LESAGE
Lesage dans Elisa de Cherubini, gravure de Rousseau, an III
Nicolas LÉONARD DIT LESAGE dit LESAGE
acteur comique et chanteur (trial) français
(Metz, Moselle, 30 juin 1759 – Chantilly, Oise, 02 septembre 1834*)
Epouse 1. à Strasbourg le 17 décembre 1787 Marie Françoise Christine SAULIN dite Juliette LESAGE (Villeneuve-sur-Yonne, Yonne, 1760 – Paris ancien 2e, 10 juillet 1820*), cantatrice au Théâtre Feydeau ; parents d’Augustine HAUBERT-LESAGE (1776–1859), mezzo-soprano.
Epouse 2. Marie Anne Thérèse CASSONET (Orléans, Loiret, 1792 – Paris 18e, 11 décembre 1876*).
Il débuta au Théâtre de Monsieur (Théâtre Feydeau) dès sa création en 1789, où sa femme eut de la vogue, puis il chanta à l'Opéra-Comique où il prit sa retraite le 20 février 1819. Son nom a parfois été écrit Le Sage.
En 1776, il habitait rue de la Jussienne à Paris ; en 1812, 17 rue des Filles-Saint-Thomas à Paris. Il est décédé en 1834 à soixante-quatorze ans et huit mois, en son domicile, rue de Paris à Chantilly.
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Il y débuta le 16 septembre 1801, lors de la fusion des troupes des théâtres Favart et Feydeau.
Il y créa le 17 février 1806 Monsieur Deschalumeaux ou la Soirée de Carnaval (Monsieur Deschalumeaux) de Pierre Gaveaux ; le 09 mai 1807 les Rendez-vous bourgeois (Bertrand) de Niccolo Isouard ; le 30 novembre 1809 le Diable à quatre de Jean-Pierre Solié ; le 30 avril 1814 les Héritiers Michau (Colas) de Nicolas-Charles Bochsa ; le 01 janvier 1816 Un mari pour étrennes (Claude) de Nicolas-Charles Bochsa ; le 24 août 1816 la Bataille de Denain (Alain) de Giuseppe Catrufo ; le 30 juin 1818 le Petit Chaperon rouge (M. Job) de François-Adrien Boieldieu. |
Lesage dans Monsieur Deschalumeaux (Monsieur Deschalumeaux) lors de la création en 1806
L’acteur Lesage, qui vivait misérablement à Chantilly depuis sa retraite du théâtre, vient d’y mourir. Il était âgé de 74 ans. Sa personne était fort recommandable. Nous ne parlerons pas de son talent, même au plus fort de ses succès, à l’époque de M. Deschalumeaux, par exemple, attendu qu’il ne nous a jamais été donné de comprendre ce mérite. Il y a sans doute de la faute de notre organisation. Bon Lesage, que cela ne trouble pas ton sommeil ! (Courrier des théâtres, 11 septembre 1834)
A signaler, en cette année 1834, la mort de Lesage, artiste d'un talent rare qui, dans l'emploi des trials, s'était fait une grande réputation à l'Opéra-Comique après avoir débuté à l'ancien théâtre de Monsieur (Feydeau), dès sa fondation en 1789. Sa carrière n'avait pas été moindre de trente années, car il ne prit sa retraite, regretté de tous, que le 20 février 1819. Excellent musicien et se servant avec habileté d'une voix qui pour tout autre eût été insuffisante, il se faisait remarquer, comme comédien, par un sentiment comique irrésistible et qui restait toujours dans les bornes du goût le plus sûr et le plus raffiné. L'un de ses grands succès était la bouffonnerie légendaire qui avait pour titre Monsieur Deschalumeaux. (Arthur Pougin, la Première Salle Favart et l’Opéra-Comique, le Ménestrel, 07 juin 1896)
C'est à l'amour du Roi pour les arts, à son goût exquis que nous devons l'avantage de voir la musique italienne fixée en France. Depuis près de deux siècles elle cherchait inutilement à s'y établir. Les Français n'étaient pas encore suffisamment préparés pour cette brillante amélioration ; mais, depuis que Sacchini, Gluck et Piccinni nous ont fait entendre leurs belles et admirables compositions, il s'est fait parmi nous une révolution subite ; la langue de Métastase a obtenu plus d'admirateurs, les oreilles se sont faites à l'harmonie ; et bientôt le moment est venu d'ajouter aux brillantes productions des Monsigny, des Grétry, des Martini, celles des Paesiello, des Cimarosa, des Gugliemi, des Bruni, des Sarte et de tant d'autres dont l'Italie s'enorgueillit avec raison. Cette contrée, patrie des beaux arts, riche d'un grand nombre de compositeurs célèbres, possède aussi un grand nombre de Virtuoses dignes de leur servir d'interprètes. Il ne fallait donc, pour naturaliser la musique italienne en France, que la protection d'un grand prince. On la trouva près du trône, dans le frère même du monarque. En 1789 une compagnie d'actionnaires se forma sous ses auspices, appela d'Italie les sujets les plus distingués, obtint, pour s'établir, la salle des Tuileries. On fit l'ouverture de ce nouveau spectacle, le 26 Janvier 1789, sous le nom de Théâtre de Monsieur. On débuta par le Vicende amorose, les Vicissitudes amoureuses, opéra bouffon de Fritta. Les acteurs qui composaient cette troupe étaient Rafanelli, Mandini, Rovedino, Viganoni Mengozzi ; les actrices, mesdames Baletti, Galli (1) et Mandini.
