GALLI-MARIÉ

 

Galli-Marié dans Carmen (Carmen) lors de la reprise à l’Opéra-Comique en octobre 1883, photo Nadar [BNF]

 

 

Marie Célestine Laurence MARIÉ DE L'ISLE dite GALLI-MARIÉ

 

mezzo-soprano français

(8 rue de Provence, Paris ancien 2e, 15 mars 1837 Vence, Alpes-Maritimes, 21 septembre 1905*)

 

Fille de Claude Marie Mécène MARIÉ (1811–1879), ténor, et de Francesca Maria HARTFUS.

Sœur d'Irma MARIÉ et de Paola MARIÉ cantatrices.

Epouse 1. à Paris ancien 2e le 27 novembre 1855* Jean Pierre Victor GALLY (Semur-en-Auxois, Côte-d’Or, 22 octobre 1827* – Paris 9e, 18 juillet 1861*), sculpteur.

Epouse 2. à Saint-Gratien, Seine-et-Oise [auj. Val-d'Oise], le 08 novembre 1888* Jean Baptiste Eugène Marie Joseph LAURE (Marseille, Bouches-du-Rhône, 08 décembre 1856 – ap. 1905), négociant en vins à Marseille.

 

 

Fille et élève du ténor Marié, elle débuta à dix-huit ans en chantant les premiers rôles d’opéra à Strasbourg (1859), en Italie, à Lisbonne. Elle obtenait de grands succès à Rouen, où elle chantait le 23 avril 1862 la première française de la Bohémienne (la reine Mabb) de Balfe, lorsque Perrin, directeur de l'Opéra-Comique de Paris, alla la chercher et la fit débuter sur son théâtre le 18 août 1862, dans la Servante maîtresse, où le public lui fit l'accueil le plus chaleureux. Le 17 novembre 1866, elle y créa Mignon (Mignon) d’Ambroise Thomas (elle y chantera la 100e le 18 juillet 1867, et la 500e le 22 octobre 1878). Après une carrière ininterrompue d’une dizaine d’année elle alla chanter en province, chanta la première du Passant (Zanetto) de Paladilhe à la Monnaie de Bruxelles, puis revint à l’Opéra-Comique en octobre 1874 et y resta jusqu’en 1878, y créant Carmen (Carmen) le 03 mars 1875. Elle donna sa représentation d’adieux à l’Opéra-Comique en décembre 1883 et partait aussitôt après pour l’Italie. Elle y rentrait de nouveau le 27 octobre 1884, mais n’y reparut plus qu’exceptionnellement en 1884-1885. Elle se fit entendre à Londres en 1886 et y reporta un succès considérable, mais abandonna alors définitivement la scène pour se retirer dans le Midi à Vence où elle mourut en 1905 après n’être sortie de sa retraite que le 11 décembre 1890 pour prendre part à une représentation solennelle de Carmen, au bénéfice du monument de Bizet. Aux côtés de sa sœur Irma Marié, elle avait créé le 10 janvier 1869 aux Bouffes-Parisiens Madeleine d’Henri Potier, et le 08 février 1879 au Théâtre de Monte-Carlo le Chevalier Gaston (le Chevalier Gaston) de Robert Planquette. Son talent de comédienne plein d'originalité, absolument personnel et d'une rare variété, l'habileté qu'elle déployait comme chanteuse avec une voix de mezzo-soprano qui n'était pourtant pas de la meilleure qualité, lui valurent bientôt une place à part à l'Opéra-Comique. Créatrice inoubliable de Mignon et de Carmen, elle parut avec éclat dans les Amours du Diable, Lara, le Capitaine Henriot, Fior d'Aliza, Robinson Crusoé, la Petite Fadette, Fantasio, Don César de Bazan, Piccolino, la Surprise de l'amour, montrant dans ces divers ouvrages, comiques ou dramatiques, la même supériorité originale. Galli-Marié a laissé son nom à l’emploi qu’elle remplissait au théâtre.

En 1855, elle habitait 21 rue Pétrelle à Paris. Elle est décédée en 1905 à soixante-huit ans, d’une maladie de cœur, dans sa villa de Vence ; elle était alors domiciliée 33 rue de la Paix à Nice. Elle est enterrée au Père-Lachaise (57e division).

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Elle y débuta le 12 août 1862 dans la Servante maîtresse (Zerbine).

 

Elle y créa le 21 mars 1864 Lara (Kaled) d’Aimé Maillart ; le 29 décembre 1864 le Capitaine Henriot (Blanche d’Étianges) de François Auguste Gevaert ; le 05 février 1866 Fior d’Aliza (Piccinina) de Victor Massé ; le 16 juillet 1866 José-Maria (Diane Arméro) de Jules Cohen ; le 17 novembre 1866 Mignon (Mignon ; 100e le 18 juillet 1867 ; 500e le 22 octobre 1878) d’Ambroise Thomas ; le 23 novembre 1867 Robinson Crusoé (Vendredi) de Jacques Offenbach ; le 11 septembre 1869 la Petite Fadette (Fadette) de Théophile Semet ; le 18 janvier 1872 Fantasio (Fantasio) d’Offenbach ; le 24 avril 1872 le Passant (Zanetto) d’Emile Paladilhe ; le 30 novembre 1872 Don César de Bazan (Lazarille) de Jules Massenet ; le 03 mars 1875 Carmen (Carmen) de Georges Bizet ; le 11 avril 1876 Piccolino (Marthe, Piccolino) d’Ernest Guiraud ; le 31 octobre 1877 la Surprise de l’amour (Colombine) de Ferdinand Poise ; le 18 janvier 1878 le Char (Alexandre) d’Emile Pessard ; le 19 novembre 1878 les Noces de Fernande (l’Infant) de Louis Deffès.

