François DELSARTE
François Delsarte en 1864, photo d'Etienne Carjat [BNF]
François Alexandre Nicolas Chéri DELSARTE dit François DELSARTE
ténor et professeur de chant français
(Solesmes, Nord, 19 novembre 1811* – Paris 17e, 20 juillet 1871*)
Fils de Jean Nicolas Toussaint DELSARTE (Solesmes, 03 septembre 1778 – Solesmes, 08 décembre 1846), marchand cafetier, et d'Albertine Aimée ROLAND (1794 – Paris ancien 5e, 06 juillet 1837), mariés le 31 octobre 1810.
Frère d'Aimée Marie Louise Léopoldine DELSARTE, pianiste [mère de Georges BIZET, compositeur)] ; et de Camille Auguste Achille DELSARTE (Cambrai, 08 juin 1818* – Hobart, Tasmanie, Australie, 02 juillet 1877), ténor léger, élève de son frère et professeur de chant, engagé début 1847 à l'Opéra-National (qui devint le Théâtre-Lyrique) il y débuta le 15 novembre 1847 en créant Gastibelza d'Aimé Maillart.
Epouse à Paris ancien 3e le 04 juin 1833* Rosine Charlotte ANDRIEN (Paris ancien 3e, 14 juillet 1817 – Paris 17e, 04 janvier 1891*), professeur adjoint de solfège femme au Conservatoire de Paris (1830 – démission 06 janvier 1838), fille de Martin Joseph ANDRIEN, basse de l'Opéra, et de Gabrielle Marie Constance PHILIPPY D'ESTRÉES ; sœur d'Atala Thérèse Annette ANDRIEN [épouse François WARTEL, ténor].
Père de Gustave Adrien DELSARTE (Paris ancien 2e, 23 juillet 1836 – Paris 17e, 25 février 1879*), professeur de musique [époux d'Hermine MESSNER] ; et de Marie Madeleine Blanche Geneviève DELSARTE (Paris ancien 1er, 23 juin 1853 – 16 mars 1927), peintre, épouse à Paris 17e le 01 mars 1887* Désiré Louis RÉAL (Paris ancien 5e, 30 octobre 1852 – Paris 17e, 13 janvier 1909), sculpteur [parents de Maxime Louis Camille RÉAL dit Maxime RÉAL del SARTE (Paris 17e, 02 mai 1888* – Paris 17e, 15 février 1954), sculpteur].
Elève de Choron puis, au Conservatoire de Paris, de Garaudé et de Ponchard l'aîné, où il obtint un 2e prix de vocalisation en 1828. Il débuta à l'Opéra-Comique en 1830, créa l'Hôtel des princes de Prévost au théâtre de l'Ambigu en avril 1831, puis joua le mélodrame au Théâtre des Variétés (fin 1833) où il resta trois ans. Puis il s'enrôla dans le saint-simonisme, renonça au théâtre, prit la place de maître de chapelle de l'église de l'abbé Châtel. Il ouvrit des cours de chant et donna des concerts historiques, dans lesquels il interpréta les chefs-d’œuvre lyriques du XVIIe et du XVIIIe siècle. Il fut bientôt l'un des maîtres les plus courus. Delsarte s'est fait connaître aussi comme compositeur par une messe d'un bon caractère et des mélodies vocales d'un grand style, parmi lesquelles il faut citer le Jugement dernier et les Stances à l'Éternité, qui reflètent la nature mystique de l'auteur. Il a publié encore, sous le titre d'Archives du chant, un recueil des plus beaux morceaux lyriques des XVIIe et XVIIIe siècles, reproduction fidèle des éditions originales, sans aucune adjonction concernant l'interprétation, mais avec une réalisation des basses chiffrées. Une de ses élèves, Angélique Arnaud, a écrit un livre sur lui (1882). Il était l’oncle de Georges Bizet.
Après avoir étudié le chant et la diction, il s'était consacré à des recherches sur le dynamisme et l’expression, sur le geste et la parole ainsi que sur les interactions qui peuvent naître de la combinaison des phénomènes mentaux, émotionnels et physiques. Ses travaux sont à l’origine des déductions « eurythmiques » d’Emile Jaques-Dalcroze et influenceront les théories de Rudolf von Laban et le style de Kurt Joos. Son système fait de Delsarte le précurseur de la modern dance.
Il est décédé en 1871 à cinquante-neuf ans, en son domicile, 88 boulevard de Courcelles à Paris 17e. Il est enterré au cimetière de Montmartre (9e division).
=> François Del Sarte, ses découvertes en esthétique, sa science, sa méthode, par Angélique Arnaud (1882)
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Il y débuta en 1830 dans Maison à vendre de Dalayrac. |
Sa carrière au Théâtre-Lyrique
Il chanta à l'Opéra-National en mars 1848 dans la Révolution.
