Ernest GRENET-DANCOURT

 

 

 

Ernest Louis Antoine GRENET dit Ernest GRENET-DANCOURT

 

acteur et auteur dramatique français

(Paris ancien 10e, 21 février 1854* – Paris 9e, 10 février 1913*)

 

Fils de Louis Damase GRENET (Ancourt, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 11 décembre 1827 – Ancourt, 16 septembre 1872*), cuisinier [fils de Louis Charles GRENET (Ancourt, 20 mars 1797 – Ancourt, 16 novembre 1875*)], et de Marguerite Antoinette SOREL (Paris ancien 1er, 07 février 1828* – Fleury-Mérogis, Seine-et-Oise [auj. Essonne], 15 septembre 1912*), couturière, mariés à Paris ancien 10e le 10 mai 1853*.

 

 

Elevé à Ancourt (Seine-Maritime), il prit le pseudonyme de Grenet-Dancourt. D'abord maître d'études, puis commis de banque, il se fit acteur, et joua à l'Odéon. Il débuta comme auteur par des monologues, propagés par Coquelin cadet et Félix Galipaux, et dont un certain nombre a été réuni sous les titres de Monologues comiques et dramatiques (1887), Choses à dire (1909). On lui doit un grand nombre de petites comédies et de vaudevilles, pleins de verve gauloise et de bonne humeur, qu’il a donné à différents théâtres parisiens. Nous nous bornerons à citer : Rival pour rire, en vers (1881) ; les Noces de Mlle Loriquet (1883) ; Trois femmes pour un mari (1884), qui eut un succès prolongé ; Rigobert (1887) ; les Mariés de Mongiron (1888) ; Trop aimé (1889) ; le Voyage des Berluron (1893) ; Norah la dompteuse (1894) ; Jour de divorce (1895) ; Ceux qui restent (1898) ; Ceux qu'on trompe (1900) ; les Gaietés du veuvage (1903) ; l'Assassinée (1904), d'après une nouvelle de Gaston Bergeret. Il fut vice-président du Club des Hydropathes. Il a été fait chevalier de la Légion d'honneur le 14 décembre 1900.

En 1905, il habitait 3 rue Milton à Paris 9e, où il est décédé en 1913, célibataire, à cinquante-huit ans. Il est enterré au cimetière de Fleury-Mérogis (Essonne).

 

 

 

livrets

 

le Mari de la Reine, opérette en 3 actes, avec Octave Pradels, musique d'André Messager (Bouffes-Parisiens, 18 décembre 1889) => fiche technique

le Moulin de Javelle, opérette en 1 acte, musique de Paul Henrion (Eden-Concert, 13 avril 1894)

Monsieur Mars et Mademoiselle Vénus, opérette en 1 acte, avec Hippolyte Bedeau, musique de Paul Henrion (Eden-Concert, 27 octobre 1894)

les Amoureux de Venise, grand ballet pantomime en 1 acte et 4 tableaux, avec Egidio Rossi, musique de Henri José (Casino de Paris, 23 décembre 1896)

 

mélodies

 

la Kraquette, chanson, avec Georges Nanteuil, musique de Justin Clérice (1906)

Si j'avais vos ailes !, valse chantée, avec Octave Pradels, musique d'André Messager (vers 1890) => fiche technique

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par ci, Par là, revue d'actualité d'Ernest Grenet-Dancourt et Octave Pradels, publiée dans les Annales politiques et littéraires n°1463 du 09 juillet 1911

 

 

 

 

Le sentiment gai qui anime les pièces de M. Grenet-Dancourt, le sel français qui pétille partout dans ses actes, la bonhomie, l'humour et surtout l'esprit de ses monologues et de ses poèmes ont rendu cet auteur très populaire. Avec M. Grenet-Dancourt nulle trivialité, aucune bassesse dans le talent mais dans toutes ses œuvres un éclat de rire heureux, spontané, né de l'ironie, du caractère des personnages, du choix des situations. Aucun art n'est, moins que celui-ci, artificiel. Le sens de la drôlerie, chez l'auteur de Trois femmes pour un mari, sans se perdre en déformations, atteint toujours, par la netteté, la vraisemblance, l'originalité de l'observation, au comique des bonnes pièces de nos classiques.