 

Elle y participa aux premières de : le 24 août 1863 les Amours du diable (Urielle) d’Albert Grisar ; le 05 juin 1868 les Dragons de Villars (Rose Friquet) d’Aimé Maillart ; le 10 novembre 1874 Mireille (Taven et Andreloun) de Charles Gounod.

 

Elle y chanta l’Ombre (Jeanne) ; Marie ; les Porcherons (Marquise de Bryane) ; les Rendez-vous bourgeois (César, 500e le 20 mars 1873).

 

 

 

Galli-Marié

 

 

 

Avec la grâce que les femmes ont de plus que les hommes, elle a le nez retroussé et impertinent de Coquelin de la Comédie-Française. Modeste, presque timide à la ville, elle est crânement campée et provoquante à la scène ; talent incarné, excellente chanteuse, remarquable comédienne, musicienne consommée, elle crée un emploi au théâtre. De l'esprit jusque dans ses cottes, elle sait mettre le côté le ton et les allures de Manon pour porter la poudre et les paniers de madame de Bryane, ou s'armer du poignard de la Bohémienne. Dans chacun de ses rôles, elle est une autre femme. Madame Galli-Marié étudie et travaille, et son talent n'a rien de commun avec celui de Démosthène avec lequel elle ne veut pas rivaliser, du reste, il ne sent pas l’huile. Un seul défaut : le calembour, qu'elle cultive presque avec autant de succès que son père ; n'aime cependant pas la pêche à la ligne. C'est elle qui fit cet à-peu-près à une camarade. Cette dernière se plaignait de son médecin qui lui conseillait un régime suivi. Galli-Marié lui répondit : Il paraît qu'un régime est chose insupportable, puisqu'il y a un proverbe qui dit : Où il y a de l'hygiène il n'y a pas de plaisir.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Opéra-Comique, 1866)

 

 

L'aînée des trois filles de Claude-Mécène Marié de l'Isle, ex-ténor pensionnaire de l'Opéra, sorti jadis d'une contrebasse, ayant aujourd'hui l'embonpoint d'une grosse caisse et partageant autrefois ses loisirs entre la gestion d'un bon débit de tabac au boulevard de Strasbourg, l'enseignement du chant, la pêche à la ligne et la maîtrise de la Trinité. Avant d'acheter un petit château près d'Amiens, le père Marié consacrait ce que lui laissaient de temps ces besognes multiples à faire son marché et des calembours, à fumer sa pipe et à régir sa cuisine, à taquiner le double-six et la muse des romances, enfin à bénir et à maudire ses trois filles, virtuoses, comédiennes, myopes, charmeuses et endiablées toutes les trois !...

Cousin d'un astronome, le père Marié n'était-il pas destiné à fabriquer des étoiles ?

Mme Galli-Marié est la veuve du sculpteur Galli, homme de talent.

Elle naquit, rue de Navarin, dans une villa, nid de verdure, d'oiseaux, d'amours et d'artistes, en 1840.

Elève de papa, elle débuta à Strasbourg en 1859 et créa la Bohémienne à Rouen en 1862. C'est là que Mocker la découvrit : M. Perrin alla l'entendre et l'engagea. Paris l'adopta dans la Servante maîtresse.

Depuis dix ans elle nous empoigne. Musicienne, actrice, pianiste, peintre, chatte, tigresse, brise, ouragan, elle a le « je ne sais quoi ».

Son jeu est inégal, mais ses traits et son regard en disent plus que les gestes et l'attitude. Elle a le génie du costume et le sentiment de la ligne et de la couleur : il lui fallut dans Fantasio un manteau qui devait coûter 600 francs : elle l'obtint.

Notre avis sur elle ?... On a plutôt fait de la gober que de l'analyser.

Lara, Robinson, Mignon, les Dragons de Villars, Fantasio, lui ont fourni des types étranges et qui ne s'effacent pas.

Des voyages, des aventures, des gamineries et des tragédies, des élans de cœur, des fusées d'esprit... il y a de tout dans sa vie fantasque.

(le Théâtre de l’Opéra-Comique, Jules Prével, le Figaro, 17 janvier 1875)

 

 

 

 

 

Galli-Marié dans Mignon (Mignon) lors de la création (1866)

 

 

 

Galli-Marié dans Mignon (Mignon) lors de la création (1866), photo Nadar [BNF]

 

 

 

Madame Galli-Marié, au théâtre, est avant tout une PHYSIONOMIE. Sa voix bornée et d'un timbre ordinaire, n'est point conduite avec l'art exquis des Miolan-Carvalho et des Caroline Duprez. Il ne faut pas lui demander de filer un son ni d'escalader une gamme ; chez elle la chanteuse disparaît complètement sous la comédienne.

