Louis PAYEN
Louis Payen en 1913
Pierre Albert Paul LIÉNARD dit Louis PAYEN
écrivain et publiciste français
(Bagard, Gard, 13 décembre 1875* – 10 avenue de la République, Épinay-sur-Seine, Seine [auj. Seine-Saint-Denis], 21 juillet 1927*)
Fils d'Émile Albert LIÉNARD (Alais [auj. Alès], Gard, 03 août 1836 –), propriétaire [fils de Jean-Louis (Alès, 06 décembre 1802 –), propriétaire], et d'Alix Françoise Corali BARBUSSE (1838 –), mariés à Alès le 12 novembre 1858.
Il a lancé et dirigé plusieurs journaux. En 1906, il a participé à la fondation du Nouveau Théâtre d'Art à Paris. On lui doit des poèmes (A l'ombre du portique ; Persée ; les Voiles blanches), des romans (l'Autre femme) et des pièces de théâtre (la Victoire à Orange, 1908 ; la Monnaie de singe, 1912). Il fut secrétaire de Catulle Mendès. En 1925, il devint secrétaire général de la Comédie-Française ; à sa mort, Jean Valmy-Baisse lui succéda à ce poste. Il fut l'organisateur des matinées poétiques de la Comédie-Française et fut nommé chevalier de la Légion d'honneur le 14 janvier 1925.
En 1925, il habitait 90 boulevard du Montparnasse à Paris 14e. Il est décédé, célibataire, en 1927 à cinquante-et-un ans, domicilié 19 rue de l'Odéon à Paris 6e. Il est enterré au Père Lachaise (95e division).
livrets
Tiphaine, épisode dramatique en 2 parties, musique de Valentin Neuville (version flamande, Anvers, 11 février 1899 ; version française, Lyon, 23 janvier 1906) les Esclaves, tragédie lyrique en 3 actes, musique d'Aymé Kunc (Arènes de Béziers, 27 août 1911) [voir ci-dessous] => critique l'Aigle, épopée lyrique en 3 parties, avec Henri Cain, musique de Jean Nouguès (Rouen, 01 février 1912) Carmosine, conte romanesque en 4 actes, avec Henri Cain, musique d'Henry Février (Gaîté-Lyrique, 24 février 1913) Yato, drame lyrique en 2 actes, avec Henri Cain, musique de Marguerite Labori (Monte-Carlo, 28 mars 1913) Cléopâtre, drame passionnel en 4 actes, musique de Jules Massenet (Monte-Carlo, 23 février 1914) => fiche technique Gismonda, drame lyrique en 3 actes, avec Henri Cain, musique d'Henry Février (Chicago, 14 janvier 1919 ; Opéra-Comique, 15 octobre 1919) les Trois Mousquetaires, opéra-comique en 5 actes et 6 tableaux, avec Henri Cain, musique d'Isidore de Lara (Casino municipal de Cannes, 03 mars 1921) Fleur de pêcher, conte lyrique en 1 acte, musique de Mme G.-P. Simon (Nice, mars 1922 ; Opéra, 24 février 1925) la Victoire, tragédie lyrique en 4 actes, avec Henri Cain, musique d'Albert Dupuis (Monnaie de Bruxelles, 28 mars 1923) la Femme nue, drame lyrique en 4 actes, musique d'Henry Février (Monte-Carlo, 23 mars 1929 ; Opéra-Comique, 25 avril 1932)
mélodies
Paysage majeur, musique de Charles Bordes |
les Esclaves
Dès que l'on évoque les spectacles qui se déroulent chaque année dans les arènes de Béziers, un nom s'impose à l'esprit : celui de M. Castelbon de Beauxhostes. On ne peut concevoir en effet la grande semaine dramatique d'août sans ce chorège affable, disert, remuant et généreux, que les Parisiens voient au printemps tenir ses assises dans un café des grands boulevards, qui y résout toutes les difficultés avec une bonne grâce souriante et un mot piqué d'ail, et qui, à Béziers, devient l'âme active et joyeuse de tout le petit peuple réuni autour des auteurs de la pièce nouvelle. C'est à lui que, au nom de Kunc et au mien, doivent aller les premiers remerciements. Qu'il soit le premier aux honneurs, puisqu'il a été le premier à la peine, cette année surtout où il lui a fallu, en même temps que faire monter une œuvre, sauver les arènes de la démolition. Mais tous ces ennuis sont dès maintenant effacés ; M. Castelbon, après une interruption regrettable et malheureuse, reprend la tradition de ces spectacles fastueux, et le sourire est de nouveau sur les lèvres, l'espoir au cœur des poètes et des compositeurs. Durant tout le mois d'août, Béziers a pris ce caractère spécial qui annonce quelque chose de grand !... Des hôtes nouveaux lui sont arrivés... De derrière les portes mal closes, on entend sourdre des rumeurs orchestrales, des bouffées de mélodie ; des bribes d'alexandrins flottent dans l'air et se mêlent aux effluves de l'apéritif ; de jeunes femmes aux pas harmonieux se hâtent vers la salle où les attend le maître de ballet, et là-bas, dans