Plus que reine
Drame lyrique en quatre actes et six tableaux, livret d'Henri CAIN, d'après Plus que reine, drame en cinq actes et un prologue (Porte-Saint-Martin, 29 mars 1899) d'Émile BERGERAT, musique de Marcel BERTRAND.
Création à l’Opéra de Nice le 15 février 1929, mise en scène de Gaston Dupuis.
Premières à Monte-Carlo en 1929 avec Alfred Legrand (Bonaparte), Marseille en 1929, Grand-Théâtre d'Angers en 1929, Théâtre des Arts de Rouen en 1929, Théâtre Royal de Liège en 1931.
personnages |
Opéra de Nice 15 février 1929 (création) |
Théâtre des Arts de Rouen 1929 (1re) |
Théâtre Royal de Liège 1931 (1re) |
Joséphine (soprano) | Mmes Ninon VALLIN | Mmes Andrée VALLY | Mme Andrée VALLY |
Laetitia (soprano) | Lucy ARBELL | Lucy ARBELL | |
Pauline |
GÉLARD MEREY Claudia BELLI |
GRANVAL |
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Mlle Avrillon |
MATIVA |
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Caroline |
DERBLAY |
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Bonaparte (ténor) | MM. Alfred LEGRAND | MM. Edmond FRAIKIN | M. Georges TALEMBERT |
Junot (baryton) | Daniel VIGNEAU | Gaston DEMARCY | |
Talleyrand | SCAPINI-LEROUX | BENOIST | |
Lucien Bonaparte (basse) | Michel EZANNO | ||
Murat | PELERIN | ||
Chef d'orchestre | Félix HESSE | LEBOT |
Le grand événement musical de ces temps derniers a été, sans conteste, la première représentation de Plus que Reine à l'Opéra de Nice. Cet effort de décentralisation musicale et artistique, dont on ne saurait trop féliciter M. Pierre Ducis, directeur de l'Opéra de Nice, mérite d'être particulièrement encouragé ; car si tous les directeurs des plus importantes scènes de province en faisaient autant, les théâtres de Paris, dont les affiches doivent être plus une « consécration » qu'une « présentation », seraient moins sollicités par les auteurs d'œuvres inédites, qui, tout simplement, feraient comme Camille Saint-Saëns, dont la belle partition de Samson et Dalila fut créée à Rouen bien longtemps avant d'être définitivement consacrée par l'Opéra de Paris. Et pourtant Camille Saint-Saëns était déjà Camille Saint-Saëns ! C'est en s'inspirant de l'œuvre d'Émile Bergerat Plus que Reine que M. Henri Cain a pu, très facilement, faire le drame lyrique en cinq épisodes, dont M. Marcel Bertrand a composé le « décor » musical ; car n'exigeant aucun effort d'imagination, aucun apport personnel, l'œuvre du librettiste était particulièrement facile puisqu'il ne s'agissait que d'une simple transposition lyrique d'un sujet historique déjà théâtralisé, que dis-je ! cinématographié et par Henry Roussell, dans Destinée ; et par Abel Gance, dans Napoléon. L'intéressante œuvre musicale de M. Marcel Bertrand a, de suite, remporté un réel succès populaire. C'est ce que j'appellerais de la belle musique « décorative » écrite un peu dans ce même style polyphonique-cinématographique que nous avons entendu accompagner quelques grands films qui eurent l'honneur immérité d'être projetés à l'Opéra qui, avant tout, doit rester, envers et contre tous, une Académie Nationale de Musique. Suivant plus l'image que la pensée, M. Marcel Bertrand a accompagné le décor d'habiles réminiscences où la musique dont il aurait pu être inspiré cède un peu trop facilement le pas à celle d'autrefois. Pourtant il convient de dire que cette partition renferme quelques jolies pages parmi lesquelles nous citerons « les lettres » de Bonaparte à Joséphine qui rappellent, oh !... mais de très, très loin celles de Werther à Charlotte. Puis il y a la très pittoresque vieille chanson en patois corse Ma chi boli me filiola qui fut applaudie, bissée et que Mme Lucy Arbell chanta délicieusement. Toutes proportions gardées, l'œuvre d'habile compilation musicale de M. Marcel Bertrand — n'avons-nous pas entendu, in extenso, le majestueux final du Te Deum de Lesueur (1763-1837) qui a été bissé, acclamé et qui a magistralement accompagné la parfaite reconstitution scénique du Sacre d'après le célèbre tableau de David ? — me rappelle un peu la Charlotte Corday d'Alexandre Georges qui fut créée au Théâtre Sarah-Bernhardt par Mme Georgette Leblanc, du temps où elle chantait, il y a de cela bien longtemps. L'écueil d'une telle œuvre était de faire chanter Bonaparte-Napoléon. Cet écueil, M. Marcel Bertrand l'a très habilement évité en donnant à ce rôle une formule plus récitative que mélodique dont M. Legrand a su musicalement mettre en valeur la déclamation lyrique. Le principal rôle, celui de Joséphine, a été joué et chanté à la perfection par Mme Ninon Vallin que le public a justement applaudie dans cette création où elle se montra aussi bonne comédienne que chanteuse impeccable. A côté d'elle, il convient d'applaudir tout d'abord Mme Lucy Arbell qui, par amitié pour la femme du musicien, daigna jouer un rôle un peu épisodique, puis Mlles Gélard, Merey, Claudia Belli ; ainsi que MM. Legrand (Bonaparte), Vigneau (Junot), Scapini-Leroux (Talleyrand), qui ont fort bien composé, joué et chanté leurs rôles. De ce grand succès, une part, et non la moindre, revient à la direction de l'Opéra de Nice qui — décors neufs et somptueux, costumes d'une impériale richesse — a superbement monté cette œuvre qu'à la troisième représentation une salle comble a acclamée. Paul Cervière, directeur artistique ; Félix Hesse, directeur de la musique et chef d'orchestre ; G. Dupuis, metteur en scène ; Fiori, chef des chœurs, méritent d'être associés à la réussite de cette belle tentative de décentralisation qui nous fait espérer que M. Pierre Ducis, encouragé par le succès, ne s'en tiendra pas là. Il ne me faut pas oublier, pour la mentionner, la partie cinématographique qui nous a fait voir quelques images assez mal choisies dans Destinée, le film d'Henry Roussell qu'édita M. Decoterly. (V.-Guillaume Danvers, le Ménestrel, 29 mars 1929)
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