Douée d'une intelligence pleine de ressources, vive à l'excès, d'une énergie presque brutale, c'est un tempérament artistique d'une originalité réelle. Aussi, excelle-t-elle surtout dans les rôles épisodiques. Nulle mieux qu'elle ne sait frapper l'imagination du spectateur à un moment donné. Lorsqu'elle ne porte pas le poids entier d'un ouvrage, elle sait traverser la pièce en traçant un sillon lumineux dont l'œil est ébloui et dont l'esprit du spectateur garde longtemps le souvenir.

Ainsi, Kaleb, de Lara et Picinina, de Fior d'Aliza, sont deux types que le burin de Rembrandt n'eut pas désavoué. La lumière inonde le tableau peint à larges traits par l'artiste inspirée. Dans chacun de ces deux ouvrages, Mme Galli‑Marié a vraiment fait ce qu'on appelle une création. Quel aspect saisissant sous ce costume pittoresque de la folle du préau ; quels traits énergiques et quelle singulière beauté ! Cette nature puissante et sauvage laisse voir de temps en temps sur son visage une douceur mélancolique qu'elle réprime avec une rudesse farouche.

J'ai la conviction que nulle pari, même dans son adorable création de Mignon, Mme Galli-Marié n'a été mieux servie par ses qualités dramatiques que dans l'interprétation de ces deux personnages offrant à sa nature le genre de beauté qui lui est propre.

Mine Galli-Marié est la fille de Marié, cet excellent chanteur de l'Opéra qui pouvait à la fois remplacer Duprez, Barroilhet ou Levasseur, quand un de ces artistes si différents par la nature de leur organe et de leur talent venait à être subitement indisposé. Marié avait une intelligence

scénique, une volonté, qui suppléaient à tout. S'il fallait être ténor, baryton ou basse, il arrivait toujours à trouver la note et la donnait de façon à satisfaire le public.

Les deux autres filles de Marié, sœurs par conséquent de Mme Galli-Marié, Mlles Irma et Paola Marié, se sont fait une certaine réputation dans l'opérette bouffe, la première avec la Chanson de Fortunio et les Bergers, aux Bouffes‑Parisiens ; la seconde, récemment, aux Folies-Dramatiques, dans la Fille de Madame Angot. Voilà donc une véritable famille d'artistes. Mais revenons à la chanteuse dont, pour le moment, nous avons à nous occuper tout particulièrement.

Mme Galli-Marié débuta en province. Elle chantait les rôles de contralto. C'est principalement à Rouen, sa dernière étape avant d'aborder la scène de l'Opéra‑Comique, qu'elle obtint ses plus grands succès. Une circonstance toute particulière, la création d'un ouvrage inconnu à Paris, la Bohémienne, de Balfe, fit ressortir sa valeur de comédienne. Elle révéla une intelligence de la scène dont tous ceux qui la virent furent frappés et dont la presse parisienne s'occupa à l'égal de celle de Rouen.

Engagée à l'Opéra-Comique, elle y débuta le 14 août 1862, par le rôle de Zerline, de la Servante Maîtresse, de Pergolèse. Son enjouement, sa verve mordante, la gentillesse de ses manières la firent agréer par le public avec une faveur marquée.

Après avoir continué ses débuts dans une reprise des Amours du diable, de Grisar (rôle d'Urielle), en septembre 1863, elle se fit remarquer dans les rôles suivants qu'elle créa successivement :

21 mars 1864 : Lara, de Maillart, rôle de Kaled.

29 décembre 1864 : le Capitaine Henriot, de Gevaert, rôle de Blanche.

5 février 1866 : Fior d'Aliza, de Victor Massé, rôle de Picinina, la folle.

17 novembre 1866 : Mignon, d'Ambroise Thomas, rôle de Mignon.

23 novembre 1867 : Robinson Crusoé, d'Offenbach, rôle de Vendredi.

11 septembre 1869 : la Petite Fadette, de Semet, rôle de Fadette.

15 janvier 1872 : Fantasio, d'Offenbach , rôle de Fantasio.

30 novembre 1872 : Don César de Bazan, de Massenet, rôle de Lazarille.

De toutes ces créations, la plus importante est celle de Mignon. On se rappelle que durant la grande exposition de 1867, cette pièce resta sur l'affiche et obtint deux cents représentations consécutives grâce certainement à la façon admirable dont elle était interprétée. Mme Galli‑Marié a marqué ce rôle d'une si forte originalité que les plus grandes cantatrices n'ont pu la faire oublier. La Patti, Nilsson, pour ne citer que les deux plus illustres, n'ont point amoindri l'importance de la création de Mme Galli-Marié qui est restée le type exact du personnage dont Ary Scheffer n'avait pas mieux compris le charme tout puissant.

Indépendamment de ces créations, Mme Galli-Marié a repris deux rôles qu'elle a su s'approprier au point de faire oublier ses devancières, ce sont : Rose Friquet, des Dragons de Villars, et Jeanne, de l'Ombre.

