Antoinette LEMONNIER
Thérèse Louise Antoinette REGNAULT dite Antoinette LEMONNIER
soprano français
(paroisse de Saint-Louis, Brest, Finistère, 23 août 1787* – Saint-Sever, Calvados, 04 avril 1866*)
Fille de Jacques Louis REGNAULT, maître écrivain, et de Geneviève Elisabeth MARCHAND.
De sa liaison avec François-Adrien BOIELDIEU, compositeur, est né Adrien-Louis-Victor BOIELDIEU (Paris ancien 3e, 03 novembre 1815* – Quincy-sous-Sénart, Seine-et-Oise [auj. Essonne], 09 juillet 1883*), compositeur.
Epouse en 1817 Louis-Augustin LEMONNIER (1792–1875), ténor ; parents de Gabriel LEMONNIER (Rouen, 14 mai 1808 – Paris 16e, 16 juillet 1884*), joaillier [épouse 1. à Paris le 12 juin 1841 Pauline Jeanne Simone BOUSIGUES (voir ci-dessous), parents de Georges Louis Augustin LEMONNIER (1844 – 1870) ; épouse 2. à Paris ancien 2e le 24 août 1846 Sophie REYGONDO-DUCHATENET (1822–1880), parents de Marguerite Louise LEMONNIER (Paris, 01 mars 1848 – Paris 16e, 30 novembre 1904*), épouse à Gometz-le-Châtel, Seine-et-Oise [auj. Essonne], le 24 août 1871* Georges Auguste CHARPENTIER (Paris, 24 décembre 1846 – Paris 16e, 15 novembre 1905*), éditeur] ; et d’Augustin Ferdinand LEMONNIER (1824–1826).
Elle fut une des actrices et des cantatrices les plus justement renommées de l'Opéra-Comique. Elle avait eu pour maître de chant Roland, qui avait joué l’emploi de baryton-martin sur le grand théâtre de Rouen. Elle débuta, âgée de seize ans, au premier théâtre de Rouen, dans le Prisonnier et Maison à vendre, et resta quatre ans en cette ville, d'où un ordre du surintendant des théâtres la fit venir à Paris pour débuter à l'Opéra-Comique. Elle y parut avec succès, sous le nom de Mlle Regnault, le 16 décembre 1808, dans Isabelle et Gertrude et le Jugement de Midas. Sa rivalité à ce théâtre avec Mme Duret-Saint-Aubin – rivalité tout amicale – est restée célèbre, et l'on sait que, tandis que Boieldieu écrivait surtout pour elle, Niccolo écrivait surtout pour la seconde. Elle épousa, en 1817, un de ses camarades de l'Opéra-Comique, Lemonnier, et créa avec succès un nombre considérable d'ouvrages, parmi lesquels Cendrillon, l'Enfant prodigue, Jean de Paris, le Nouveau Seigneur de village, Jeanne d'Arc, Leicester, Danilowa, Joséphine, etc. L'empereur Napoléon Ier prisait beaucoup son talent. Madame Lemonnier, qui joignait à une figure charmante une voix délicieuse et un incontestable talent, prit sa retraite, dans toute la force de l'âge, en 1828, et, environ dix années après, lorsque son mari eut pris sa retraite à son tour, elle alla habiter avec lui à Saint-Sever, où elle est morte en 1866 à l'âge de soixante-dix-huit ans. Elle est la mère du compositeur Adrien Boieldieu, né de sa liaison avec l'illustre compositeur. Avec Lemonnier, elle eut un fils qui fut joaillier de la couronne sous le second Empire, et dont la fille épousa Georges Charpentier, l’éditeur-libraire bien connu.
Sa belle-fille, Pauline Jeanne Simone BOUSIGUES dite Pauline BOUSIGUES-LEMONNIER, soprano (1810 – 1845), enterrée au cimetière de Montmartre le 14 novembre 1845, a débuté à l'Opéra-Comique le 25 avril 1827 dans le Petit Chaperon rouge (Rose d'Amour). Elle y créa le 09 juillet 1827 les Petits appartements (Béatrix) d'Henri Montan Berton.
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Elle y débuta salle Feydeau le 16 décembre 1808, dans Isabelle et Gertrude (Isabelle) et le Jugement de Midas (Lise).
