Gaston ARMAN DE CAILLAVET

 

Gaston Arman de Caillavet en 1907

 

 

Mathurin Cyprien Auguste Gaston ARMAN puis par ordre du 19 juin 1893 ARMAN-CAILLAVET dit Gaston ARMAN DE CAILLAVET

 

journaliste et auteur dramatique français

(15 rue de Presbourg, Paris 16e, 13 mars 1869* – Essendiéras, Saint-Médard-d'Excideuil, Dordogne, 13 janvier 1915*)

 

Fils de Mathurin Albert ARMAN dit ARMAN-CAILLAVET (Mérignac, Gironde, 07 août 1841* – 1919) [fils de Jean Lucien ARMAN, constructeur de navires, et de Jeanne Laure CAILLAVET], et de Léontine Charlotte LIPPMANN dite Mme ARMAN DE CAILLAVET (Paris, 14 juin 1844 Paris 8e, 12 janvier 1910), mariés à Paris le 25 avril 1867.

Epouse à Paris 8e le 10 avril 1893* Marie Claire Emilie Jeanne POUQUET (Paris 8e, 17 avril 1874* – 12 janvier 1961) [remariée à Paris 8e le 27 janvier 1919 avec Paul Marie Armand Maurice POUQUET] ; parents de Simone Marie Andrée Huguette ARMAN (Paris 17e, 08 février 1894* – Neuilly-sur-Seine, Hauts-de-Seine, 26 décembre 1968) [épouse en secondes noces l'écrivain André MAUROIS].

 

 

Fils de Mme Arman de Caillavet, connue pour son salon littéraire et son amitié pour Anatole France, il débuta au théâtre en 1891 par de petites comédies, écrivit plusieurs revues et forma de 1900 à sa mort une brillante association avec Robert de Flers. Les deux auteurs ont donné des opéras bouffes : les Travaux d'Hercule (1901) ; le Sire de Vergy (1903) ; Monsieur de La Palisse (1904) ; Pâris ou le Bon juge (1906) ; des comédies : les Sentiers de la vertu (1903) ; l'Ange du foyer (1905) ; Miquette et sa mère (1906) ; l'Eventail (1907) ; l'Amour veille (1907) ; le Roi, avec E. Arène (1908) ; l'Ane de Buridan (1909) ; le Bois sacré (1910) ; Papa (1911) ; Primerose (1911) ; l'Habit vert (1912) ; la Belle aventure, avec E. Rey (1913) ; Monsieur Brotonneau (1914) ; œuvres d'une fantaisie étourdissante et d'un esprit délicat, qui vont de la farce parodique ou satirique à la comédie aimable et sentimentale. On leur doit en outre une pièce historique, la Montansier (1905), et des livrets d'opérettes et de ballets. Bien qu'il soit difficile de déterminer l'apport personnel de chacun des collaborateurs, il semble cependant que Caillavet ait fourni cette verve pétillante et cocasse qui caractérisait les premières œuvres des deux auteurs. Comme journaliste, Caillavet collabora surtout au Figaro. Il fut nommé chevalier (05 août 1907), puis officier (16 janvier 1914) de la Légion d'honneur.

En 1897, il habitait 40 boulevard de Courcelles à Paris 17e. Il est décédé en 1915 à quarante-cinq ans, domicilié 12 avenue Hoche à Paris 8e.