Dans le délicieux opéra de Maillart, elle ne réussit qu'à demi, le premier soir, parce qu'elle avait voulu conserver la tradition de Juliette Borghèse et de Mlle Girard. Mais, en présence de l'accueil relativement froid qui lui fui fait par le public, elle sentit qu'elle faisait fausse route en se montrant copiste. Son imagination prit vite le dessus, et dès la troisième représentation, elle frappait au coin de son originalité ce rôle de Rose Friquet dont elle rend admirablement les instincts sauvages, la naïveté et la tendresse.

Dans l'Ombre, succédant à Marie Roze, elle remplaça la pure beauté de la créatrice du rôle par une touchante résignation. A force de grâce et de câlinerie elle devint belle à son tour, non de cette beauté plastique qu'on admire et qui laisse froid, mais de cette beauté intelligente qui gagne la sympathie et finit par charmer.

Pour quiconque connaît Mme Galli‑Marié en dehors de la scène, sa nature âpre et puissante, c'est un véritable miracle qu'elle puisse réaliser avec tant de perfection ces types de poésie, de grâce et d'angélique douceur.

Plutôt épaisse qu'élégante à la ville, on la retrouve au théâtre avec la taille toute mignonnette et la figure juvénile d'une adolescente de seize ans. Dans le jour, on peut la voir, la parole brusque, sans apprêts dans sa mise, sceptique profonde, peu rigoriste dans ses allures. Mais le soir, la voix sympathique vous va droit au cœur, le maintien est candide ; c'est la grâce qui s'ignore. L'intelligence exacte des lois de la scène opère cette métamorphose, l'artiste se transfigure parce qu'elle sent et comprend.

Après avoir fait dans les grandes villes de province une tournée artistique pour représenter l'Ombre, accompagnée d’Ismaël, de Lhérie et de Mlle Priola, Mme Galli-Marié est partie en Belgique. A Bruxelles et à Gand, et en dernier lieu au théâtre royal d'Anvers, elle a passé en revue les principaux rôles de son répertoire. Avec Mignon, Lara et les Dragons de Villars, elle a obtenu ses succès ordinaires.

Réengagée à l'Opéra-Comique, elle rentrera très prochainement dans une création nouvelle.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 26 février 1874)

 

 

 

 

 

Galli-Marié en 1872 [photo Franck]

 

 

 

Elle est la fille de M. Marié, qui fit pendant plus de quinze ans partie du personnel de l'Opéra. Douée d'une voix de mezzo-soprano assez courte, mais d'aptitudes scéniques incontestables, elle embrassa de bonne heure la carrière théâtrale et tint successivement l'emploi de fortes chanteuses d'opéra dans plusieurs villes importantes. En 1859, on la trouve à Strasbourg, en 1860 à Toulouse, d'où elle se rend, en 1861, à Lisbonne, pour chanter le répertoire italien au théâtre San-Carlos. De Lisbonne elle retient en France, accepte un engagement pour Rouen, où elle obtient un grand succès, et crée en cette ville, au mois d'avril 1862, le rôle principal d'un opéra de Balfe, la Bohémienne, qui n'avait pas encore été joue à Paris. La représentation de cet ouvrage ayant eu un certain retentissement, M. Perrin, alors directeur de l'Opéra-Comique, se rendit à Rouen pour y entendre Mme Galli-Marié, en fut très satisfait, et l’engagea séance tenante.

 

La jeune artiste débuta donc à l'Opéra-Comique, au mois d’août 1862, dans la Servante maîtresse, de Pergolèse, qui n'avait pas été jouée depuis près d'un siècle, et que l'on avait remontée à son intention. Son goût musical, la justesse de sa diction, son vrai talent de comédienne lui valurent de la part de la critique et du public un succès très vif et de très bon aloi. Mais comme son engagement à Rouen n’était pas expiré, Mme Galli-Marié se partagea, pendant toute la fin de la saison théâtrale, entre cette ville et Paris. Bientôt, cependant, elle fit exclusivement partie du personnel de l'Opéra-Comique, et fit à ce théâtre plusieurs créations importantes qui montrèrent toute la souplesse et la flexibilité de son talent. Également propre à exciter le rire et à provoquer les larmes, douée d'un tempérament artistique très original et très personnel qui lui permettait, sans imiter personne, de faire des types véritables des rôles qui lui étaient confiés, Mme Galli-Marié se fit applaudir dans toute une série d'ouvrages où elle représentait des personnages de nature et de caractères essentiellement opposés : Lara, le Capitaine Henriot, Fior d’Aliza, la Petite Fadette, José Maria, Robinson Crusoé, Fantasio, le Passant, Don César de Bazan, Carmen ; elle reprit aussi quelques pièces de répertoire, Marie, les Porcherons, les Amours du Diable, les Dragons de Villars, etc. Après une courte absence, pendant laquelle elle parcourut la Belgique, cette artiste distinguée est rentrée à l'Opéra-Comique au mois d'octobre 1874.

 

Mme Galli-Marié doit prendre place au rang des artistes nombreux qui, bien que doués d'une voix médiocre, ont rendu depuis un siècle à ce théâtre des services signalés par leur talent scénique et leur incontestable valeur au point de vue dramatique.