M. Grenet-Dancourt subit extrêmement jeune la fascination du théâtre. A peine eut-il achevé ses études au lycée Saint-Louis, que la vocation, la vocation irrésistible de l'art dramatique, s'imposa à lui avec cette force que jadis connurent Molière et Aristophane. Bien que ses moyens de vivre fussent très limités et que le courageux débutant fût dans l'obligation de partager ses jours et ses nuits entre les leçons de français, d'anglais, de mathématiques et les copies de rôles, il trouva encore le temps de se livrer, sous les conseils de Pierre Albert, un ancien artiste du Gymnase et ceux de Léon Ricquier, à l'étude de la déclamation. Peu de temps après, le futur auteur gai — comme M. Bertrand Millanvoye l'a écrit — « fit ses premiers pas devant le public, dans des cercles, concerts de bienfaisance, sociétés diverses, etc., et passa tout un hiver au théâtre des jeunes artistes de la rue La Tour d'Auvergne, où il eut, entre autres, pour partenaires Galipaux, Philippe Garnier et Peutat. » Admirablement dévoué à son art, plein du feu de ses débuts M. Grenet-Dancourt organisa lui-même des matinées dominicales classiques dans les théâtres de Grenelle, Montparnasse et des Gobelins. Le délicieux auteur de tant de piquantes fantaisies, de tant de charmants chefs-d’œuvre n'hésita pas à paraître lui-même, tant à Paris qu'en province, dans les rôles de l'École des femmes, du Malade imaginaire, du Médecin malgré lui, à côté de Mmes Reichenberg, Marsy, de MM. Coquelin et Barral de la Comédie-Française.

L'un des fondateurs, avec Émile Goudeau, du cercle des Hydropathes, cet intéressant cénacle d'art qui compta dans ses rangs les plus talentueux humoristes et rimeurs de ce temps, M. Grenet-Dancourt, s'y révéla, dans quelques-uns de ses monologues si remplis de verve et de bonne humeur, l'un des plus pétillants et curieux poètes de l'esprit moderne. Une pièce en un acte, qui est restée une très jolie œuvre : le Rival pour rire, reçue et jouée à l'Odéon acheva bientôt de transformer en un bon auteur l'excellent comédien. Grenet, dans cette petite pièce applaudie, venait, peut-on dire, de trouver sa voie. Il avait découvert, exprimé, fait scintiller enfin une forme neuve de rire. Et c'est ce rire, ce rire frais, jeune, pimpant, jamais bas, jamais lourd, toujours fin, toujours drôle qui n'a cessé depuis d'éclater dans ses vaudevilles et ses comédies, rendant partout son nom synonyme de joie, de comique et de plaisir.

A dater de ce jour l'Odéon, l'Ambigu, le Palais-Royal, les Bouffes, les Variétés, les Nouveautés, la Gaîté, le Théâtre-Antoine, Cluny, Déjazet jouèrent et se disputèrent toutes ses pièces, depuis le Rival pour rire, jusqu'à l'Agrafe, Ceux qui restent, le Fils surnaturel, l'Assassinée, ses dernières œuvres, en une ininterrompue série de longs triomphes. A elle seule, la comédie à jamais la plus légendaire de Grenet-Dancourt : Trois femmes pour un mari, eut une carrière si belle et si prolongée que la douze centième représentation en fut surpassée et n'épuisa pas un succès unique.

L'art que le spirituel et fécond auteur apporte à écrire tant de pièces charmantes et mémorables se retrouve, non moins vif et non moins aiguisé, dans ses monologues si spirituellement et bellement rimés : Adam et Ève, Paris, la Chasse, la Vie, le Bon Dieu, les Femmes, Mon Mariage, etc. et tant d'autres.
Conférencier habile, M. Grenet-Dancourt a gardé, de son passé d'acteur, un sentiment très naturel et très pur de diction. Aux dîners du Cornet, association artistique, dont il est l'amical et vigilant Président, il prononce des allocutions, vivement et finement tournées. En l'écoutant, on ne peut qu'admirer combien Grenet-Dancourt a gardé de jeunesse et de bonté et quel cœur ouvert, quelle philosophie douce, quelle bonhomie souriante animent son talent, dictent ses paroles et font de cet homme si simple un si délicat et si grand charmeur.

(Figures contemporaines tirées de l'album Mariani, 1908)

 

 

 

 

 

Chaud les marrons !

