MONTROUGE

 

Montrouge, photo atelier Nadar [BNF]

 

 

Louis Émile HESNARD dit MONTROUGE

 

acteur comique et directeur de théâtre français

(74 rue de Richelieu, Paris ancien 2e, 15 mars 1826* – Argenteuil, Seine-et-Oise [auj. Val-d'Oise], 22 décembre 1903*)

 

Fils de Pierre HESNARD (1794 –), marchand de vins traiteur, et d'Élisabeth Rigobert RAPHAREL (1792 –).

Epouse à Paris 17e le 18 avril 1865* Marguerite MACÉ-MONTROUGE (1834–1898), actrice.

 

 

Élève de l'école des Beaux-arts (architecture). S'essaie au théâtre dans une représentation privée : l'Ouvrier de Paris ; un an après entre à Montparnasse, puis reprend son métier d'architecte, et revient enfin au théâtre : joue à Batignolles et à Montmartre : le Roman chez la portière, le Caporal et la Payse, etc. Passe ensuite aux Délassements-Comiques où il invente les "compères" parisiens de revues. Tournée en Italie, puis Folies-Dramatiques, Variétés, Porte-Saint-Martin, Bruxelles. Appelé par le compositeur Hervé pour prendre la direction du théâtre des Folies-Marigny, il en devient seul directeur en 1864, y engage Mlle Macé, qu'il allait épouser, et en 1869 le vend 65 000 francs au ténor Montaubry, se retirant avec un bénéfice de 300 000 francs, et après y avoir créé, entre autres, Ondines au champagne de Lecocq le 03 septembre 1866. Passe aux Bouffes-Parisiens, y créé Boule-de-Neige (le Grand Khan) d'Offenbach le 13 décembre 1871 et le Testament de Monsieur de Crac de Lecocq (Capoulade) le 23 octobre 1871, puis au Palais-Royal, et devient co-directeur du Châtelet (1873). Saisons au Caire (1873-1875). Directeur de l'Athénée (1875-1885) ; y crée Bric-à-brac, le Cabinet Piperlin, Lequel ?, etc. Passe aux Folies-Dramatiques, y crée François les Bas-bleus (le Marquis de Pontcornet) de Bernicat et Messager le 08 novembre 1883 ; Surcouf de Planquette le 06 octobre 1887 ; etc., puis crée diverses pièces à la Gaîté, à la Renaissance, aux Bouffes-Parisiens, etc., et en dernier lieu aux Menus-Plaisirs : Tararaboum-revue (30 décembre 1892). Il a également créé les opérettes suivantes : aux Fantaisies-Parisiennes : le Droit du seigneur de Léon Vasseur le 13 décembre 1878 ; aux Bouffes-Parisiens : Mam'zelle Crénom de Léon Vasseur le 19 janvier 1888, le Valet de cœur de Raoul Pugno le 19 avril 1888, Oscarine (Pavillon) de Victor Roger le 15 octobre 1888, le Mari de la reine (Patouillard) d'André Messager le 18 décembre 1889, Miss Helyett (Smithson) d'Edmond Audran le 12 novembre 1890.

En 1895, il était officier d'Académie et habitait 8 rue Nationale à Argenteuil, où il est décédé en 1903 à soixante-dix-sept ans.

 

 

 

 

Son vrai nom est Hesnard, Montrouge est un surnom que lui a valu la teinte hasardée de sa chevelure Phœbus Apollo. Neveu de Léon Gozlan ; c'était un architecte, chef de bureau dans une compagnie de chemin de fer. Il a construit le Casino de Cabourg Dives, il l'a décoré ; c'est un peintre décorateur et paysagiste à la fois. Il est le créateur du genre de la revue aux Folies-Dramatiques. Rappelez-vous Allez vous asseoir. Il a joué aux Variétés, où il était éclipsé, et en Italie. Fiorentino fit sur lui un article des plus élogieux, et Montrouge ne lui avait rien donné, il ne le connaissait pas. A Bruxelles il a joué le rôle de Laurent dans le Pied de Mouton, c'est là qu'il a connu mademoiselle Macé, aujourd'hui sa femme et directrice des Folies-Marigny. Ce petit théâtre, qui a successivement passé entre les mains de Lacaze le physicien, d'Offenbach et de Goby, de Deshorties, de madame de Chabrillan, depuis sa direction s'appelle Folies-Marigny, fait de brillantes affaires, l'année dernière 40,000 francs nets de bénéfices.

