Mécène MARIÉ

 

 

 

Claude Marie Mécène MARIÉ DE L'ISLE dit Mécène MARIÉ

 

ténor français

(Château-Chinon, Nièvre, 22 mai 1811* Compiègne, Oise, 13 août 1879*)

 

Fils d’Edme Bazile MARIÉ DE L’ISLE (Clamecy, Nièvre, 14 juin 1779 Paris 18e, 08 juillet 1862), employé de commerce, et de Joséphine BREZER.

Frère de Jean-Baptiste MARIÉ DE L’ISLE (Château-Chinon, 03 septembre 1809 –), marchand quincaillier [père de Jean Honoré MARIÉ DE L’ISLE (Paris ancien 4e, 30 mars 1846* Paris 18e, 21 janvier 1890*) (épouse sa cousine Mécéna MARIÉ), et de Marie Marguerite Désirée MARIÉ DE L’ISLE (mère de Jeanne MARIÉ DE L’ISLE, cantatrice)].

Epouse à Paris le 03 août 1837* Francesca [Françoise] Maria HARTFUS (Francfort-sur-le Main, Allemagne, 1815 Paris ancien 2e, 21 août 1855*), artiste lyrique ; parents de dix enfants dont :

GALLI-MARIÉ (1837–1905), cantatrice.

Irma MARIÉ (1841–1891), cantatrice.

Léon MARIÉ DE L’ISLE (Paris ancien 2e, 07 septembre 1843* – ap. 1906), artiste peintre [père de Léon Mécène dit Jean MARIÉ DE L’ISLE (Paris 18e, 14 janvier 1871* – Gagny, Seine-et-Oise, auj. Seine-Saint-Denis, 25 avril 1948), comédien].

Marie Mécène MARIÉ DE L’ISLE dite Mécéna MARIÉ (Paris ancien 2e, 28 février 1845 ), chanteuse [épouse à Paris 9e le 14 avril 1866* (divorce à Paris 18e le 12 août 1886*) son cousin Jean Honoré MARIÉ DE L’ISLE qui la blessa et fut condamné].

Paola MARIÉ (1848–1920), cantatrice.

 

 

Au Conservatoire de Paris, il obtint un second prix (1829), puis un premier prix (1830) de contrebasse. Il fit partie de l’orchestre de l'Opéra (contrebasse du 01 octobre 1831 au 30 septembre 1834). Enfin, il s'adonna au chant, fut engagé à Metz comme premier ténor, où il débuta en 1838 dans les Huguenots (Raoul) et de là, à l'Opéra-Comique en 1839, puis à l'Opéra, où il débuta en 1840. Sorti de ce théâtre, il alla tenir son emploi en province, en Belgique, même en Italie, puis rentra à l'Opéra, où il fit diverses créations : le Comte de Carmagnola, les Vêpres siciliennes, le Cheval de bronze, Herculanum, etc. Il chanta les rôles de ténors, de barytons et de basses. Marié se distingua surtout comme professeur, et, entre autres élèves, a formé trois de ses filles : Mmes Galli-Marié, Irma Marié et Paola Marié. Il a publié un bon manuel de chant, intitulé : Formation de la voix, vocalises et exercices de prononciation.

En 1855, il habitait 151 rue du Faubourg-Poissonnière à Paris 9e ; en 1874, à Flexicourt (Somme). Il est décédé en 1879 à soixante-huit ans, en son domicile, 34 rue du Petit Canal à Compiègne.

 

=> Formation de la voix, vocalises et exercices de prononciation, par Claude Marie Mécène Marié (1873).

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il chanta d'abord comme choriste sous le nom de MÉCÈNE et créa le 01 octobre 1836 le Mauvais œil (Diégo) de Loïsa Puget.

 

Il débuta salle de la Bourse le 12 octobre 1839 en créant la Symphonie ou Maître Albert de Louis Clapisson.

 

Il y créa le 11 février 1840 la Fille du régiment (Tonio) de Gaetano Donizetti.

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 03 juin 1840 dans la Juive (Eléazar).