les arènes, une foule de charpentiers, de peintres, cloue, peint, retouche et édifie une ville fantastique et superbe qui dresse vers le ciel étonné l'or de ses palais et de ses temples. Un peu troublés, l'œil fiévreux, le cœur battant, voici les auteurs qui devisent, discutent un détail, s'inquiètent. Castelbon, d'un mot, les rassure et les laisse communier dans l'espoir qui les étreint. Il a comblé en effet tous leurs désirs, satisfait à tous leurs vœux, et, Kunc et moi, nous nous réjouissons en songeant que, même si notre œuvre décevait le public par quelques côtés, il ne pourrait cependant pas se plaindre, puisque la façon dont elle lui sera présentée réservera aux spectateurs de larges compensations !... Dans le magnifique décor de Bailly qui sera un des plus merveilleux que l'on ait encore vus à Béziers, aux harmonies d'un orchestre épanoui sous la baguette savante de M. Nussy-Verdié, on entendra les chœurs célèbres de l'Association des Arènes qui, cette année, auront une tâche particulièrement difficile et importante et qui en triompheront hautement ; au milieu du ballet nombreux et souple, on sera charmé par la légèreté de M. Belloni et surtout par la grâce, la personnalité, le charme de Mlle Pavlova. MM. Altchevsky et Journet feront sonner vers l'azur leurs belles voix et Mlles Campredon et Panis enchanteront les amateurs de bel canto les plus difficiles. Mais la tragédie réclame ses droits !... On ne peut pas être plus belle que Mlle Gilda Darthy, et je ne pouvais rêver pour le personnage de Tamyris d'interprète plus idéale. On la verra dans un rôle où elle pourra déployer tout son harmonieux talent, en montrer des faces insoupçonnées encore, et son succès personnel sera grand. Que Madeleine Roch soit ici remerciée profondément d'avoir bien voulu dérober sa jeunesse sous les traits d'une vieille esclave !... J'avais pensé à sa puissance dramatique, à sa voix sans égale, en écrivant son rôle, et tous mes désirs sont comblés. M. Alexandre, ce sûr et magnifique tragédien, mettra au premier plan la figure du roi Himéral, et M. Joubé aura toute la jeunesse, l'autorité, l'ardeur, l'emballement, la force tragique que réclame son personnage. Avec ce superbe quatuor qu'entourent des artistes remarquables comme M. Louis Bourny, Dupont, Henry Verneuil, les Esclaves sont certains d'être présentés au public dans des conditions exceptionnelles, et l'on dirait que toutes les fées se sont penchées sur leur berceau. Que dire de l'œuvre elle-même ?... Si je lui attache une importance spéciale, c'est qu'elle procède d'une formule qui m'est chère dans la conception que je me suis faite de la tragédie moderne. Ce n'est ni un drame historique, ni un essai de reconstitution de la tragédie antique dans la pureté de sa tradition, ni une interprétation nouvelle de figures héroïques déjà bien connues ; mais, dans le cadre antique, c'est un conflit social, révolte des classes dominées contre les classes dominatrices qui, en se mêlant à une aventure d'amour, m'a paru pouvoir faire de la tragédie une chose actuelle et vivante, capable de séduire et de passionner des spectateurs modernes qu'agitent secrètement de pareils complots. Mais j'aime encore cette œuvre parce qu'elle aura fourni à un musicien d'une rare valeur l'occasion de se révéler tout entier. M. Aymé Kunc, prix de Rome de ces dernières années, arrivera au grand public avec une partition qui le ravira et l'enthousiasmera. Tandis que j'écrivais la pièce à Paris, Kunc composait à Béziers même, sous l'ombrage propice des platanes et des mûriers. C'est tout dernièrement seulement que j'ai connu la musique dont il a honoré mon drame. Ce fut un enchantement et un éblouissement. Voici un musicien de la grande lignée française, en qui la science la plus parfaite s'allie à la mélodie la plus distinguée et la plus personnelle. Je suis certain d'avance du grand et légitime succès qui va l'accueillir ; il ne peut en être autrement et je suis persuadé que la presse réservera ses plus légitimes louanges à ce musicien du plus rare talent. Notre collaboration, qui a été sans nuages, s'achèvera peut-être, je l'espère du moins, dans la joie ; nous attendons avec confiance le jugement du public d'élite qui assiste aux représentations des fêtes de Béziers. Louis Payen.