 

 

 

 

livrets

 

l'Heure du berger, ballet en 1 acte et 6 tableaux, avec Robert de Flers, musique de Louis Ganne (Palais de la Danse, 1900, chorégraphie de Mariquita)

les Travaux d'Hercule, opéra bouffe en 3 actes, avec Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Bouffes-Parisiens, 16 mars 1901)

Chonchette, opéra bouffe en 1 acte, avec Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Capucines, 12 avril 1902)

le Sire de Vergy, opérette bouffe en 3 actes, avec Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Variétés, 16 avril 1903)

Monsieur de La Palisse, opéra bouffe en 3 actes, avec Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Variétés, 02 novembre 1904)

Pâris ou le Bon juge, opéra bouffe en 2 actes, avec Robert de Flers, musique de Claude Terrasse (Capucines, 01 mars 1906)

Fortunio, comédie musicale en 4 actes, avec Robert de Flers, musique d'André Messager (Opéra-Comique, 05 juin 1907) => fiche technique

la Veuve joyeuse, opérette en 3 actes, version française avec Robert de Flers, musique de Franz Lehar (Apollo, 28 avril 1909)

la Vendetta, drame lyrique en 3 actes, avec Robert de Flers, musique de Jean Nouguès (Opéra de Marseille, 27 janvier 1911)

le Comte de Luxembourg, opérette en 3 actes, version française avec Robert de Flers, musique de Franz Lehar (Apollo, 13 décembre 1912)

Béatrice, légende lyrique en 4 actes, avec Robert de Flers, musique d'André Messager (Monte-Carlo, 21 mars 1914 ; Opéra-Comique, 23 novembre 1917) => fiche technique

Cydalise et le Chèvre-pied, ballet en 2 actes et 3 tableaux, avec Robert de Flers, musique de Gabriel Pierné (Opéra de Paris, 15 janvier 1923)

le Jardin du Paradis, comédie lyrique en 4 actes, avec Robert de Flers, musique d'Alfred Bruneau (Opéra de Paris, 23 octobre 1923)

 

 

 

 

Gaston Arman de Caillavet [photo Waléry]

 

 

 

De Caillavet, dont les ouvrages, signés également de Robert de Flers, « son frère de lettres », ont eu sur le boulevard des succès si retentissants, était un Parisien de souche bordelaise. Il est mort dans ce pays de Périgord, dont il ressentait à ce point le charme pénétrant que l'action et les personnages de plusieurs de ses pièces vont s'y promener.

Il a débuté tout jeune an théâtre, affirmant tout de suite les dons remarquables qui devaient faire de lui un des maîtres du rire, habile à manier l'ironie. Mais, comme l'a dit R. de Flers, l'ironie était chez lui « de la tendresse qui se défendait ». A son rire, en effet, se mêlait toujours une note délicate, émue, qu'il a fait jaillir, comme d'une source intarissable, dans quarante-cinq œuvres qui, toutes, réussirent et dont quelques-unes plus particulièrement témoignent d'une sûreté de métier, d'une entente de la scène qui s'y trouvent portées à un très haut degré.

Avec P. Grünebaum, il débuta au Théâtre d'Application le 5 avril 1891 (il avait 22 ans) par Noblesse oblige, et au Palais-Royal, l'année suivante, par la Sainte Ligue, deux comédies en 1 acte. Avec Alphonse Franck, il écrivit, de 1892 à 1897, pour le petit théâtre de la Tour Eiffel, des revues émoustillantes où, déjà, s'affirmait la virtuosité de son esprit : Paris en l'air (1892), Paris-Chicago (1893), Propos en l'air (1895), Bête comme Impôt (1896) et Tour à tour (1897), et il donna également des revues et la Boîte à musique : la Loi de l'ombre (1897) et Venez en ombre (1898) ; aux Capucines : la Balladeuse (1898), ainsi qu'un acte gentil : P'tit Loulou (1900) aux Mathurins et l'Homme du train ou Du choix d'une carrière, 1 acte (Mathurins, 1900). Avec Hugues Le Roux, il a donné aux Bouffes-Parisiens, en 1901 : l'Instantané, vaudeville en 3 actes.