 

Il y créa le 07 octobre 1840 Loyse de Montfort (Gaston de Montfort) de François Bazin ; le 19 avril 1841 le Comte de Carmagnola (Stenio) d’Ambroise Thomas ; le 13 octobre 1841 Lionel Foscari (Lionel), cantate d'Aimé Maillart ; le 09 novembre 1842 le Vaisseau fantôme (Magnus) de Louis-Philippe Dietsch ; le 16 avril 1851 Sapho (Alcée) de Charles Gounod ; le 17 octobre 1853 le Maître chanteur (Gunther) d'Armand Limnander ; le 13 juin 1855 les Vêpres siciliennes (Robert) de Giuseppe Verdi ; le 27 septembre 1855 Sainte Claire du Duc de Saxe-Cobourg-Gotha ; le 21 septembre 1857 le Cheval de bronze (Tsing-Sing) d’Esprit Auber ; le 04 mars 1859 Herculanum (Magnus) de Félicien David ; le 30 décembre 1861 la Voix humaine (Hans) de Giulio Alary ; le 28 février 1862 la Reine de Saba (Phanor) de Gounod.

 

Il y participa à la première le 07 juin 1841 du Freischütz (Max) de Carl Maria von Weber [version française d’Emilien Pacini et Hector Berlioz] ; le 07 septembre 1859 de Roméo et Juliette (frère Laurent) de Vincenzo Bellini [version française de Charles Nuitter].

 

Il y chanta Guillaume Tell (Arnold ; Guillaume Tell) ; la Muette de Portici (Mazaniello) ; les Huguenots (Nevers) ; Don Juan (Don Ottavio, 1841) ; Charles VI (Charles VI, 1848) ; Moïse (Aménophis, 1852) ; Sapho (Pythéas, 1858).

 

 

 

 

Marié est le Maître-Jacques de l'Opéra ; musicien solide et voix peu sûre, il chante la basse, le baryton, le ténor, tour à tour ou dans la même soirée, au pied levé ou le cahier à la main. Il gagne 9.000 fr. à ce métier de Protée musical.

(H. de Villemessant et B. Jouvin, Figaro, 09 juillet 1854)

 

 

Qui n'a pas entendu parler des toquades de Marié ; les calembours, et surtout la pêche à la ligne ?

N'importe quel temps, n'importe quelle heure, aussitôt son service fini, Marié, un panier d'une main et sa ligne de l'autre, descend vers les bords fleuris de la Seine, comme disent les poètes.

Marié a été ténor, il doublait Duprez dans son beau temps. Mais les bords de rivières sont humides et la voix est descendue ; il est devenu baryton, mais toujours pêcheur à la ligne. C'est un homme de bons conseils et excellent musicien. Il panache malheureusement sa conversation de calembours, c'est insupportable ; mais que voulez-vous y faire ? quand on ne peut pas pêcher, il faut bien se distraire un peu.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Opéra, 1866)

 

 

Il fut admis, vers l'âge de dix ans, dans l'institution de musique religieuse dirigée par Choron, et y fit de bonnes études musicales. Lorsque cette institution fut supprimée, après la révolution de juillet 1830, Marié n'avait pas encore atteint sa dix-septième année. Il fut obligé de chercher des ressources pour son existence en chantant dans les églises particulièrement à Saint-Eustache. Plus tard, le besoin lui fit accepter une place de choriste à l'Opéra-Comique : il entra à ce théâtre sous le nom de Mécène. Cependant, artiste par le sentiment, musicien d’une éducation solide, et possédant une bonne voix de ténor, il était fait pour occuper une meilleure position : il le sentit et se prépara, par l'étude du répertoire, à tenir sur un théâtre de province l'emploi de premier ténor. Un engagement lui fut offert pour le théâtre de Metz : il y débuta au commencement de l'année théâtrale 1838. Sa voix, où se faisaient remarquer de beaux sons dans toute l'étendue d'un bon ténor, n'avait pas été convenablement travaillée par des exercices de vocalisation bien dirigés ; elle manquait de souplesse et d'égalité ; mais elle était accentuée. Marié possédait un sentiment pur, une manière large de phraser, et de plus il était très bon musicien. Ses succès eurent du retentissement ; les journaux de Paris le signalèrent à l’attention publique, et le directeur du nouveau Théâtre de la Renaissance engagea l'artiste pour l'année 1830 ; mais le directeur de l'Opéra-Comique le réclama, en vertu d'une clause de son privilège qui ne permettait pas à un chanteur sorti de son théâtre de paraître sur une autre scène de Paris avant le terme de trois ans révolus. Un procès s'ensuivit, et le tribunal ayant donné gain de cause à M. Crosnier, alors directeur de l’Opéra-Comique, Marié fut obligé de rentrer à ce théâtre avec le titre de premier ténor. Il y parut pour la première fois dans la Symphonie, opéra écrit pour lui par Clapisson. Il y eut un véritable succès, parce que le compositeur avait compris ce qu’il fallait pour le caractère large de son chant ; mais bientôt l'administration du théâtre put comprendre qu'elle avait fait une faute en obligeant Marié à y entrer, car le répertoire courant n'avait pas un rôle qui lui convint. En 1840, cet artiste fut engagé par l'administration de l'Opéra, pour chanter les principaux rôles en remplacement de Duprez, qui commençait à se fatiguer. Il y réussit d'abord, mais aucun rôle n'ayant été écrit pour lui, dont la direction ne sut pas comprendre la destination spéciale, Marié perdit insensiblement la faveur du public. Sorti de l'Opéra, il parcourut les départements et la Belgique, où il obtint des succès ; puis alla en Italie, s'y essaya dans les rôles de baryton, revint à Paris, et rentra à l'Opéra, dans une situation secondaire, ou il s'est effacé. C'est ainsi qu'un vrai talent de sentiment et de distinction fut perdu et ne parut jamais ce qu'il valait, parce qu'il ne fut compris, ni par les directeurs de théâtres, ni par la critique vulgaire.