Montrouge est un acteur de talent et plein de finesse ; il est sur les planches à son aise et les connaît mieux que personne. Un faux air de Désiré, des Bouffes ; il a son naturel et sa gaîté, et de plus que lui un jeu honnête et jamais répugnant. Fils de commerçants aisés, son frère est peintre, et le père Hesnard, voyant ses fils se lancer dans les arts, s'est écrié : « Qu'ai-je donc fait, bon Dieu, pour avoir deux artistes dans ma famille ? » Consolez-vous, monsieur, vos enfants vont bien.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Folies-Marigny, 1866)

 

 

Son père était commerçant et le fit entrer à l'Ecole des beaux-arts, où il étudia l'architecture. Un de ses amis ayant eu la fantaisie de monter chez lui une représentation dramatique, Hesnard consentit à jouer le rôle d'une duègne, dans une pièce intitulée : l'Ouvrier de Paris, et son succès dans ce rôle fut tel, que cela fit naître en lui la pensée de se faire comédien. Il entra d'abord au théâtre Montparnasse, qui était alors dirigé par La Rochelle. Quelque temps après, il quitta le théâtre et revint à ses travaux d'architecte ; mais il en fut bientôt las et il s'engagea dans la troupe de Chotel, directeur des scènes de Montmartre et des Batignolles. Pendant les deux années qu'il passa dans cette troupe, il sut conquérir la faveur du public et se fit surtout applaudir dans les deux pièces intitulées : le Roman chez la portière ; le Caporal et la payse. Montrouge passa ensuite aux Délassements-Comiques, où, par son jeu naturel, gai, comique sans jamais tomber dans la charge, il assura le succès de plusieurs pièces-revues, comme Suivez le monde ; Allez vous asseoir ; l'Almanach comique ; Lâchez tout. Il entra ensuite aux Folies-Dramatiques, puis aux Variétés et à la Porte-Saint-Martin. Après une excursion à Bruxelles, il devint en 1864 directeur du petit théâtre des Folies-Marigny et fit jouer sur cette scène des bluettes qui attirèrent la foule, telles que Zut au berger ; Bu... qui s'avance ; la Bonne aventure, ô gué ; etc. En 1869, Montrouge vendit son théâtre à Montaubry et entra aux Bouffes-Parisiens. En 1873, il partagea avec Castellano la direction du Châtelet et, après la reprise de la Faridondaine et de la Tour de Londres, il y créa la Camorra d'Eugène Nus. Après une excursion en Egypte, il prit enfin la direction de l'Athénée et, entre autres créations, y joua le rôle du compère dans De bric et de broc.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1er supplément, 1878)

 

 

 

 

 

Montrouge en 1876

 

 

 

Successivement architecte, peintre, comédien et directeur de théâtre, Montrouge est ce qu'on peut appeler un véritable artiste.

Né à Paris, Louis-Émile HESNARD (au théâtre : Montrouge) était fils d'un commerçant. Son père, Normand pur sang, très sérieux en affaires, avait, sur l'art en général, des idées qui ne le prédisposaient pas à favoriser les goûts de son enfant. « Qu'ai-je donc fait au ciel, pour avoir deux artistes dans ma famille ! » s'écriait-il le jour où son second fils, suivant les traces du premier, s'était entièrement adonné à la peinture !

Cela n'empêcha point que Louis Hesnard n'entra comme élève architecte à l'École des beaux-arts, et n'y fit de sérieuses études dont nous verrons qu'il sut plus tard tirer parti.

Neveu par alliance de Léon Gozlan et élevé chez lui, à Corbeil, où l'auteur de la Main droite et la Main gauche s'était marié, le jeune homme y prit le goût du théâtre, sans jamais songer toutefois à se faire comédien.

