Pierre LALO
Pierre LALO
critique musical français
(rue de Saint-Germain, Puteaux, Seine [auj. Hauts-de-Seine], 06 septembre 1866* – Paris 18e, 09 juin 1943*)
Fils d’Édouard LALO (1823–1892), compositeur, et de Julie Marie Victoire BERNIER DE MALIGNY.
Epouse à Paris 8e le 20 septembre 1904* Noëmi Mathilde Émilie FUCHS (Paris 6e, 18 février 1870* – 22 rue de Tocqueville, Paris 17e, 18 juillet 1911*), fille de Philippe Jacques Edmond FUCHS (Strasbourg, Bas-Rhin, 01 avril 1837 – Paris 6e, 07 septembre 1889*), ingénieur des mines, et de Henriette Emma Hippolite LEDOUX (1842 – ap. 1911).
Il collabora à divers journaux : la Revue de Paris, le Journal, le Courrier musical, Comœdia, de façon intermittente, mais, de 1898 à 1914, il tint la chronique musicale hebdomadaire du Temps. Fidèle à ce journal, il reprit plus tard une collaboration que la guerre avait interrompue, sous forme de Souvenirs. Il mit, sa vie durant, l’étendue de sa culture, la qualité de son style et la lucidité de ses jugements au service de la musique française. Membre des conseils supérieurs du Conservatoire et de la Radiodiffusion, il put donner, à ce titre, maint avis éclairé. Certains de ses articles ont été réunis en différents ouvrages : la Musique (1898-1899), Richard Wagner ou le « Nibelung » (1933), De Rameau à Ravel (1947).
En 1904, il habitait 2 avenue Friedland à Paris 8e ; en 1911, 22 rue de Tocqueville à Paris 17e. Il est décédé en 1943 à soixante-seize ans en son domicile, 20 rue Duc à Paris 18e. Il est enterré au Père-Lachaise (67e division).
=> Moussorgski et Boris Godounov par Pierre Lalo (programme du Théâtre des Champs-Elysées, 24 mai 1913)
livrets
Snégourotchka ou la Fleur de neige, conte de printemps en 1 prologue et 4 tableaux, version française de Pierre Lalo, musique de Nikolaï Andreïevitch Rimski-Korsakov (Opéra-Comique, 22 mai 1908) |
Adieu à Pierre Lalo.
Une brève dépêche nous a appris la mort de Pierre Lalo, à Paris, il y a déjà quelques jours, et pour tardives que puissent paraître ces lignes, elles n'en veulent pas moins apporter à l'éminent musicien qui vient de disparaître le reconnaissant hommage dû à ce juste, dont toute la vie fut consacrée à servir l'harmonie du Beau et du Vrai. Léon Daudet a signalé à plusieurs reprises quelques-uns des magnifiques articles que Lalo avait publiés au Temps ces deux dernières années. Il avait donné là — après toutes celles parues dans ce même journal — une éblouissante série de jugements sur la musique et les musiciens. Il semble qu'avant de mourir cette belle flamme ait voulu monter bien haut, et qu'avant de se consumer elle ait voulu répandre généreusement ses dernières lueurs sur ce domaine musical, que le grand talent de Pierre Lalo a considérablement éclairé — « esclargi », comme l'on dirait mieux et plus exactement dans la langue de Mistral. C'est trop peu de dire de Pierre Lalo qu'il était critique musical. C'est surtout vite dit et trop légèrement. Il était l'intelligence musicale même. Il comprenait là où certains hésitaient. Il expliquait avec une clarté remarquable là où certains, s'embarrassant de paroles creuses, n'apportaient que confusion. « La musique ne s'explique pas », a-t-on justement dit. Sans doute. Mais elle implique une éducation. Comme pour l’invu, l'inouï exige une disposition préalable permettant de saisir toutes les intentions de l'artiste, si l'on ne veut le méconnaître ou le trahir. Pierre Lalo détenait à cet égard un don unique. Il avait certes de qui tenir, bon sang ne sachant mentir, mais, s'il était un juge hors de pair de la chose musicale, il a également prouvé qu'il en était un de la chose publique, et qu'il savait défendre les idées vraies et les hommes aussi bien que la vraie musique et les musiciens. En écrivant cela on ne peut s’empêcher d'évoquer la douloureuse épreuve que l'Action française souffrit pendant treize ans : la pénible affaire religieuse qui prit fin au jour de la Saint-Henri, le 15 juillet 1939, grâce à la