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866-1868)

 

 

Il entra fort jeune dans une école de chant, où il resta sept ans, paraissant de temps en temps dans les chœurs d'Athalie au Théâtre-Français, se risquant même une fois au Théâtre-Italien, à côté de Galli et de Mme Pasta. Admis au Conservatoire, il y remporta, en 1829, un prix de contrebasse. Il obtint alors une place à l'orchestre de l'Opéra, mais ne la conserva pas longtemps, et préféra errer à l'aventure, tantôt chez Musard, tantôt au Cirque, mais ne chantant presque jamais. En 1835, abandonnant pour toujours la musique instrumentale, il entra à l'Opéra-Comique avec le modeste titre d'utilité. Engagé bientôt après au théâtre de Metz, il y débuta avec succès et devint en très peu de temps le favori du public. En 1839, M. Marié revint à Paris, obtint un engagement à l'Opéra-Comique, où il fut aussitôt très remarqué, et, dès l'année suivante, il était admis à l'Opéra. Il y débuta avec succès dans le rôle d'Eléazar, de la Juive. Sa réputation s'accrut rapidement ; il devint un des meilleurs artistes de ce théâtre. Parmi les rôles qu'il a créés, nous citerons ceux de Max, dans le Freischütz ; de Stenio, dans Carmagnola ; de Robert, dans les Vêpres siciliennes ; de Tsing-Sing, dans le Cheval de bronze ; de Magnus, dans Herculanum, etc. Pendant sa longue carrière, il a été successivement ténor, baryton et basse, et s'est fait remarquer comme acteur par son excellente diction et par la finesse de son jeu. Professeur habile, il a formé d'excellents élèves, entre autres ses trois filles, Mmes Galli-Marié, Paola Marié et Irma Marié. On doit à M. Marié une méthode remarquable ayant pour titre : Formation de la voix, vocalises et exercices de prononciation. Malgré quelques erreurs matérielles regrettables, cet ouvrage n'en est pas moins rempli d'observations et de conseils

excellents, ayant leur source dans une longue expérience et dans un grand talent.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)

  

 

A la veille de son départ pour l'Amérique, Mlle Paola Marié vient d'avoir la douleur de perdre son père : Claude-Marie-Mécène Marié est mort jeudi, à Compiègne, à l'âge de soixante-huit ans.

Né à Château-Chinon (Nièvre) en 1811, il vint tout jeune à Paris et entra dans une école de chant, où il resta sept ans, paraissant de temps en temps dans les chœurs d'Athalie au Théâtre-Français, se risquant même une fois au Théâtre-Italien, à côté de Galli et de Mme Pasta.

Admis au Conservatoire, Marié obtint en 1829 un prix de contrebasse — ce qui le fit entrer à l’orchestre de l'Opéra, — mais il n'y resta pas longtemps : il préféra errer à l'aventure, tantôt chez Musard, tantôt au Cirque.

C'est en 1835 qu'il renonça complètement à la musique instrumentale. Ayant lâché la contrebasse, il entra à l'Opéra-Comique pour y tenir l'emploi plus que modeste des utilités. Engagé ensuite au théâtre de Metz, il y débuta brillamment et devint le favori du public. Il revint à l'Opéra-Comique, en 1839. Il y fut très remarqué. L'année suivante, il signait avec l'Opéra.