Une circonstance allait pourtant, et encore sans qu'il s'en doutât, décider de sa vocation. Il avait alors vingt-six ans environ ; un de ses amis, employé au gaz, habitant la rue Soufflot, montait une représentation dramatique ; la pièce qu’il voulait faire représenter s'appelait : l'Ouvrier de Paris, et il lui manquait une duègne pour jouer le rôle de la mère Matou, garde-malade. Il supplia Hesnard de lui rendre ce service et l'y décida après bien des supplications. Le succès du comédien improvisé fut tel qu'il ne put se soustraire à une ovation, mais il n'eut point alors l'idée de continuer le théâtre ; bien au contraire, il adjura son ami de ne plus avoir recours à lui dans l'avenir.

Ses rapports fréquents avec Gozlan développèrent pourtant, chez lui, si rapidement son amour pour la scène dont il ne se croyait pas alors possédé que, un an plus tard, il allait trouver Larochelle qui venait de prendre la direction du théâtre Montparnasse, et échangeait ses bénéfices de 500 francs par mois contre de modestes appointements de 45 francs pour être à la fois acteur et sous-régisseur. Larochelle lui ayant conseillé de prendre un nom de guerre, Hesnard se rappelant le titre du Marquis de Montrouge que lui avait valu à l'École la couleur ardente de ses cheveux, et débutant, d'autre part, sur le territoire de la commune de Montrouge, choisit ce nom pour pseudonyme à la scène.

La carrière dramatique commencée dans certaines conditions n'a rien de bien encourageant pour l'avenir ; aussi quand, quelquefois, allant donner des représentations à Montlhéry ou à Arpajon, Montrouge était obligé de s'atteler la nuit avec un camarade pour remplacer, au limon, Fend l'air ou Montauciel, les Rossinantes du patron, et ramenait à leur place les décors à Montparnasse, il nourrissait le projet de revenir à ses travaux d'architecte. C'est ce qu'il fit, d'ailleurs, après peu de temps de service à la scène.

Ce fut lui qui, à cette époque, jeta les plans de la fondation de Cabourg. Il n'y avait point alors une seule pelletée de sable remuée sur cette plage ; Montrouge y fit le tracé des rues et construisit le Casino que, cinq ans plus tard, il devait décorer comme peintre.

Au bout d'un an de travaux d'architecture, Montrouge revint à l'art dramatique. Il s'engagea avec Chotel, directeur des scènes de Montmartre et des Batignolles. Son début eut lieu dans cette dernière salle qu'il avait été appelé à restaurer de fond en comble. Aussi, le premier soir était-il très anxieux, non pas tant de savoir s'il obtiendrait un succès d'acteur, mais se préoccupant surtout de son succès d'architecte. Il était d'autant plus perplexe que l'on collait encore le papier au moment où le public faisait queue pour entrer, et qu'il n'avait pu se rendre compte à l'avance de l'effet de la salle. Aussi étant sur la scène et la toile encore baissée, eut-il une émotion singulière quand peu après l'entrée des spectateurs, il entendit retentir dans la salle un immense sifflet. Disons-le de suite : c'était le gaz qui chassait l'air, et non point le mécontentement du public qui se produisait. Au contraire, à peine le rideau levé, Montrouge, alors en scène pour jouer le prologue : Fraîchement décorée, sentit son cœur battre d'un doux orgueil comme architecte et comme artiste, car la salle resplendissait et la foule était rayonnante.

On était alors en 1855. Montrouge resta à Montmartre deux ou trois ans, associé avec Chotel et remplissant les fonctions d'administrateur. Très aimé du public il eut des succès considérables, surtout dans le Roman chez la portière et le Caporal et la Payse.

De Montmartre il va aux Délassements-Comiques du boulevard du Temple, chez Sari, qui faisait de sa scène le théâtre des revues et obtenait un succès qui tenait de l'enjouement. Montrouge fut le compère par excellence de ces sortes de spectacles si goûtés alors ; je citerai parmi les meilleures pièces où il était si amusant : Suivez le monde, Allez-vous asseoir, l'Almanach comique, Lâchez tout, toutes revues qui eurent de 150 à 200 représentations consécutives. Dans une pièce intitulée En Italie, il joua le rôle d'un sergent autrichien qui lui valut les acclamations de la presse entière.