 

poésie d'Ernest Grenet-Dancourt

 

Chaud les marronschaud ! Il gèleLe bitume
Craque sous les pieds froids du passant qui s’enrhume.
Chaud les marronschaud ! La bise en sifflant tord
Les arbres dépouillés du boulevard et mord,
Férocetous les nez qu’en route elle rencontre.
Chaud les marronschaud ! Dans l’ombreappuyé contre
Un réverbère éteint par le ventun petit
Que sans doute décembre a mis en appétit,
 Demande en grelottant un petit sou pour vivre,
Mais il voitun par untous les passants se suivre,
Et pas le moindre sou ne tombe dans sa main.
Chaud les marronschaud ! Il mangera demain.

Mais-basun monsieur  qu’une pelisse immense
Enveloppe des pieds à la tête s’avance.
L’enfant quitte sa place et court à lui tout droit !
 Un sou ?
          — Non.
                    — J’ai faim !
                             — Non.
                                        — Monsieur !
                                                  — Il fait trop froid.
Et le monsieur plongeant son museau dans sa loutre,
 Fait deux petits brrrbrrretguilleretpasse outre.
Chaud les marronschaud ! Le savoyard du coin,
Le marchand de marrons voit la scène de loin :
Approche icipetiot ! Viens-t’en chauffer tes pattes !
Et le pauvretau feutend ses mains écarlates.
Il rayonne : oh ! c’est chaud ! oh ! ça brûle ! oh ! c’est bon !
Et puis il rit tout haut des tic-tic du charbon.
 Prends des marronsvamange ; un peu de vintiens, liche,
Dit le vieux savoyardj’en serai pas moins riche.
Et l’enfant mange et boit en regardant le vieux,
Le vieux qu’il remercie en clignotant des yeux.
 T’as fini ?
          — Hop ! alorsen deux tempspasse au large !

Et tâche de ne pas revenir à la charge.
 Mercim’sieur.
          — Pas de quoiva te couchercrapaud.
Et l’enfant disparaîtChaud les marronschaud !

 

(Monologues comiques et dramatiques, 1887)

 

    

 

Chaud les marrons !

Firmin Gémier du Théâtre Antoine

Disque Pour Gramophone G.C.-31358, mat. 17219u, enr. à Paris le 13 mai 1912

 

 

 

 

 

 

Une bien triste nouvelle... Grenet-Dancourt est mort subitement lundi matin. Notre collaborateur et ami avait eu le malheur, dernièrement, de perdre sa mère, qu'il adorait. Il ne s'était pas consolé de ce malheur... Peu à peu, on le vit, lui si spirituel et si gai, s'assombrir. Il perdit le sommeil et l'appétit. Il succombe au chagrin...

C'est un deuil pour le théâtre. Grenet-Dancourt fut un auteur ingénieux, charmant, applaudi. Sa pièce la plus célèbre : Trois Femmes pour un Mari, obtint un nombre fabuleux de représentations.

A propos de cet ouvrage, M. Léo Marchès nous rapportait, naguère, cette plaisante déclaration de Grenet­Dancourt lui-même :

— Le jour de la cinquantième, je rencontrai, sur la place du Théâtre-Français, Briet, le directeur du Palais-Royal, qui avait refusé Trois Femmes pour un Mari. Il me félicita, mais crut devoir ajouter qu'il n'avait pas changé d'avis. « Au Palais-Royal, dit-il, vous auriez eu trois représentations. » Sur quoi, je le remerciai chaleureusement de n'avoir pas reçu la pièce.

D'autre part, un critique, qui avait négligé de revenir à la première et qui avait écrit son compte rendu après la répétition générale, avait exprimé cette opinion simple et définitive :

« On a donné hier, à Cluny, un vaudeville en trois actes de M. Grenet-Dancourt, intitulé Trois Femmes pour un Mari. Nous n'en dirons qu'un mot : c'est le plus beau four de l'année. »

Et Grenet-Dancourt d'ajouter en souriant :
— Il ne m'a jamais pardonné.

Le bon Grenet-Dancourt avait pardonné, lui, en mettant les rieurs de son côté...

(les Annales, 16 février 1913)

 

 

 

Grenet-Dancourt, sculpture par Auguste Maillard à Fleury-Mérogis

 

 

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