y avoir un point d'attache pour vivre dans une atmosphère de liberté. Et aussi pour travailler.

Ce n'est pas non plus un hasard si elle vient d'enregistrer à Paris un disque d'airs d'opéras français, en français, avec l'Orchestre National, sous la direction du jeune chef Georges Prêtre. Pour la Callas, les séances d'enregistrement constituaient en quelque sorte un test. Elle voulait savoir si elle pourrait trouver, en dehors de l'Italie, sa patrie artistique, en dehors de la Scala, la maison de son cœur (quoi qu'elle en dise), la ferveur musicale et la satisfaction personnelle qui sont la récompense de tout travail. L'expérience s'est révélée concluante, mais pas seulement pour elle, pour tous ceux qui ont pu assister à ces séances et voir, dans le feu de l'action, celle que l'on dit si redoutable.

 

 

 

Dans la « cabine », après l'enregistrement, par Maria Callas, de son récital d'airs lyriques français. De g. à dr. :Walter Legge, Maria Callas, Michel Glotz, directeur adjoint des services artistiques de Pathé-Marconi, et le chef d'orchestre Georges Prêtre. [photo Pathé-Marconi]

 

 

La musique avant toute chose.

En vérité, c'est là qu'on apprend à la connaître, c'est là sans doute qu'elle est elle-même, entièrement, oublieuse de tout ce qui n'est pas la musique, le chant, le plus petit détail d'interprétation du mot ou de la note, de la nuance, de la justesse. Là, un ami se tient en permanence auprès d'elle et lui fait corriger de petits défauts de prononciation française. Mais Maria Callas demande davantage. A Georges Prêtre, elle dit : « Maestro, puis-je faire cela, à cet endroit, est-ce conforme à la tradition française ? Maestro, m'autorisez-vous à ralentir maintenant ? » Elle n'exige rien qui puisse la servir en tant que cantatrice ; elle agit en musicienne, pour servir la musique.

Il faut l'avoir vue arriver. Ce jour-là, elle portait un très joli tailleur turquoise, un pull-over de soie gris foncé éclairé de cinq lourds rangs de perles, et des souliers à talons très hauts. Elle paraissait nerveuse : « Pas de journalistes, pas de photographes », dit-elle en pénétrant dans la salle. Puis elle oublia tout. Elle grimpa sur une sorte de petit podium construit pour les besoins de la prise de son, enleva ses souliers, confia le collier à sa femme de chambre. Et elle se mit à chanter, mais pas à chanter comme le font en général les artistes qui répètent. Elle chantait vraiment, à pleine voix, sa voix de Callas qu'elle ne songeait pas à ménager. « Je me chauffe », disait-elle. Elle croise les bras, pose le pied sur un petit tabouret, et elle chante ainsi de longues minutes, sans s'arrêter, sans se lasser, esquissant un geste d'agacement pour une note qui ne vient pas ou qui sort faux, pour une phrase dont le balancement ne lui paraît pas exact. Au bout de quelques essais, elle va dans la cabine de son écouter les « prises », demander des conseils, corriger, recommencer à nouveau, trois heures durant.

On ne peut connaître un artiste que dans le feu de l'action. Lorsqu'on a vu répéter Maria Callas, on sait que, pour cette femme, le travail compte certainement plus que tout au monde. Peut-être manque-t-elle parfois d'entraînement, peut-être sa voix la trahit-elle quelquefois ? Sans doute. Mais la flamme qui l'habite, l'art, qui lui permet de transfigurer la musique la plus fade et de faire croire aux paroles les plus stupides, ne participe d'aucun artifice. Il reflète une personnalité profonde et une conception d'une grandeur peu commune. Il est certain aussi que ce paroxysme dans l'amour ou la douleur éprouve les nerfs d'une femme qui vit si intensément ses rôles, et se transforme totalement jusqu'à s'identifier à tous les personnages qu'elle interprète, de la légère Rosine à la Tosca passionnée, et à toutes les héroïnes d'un répertoire oublié qui revit grâce à elle : « la Gioconda » de Ponchielli, « Norma », « la Somnambule » et « les Puritains » de Bellini, « Anna Bolena » de Donizetti, et d'autres encore.