 

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1878-1880)

 

 

 

 

 

Galli-Marié dans Piccolino (Piccolino), lithographie de Prudent Louis Leray [BNF]

 

 

 

Galli-Marié est une de nos célèbres cantatrices françaises. Née à Paris d'une famille d'artistes, elle montra dès son enfance une rare intelligence musicale. Après avoir reçu une bonne éducation, la jeune fille du ténor Marié alla débuter en province, suivant un excellent usage auquel les théâtres de Paris durent jadis leurs artistes les plus illustres.

C'est pas à pas que la future Mignon acquit ce talent qui la place aujourd'hui au nombre de nos célèbres cantatrices. Plus piquante que belle, plus inspirée que savante, elle a le pouvoir de charmer le public par son jeu et par son chant.

Engagée au théâtre de Rouen, Mme Galli-Marié obtint des triomphes mérités dans les rôles les plus opposés. Rien ne saurait exprimer l'effet qu'elle produisit sous les traits de Léonor, de la Favorite. Ayant trop d'esprit pour chercher à copier Mme Stoltz, la jeune artiste, obéissant à son inspiration, domptait ce public si renommé pour sa sévérité. Il restait suspendu à ses lèvres, et éclatait en bravos quand il finissait par se rendre compte de son émotion.

Mme Galli-Marié, on le devine, ambitionnait les suffrages des Parisiens, qui ont la réputation d'assurer à jamais gloire et profit pour leurs idoles. La fortune qui n'est pas toujours aveugle, accorda à l'artiste la faveur qu'elle avait refusée à bien d'autres. Mme Galli-Marié débuta, le 18 août 1862, par le rôle de Zerline, dans la Servante Maîtresse, opéra de Pergolèse.

Contre l'ordinaire, on n'avait pas abusé de la réclame, et les spectateurs furent surpris de se trouver en face d'une véritable artiste. Le critique Scudo qui n'avait pas l'éloge facile disait : « Mme Galli-Marié est vive, accorte et agréable de sa personne. La voix est un mezzo-soprano d'un timbre gros et sonore, et dont la flexibilité pourrait être mieux dirigée et moins cahotante. Elle chante et joue avec esprit et bonne humeur. Cette artiste d'une physionomie souriante, qui ne jouait en province, assure-t-on, que des rôles sérieux, a été favorablement accueillie par le public de Paris ».

La nouvelle venue ne tarda pas à s'imposer à l'attention des connaisseurs par un talent original, auquel on ne saurait rien comparer dans le passé. Ce talent ne doit rien à l'étude, l'inspiration seule le guide ; il grandit avec les situations violentes et s'atténue parfois avec les scènes ordinaires ; mais l'effet est produit. Cette fougue un peu sauvage exerce un singulier prestige, même sur les difficiles.

Lorsque Mme Galli-Marié entre en scène, un spectateur ordinaire ne verra d'abord qu'une chanteuse ordinaire et une femme agréable ; mais quand la situation s'élève, l'artiste se transfigure ; l'œil s'anime, la voix acquiert un prestige irrésistible. Analyser les procédés de cette artiste est chose impossible ; autant vaudrait rappeler pourquoi nous pleurons en entendant un air qui nous rappelle le plus vulgaire détail de notre enfance ; pourquoi un fragment de mélodie nous rend pour un instant nos jeunes années envolées. Le talent de cette artiste ressemble à l'éclair qui nous éblouit en dépit de notre volonté.

On a reproché à Mme Galli-Marié un certain orgueil qui se révèle dans ses attitudes et dans l'expression de sa physionomie ; un observateur attentif s'apercevra aisément qu'il n'y a là que les élans d'une organisation nerveuse. Mme Galli‑Marie, femme bien élevée, a de la modestie et du tact, et, c'est en tremblant qu'elle a abordé ses rôles pour la première fois. Son assurance en pareil cas, ressemble beaucoup à de la bravoure de poltrons qui chantent pour se donner l'apparence du courage.

Parmi les principales créations de la célèbre cantatrice je dois citer : Lara de M. Aimé Maillart ; le Capitaine Henriot de M. Gevaert ; Fior d'Aliza de M. Victor Massé, dans un rôle sacrifié, Mme Galli-Marié obtint un vrai triomphe ; puis vint Mignon d'Ambroise Thomas et la reprise des Dragons de Villars.

Le 23 novembre 1867, elle créa le rôle de Vendredi dans Robinson Crusoé d'Offenbach ; puis, l'année suivante, elle reprit la Servante maîtresse qui l'avait fait connaître du public parisien et qu'elle jouait en véritable soubrette de qualité.

Le 11 septembre 1869, nouvelle création dans la Petite Fadette de Semet. Elle y fut naturelle et vraie.

Le départ de Marie Roze en 1870, la mit en possession du rôle de Jeanne dans l'Ombre de Flotow. Elle en fit un type de touchante résignation, qu'elle s'est appropriée par droit de conquête.