Elle y créa salle Feydeau le 30 novembre 1809 le Diable à quatre de Jean-Pierre Solié ; le 22 février 1810 Cendrillon (Zisbé) de Niccolo Isouard ; le 24 janvier 1811 le Charme de la voix (Lisette) d'Henri Montan Berton ; le 23 novembre 1811 l’Enfant prodigue de Pierre Gaveaux ; le 04 avril 1812 Jean de Paris (la Princesse de Navarre) de François-Adrien Boieldieu ; le 29 avril 1813 la Chambre à coucher (Mme de Guise) de Luc Guénée ; le 29 juin 1813 le Nouveau Seigneur du village (Babet) de François-Adrien Boieldieu ; le 13 septembre 1813 Valentin ou le Paysan romanesque (Marie) d'Henri Montan Berton ; le 30 avril 1814 les Héritiers Michau (Suzette) de Nicolas-Charles Bochsa ; le 28 février 1815 Félicie de Giuseppe Catrufo ; le 17 novembre 1818 la Fenêtre secrète (Mme de Florville) d’Alexandre Batton ; le 10 mars 1821 Jeanne d’Arc ou la Délivrance d’Orléans de Michele Enrico Carafa ; le 16 août 1821 le Philosophe en voyage (Amélie de Marsan) de Frédéric Kreubé et Louis-Barthélemy Pradher ; le 25 janvier 1823 Leicester (Elisabeth) d’Esprit Auber ; le 30 mai 1826 le Timide (Valmont) d'Esprit Auber ; le 09 juillet 1827 les Petits appartements (la Baronne) d'Henri Montan Berton ; le 10 janvier 1829 la Fiancée (Mme Charlotte) d’Esprit Auber. Elle y créa salle Ventadour le 23 avril 1830 Danilowa d’Adolphe Adam ; le 02 décembre 1830 Joséphine ou le Retour de Wagram (Joséphine) d’Adolphe Adam.
Elle y participa salle Feydeau à la première le 12 octobre 1812 de la Jeune femme colère de François-Adrien Boieldieu ; le 29 avril 1820 des Voitures versées (Madame de Melval) de François-Adrien Boieldieu.
Elle y chanta salle Feydeau la Belle Arsène ; le Déserteur (Louise) ; Félix (Thérèse) ; Pierre le Grand (Catherine). |
Mlle Regnault [Antoinette Lemonnier] dans le Jugement de Midas (Lise) en 1808
Avant de paraître sur le théâtre de l'Opéra-Comique, mademoiselle Regnault avait déjà obtenu de brillants succès sur le théâtre de Rouen. Le public de cette ville est, comme l'on sait, sinon fort éclairé, du moins fort difficile. On l'a vu souvent juger, et qui pis est, siffler des acteurs qui avaient acquis quelque célébrité dans la capitale. Il est donc, je ne dirai pas glorieux, mais flatteur d'avoir su plaire à un juge sévère. A quels Vandales mademoiselle Regnault pourrait-elle ne pas plaire ? Elle est du petit nombre des artistes qui, plaisant à la masse générale, plaisent encore aux connaisseurs ! Comment, en effet, n'être pas ravi d'entendre à la fois une voix pure et légère conduite avec une excellente méthode. Lorsque l'on vit débuter mademoiselle Regnault, c'est, je crois, vers les derniers jours de 1808 : on avait fait, et l'on allait faire, à l'Opéra-Comique, des pertes qui semblaient impossibles à réparer, il ne fallait rien moins que son talent pour adoucir des pertes aussi réelles. Mademoiselle Phylis, cette fine et séduisante actrice, était partie pour la Russie ; madame Duret, après des débuts fort brillants, s'était éloignée du théâtre ; on parlait vivement de la retraite de madame Saint-Aubin, dont le talent depuis vingt ans faisait les délices des amateurs de l'Opéra-Comique ; et la bonne madame Gonthier sentait le besoin de se reposer de sa longue carrière théâtrale. Il fallait donc des recrues bien heureuses pour aider à remplir un pareil vide ! De toutes les personnes appelées à cette époque pour remonter la troupe, mademoiselle Regnault fut la seule jugée digne d'y figurer, et MM. les comédiens se montrèrent sages de s'attacher un tel sujet. Elle parut pour la première fois dans le rôle d'Isabelle, d'Isabelle et Gertrude, ancien opéra-comique, que M. Martini a rajeuni depuis quelques années par une nouvelle musique, et dans celui de Lise, du Jugement de Midas. Ce dernier rôle, créé originairement par mademoiselle Billioni, loin de suivre la loi généralement reçue au théâtre, qui donne toujours l'avantage et laisse regretter l'acteur qui primitivement l'a monté, parut neuf par le jeu fin et piquant qu'elle lui donna : talent rare, qui ne se rencontre presque jamais chez nos cantatrices, qui toutes semblent dire, après avoir chanté un grand air, à ceux qui les écoutent sans les couvrir d'applaudissements : Eh bien ! à quoi donc pensez-vous ? N'avez-vous pas entendu de beaux élans de voix ? Mes roulades ne sont-elles pas achevées ? Que vous faut-il encore ?... Que nous faut-il ? Du jeu, de l'âme, sinon ne chantez que dans les concerts. La foule fut peu nombreuse au premier début de mademoiselle Regnault, il avait été annoncé à peine sur les affiches ; et nos journaux, sans lesquels il n'est plus de réputation, avaient imité cette belle discrétion. Mais on peut dire que si l'assemblée fut petite, elle était du moins choisie ; on y distinguait beaucoup d'auteurs et de compositeurs, qui tous applaudirent la dernière venue. Grétry fit plus ; car, après avoir applaudi comme tout le monde, surtout cet air qu'elle chanta si bien :
Toi qui fais naître dans mon âme, etc.