C'est vers cette époque que fut fondée cette raison sociale « de Flers et Caillavet » qui, pendant quinze années, alimenta nos grandes scènes de comédies satiriques, d'opérettes et de pièces sentimentales, qui auront certainement une place marquée dans l'histoire du théâtre au XXe siècle. Cette collaboration étroite, sans heurt et sans nuage et toujours triomphante, débuta par l'Heure du berger, 1 acte, musique de Louis Ganne (Palais de la Danse, 1900). Puis vinrent les Travaux d'Hercule, opérette, musique de Claude Terrasse (Bouffes-Parisiens, 1901), le Cœur a ses raisons, 1 acte (Renaissance, 1902), comédie entrée depuis au répertoire de la Comédie-Française, et Chonchette, 1 acte, musique de Cl. Terrasse (Capucines, 1902). A partir de ce moment, de Flers et de Caillavet devaient s'imposer de plus en plus à l'attention, puis à la faveur et, enfin, à l'engouement du public. Ce fut, parmi les directeurs de théâtre, à qui monterait une œuvre des heureux auteurs.

Voici, pour le théâtre des Nouveautés, cette maison du rire engloutie, en 1912, dans le percement de la rue des Italiens, les Sentiers de la vertu, 3 actes (1903), satire du snobisme mondain, et l'Ange du foyer (1905). — Pour les Variétés, le Sire de Vergy (1903) et M. de La Palisse (1904), deux opéras bouffes en 3 actes, musique de Cl. Terrasse ; la Chance du mari, 1 acte, et Miquette et sa mère, 3 actes (1906), où la fantaisie, l'esprit et l'émotion se mêlent en un dosage savant ; le Roi, 4 actes (1908), le plus retentissant succès des auteurs, en collaboration avec Emmanuel Arène, fine satire des mœurs politiques actuelles, plus mordante et plus profonde qu'il n'y paraît tout d'abord ; le Bois sacré, 3 actes (1910), fantaisie critique des mœurs du monde spécial qui gravite autour de l'administration des beaux-arts ; l'Habit vert, 4 actes (1912), qui plaisante agréablement l'Académie française, en une farce qu'on a trouvée peut-être un peu trop poussée. — A la Gaîté : la Montansier, comédie historique en 4 actes (1905), avec Joffrin. — Aux Capucines (1906) : Pâris ou le Bon Juge, 2 actes, musique de Cl. Terrasse. — Au Gymnase : l'Eventail, comédie en 4 actes (1907), l'Ane de Buridan, 3 actes (1909), qui fait le procès de l'homme de cercle, et Papa, 3 actes charmants (1911). — A la Comédie-Française : l’Amour veille, 4 actes (1907), pure comédie, aisée, rapide, fine, enjouée, attendrissante, où les personnages sont mis en relief en de délicates analyses ; Primerose (1911), 3 actes très émouvants, dans lesquels les auteurs ont poussé à la perfection leur dialogue, vrai marivaudage, merveilleusement nuancé et scintillant ; Venise, 1 acte (1913), charmante comédie de salon. — A l'Opéra-Comique : Fortunio (1907), 5 actes, musique de Messager, et une œuvre en préparation, Béatrice, du même compositeur. — A l'Apollo : la Veuve joyeuse (1909) et le Comte de Luxembourg (1912), opérettes, musique de Franz Lehar. — Au Vaudeville : la Belle Aventure, 3 actes (1913), en collaboration avec Etienne Rey, où le fond de vaudeville disparaît sous la comédie légère enjolivée de détails charmants et de scènes doucement émues. — Aux Bouffes-Parisiens (1911) : la Revue des X. — A Marseille (1911), la Vendetta, drame lyrique, 4 actes, musique de Jean Nouguès. — Enfin, à la Porte-Saint-Martin (9 avril 1914), Monsieur Brotonneau, 3 actes, satire de la vie de bureau. Il faut ajouter à cette liste : Cydalise et le Chèvrepied, ballet pour l'Opéra, musique de Pierné, et le Jardin du Paradis, conte féerique en préparation, dont Alfred Bruneau doit écrire la musique.