Au moment de la déclaration de la guerre, au mois d'août 1870, ce fut Galli‑Marié qui, habillée en druidesse, chanta la Marseillaise... sur la scène de l'Opéra‑Comique. Elle créa encore, à ce théâtre, avec le plus vif succès, le 15 janvier 1872, Fantasio, d'Offenbach. Elle parut ensuite, le 30 novembre, dans Don César de Bazan, de Massenet. L'année suivante, elle parcourut la province, puis se fit entendre tour à tour sur les grandes scènes de Bruxelles, de Gand et d'Anvers.

Mme Carvalho ayant été engagée à l'Opéra, Mme Galli-Marié reprit à la salle Favart son beau rôle de Mignon. Elle créa, en 1875, Carmen, de Georges Bizet. Aucune cantatrice, jusqu'à ce jour, n'a su rendre comme elle ce personnage de Carmen. Beaucoup d'artistes se sont essayées dans ce rôle, aucune n'est parvenue à faire oublier la créatrice.

En 1876, Mme Galli-Marié a créé Marthe de Piccolino, de Guiraud, et, en 1877, Colombine des Surprises de l'amour, de Ferdinand Poise. Elle donna, la même année, plusieurs représentations au théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Puis elle alla en Italie, où elle fut acclamée.

M. Carvalho a eu l'heureuse idée de faire revenir sur le théâtre de ses succès la séduisante Carmen. On avait traité d'abord pour vingt représentations, mais ces quelques soirées ne suffirent pas à contenter le public désireux d'applaudir la célèbre cantatrice, et le directeur de l'Opéra-Comique fut obligé de retenir sa pensionnaire pendant toute l'année. Je crois être de l'avis de tous les connaisseurs en souhaitant un long séjour parmi nous à celle qui a su nous charmer pendant des soirées qui nous ont semblé toujours trop courtes.

 

(Maurice Predel, Paris-Artiste n° 55, juin 1885)

 

 

 

 

 

portrait de Galli-Marié dans Carmen, représentation à l’Opéra-Comique, 1884, huile sur toile, 193 x 83,5 cm, par Henri-Lucien Doucet (1856-1895) [musée de l’Opéra]

 

 

 

Galli-Marié dans Carmen (Carmen) lors de la reprise à l’Opéra-Comique en octobre 1883 [photo Nadar]

 

 

Galli-Marié dans Carmen (Carmen) [photo Nadar]

 

 

 

On annonce de Nice la mort de Galli-Marié, décédée hier soir à Vence, petit village des Alpes-Maritimes, où elle essayait vainement de rétablir sa santé très atteinte.

 

Elle était âgée de soixante-cinq ans et, durant plus de trente années de théâtre, elle avait rendu célèbre ce nom de Galli-Marié, qui n'éveille plus grand souvenir dans la génération actuelle, mais qui n'en demeure pas moins associé aux plus triomphales soirées de l'Opéra-Comique et qui est notamment inséparable de ces deux œuvres immortelles qui se nomment Carmen et Mignon.

 

Galli-Marié incarna avec la même maestria et le même succès ces deux héroïnes pourtant si dissemblables, et c'est constater une vérité que de dire que personne ne l'a surpassée dans ces rôles qu'elle interprétait admirablement et qui furent la gloire de sa carrière.

 

La célèbre artiste était fille du ténor Marié, de l'Opéra, et après avoir débuté en province où on la remarqua bien vite, elle fut engagée à l'Opéra-Comique, et elle y parut pour la première fois le 14 août 1862 dans le rôle de Zerline de l'opéra de Pergolèse, la Servante maîtresse. Son succès y fut très grand, et il se confirma par la suite dans Lara, Fantasio, les Dragons de Villars, l'Ombre, Piccolino. Mais ses deux grands triomphes, nous l'avons dit, furent Mignon et Carmen, et c'est pour interpréter une fois encore ce dernier rôle qu'elle sortit de sa retraite, lors de la représentation de gala qui fut donnée dans la salle Favart, reconstruite après l'incendie.

 

Depuis on n'avait plus revu Galli-Marié, mais son souvenir n'était pas oublié de ceux qui l'ont entendue. C'est une grande chanteuse et une artiste de race qui disparaît.

 

(le Figaro, 23 septembre 1905)

 

 

 

 

 

Galli-Marié dans Carmen (Carmen) [photo Liébert]

 

 

 

Les gloires du chant : Galli-Marié.

Celle qui fut et restera Galli-Marié est née à Paris en novembre 1840, et n'eut jamais d'autre maître que son père. Celui-ci en fit une musicienne, d'abord. Il lui enseigna l’art de faire valoir, en artiste, une voix chaude mais sans moyens exceptionnels, (un mezzo-soprano assez court) et un tempérament vibrant, souple, intensif, qui lui permettait d'imprimer aux rôles les plus divers, les plus opposés, un caractère original, imprévu, définitif. Si l'on pouvait noter, et conserver, les impressions produites par les grands interprètes lyriques, le dossier de Galli-Marié serait étonnamment riche. Leur extraordinaire variété, non seulement dans l'ensemble de son répertoire, mais dans un seul et même rôle, a toujours frappé ceux qui l’ont entendue. C'est l'artiste qui fait rendre au personnage dont elle a la charge tout absolument ce qu’il comporte. Aussi son souvenir demeure-t-il inséparable de la plupart de ceux qu'elle a ainsi « créés », comme son nom restera typique, au même titre que celui d’une Dugazon ou d'une Falcon.