il écrivit à la débutante une lettre de félicitation, dans laquelle il lui disait entr'autres choses flatteuses : Que son chant était pur comme un beau rayon de soleil ! Grétry n'était pas naturellement louangeur ; pour s'en convaincre, il ne faut que lire ses Mémoires ou Essai sur la Musique ; mais Grétry était connaisseur, et se plaisait à rendre hommage au talent et à l'encourager. Dans le Jugement de Midas, les rôles de Lise et de Chloé ont de la gentillesse et de la coquetterie, sans doute beaucoup plus que n'en devraient avoir deux jeunes villageoises ; mais on excuse cette licence. Les deux jeunes paysannes ont le désir de plaire ! et à qui ? à un berger charmant, puisque ce berger n'est autre que le Dieu des Beaux-Arts ! Elles doivent donc mettre toute la séduction possible pour se faire remarquer du divin exilé. L'art de plaire est un art commun à toutes les femmes ; le beau sexe semble l'étudier aussitôt que celui de la parole ; il se rencontre indistinctement depuis le hameau jusqu'au palais ; cependant on pourrait faire un léger reproche à mademoiselle Regnault, c'est de jouer le rôle de Lise plutôt en petite maîtresse qu'en piquante villageoise ; mais ce défaut, loin de nous paraître blâmable, nous charme nous autres Français ! Nous voulons que l'art embellisse encore la nature ! On a vu successivement paraître mademoiselle Regnault dans la Belle Arsène ; ce rôle est une espèce de pierre de touche pour une débutante ; cependant, au lieu d'or que l'on cherchait, on a trouvé une perle dans la nouvelle actrice. En suite elle a joué le rôle de Louise, du Déserteur ; celui de Thérèse dans Félix ; puis, Catherine dans Pierre le Grand, etc. Dans tous elle a mérité des applaudissements unanimes, et a vu de jour en jour le public mettre plus d'empressement à la venir voir. Il ne manquait plus à mademoiselle Regnault que de créer de nouveaux rôles pour être jugée et classée en dernier ressort par les Aristarques du théâtre. Le premier qu'on lui confia fut Zisbé, de Cendrillon. L'on doit se rappeler le prodigieux succès qu'eut cet opéra-comique, où la foule ne cessa d'aller qu'après plus de cent représentations. Ce succès est facile à expliquer ; la manière ingénieuse dont les auteurs distribuèrent les rôles doit entrer pour beaucoup dans cette étonnante vogue. C'était la première fois que l'on réunissait, dans un même ouvrage, les talents de mademoiselle Regnault et de madame Duret, qui venait de rentrer au théâtre enfin, mademoiselle Alexandrine Saint-Aubin, chargée du rôle de Cendrillon, était à la fin de ses débuts, qui avaient été fort suivis ; on la voyait avec d'autant plus de plaisir qu'elle rappelait, souvent à s'y méprendre , madame Saint-Aubin, qui venait de se retirer. Cet assemblage fut un véritable coup de fortune pour les auteurs et pour le théâtre. La Marquise, du Diable à quatre, fut le second rôle confié à mademoiselle Regnault. Ce charmant opéra-comique, de Sedaine, remis en scène avec toute l'adresse possible, eut aussi un brillant succès ; et madame Gavaudan et mademoiselle Regnault en méritèrent une bonne part. Depuis ce temps , dans presque toutes les pièces nouvelles, les auteurs s'empressèrent de lui offrir des rôles ; elle créa successivement la Princesse de Navarre dans Jean de Paris ; Babet, du Nouveau Seigneur ; puis, la Jeune femme colère et Félicie ; enfin, elle en créa encore plusieurs autres qui ne sont plus présents à ma mémoire, les pièces n'étant pas restées au répertoire, ou bien y paraissant rarement. Dans la Jeune femme colère, jolie comédie de M. Etienne, jouée originairement sur le théâtre de l'Odéon, et qui n'a paru à l'Opéra-Comique que pour faire connaître la charmante musique qu'un de nos plus agréables compositeur y adopta, lors de son séjour en Russie, mademoiselle Regnault a déployé un véritable talent comme comédienne. Indépendamment des éloges accordés au chant et au jeu de l’aimable actrice dont nous donnons ici la notice, on peut en ajouter de nouveaux pour son zèle infatigable ; nous pouvons donc l'assurer qu'elle se lassera plutôt d'exercer son talent, qu'elle paraît aimer beaucoup, que nous de lui prodiguer des applaudissements. (Galerie Théâtrale, 1815)
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Madame Charpentier ses enfants par Auguste Renoir (1878) [Metropolitan Museum, New York]
[Marguerite Lemonnier, petite-fille d'Antoinette Lemonnier, épouse de l’éditeur Georges Charpentier, et ses enfants : Georgette-Berthe Charpentier (1872-1945) et Paul-Emile-Charles Charpentier (1875-1895)]