De là, Montrouge entre aux Folies-Dramatiques, puis après avoir passé aux Variétés, il vient remplacer Laurent à la Porte-Saint-Martin, dans le Pied de Mouton. Il y crée alors deux nouveaux tableaux ajoutés par Marc Fournier. Bientôt il permute avec Laurent qui jouait le rôle à Bruxelles, et reste quatre mois dans cette ville, sous la direction de Raphaël-Félix, au théâtre du Cirque transformé aujourd'hui en Alhambra.

Revenu à Paris, il se dispose à quitter de nouveau la scène, lorsque Hervé lui propose de prendre avec lui le théâtre de Mme de Chabrillan au Carré-Marigny, aux Champs-Elysées. Mais, effrayé par la liberté des théâtres qui fut alors octroyée, Hervé abandonna la place et Montrouge resta seul directeur des Folies-Marigny. C'était en 1864.

Il voulut transporter là le genre que Sari avait implanté avec tant de succès aux Délassements‑Comiques, forma une troupe d'acteurs et actrices d'un genre gai et attrayant, dont le premier sujet fut Mlle Macé qu'il avait connue lors de son engagement à Bruxelles et qu'il épousa peu après. Sa pièce de début fut une revue intitulée Zut au Berger, puis suivie de : Bu qui s'avance, la Bonne aventure ô gué, A la Barque ! à la Barque, etc... Le lecteur se demande peut-être pourquoi je souligne ainsi la lettre B ; c'est avec intention ; Montrouge est relativement superstitieux, et après son premier succès il voulut que toutes les pièces jouées aient un B dans leur titre ; de même donnait-il toujours ses premières un vendredi.

En 1869, Montrouge, qui avait pris les Folies‑Marigny en se faisant commanditer d'une somme de 10,000 francs par un marchand de chevaux très connu des Champs-Elysées, lequel lui avait avancé 9,000 francs sur lesquels il en avait redemandé 6,000, ce qui portait la commandite à 3,000 francs, Montrouge, dis-je, versa 65,000 fr. entre les mains de son préteur, et vendit pour 65,000 francs son théâtre à Montaubry, après avoir réalisé pour lui-même un bénéfice de trois cent mille francs. On était en 1869. Montrouge, qui a le flair, voyait la clientèle impériale préoccupée, et comme c'était par elle que les recettes s'alimentaient exceptionnellement, il fut très sage en prenant le parti de vendre.

Devenu administrateur et acteur aux Bouffes‑Parisiens sous la direction Noriac et Comte, il fit quelques petites créations, entr'autres : le Testament de M. de Crac.

Passé au Palais-Royal, il n'y put rien faire et dut, comme Désiré, Delannoy et tant d'autres, renoncer à s'y faire une place qui lui était marchandée en raison d'habitudes invétérées à ce théâtre.

Fin 1873, il partagea avec Castellano le sceptre directorial du Châtelet, y reprit la Faridondaine, la Tour de Londres et y créa la Camorra, d'Eugène Nus.

Il partit ensuite en Egypte avec un engagement brillant au théâtre du vice-roi, au Caire. Là il joua tous les grands rôles comiques du répertoire courant. Son succès y fut si grand que, s'il ne voulut pas consentir à renouveler son engagement, comme Mme Macé-Montrouge qui le signa à nouveau pour deux autres années, c'est qu'il craignit de perdre ses relations parisiennes.

En revenant du Caire, en 1875, il prend la direction de l'Athénée, rue Scribe, qu'il rouvre en 1876. Il relève ce théâtre si malheureux depuis longtemps, en y implantant de nouveau la Revue et en jouant lui-même, avec sa grande autorité, le rôle du Compère dans De Bric et de Broc qui a tenu l'affiche pendant toute la saison d'hiver avec un réel succès.