Son père, qui savait qu'il faut se jeter à l'eau pour apprendre nager, l'envoya d'abord courir les hasards des scènes de province. Mais les engagements arrivèrent de bonne heure. Elle avait 19 ans quand elle débuta a Strasbourg (1859). L'année suivante, on la voit fixée à Toulouse, puis triomphant à Lisbonne, chantant le répertoire italien... Elle avait, entre temps, épousé le sculpteur Galli. Le pauvre homme la laissa veuve bien peu de mois après, dès cette même année 1861 ; mais elle tint à rester, du moins, fidèle à son souvenir, en gardant, en illustrant son nom.

Sa vraie carrière commence avec 1862. De retour à Rouen, il lui échut, à peine engagée, une création qui, tout de suite, la mit en vedette, dans la Bohémienne, l'opéra anglais de Balfe, non encore représenté en France. Ce type, banalisé par les artistes ordinaires, prit avec Galli-Marié un caractère si surprenant d'originalité que Perrin, qui rôdait par là, l'engagea séance tenante pour l'Opéra-Comique de Paris. Et la jeune artiste dut, jusqu'à la fin de l'année, se partager entre les deux scènes.

Pour sa débutante, Perrin eut une idée excellente : la reprise d'un petit chef-d'œuvre historique et trop oublié, la Servante maîtresse, de Pergolèse. Il fallut bien transposer un peu sa partie ; mais la partition n’y perdit guère et gagna du coup un regain de vogue extraordinaire. On trouva à la nouvelle Zerbine beaucoup de goût avec une verve sans pareille et une parfaite justesse de diction. — « Elle est petite et mignonne (écrit un critique), avec des mouvements de chatte, une physionomie mutine et lutine, et, dans tout son air, dans toute sa personne, quelque chose d'espiègle et de retroussé. Elle joue comme si elle avait servi dans les bonnes maisons de Molière ; elle chante d'une voix ronde, fraîche, piquante et moelleuse. On dirait une ravissante résurrection de Madame Favart. »

Ce qui n'empêcha pas Galli-Marié d'être toute différente dans un autre rôle, et au point qu’un spectateur qui l'eût vue pour la première fois l'eût crue incapable de montrer d'autres qualités que celles qu'elle déployait ce soir-là. Je veux parler d'une autre reprise, faite encore pour elle, celle des Amours du Diable, de Grisar, où son personnage d'Urielle obtint le plus grand succès d'imprévu et d'originalité. Et que dire, alors, de son troisième rôle, une création, cette fois, restée légendaire, le délicieux Kaled, de Lara, un travesti, où elle mettait tant de grâce touchante, d'esprit, de passion contenue, d'énergie farouche, d'imprévu encore, qu'on a pu dire que cette évocation était au moins aussi typique que celles de Carmen et même de Mignon ?

Tout le répertoire de l'artiste est ainsi fait de contrastes : c'est comme une spécialité et, à coup sûr, un des atouts de son jeu. Dans la Blanche d'Etianges du Capitaine Henriot (1864) elle se montre « cantatrice et tragédienne », comme si elle n'a jamais été autre chose. Dans Marie (de Herold), rôle pathétique, dans Mme de Bryane, de les Porcherons, rôle badin, dans la Piccinina, de Fior d’Aliza, rôle de folle, ces deux mêmes qualités du moins sont toujours louées : l'expression et le sentiment, au service des caractérisations les plus opposées.

Mignon, l'immortelle (1866), réunit un peu tout cela. Je ne m'étendrai pas sur la façon dont Galli-Marié le rendait : il y aurait trop à dire. Ce qui reste inoubliable, à travers le souvenir ou l'exemple de tant de Mignon qui se sont succédées depuis elle, c'est le caractère original, personnel, qu'elle lui a imprimé. De cette façon si complexe, faite de rêverie et de passion, d'espièglerie et de colère, de naïveté et de poésie, elle a donné là une empreinte définitive. On remarqua facilement, au surplus, que le caractère, si vrai jusque dans les « façons étranges » que l'artiste mêlait à son jeu, et les « intonations singulières » que plaçait sa voix, ne faisait, que trop ressortir le « placage de clinquant » du rôle de Philine. Et cette opposition est nécessaire.

Galli-Marié emporta encore les honneurs de la soirée dans le petit rôle de Vendredi, du Robinson Crusoë d'Offenbach (1867) : elle sut le rendre « séduisant » et sa grâce fine et délicate cacha ce que le personnage pouvait avoir de si facilement ennuyeux. Puis c'est une reprise des Dragons de Villars, auxquels cette nouvelle Rose Friquet valut un gros regain de succès ; enfin une autre création, mais éphémère, celle de la Petite Fadette, de Soumet (1869).