(1) Cette virtuose, pleine de talent, mourut peu de temps après, et fut remplacée par madame Marichelli.
Mais à côté de cet Opéra-Comique Italien, dans la même salle et sous la même administration, on établit un Opéra-Comique Français, qui ne devait jouer que des pièces parodiées sur la musique italienne. Les premiers sujets de cette troupe étaient Gaveaux, Martin, Le Sage, Vallière, etc. ; mesdames Ponteuil, Le Sage, Sainte-Marie et quelques autres qui ont laissé des souvenirs peu durables. La direction générale de ce théâtre était confiée à notre célèbre Martini. Cette entreprise eut le plus grand succès. Le zèle des acteurs égalait leur talent ; nul spectacle ne fut plus suivi en moins de deux ans on vit paraître sur la Scène plus de quatre-vingts ouvrages de différents genres. L'orchestre n'était pas moins recommandable par le grand nombre de musiciens du premier mérite, que la troupe elle-même. On y connut, pour la première fois, l'art si rare d'accompagner. On y vit des artistes du premier talent s'oublier eux-mêmes pour faire valoir le chant, et mettre dans leur exécution un désintéressement, un ensemble, une perfection ignorés jusqu'alors. Le Sage était engagé dans l'Opéra-Comique Français comme taille‑comique. Il joignait au mérite d'être un excellent musicien, celui d'être un acteur d'une naïveté originale et gaie. Nul n'était plus capable que lui de tenir l'emploi des ingénus. Son accent, ses gestes, son costume, sa marche, tout était parfaitement d'accord avec ce genre bouffon. Dès ses premiers débuts il acquit une réputation qu'il a conservée jusqu'à ce jour. Mais l'époque où la musique Italienne était venue s'établir en France, était malheureusement celle où commençaient à naître nos discordes civiles. On attendait tout des états généraux ; on n'en obtint que troubles. Les scènes tragiques ensanglantèrent la capitale, et ne tardèrent pas à ensanglanter le séjour du monarque ; et le Roi, forcé de quitter Versailles, vint au mois d'octobre de la même année occuper le château des Tuileries. L'Opéra Italien fut alors obligé de chercher un asile, et se réfugia provisoirement dans l'ancienne salle des Variétés amusantes à la Foire de Saint-Germain. Ce fut là le commencement de ses tribulations. Cependant les actionnaires ne se décourageaient point : soutenus par la protection du prince et la faveur du public, ils conçurent le projet de bâtir une salle dans la rue Feydeau, et le mirent aussitôt à exécution. C'était construire au milieu des tempêtes ; mais alors on ne se figurait pas tous les maux qui devaient accabler la France, et l'on se flattait de voir prochainement renaître le calme. L'Opéra Italien essaya successivement de s'établir dans un lieu plus digne de lui que la Foire ; mais le nom même qu'il portait le mettait en défaveur auprès des démagogues, et la municipalité timide craignait de lui offrir sa protection. Enfin, après deux ans de contrariétés et d'embarras, il vint prendre possession de sa nouvelle salle. On était en 1791 ; les troubles augmentaient tous les jours ; les Muses ne pouvaient guère se plaire sous ce ciel orageux. Celles d'Italie devaient bientôt perdre leur protecteur. Au mois de Juin de cette année, le Roi, captif depuis près de deux ans, concerta avec son auguste frère, les moyens de se soustraire aux ennemis du trône, et de reconquérir son autorité. Heureux s'il eût pu accomplir ce projet ! Monsieur sortit de France, et dès lors le théâtre qui portait son nom se trouva abandonné à ses propres ressources. C'était la destinée de la révolution de tout détruire. L'Opéra Buffa disparut ; on n'entendit plus ces belles voix qui avaient enchanté la capitale. La Troupe Française seule en concurrence avec l'Opéra-Comique, fut réduite à languir. Cependant elle comptait dans son sein des sujets du premier rang. Elle en acquit de nouveaux ; et, quand les tempêtes révolutionnaires eurent cessé de gronder, elle put encore se montrer avec éclat. Qui ne se rappelle les accents enchanteurs de madame Scio ? Mais, après tant de secousses politiques, deux théâtres du même genre pouvaient difficilement prospérer à Paris. Les meilleurs esprits sentirent la nécessité d'une réunion, et elle se fit en 1801. Dès ce moment l'Opéra-Comique prit une