sainte, à l'admirable intervention, qui, du Carmel de Lisieux jusqu'au Vatican, établit le pieux circuit, d'où devaient jaillir salut et lumière. — Que vient faire ici notre critique musical ? Ce n'est pas à nos lecteurs, à toute la grande famille d'Action française qu'il faut rappeler avec quel cœur et avec quel courage Pierre Lalo était intervenu, peu auparavant, le plus simplement du monde. Habitué à juger et à bien juger, il ne pouvait concevoir ni admettre l'inharmonie. Ayant examiné les textes, analysé leur contenu et confronté les jugements, il apporta dans la critique de ces douloureux débats sa haute probité intellectuelle. En deux longs articles parus dans Comœdia quelques années après le début de la crise entre Rome et l'Action française, — et reproduits dans les Documents nationaux (aujourd'hui disparus) puis dans notre journal même, — il démontra aussi lucidement et aussi clairement qu'il eût analysé une œuvre musicale la cruelle dissonance, la regrettable fausse note qu'il discernait dans cet état de choses. Et il dit son inquiétude et sa douloureuse surprise avec la fermeté et l'assurance dont il faisait toujours preuve quand il s'agissait de défendre une cause juste. D'ailleurs, dans toutes les batailles où l'intérêt français était en jeu on savait que l'on trouverait Pierre Lalo du bon côté de la barricade. Les fervents et heureux auditeurs des premières représentations de Pelléas et Mélisande, en ce printemps de 1902 où se livra une bataille artistique digne de celle d'Hernani, peuvent dire que notre Claude de France n'eut pas de meilleur défenseur que Lalo. Avec Vincent d'Indy et Gaston Carraud il fut le soutien le plus sûr de Debussy et l'un des très rares critiques à discerner avec quel génie l'auteur de Pelléas venait de doter le monde musical d'une œuvre qui le bouleverserait et qui, exprimant enfin à merveille les délicatesses subtiles et raffinées de l’âme et de l'art français, assurait à notre pays une place que depuis trop longtemps l'étranger lui avait ravie. Dans le domaine musical, Debussy a illustré très exactement ces principes de la France seule que Maurras défend et enseigne depuis bientôt un demi-siècle. Lalo a été le premier en somme à découvrir en Debussy un nationaliste intégral de la musique française. Sans doute faut-il voir là l'un de ces étonnants intersignes que Léon Daudet se plaisait à relever dans certaines conjonctions des idées et des hommes, des faits et des choses. Pierre Lalo, défenseur de l'Action française en de telles circonstances, continuait tout naturellement la ligne et l'action du Pierre Lalo affirmant quelque trente ans plus tôt, à peu près seul contre tous les calomniateurs, la beauté et la grandeur de l'œuvre debussyste. « L'Opéra-Comique, écrivait-il au lendemain du 30 avril 1902, a représenté une œuvre d'une nouveauté et d'une beauté singulières. Elle a été accueillie comme elle devait l'être, par la surprise, le scandale, la raillerie et l'hostilité. » Éloignés que nous sommes de nos précieuses archives, il est malaisé de reproduire quelques textes extraits des deux articles de Lalo auxquels je fais allusion plus haut. Mais ces textes, si ma mémoire ne me trahit point, ne sont pas très différents de ceux où il défendait Pelléas contre d'aveugles critiques. Il soulignait l'incompréhension de certains pour « la contre-révolution spontanée » menée en politique par Maurras et l'Action française de la même manière qu'il avait flétri les absurdes critiques de la contre-révolution musicale debussyste. Ces réminiscences nous ont assaillis... et nous ont entraînés un peu loin de nos propos musicaux. Mais il convenait avant tout, en rappelant le souvenir de l'excellent écrivain qui vient de disparaître, de déposer sur sa tombe fraîchement recouverte le juste hommage dû ici au bon citoyen avant celui que l'on doit au parfait musicien.
(Noël Boyer, l’Action française, 26 et 27 juin 1943)
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