 

 

 

Maria Callas [photo Reporters Associés]

 

 

Elle aime téléphoner.

Les amis de Maria Callas (femme) se plaisent à la décrire en dehors de toute contrainte artistique et mondaine. Comme toutes les femmes de la terre à leurs heures de loisir, la Callas adore téléphoner pour ne rien dire, ou plutôt raconter une foule de choses inutiles ; la couleur d'un nouveau chapeau, un meuble admiré chez un antiquaire, une réflexion entendue dans la rue, la petite traîtrise d'une amie ou d'une rivale. Elle bavarde des heures entières, et tout lui est prétexte à de longs commentaires. Repose-t-elle le téléphone ? C'est pour écouter des disques de danse. On la voit souvent sur la piste des boîtes de nuit, mais chez elle aussi, aux heures de détente, elle aime entendre des slows ou des cha-cha-cha. Elle est grande spécialiste de rythmes afro-cubains, dont elle raffole. Enfin, il lui arrive d'éprouver de la curiosité pour ce que font « les autres chanteurs », et elle les juge avec une grande objectivité.

Elle reconnaît une voix superbe à Régine Crespin, et elle admire la technique de Victoria de Los Angeles. On a beaucoup dit que la rivalité entre elle et Renata Tebaldi atteignait les proportions d'une guerre... plutôt chaude. A Tebaldi aussi, la Callas magnanime reconnaît un timbre incomparable. Elle discute ses qualités dramatiques (elle n'est pas la seule). Et on murmure dans l'entourage de la Diva du Siècle que ce n'est pas elle, mais la douce Renata, qui exige sur ses contrats l'assurance que Maria Callas ne sera pas engagée, en même temps qu'elle, dans les théâtres où se produit Renata Tebaldi.

On a beaucoup parlé aussi du régime de Maria Callas. Nul ne saura jamais ce qui l'a fait maigrir de quarante-sept kilos, depuis qu'elle a fait un procès à un journal qui prétendit que des spaghettis spéciaux accomplirent ce miracle. Le fait est qu'elle se montre très gourmande, et que les fameux bistrots parisiens n'ont plus guère de secrets pour elle. Elle n'a pas un appétit féroce, mais elle aime goûter à tout. Lorsqu'elle sort avec des amis, elle les oblige à prendre chacun un plat différent. Et c'est ainsi qu'on peut voir la redoutable prima donna, armée d'une fourchette, et souriant d'un air sardonique, s'attaquer au gratin de langouste de son voisin de droite, au foie gras de celui de gauche, aux huîtres de son vis-à-vis, tandis qu'elle se fait mettre sur une assiette le morceau de quenelle de brochet du malheureux qui espérait encore se trouver trop loin d'elle pour qu'elle pût l'atteindre. Et s'il est vrai aussi qu'elle se couche de bonne heure, et ne se nourrit que de grillades et d'eau minérale lorsqu'elle chante, il est flagrant qu'elle aime rentrer à l'aube, après avoir dansé dans diverses boîtes de nuit et bu du champagne, en compagnie de ses amis les plus chers.

 

 

 

Maria Callas et Georges Prêtre se mettent d'accord avant de commencer l'enregistrement. [photo Pathé-Marconi]

 

Il y avait une fois...