J'ai tenu à donner, chez Montrouge, la physionomie de l'homme avant celle du comédien, parce que la nature artistique de cet excellent comique a des faces multiples qui constituent, réunies, une personnalité intéressante. D'ailleurs l'acteur est connu de tous. C'est le Compère sans rival de la Revue, le boute-en-train de la Féerie. Il tient la scène avec une rare autorité. Consciencieux à l'excès, toujours en situation, gai, naturel, ennemi de la grosse charge, doué d'une physionomie accentuée, réjouissante, il conduit les acteurs qui l'entourent comme des marionnettes qu'il dirigerait avec des ficelles. Avec lui l'action marche rapidement ; il n'y a pas un trou dans toute scène dont il est un des interprètes, parce qu'il a l'art très précieux et très rare de tenir le public en éveil et de l'intéresser.

D'ici à une quinzaine de jours, Montrouge rouvrira les portes de l'Athénée ; j'ai confiance dans son habileté directoriale comme dans son talent de comédien ; il saura, je l'espère, nous procurer plus d'une bonne soirée amusante et ramènera la franche gaieté que l'on voit si peu s'épanouir aujourd'hui sur nos scènes secondaires.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 17 août 1876)

 

 

 

 

 

Montrouge en 1885 [photo Nadar]

 

 

 

Louis-Émile Hesnard (au théâtre : Montrouge) est né à Paris. Son père, normand pur sang, très sérieux en affaires, avait, sur l'art, des idées qui ne le prédisposaient pas à favoriser les goûts de son fils qui s'adonnait à la peinture. Louis Hesnard, malgré les remontrances paternelles, entra à l'école des Beaux-Arts, où il fit de brillantes études dont il sut tirer parti.

Le jeune homme prit le goût du théâtre chez son oncle Léon Gozlan ; il ne songeait pas encore, toutefois, à se faire comédien. Une circonstance imprévue le décida.

Un de ses amis montait une représentation dramatique, la pièce qu'il voulait faire représenter s'appelait l'Ouvrier de Paris, et il lui manquait une duègne pour jouer le rôle de la mère Matou, une garde-malade. Après bien des supplications, il décida Hesnard à jouer ce personnage. Le comédien improvisé fut très applaudi, on lui fit une ovation. Ce succès ne le décida pas encore à entrer dans la carrière dramatique. Ce ne fut qu'une année plus tard qu'il alla trouver Larochelle, directeur du théâtre Montparnasse ; il abandonna les 500 francs qu'il gagnait chaque mois pour les modestes appointements de 45 francs que devait lui rapporter sa place de régisseur et d'acteur.

En entrant dans sa nouvelle profession, Hesnard prit pour nom de guerre : Montrouge. A l'école des Beaux-Arts, ses camarades l'avaient surnommé Marquis de Montrouge à cause de la couleur ardente de ses cheveux.

Montrouge ne tarda pas à se dégoûter de sa nouvelle carrière qu'il abandonna au bout de quelque temps pour reprendre ses travaux d'architecte.

Cc fut lui qui, à cette époque, jeta les plans de la fondation de Cabourg. Il construisit le casino que, cinq ans plus tard, il devait décorer comme peintre, et dont il devint le directeur ensuite.

Au bout d'un an de travaux d'architecture, Montrouge revint à l'art dramatique. Il signa un engagement avec Chotel, directeur des scènes de Montmartre et des Batignolles et il débuta dans cette dernière salle qu'il avait été appelé à restaurer de fond en comble.

En 1855, Montrouge s'associa avec Chotel ; il continuait cependant à jouer la comédie. Très aimé du public, il eut des succès considérables, surtout dans Un Roman chez la portière et le Caporal et la Payse.

Montrouge fut ensuite engagé par Sari aux Délassements‑Comiques, du boulevard du Temple. On jouait surtout à ce théâtre des revues qui obtenaient un très grand succès. Montrouge inventa alors le Compère. Je citerai parmi les meilleures pièces où il était si amusant : Suivez le monde, Allez vous asseoir, l'Almanach comique, Lâchez tout.

En Italie, il joua le rôle d'un sergent autrichien, qui lui valut les éloges de la presse entière.