Son début sur notre première scène lyrique eut lieu dans la Juive, par le rôle d'Eléazar. Sa réputation s'accrut rapidement. Il devint un des meilleurs artistes de ce théâtre.

Parmi les rôles qu'il a créés, citons ceux de Max, dans le Freischütz ; de Stenio, dans Carmagnola ; de Robert, dans les Vêpres siciliennes ; de Tsing-Sing, dans le Cheval de bronze ; de Magnus, dans Herculanum.

Pendant sa langue carrière, Marié chanta successivement les ténors, les barytons et les basses. Il était un acteur remarquable par l'excellence de sa diction et la finesse de son jeu.

Professeur habile, il a formé de bons élèves ; entre autres, ses trois filles, Galli-Marié, Paola Marié et Irma Marié. Sa quatrième fille, Mécéna Marié, célèbre par un drame conjugal qui se passa rue Prony, n'a jamais abordé la scène ailleurs qu'au Théâtre-Cluny, où elle ne réussit pas, l’an dernier.

On doit à M. Marié une méthode excellente ayant pour titre : Formation de la voix, vocalises et exercices de prononciation.

(le Figaro, 19 août 1879)

 

 

 

 

 

Les gloires du chant : Mécène Marié.

On rencontrerai difficilement, dans la chronique du théâtre, une famille plus lyrique que celle des Marié de l'Isle : le père, trois filles, une petite nièce... ; et il ne tenait, au dernier du nom, que de préférer la carrière musicale à la comédie et au drame : la voix prenante, le timbre velouté de ce beau d’Artagnan, prouvent assez qu'il y eût réussi comme les autres.

Les érudits de la vieille France provinciale nous apprennent que ces Marié sont tous originaires de Clamecy. Les uns portent le nom de Marié-Davy, illustré par le célèbre astronome, les autres celui de Marié de l'Isle. Ce dernier a un peu intrigué. Il vient de « l’Ile Margot » qui, encore au début du XIXe siècle, se trouvait, en pleine ville, sur l'Yonne (elle figure dans la carte de Cassini, devant la chapelle épiscopale dite Bethléem) et n'a été reliée à la rive que voici quelque 80 ans. Mais cette branche des Marié n'était plus représentée, alors, à Clamecy, et le dernier dont on trouve la trace semble être un officier de dragons qui quitta la ville pour épouser une fille du peintre graveur Surugue (milieu du XVIIe siècle).

La famille, au surplus, resta dans le pays : Claude-Marie-Mécène Marié de l'Isle, naquit à Château-Chinon (le 22 mai 1811). C'est une bien curieuse carrière, et sans analogue, que la sienne. Elle vaut d'être rappelée ici, puisque j'en trouve l'occasion.

Il commença comme contre-basse. J'ai trouvé, aux Archives Nationales, une lettre du Ministre, de la Maison du Roi, du 25 avril 1829, à son père, pour le féliciter de sa nomination, après concours, à l'orchestre de l'Opéra. Il était alors élève au Conservatoire, où il obtint son premier prix l'année suivante. Il resta à son poste jusqu'en 1834, mais c'était, en attendant le développement de sa voix. Car il avait toujours chanté… et avec une facilité dont Reyer, dans un feuilleton des dernières années de Marié, rappelait, en quelques mois, le caractère d'exception. « Pendant sa longue carrière d'artiste, qui embrasse un espace de 40 années, M. Marié a professé et chanté dans quatre voix différentes. A l'âge de 9 ans, il était professeur ou moniteur à l'École de Choron ; un peu plus tard, il chantait aux Italiens le rôle d'Adolfo dans la Camille de Paer ; puis devenait, toujours en qualité de soprano, l’un des solistes les plus remarqués aux soirées musicales de la duchesse de Berry. Enfin, il devint homme et chanta successivement, en France et en Italie, les basses profondes, les barytons et les ténors. »