Il y avait une fois une petite fille très pauvre qui s'appelait Maria Kalogeropoulos. Fille d'un émigrant grec, elle est née à New York, voici trente-huit ans. Lorsqu'elle était petite, à l'école, tout le monde se moquait d'elle parce qu'elle était pauvre, trop grosse et très myope... La grande Callas a vraiment été cette petite fille pauvre, myope et trop grosse. Cela, ce n'est pas une légende. Si l'on mesure la somme d'efforts, de volonté, de résistance, qu'il a fallu à cette petite fille-là pour triompher de tous les mauvais rêves de sa jeunesse, devenir une grande cantatrice d'abord, une femme belle ensuite, aimée et admirée, il faut bien penser qu'un résultat aussi éclatant ne s'obtient pas sans une dose égale de mauvais caractère ou, disons, de caractère tout court. On pardonne difficilement leur réussite aux grandes personnalités, à ceux qui savent pourquoi ils disent oui, ou non.

Après avoir franchi la seconde étape, celle de la Prima Donna terrible, du monstre sacré au masque de déesse antique, les yeux cernés d'un lourd trait de crayon noir, Callas arrive maintenant, c'est elle qui nous le dit et nous demande de le croire, à la troisième étape de sa vie, et peut-être de sa carrière. Elle montre à ses admirateurs un visage nu, des cheveux au chignon défait. Elle ne craint pas de chausser ses lunettes en public. A quelqu'un qui la croisait, sans faire attention à elle, dans un couloir de l'Opéra de Paris, elle demanda : « Mais vous ne me reconnaissez pas ? », avec une nuance d'humilité dans la voix. On ne peut savoir ce qui se passe dans le secret des âmes et des cœurs, ni les épreuves que traversent ceux qui nous paraissent les plus heureux. Maria Callas, petite jeune fille avide et malheureuse, s'était transformée en cantatrice triomphante, à la gloire incontestée. Maintenant, face à elle-même, elle éprouve sans doute le besoin de jouer un rôle qui sera peut-être le plus difficile de tous, celui d'une femme. Si possible, heureuse.

 

(Nicole Hirsch, Musica Disques, août 1961)

 

 

 

 

 

publicité d'octobre 1961

 

 

 

 

Récital Maria Callas, soprano

« Callas à Paris »

Gluck : Orphée : « J'ai perdu mon Eurydice »
Gluck : Alceste : « Divinités du Styx »
Bizet : Carmen : Habanera - Séguedille

Gounod : Roméo et Juliette : Valse

Saint-Saëns : Samson et Dalila : « Printemps qui commence » - « Amour, viens aider ma faiblesse »

Thomas : Mignon : Polonaise

Massenet : le Cid : « Pleurez, mes yeux »

G. Charpentier : Louise : « Depuis le jour... »

avec l'Orchestre National de la R.T.F., dir. Georges Prêtre

(1 disque 30 cm, 33 tours, stéréo, SAXF-219 ou mono, FCX-902, Columbia, 1961 )

 

 

 

de g. à dr. : Georges Prêtre, Walter Legge et Maria Callas

 

 

Au critique exigeant, ce disque pose une cas de conscience. Un cas assez fréquent, d'ailleurs, puisqu'il s'agit de résoudre un conflit entre la beauté pure, parfaite, et la beauté vivante. Comment ne pas songer à Chaliapine que nous aimions malgré ses défauts, avec ses défauts (et certains à cause de ses défauts !).

Les défauts de Callas nous sont connus de longue date : un aigu parfois instable (c'est, je crois, une question de vibrato plus encore que de justesse), une voix à laquelle il arrive de « s'égarer dans les bajoues », un tempérament qui n'hésite pas toujours devant des effets de « soufflets » discutables.

Tout cela étant constaté (et faisant partie de sa personnalité), Callas est un « phénomène », un « monstre sacré » passé vivant dans la légende, et son nom restera gravé sur les tablettes de l'histoire du théâtre lyrique.

Dans ce disque, elle affronte un répertoire étranger, une langue étrangère et, de ce fait, elle s'y révèle et s'y affirme totalement. « Ma voix n'est pas un ascenseur », déclarait-elle lors d'un « incident » mémorable. Eh bien, n'en déplaise à Maria Callas, sa voix est bel et bien un ascenseur à la mécanique parfaitement huilée. Sans effort apparent, elle parcourt les divers étages d'un gratte-ciel dont la base s'appuie sur un la bémol grave, dont le sommet atteint le contre- aigu. C'est un tour de force tout à fait exceptionnel, et pourtant, dans le domaine de l'expression, le registre de Maria Callas est encore plus étendu. Avec une inspiration, une « divination » toujours égales, elle recrée des personnages dont nous pensions posséder une image définitive.