Louis PAYEN L'auteur des Esclaves est né dans le Gard. Il fit ses études au lycée de Montpellier, se fixa très jeune à Paris et y collabora à toutes les revues de jeunes et plus spécialement à l'Ermitage et au Mercure de France. Poète, il a publié deux volumes de vers : A l'Ombre du Portique et les Voiles Blanches que les grands critiques ont loué hautement. Depuis lors, deux romans : la Souillure et l'Autre Femme, ont affirmé de précieux dons de styliste et de conteur. Mais c'est surtout au théâtre que Louis Payen s'est révélé le plus complètement. On se souvient de l'éclatant succès de sa pièce, la Tentation de l'Abbé Jean. Puis ce furent la Victoire et les Esclaves dont M. Payen entretient lui-même les lecteurs de Musica. Nul doute qu'un nouveau et splendide triomphe ne vienne confirmer les précédentes victoires de cet artiste probe, loyal et désintéressé.
Aymé KUNC C'est un des musiciens les plus jeunes de la brillante école française moderne ; c'est surtout un des mieux doués. Après de très solides études au Conservatoire de Toulouse, où son père fut professeur, M. Aymé Kunc vint à Paris parfaire son éducation musicale ; en 1902 le Prix de Rome lui échut, et dès lors le talent de l'auteur de la partition de scène des Esclaves s'avéra très pur, très solide, tout de beauté excellemment exprimée. Aux Concerts Colonne, aux Concerts Lamoureux, les œuvres de cet artiste reçurent le plus chaleureux accueil. Les Esclaves sont le premier essai au théâtre de M. Aymé Kunc ; avec la sincérité, la distinction d'écriture, les facilités, les moyens dont dispose le jeune compositeur, la belle pièce de M. Louis Payen sera recouverte d'un manteau superbe, aux plis merveilleusement rythmés, dans les plus riches ondulations sonores...
(G. M., Musica, septembre 1911)
|
la Prière pour nos ennemis
(d'après les paroles du Christ au Jardin des Oliviers : "Ô mon père, pardonnez-leur, ils ne savent pas ce qu'ils font")
Vous qui récompensez, dit-on, le sacrifice, Vous qui savez peser et juger l'idéal Dont un peuple se fait le lige et le féal, Vous qui ne voulez pas que l'innocent pâtisse, Vous devant qui l'orgueil du mal n'est pas permis, Lorsque pour nous ainsi que pour nos ennemis, Nous entendons sonner l'heure de la justice, Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
Ils ont souillé de sang les pages de l'histoire ; Trahissant les serments, déchirant les traités. Ils ont fait reculer d'un bond l'humanité Jusqu'au seuil oublié des heures les plus noires, Et lorsque devant eux, en un sublime effort, Un peuple au déshonneur a préféré la mort, Ils l'ont crucifié sans frémir, dans sa gloire. Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
Quand du culte du mal renouvelant les rites, Du soldat et du chef, ils font des assassins, Quand par eux l'incendie en funèbres essaims S'abat sur les cités ; quand, par eux sont prescrites Toutes les infamies, toutes les cruautés ; S'il est vrai qu'au creuset d'amour et de bonté De chaque être ici-bas vous pesez les mérites, Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
Ô vous qu'ils ont osé vouloir mettre à leur tête. Vous, qu'ils osent encore invoquer sans trembler. Seigneur, dans votre jour qui bientôt va briller, De toutes parts sur eux déchaînez la tempête, S'ils se repentent, dédaignez leur repentir. Que vos bontés pour eux refusent de fleurir. Donnez des lendemains sans nombre à leur défaite ! Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
Qu'ils souffrent de la faim, que leur soit révélée Dans leur âme et leur chair la loi du talion. Que le cœur plein de haine et de rébellion, Ils voient de leur pays toute paix exilée, Qu'un jour par des guerriers, nouveaux fils de la nuit, Comme ils l'ont fait chez nous, leurs temples soient détruits, Leurs enfants mutilés et leurs femmes violées ! Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
Abreuvez-les de pleurs. Faites que rien n'efface L'horreur du crime dont palpite l'univers ; Doublez pour eux les maux dont nous avons souffert, Frappez-les, ô Seigneur, d'une main jamais lasse, Jusqu'au jour où, pour délivrer l'humanité Votre juste vengeance, en sa sûre équité, Du monde pour jamais abolira leur race ! Vous qui voyez, Seigneur, leur âme jusqu'au fond, Ne leur pardonnez pas, ils savent ce qu'ils font.
(Louis Payen) |
enregistrement par Sarah Bernhardt le 10 janvier 1918 (Vocalion 22035)
|