A la rentrée de 1871, qui commence la dernière période de sa carrière, elle repartit, d'abord, dans la Servante maîtresse, puis prit possession du rôle de Jeanne, dans l'Ombre, ce succès légendaire, alors, que toutes les artistes chantaient peu ou prou et qu'elle promena brillamment en province pendant les vacances. Quelques rôles nouveaux se rencontrent aussi, à cette époque : Fantasio, le Passant, Don César de Bazan, c'est-à-dire Fantasio, Zanetto et Lazarille, trois travestis encore (depuis Lara c'était comme une spécialité), mais de bien différente sorte : étudiant poète et valet. Passons sur Taven et le pâtre, de Mireille, chantés l'un et l'autre (en 1874) comme l'avait fait leur double créatrice, Caroline Lefebvre... et arrivons à Carmen, le troisième fleuron de la couronne de Galli-Marié. Il n'est pas besoin d’insister, n’est-ce pas, sur ce qu'y mit l'artiste de caractère et d'originalité, avec cette hardiesse provocante, cette grâce féline, cette souplesse de voix et de jeu, cette chaude couleur, terrible par instants, comme dans la fameuse scène des cartes, qui ont été, depuis elle, si rarement réunies toutes ensemble, et qu'entre autres interprètes originales et vraiment dignes d'elles, elle sembla avoir léguées en héritage à sa petite-nièce Jeanne.

Les années qui suivirent cette date mémorable du 3 mars 1875 ne furent malheureusement plus marquées que par quelques jolis rôles sans portée : le Piccolino, de Guiraud, 9e travesti, si je compte bien, et si touchant !; l'Infant des Noces de Fernande, de Deffès ; le jeune Alexandre, du Char, de Pessard..., et surtout la Colombine de cette charmante Surprise de l'Amour, de Poise, qu'on devrait bien reprendre.

Il y eut une autre et amusante surprise, ce soir-là (31 octobre 1877) : celle de voir Irma Marié à côté de sa sœur. Quelqu'un écrivait justement à ce propos : « Leur rencontre sur la scène de l'Opéra-Comique est au moins aussi extraordinaire, que le serait celle des deux Juifs errants parcourant le globe au hasard, et l'on s'imagine sans peine l'effusion touchante qui a dû  s'ensuivre lorsqu'elles se sont vues subitement en face l'une de l'autre à la première répétition. » Irma incarnait la comtesse et Nicot était le Lelio qui soupirait pour elle, tandis que Morlet était l'Arlequin de Colombine : que de charmants disparus ! Irma resta quelque temps à l'Opéra-Comique : elle fut la Briséïs du Char... et de sa sœur, Alexandre ; elle fut la Bérénice, de Psyché...

C'est l'année du départ de Galli-Marié (1878). Sa retraite si prématurée ne fut pas tout à fait définitive, mais peu s'en faut. Ce n'est qu'en 1883 qu'elle reparut sur la scène (et cette fois, j’en puis évoquer le souvenir personnel, qui me reste inoubliable.). Après un silence de huit années, on avait repris, je dirais presque, réhabilité Carmen : il était impossible que sa créatrice ne reparût pas pour l’aider à prendre enfin la place qui lui était due. Pour le coup, elle conduisit l'œuvre de Bizet jusqu'à la centième. Et quelle verve extraordinaire ne lui avons nous pas vu déployer, quel accent, quelle vérité dans les moindres mots, les gestes, les attitudes, les plus simples !... Pour le coup, elle consentit à un nouveau bail avec le succès : on put l'applaudir encore dans les Dragons de Villars et dans Mignon, jusqu'en 1885, à cette splendide représentation de retraite du Mme Carvalho, où elle fut encore Taven, à côté de la créatrice de Mireille, où Faure et Talazac entouraient la créatrice de Marguerite.

Enfin, pour être complet, ou à peu près, je noterai encore Galli-Marié à Londres, en 1886, dans une troupe française où elle chanta Carmen et Rigoletto, et, le 11 décembre 1890, à l'Opéra-Comique, au bénéfice du monument de Bizet, dans une représentation de Carmen qui lui adjoignait Jean de Reszké, Lassalle et Nelly Melba. Elle s'entoura, dès lors, du silence le plus profond, se recueillit en quelque sorte, au loin, dans une retraite pittoresque, et c'est à Vence, le 21 septembre 1905, que la mort est venue l'y prendre.

(Henri de Curzon, Lyrica, mai 1927)

 

 

 

 

 

Galli-Marié [photo Nadar]

 

 

 

Galli-Marié

 

 

 

Galli-Marié était comédienne autant que chanteuse et excellait à provoquer le rire ou à faire couler les larmes.

La nomenclature rapide de tant de rôles si divers, soit masculin, soit féminins (car elle portait à ravir le travesti) créés par cette grande artiste suffira à faire connaître ses dons exceptionnels. Elle savait être tendre et mélancolique, vive et délurée, chaste et réservée ou passionnée jusqu’à la violence.

Elle joua Lara, les Dragons de Villars, la Petite Fadette, les Amours du Diable, Marie, Don César de Bazan, Robinson Crusoé, le Passant, l’Ombre, Piccolino, etc.

Mais par-dessus tous ces rôles deux figures, aujourd’hui populaires en France, rayonnent splendidement la Mignon d’Ambroise Thomas et la Carmen de Bizet.

(programme de l’Opéra-Comique, janvier 1928)

 

 

 

 

 

Galli-Marié en 1874 [photo Pierre Petit]

 

 

 

lettre autographe de Galli-Marié

 

 

 

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