Sa Carmen, qu'elle chante avec une étonnante rigueur de style et qui nous fait grâce de tout effet vocal spectaculaire, est une des plus séduisantes et peut-être la plus vraie que je connaisse. Son « Printemps qui commence » retrouve une fraîcheur, une spontanéité, une mélodie profonde, une authenticité que trop de Dalilas poitrinantes nous avaient fait oublier (et comme elle a raison de ne pas traiter « Amour, viens aider ma faiblesse » en grand air de bravoure d'allure wagnérienne !).

 

 

 

Maria Callas au cours de l'enregistrement à Paris

 

 

Les deux premiers morceaux de l'autre face de ce disque (Roméo et Juliette et Mignon) nous font retrouver Maria Callas dans des exercices de virtuosité vocale où seule Joan Sutherland est capable de rivaliser avec elle à l'heure actuelle : des vocalises proprement éblouissantes, des vocalises qui débordent largement le cadre de la pure technique et qui deviennent moyen d'expression et musique. Comme on pouvait s'y attendre à priori, Callas est remarquable dans ces deux pages.

Remercions-la ensuite d'avoir choisi le bel air de Chimène du Cid de Massenet, où le tempérament dramatique de Callas fait merveille ; cet air, trop peu chanté, n'est pas sans parenté avec les Stances de Sapho de Gounod en sa ligne mélodique : c'est dire la place importante qui devrait lui revenir dans le répertoire.

Et notons, pour conclure, que quiconque n'a pas entendu Callas prononcer « Depuis le jour où je me suis donnée », avec toute la ferveur épanouie, tout l'étonnement et toute la joie d'une jeune femme véritablement éprise ; quiconque, dis-je, n'a pas entendu Callas dans cet air, ne peut se flatter de le connaître vraiment. Elle y est sublime.

Georges Prêtre dirige l’Orchestre National avec une efficacité parfaite, mise au service de la grande musicienne qu'il accompagne. Dans les deux gravures de ce disque, monophonique et stéréo, la prise de son est fort belle. La soliste, bien sûr, tient la vedette (et son « cadrage » dans la version stéréophonique est excellent), mais l'orchestre demeure parfaitement présent et lisible, tant et si bien que l'on ne peut souhaiter meilleur équilibre pour un récital.

Contrairement à l'usage, c'est au tout début de mon compte rendu que j'ai placé quelques réserves. Elles peuvent s'appliquer à tous les enregistrements de Maria Callas et sont bien peu de chose en comparaison de sa personnalité, aussi ne m'empêcheront-elles pas de vous recommander très chaleureusement ce disque qui deviendra, je n'en doute pas, un précieux document dans l'histoire de l'art lyrique.

 

(R.-M. Hofmann, Disques, novembre 1961)

 

 

 

 

 

la Callas (revue l'Opéra de Paris, 1964)

 

 

 

Maria Callas (Norma) dans Norma à l'Opéra de Paris en 1964

 

 

 

 

Maria Callas (Norma) et Franco Corelli (Pollione) dans Norma à l'Opéra de Paris en 1964

 

 

 

 

Maria Callas (Norma) et Fiorenza Cossotto (Adalgisa) dans Norma à l'Opéra de Paris en 1964

 

 

 

 

Maria Callas : le triomphe de la musique.

 

L’art de Maria Callas constitue, sans doute, un des phénomènes étonnants de notre époque.