On a comparé la raison sociale « de Flers et Caillavet » à cette autre, demeurée célèbre : « Meilhac et Halévy ». Mais il y a peut-être chez ceux-là plus de finesse de touche, sinon plus d'habileté, que chez ceux-ci.

Leur théâtre a abordé des genres bien différents, mais on peut le cataloguer en deux séries : la comédie satirique, légère, allant jusqu'au vaudeville, voire jusqu'à la farce, et la comédie aimable et sentimentale, d'un genre délicat et subtil, où les gentillesses abondent, où le dialogue, tout aussi brillant, a plus d'élégance et se trouve être d'une haute tenue littéraire.

Sans doute, ces œuvres si variées ont tendance à créer une humanité artificielle, déformée de la vérité humaine ; sans doute, aussi, valent-elles moins par la nouveauté de l'intrigue — n'a-t-on pas ramené à 36 tous les sujets traités au théâtre depuis Eschyle ? — que par la façon, tout à fait supérieure, dont la pièce est menée, et par la forme, absolument remarquable. « Quand on sort de leur théâtre, mille grelots vous sonnent à l'oreille », a dit Henry Bordeaux ; on est ébloui par la fusée incessante des traits d'esprit, par la fantaisie étourdissante, parfois excessive peut-être, mais jamais débraillée des auteurs qui provoquent le rire et même le grand rire, mais non pas le gros rire. Nul n'a mis dans le dialogue théâtral plus de coloris et de finesse et n'a eu plus qu'eux cette verve pétillante, qui précipite les répliques, ces mots primesautiers, heureux, d'une exquise saveur, d'un parisianisme si aigu, ces formules si drôles et si justes de proverbes à rebours. Certes, ainsi qu'à tous les écrivains de théâtre, même à Racine, on peut leur reprocher d'avoir composé des rôles pour leurs interprètes, au lieu d’aller chercher dans la vie réelle leurs modèles. Mais, au fond, cela ne revient-il pas au même ?

Du point de vue moral, peut-être trouvera-t-on que R. de Flers et de Caillavet ne se sont point assez souciés. Rendons-leur, du moins, cette justice : à une époque où la scène devenait singulièrement perverse, ils ont su prendre un ascendant considérable sur le public en lui présentant un théâtre aimable, optimiste et d'une sentimentalité toujours saine. Que si, parfois, leur entrain endiablé, leur badinage si sûr de lui-même nous promènent dans un singulier monde, ou nous font insensiblement glisser à des situations scabreuses, nous ne songeons point à leur en vouloir, non plus qu'à nous en choquer, car on ne s'aperçoit qu'après qu'on a failli avoir une occasion de rougir.

De Caillavet ne laissera pas seulement le nom d’un virtuose de l'art dramatique ; il a été aussi un journaliste charmant, dont les chroniques, les échos, les odelettes satiriques, ont fait la joie des lecteurs délicats. Entré au « Figaro » en même temps que Robert de Flers, aujourd'hui rédacteur en chef de cet organe avec Alfred Capus, il fut chargé de la rubrique des Echos en 1902, à l'époque où G. Calmette prenait la direction du journal de Villemessant. Il écrivait aussi des chroniques dialoguées, des fantaisies signées PALÉMON, des articles pour l'Illustration, Fantasio, le Rire, et l'éphémère Tout Paris magazine. Son dernier article, dans le « Figaro » : « Dieu et lui », paru le 30 novembre 1914, est une satire vengeresse de Guillaume II, d'une ironie mordante, sous laquelle on sentait déborder le cœur d'un bon Français. Enfin, au lendemain ou à la veille de chaque première, il signait dans le « Matin », avec R. de Flers, des Impressions dont quelques-unes sont dignes des meilleurs critiques dramatiques. Ainsi, la raison sociale « de Flers et Caillavet » a donc vécu, fauchée en pleine floraison ! La mort en a pris la moitié.

(François Bertier, Larousse mensuel illustré, mars 1915)

 

 

 

 

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