faveur toute particulière. Il possédait quelques Virtuoses dignes de toute la faveur qu'on leur accordait. Martin, Elleviou parmi les hommes ; madame Saint-Aubin, madame Scio parmi les femmes, auraient suffi seuls pour attirer la foule ; il y avait quelques rivalités entre les sujets des deux troupes. C'étaient deux fleuves réunis, dont les eaux conservent encore quelque temps chacune leur couleur. Le Sage ne fut pas toujours à portée de déployer ses talents ; mais comme il en avait beaucoup, et que le mérite est toujours sûr de vaincre les obstacles, on sentit bientôt la nécessité de l'employer, et il reprit promptement dans la faveur publique la place qu'il devait occuper. Nul acteur n'a plus de jeunesse dans un âge qui commence à être avancé. Nul ne sait mieux, comme on l'a déjà dit, prendre l'accent, le geste, et toutes les manières qui caractérisent la sottise, la prétention, ou la naïveté dégénérant en niaiserie. Le rôle de M. Deschalumeaux lui a fourni une nouvelle occasion de déployer ces qualités, moins communes que l'on ne pense ; car il faut de l'esprit pour feindre qu'on n'en a pas. M. Deschalumeaux est une espèce de Pourceaugnac, mais un Pourceaugnac plus élégant que celui de Limoges ; un Pourceaugnac qui veut paraître fin et spirituel, prétention qui ne sert qu'à faire ressortir davantage sa sottise. La voix de Le Sage est un peu maigre, le timbre en est souvent sec ; mais son emploi n'exige rien de plus. Un mérite que personne ne lui conteste, c'est d'être excellent musicien. On doit ajouter qu'à l'avantage d'être un bon comédien, il réunit une qualité bien plus précieuse, celle d'être un bon citoyen. (Galerie Théâtrale, vers 1806)
L'un des meilleurs acteurs qu'ait possédés l'Opéra-Comique, où il fournit une carrière de trente années, débuta au théâtre de Monsieur, lors de sa fondation en 1789, dans l'emploi de tailles comiques, que Trial avait illustré à la Comédie-Italienne, et s'y fit aussitôt remarquer. Il n'avait que peu de voix, mais il s'en servait très bien, étant excellent musicien, et son talent de comédien était des plus remarquables. Lors de la réunion des deux troupes d'opéra-comique dans la salle de Feydeau, il se fit une position brillante, et peu d'années après un critique en parlait ainsi : « Lesage est à la lettre un excellent acteur, d'une utilité très grande, surtout depuis que l'Opéra-Comique a eu le malheur de perdre l'estimable Dozainville. Lesage seul fait la fortune de Monsieur Deschalumeaux, folie de carnaval, qui, sans le talent extraordinaire qu'il y a déployé, n'eût point franchi les bornes de ce temps consacré à la grosse joie. La pièce est longue, et M. Deschalumeaux occupe presque toujours la scène : Lesage trouve pourtant le moyen de faire rire le public depuis le commencement jusqu'à la fin. Cet acteur joue les niais et les caricatures, mais avec esprit et bonhomie. Son genre est très supérieur à celui de Baptiste cadet, de Brunet, de Talon ; aussi a-t-il la réputation de premier talent, qui ne s'accorde pas facilement à l’acteur livré à ce genre, dans lequel il est si facile d'obtenir des succès. » (Opinion du parterre, 1807). Lesage avait commencé sa réputation dans quelques pièces du Cousin-Jacques : la Petite Nanette, Jean-Baptiste, le Club des bonnes gens ; il la soutint dans plusieurs autres ouvrages, Avis au public, l'Emprunt secret, et surtout dans Cadichon et les Comédiens ambulants, pièces où, en dehors de ses qualités scéniques, il faisait applaudir un talent remarquable de violoniste. Il continua d'être un des favoris du public jusqu'à sa retraite, qui eut lieu le 20 février 1819. Il n'était pas moins estimé comme homme que comme artiste. Sa femme, née Marie-Françoise-Christine Saulin, mais connue sous le nom de Mme Juliette Lesage, débuta en même temps que lui au théâtre de Monsieur, dans l’emploi des secondes chanteuses, obtint pendant quelques années un succès de vogue, et prit ensuite l'emploi des jeunes mères. C'était une artiste estimable, douée d'une voix agréable, mais sans grande originalité. Sa carrière fut courte, car en 1798 ou 1799, elle quitta la scène. Elle mourut le 10 juillet 1820. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1880)
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