Il fut d'abord ténor, et pas à demi : il débuta à Metz (en 1838), dans Raoul des Huguenots, et après un essai à l'Opéra-Comique pour lequel il était peu fait, à l'Opéra de Paris (en 1840), dans Eléazar de la Juive. On le rencontre ensuite dans Guillaume Tell, la Muette, les Huguenots... En somme, tous les rôles de Duprez, qu'il doublait. (Mlle Jeanne Marié de l'Isle possède une affiche de cette époque, où son nom figure ainsi sur un papillon collé sur le nom de Duprez.) En 1841, il chantait aussi Don Ottavio de Don Juan et créait sur cette scène le personnage de Max dans le Freischütz (adapté par Berlioz)... Je ne le suivrai pas davantage, soit à l'Opéra, soit en Belgique, soit en France (à Toulouse, par exemple où, en 1847, on écrit que son jeu dramatique électrise la foule dans la Ruine de Chypre et dans Guido et Ginevra). C'est peu après, semble-t-il, et pendant une saison en Italie, qu’il aurait commencé de préférer les rôles de baryton. Il revenait, en tout cas, d'Italie, lorsqu'il fut réengagé, comme tel, à l'Opéra (1848), pour jouer le personnage de Charles VI et chanter cette fois aux côtés de Duprez celui de Guillaume Tell, ce qui ne fut pas sans exciter une curiosité amusée. Notons qu'il n'abandonnait pas, pour cela, son ancien répertoire en entier : à quelques jours de distance, on l'entendit dans son rôle du Freischütz et dans celui de Nevers, des Huguenots (le soir où Pauline Viardot chanta Valentine, 1850). « Tantôt ténor, tantôt baryton, toujours excellent musicien ! », dit, à ce propos, la Revue et Gazette musicales.

Et c'est ainsi, d'année en année, jusqu'en 1862, où se classe sa dernière création, dans la Reine de Saba, de Gounod. Ce n'était plus, à cette époque, un artiste de premier plan ; mais il était précieux, car il chantait tout ce qu'on voulait, et avec une facilite légendaire. Un jour, en 1852, il remplaça Gueymard, au pied levé, partition en main, dans l'Aménophis de Moïse... Entre temps, demeuré fidèle à l'Ecole de Choron, il s'était fait aussi une spécialité à l'église. Dès 1854, on l’entend dans des Messes nouvelles, à Saint-Roch, à Notre-Dame... Des motets paraissent même, en 1856, sous son propre nom, et, en 1858, fondateur de l'Institut Musical de Montmartre, il chantait, à Saint-Pierre, une Messe solennelle de sa composition. A partir de 1861, la fondation Beaulieu, naissante, l’appelait à en diriger les chœurs et il y chantait le Retour de Tobie, de Haydn, avec sa fille Irma. Enfin, l’heure de la retraite sonnée, il écrivit un livre technique sous le titre : Formation de la voix ou Méthode nouvelle pour la formation des voix, suivie d'une série de vocalises, et c'est à propos de lui qu'Ernest Reyer, le 28 février 1873, rappelait le souvenir de l'artiste dans les termes que je citais plus haut. Je lui laisse la parole :

« Dans cet ouvrage, que recommande au public la longue expérience de l'auteur, M. Marié de l'Isle donne d'excellents conseils pour arriver à une bonne articulation. Il indique aussi la manière d'établir les bases de la tessiture et recommande l'immobilité des épaules, afin que la respiration soit diaphragmatique ou costale. « Autrement dit, il faut que, chez les hommes, elle se forme par le ventre, et, chez les femmes, par les côtes, en se rapprochant le plus possible  de la respiration prise à l'état de sommeil. » Si l'on chante en levant les épaules, le moindre inconvénient de cette manière de respirer est, suivant. M. Marié, de chanter faux ou trop haut... »

Mécène Marié (il raccourcit habituellement son nom pour la scène) a eu cinq filles et un fils. Célestine, celle qui épousa le sculpteur Galli, était l'aînée ; puis Irma, qui fut la première Mme Ed. Colonne et fit une jolie carrière dans l'opérette ; Paola, également chanteuse d'opérette, mais plus célèbre et fêtée jusqu’en Amérique (avec Capoul) : c'est elle qui créa Clairette de la Fille de Madame Angot, et qu'on applaudissait encore, aux Variétés et aux Bouffes, entre 1875 et 1879 ; enfin, Mécéna et Cécile, dont on n'a rien dit. Jean Marié de l’Isle, le comédien, est le fils de son fils Léon (qui fut peintre), et notre Jeanne Marié de l'Isle est la petite-fille de son frère Jean-Baptiste.

(Henri de Curzon, Lyrica, mai 1927)

 

 

 

 

 

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