Montrouge entra ensuite aux Folies-Dramatiques, puis aux Variétés et de là à la Porte-Saint-Martin, où il remplaça Laurent dans le Pied-de-Mouton. Marc-Fournier ajouta à sa féerie deux nouveaux tableaux à l'intention de Montrouge. Au bout de quelque temps le joyeux compère alla jouer le même rôle à Bruxelles au théâtre du Cirque, transformé aujourd'hui en Alhambra.

Revenu à Paris, Montrouge prit la direction du théâtre Marigny, aux Champs-Élysées. C'était en 1864. Il forma une troupe d'acteurs et actrices d'un genre gai et attrayant, Mlle Macé, qu'il avait connue lors de son engagement à Bruxelles faisait partie de cette troupe. Ce fut peu de temps après son installation qu'il épousa la charmante artiste.

Le théâtre ouvrit avec une revue intitulée Zut au berger, qui fut suivie de Bu qui s’avance, la Bonne aventure o gué, A la barque ! à la barque... etc. Montrouge est très superstitieux. Après son premier succès, il voulut que toutes les pièces aient un B dans leur titre ; de même, ses premières représentations avaient lieu un vendredi et autant que possible le 13 du mois.

Lorsque Montrouge prit les Folies-Marigny, il fut commandité par un marchand de chevaux très connu aux Champs-Élysées, qui lui avait avancé 9,000 francs, sur lesquels il en avait redemandé 6,000. En 1869, voyant que la clientèle allait manquer à cause des préoccupations du moment, l'habile directeur vendit son théâtre à Montaubry pour 65,000 francs, il avait donné depuis longtemps 65,000 francs à son commanditaire et avait réalisé pour lui-même un bénéfice de trois cent mille francs.

Montrouge devint administrateur des Bouffes-Parisiens sous la direction Noriac et Comte, puis il passa au Palais-Royal et en 1873 partagea avec Castellano le sceptre directorial du Châtelet, où il reprit la Faridondaine, la Tour de Londres et créa la Camorra, d'Eugène Nus.

Il partit ensuite au Caire, où il joua tous les grands rôles comiques du répertoire courant ; il ne voulut pas consentir à renouveler son engagement, malgré le grand succès qu'il avait remporté, et revint à Paris, où il prit, en 1875, la direction du théâtre de l'Athénée. Ce théâtre, si malheureux depuis longtemps, ne tarda pas à se relever.

La première pièce qui parut sur l'affiche fut De Bric et de Broc, qui fut jouée tout l'hiver ; le rôle principal était tenu par Montrouge ; il en fut de même dans toutes les pièces qui suivirent : la Goguette, le Cancan, le Cabinet Piperlin, Lequel, monsieur, l'Article 7, le Latin, qui obtinrent en moyenne 200 représentations ; le Cabinet Piperlin en eut même 364.

Le 1er juin 1883, Montrouge fut obligé d'abandonner son théâtre ; il avait réalisé de très gros bénéfices, et il en réaliserait encore de très beaux, mais le propriétaire ne voulut pas se résoudre à faire les réparations exigées par la préfecture de police.

Montrouge fut engagé aux Folies-Dramatiques, où il créa le rôle du maquis de Pontcorné dans François les bas bleus ; puis il alla à la Gaîté, où il joua dans la reprise du Droit du Seigneur. A la Renaissance, où il créa le Voyage au Caucase et le Cornac.

« Montrouge est merveilleux de finesse et de bonhomie dans le rôle de Chapuzot père », écrivait Francisque Sarcey, le lendemain de la première représentation.

Je termine cette biographie sur cet éloge, éloge qu'on put lui décerner après chacune de ses créations. C'est un comédien consciencieux à l'excès, toujours en situation, gai, naturel, ennemi de la grosse charge.

Cet excellent artiste est engagé pour trois ans au théâtre des Variétés, et nous espérons que M. Bertrand saura tirer parti de son talent.

 

(Maurice Predel, Paris-Artiste n° 63, octobre 1885)

 

 

 

 

 

Montrouge [à g.] et Félix Galipaux dans le Voyage au Caucase

 

 

 

 

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