 

La caractéristique essentielle de cet art inouï nous paraît être une intégration de la musique avec l'action telle qu'elle n'a peut-être jamais été réalisée. Exprimer dramatiquement avec des moyens purement musicaux, telle est la réussite unique de Callas. Nous disons bien « musicaux » et non pas « vocaux » car avec elle, le chant cesse d'être éclats de voix pour devenir musique. Un tel accomplissement devrait aller de soi, et pourtant, combien de chanteurs font-ils vraiment de la musique ?

 

Mais le plus étonnant est, sans doute, que cette conception purement musicale de l'opéra paie aussi sur le plan dramatique. On parle souvent du talent d'actrice de Callas, alors qu'en fait, il ne s'agit que de la transposition de son talent musical. Avec elle, la partition trouve son sens véritable et une simple vocalise que l'on était habitué à considérer comme un ornement prend soudain une signification expressive qui renforce le dramatique de l'action.

 

Mais, bien sûr, la compréhension d'un art aussi raffiné exige un peu plus de la part du public que le chanteur uniquement soucieux de produire de beaux sons. Aimer Callas, c'est un peu la marque de la sensibilité artistique et d'un goût musical aiguisé.

 

(Jacques Bourgeois, revue l'Opéra de Paris n°23, 1er trimestre 1965)

 

 

 

 

Maria Callas (Floria Tosca) et Renato Cioni (Mario Cavaradossi) dans l'acte I de Tosca à l'Opéra de Paris en février/mars 1965

 

 

 

Maria Callas (Floria Tosca) et Tito Gobbi (Scarpia) dans l'acte II de Tosca à l'Opéra de Paris en février/mars 1965

 

 

 

Renato Cioni (Mario Cavaradossi) dans l'acte III de Tosca à l'Opéra de Paris en février/mars 1965

 

 

 

Renato Cioni (Mario Cavaradossi), Maria Callas (Floria Tosca) dans Tosca lors des représentations à l'Opéra de Paris en février et mars 1965

 

 

 

Tito Gobbi (Scarpia) et Maria Callas (Floria Tosca) dans Tosca lors des représentations à l'Opéra de Paris en février et mars 1965

 

 

 

Renato Cioni (Mario Cavaradossi), Maria Callas (Floria Tosca) et Tito Gobbi (Scarpia) dans Tosca lors des représentations à l'Opéra de Paris en février et mars 1965

 

 

 

 

publicité de 1965

 

 

 

 

Acte II de Tosca de Puccini

Maria Callas (Floria Tosca), Tito Gobbi (Scarpia), Renato Cioni (Mario Cavaradossi)

Covent Garden de Londres, 09 février 1964

 

 

 

Interview de Maria Callas par Bernard Gavoty

18 mai 1965

 

 

 

extrait de l'acte I de Tosca de Puccini

Maria Callas (Floria Tosca) et Renato Cioni (Mario Cavaradossi)

Orchestre de l'Opéra de Paris dir Nicola Rescigno

enr. en public à l'Opéra de Paris, 03 mars 1965

 

 

 

fin de l'acte II de Tosca de Puccini

Maria Callas (Floria Tosca) et Tito Gobbi (Scarpia)

Orchestre de l'Opéra de Paris dir Nicola Rescigno

enr. en public à l'Opéra de Paris, 03 mars 1965

 

 

 

extrait de l'acte III de Tosca de Puccini

Maria Callas (Floria Tosca) et Renato Cioni (Mario Cavaradossi)

Orchestre de l'Opéra de Paris dir Nicola Rescigno

enr. en public à l'Opéra de Paris, 03 mars 1965

 

 

 

Prélude et Habanera "L'amour est un oiseau rebelle"

extrait de l'acte I de Carmen de Bizet

Maria Callas (Carmen) et Orchestre dir. Georges Prêtre

filmé à Hambourg en 1962

 

 

 

"Adieu, notre petite table"

extrait de l'acte II de Manon de Massenet

Maria Callas (Manon) et Orchestre dir. Georges Prêtre

filmé à Paris le 18 mai 1965

 

 

 

 

 

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