Son frère Camille DELSARTE y a créé le 15 novembre 1847 Gastibelza d'Aimé Maillart. |
François Delsarte par F. Gillot, d'après une charge de Paul Hadol (1861)
Il fut admis au Conservatoire en 1826. Après quatre années d'études, il en sortit en 1830, parut pendant quelque temps sur le théâtre de l'Opéra-Comique et se consacra ensuite à l'enseignement de son art pour lequel il a toujours montré une passion peu commune. On l'a toutefois revu en public, notamment dans des concerts organisés annuellement par ses soins et très suivis par les artistes et les amateurs aristocratiques. Au mois de mars 1848, il est remonté sur la scène pour chanter un air patriotique, à côté de Mlle Chéri Couraud, dans la Révolution, que représentait alors l'Opéra-National. M. Delsarte, à qui l'on doit comme professeur beaucoup d'élèves parmi nos célébrités dramatiques et dans le monde des salons, choisit de préférence, comme chanteur, la musique ancienne : aussi n'a-t-il pas peu contribué à sauver de l'oubli un certain nombre de morceaux empruntés aux compositeurs d'autrefois. Il excelle à interpréter les récitatifs par la déclamation musicale, et souvent il a été à même de prouver, comme M. Duprez, qu'un rythme ajoutait plutôt qu'il ne nuisait à l'expression des passions et des sentiments humains, contre l'opinion générale du public, qui admire surtout les acteurs qui donnent aux vers l'allure et le son de la prose. M. Delsarte a réuni, sous le titre d'Archives du chant, des cahiers de musique historique du VIe au XVIIe siècle. On lui doit en outre la musique de quelques romances. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866)
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Il a été admis au pensionnat du Conservatoire de Paris le 1er juillet 1826, où il reçut d'abord des leçons de vocalisation de Garaudé, et obtint le deuxième prix en 1828 ; puis il devint élève de Ponchard pour le chant. En 1830 il débuta sans succès dans Maison à vendre, et renonça dès lors à la carrière du théâtre pour se livrer à de nouvelles études sur l’art du chant. Bien que sa voix ne fut pas douée de bonnes qualités de sonorité, il se fit une réputation dans les salons par sa manière de dire la musique sérieuse et de phraser le récitatif. Bientôt il eut une école dans laquelle il mettait en usage une méthode quelque peu excentrique, mais qui eut des partisans dévoués. Depuis environ vingt ans (1860), M. Delsarte a continué de se livrer à l'enseignement. Il a donné aussi quelques concerts historiques de chant, à l'imitation de ceux qu'avait donnés longtemps auparavant l'auteur de cette Biographie. M. Delsarte s'est occupé des moyens les plus efficaces pour obtenir dans le piano l'accord le plus satisfaisant. Considérant que le rapport de sons le plus facilement appréciable est l'unisson, il a imaginé un appareil placé à l'Exposition universelle de l'industrie, à Paris, en 1855, sous le nom de Guide-accord, ou sonotype. Cet appareil, applicable à tous les pianos, consiste en un sillet mobile placet dans une direction inverse de la courbe du chevalet, lequel met toutes les cordes à l'unisson lorsque l'accord est parfait. Ce but une fois atteint, le sillet mobile est relevé, et l’accord du piano a toute la justesse du système du tempérament égal. L'invention de M. Delsarte est la plus simple et la plus utile de toutes celles qu'on a imaginées pour arriver avec certitude et facilité au but d'un bon accord du piano. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866-1868)
Artiste un peu étrange, quoique d'un mérite incontestable, doué de facultés très diverses et de toutes les qualités nécessaires à l'enseignement, fut — sans voix ! — un chanteur véritablement remarquable et presque un professeur de premier ordre. Venu de bonne heure à Paris, Delsarte étudie la musique dès son enfance, et bientôt veut se consacrer à la carrière du chant, bien que pour cela le fonds principal, c'est à-dire la voix, lui fasse presque entièrement défaut. A force de travail pourtant et d'intelligence, il parvient, après avoir passé par l'excellente école de Choron, à remporter un second prix au Conservatoire, où il avait pour professeurs Garaudé et Ponchard père. L'année suivante il manque son premier prix, mais il a la consolation d'entendre Mme Sontag le féliciter et Nourrit lui dire : — « On ne vous a pas compris, mais je vous ai donné ma voix, et jamais mes enfants n'auront d'autre maître que vous. » Cependant Delsarte veut, comme tous les autres, essayer du théâtre, et, après de grands efforts, parvient à se faire engager à l'Opéra-Comique. Il débute dans Maison à vendre, de Dalayrac ; mais lui, l'artiste aux accents nobles et touchants, ne pouvait réussir dans ce qu'on pourrait appeler un vaudeville à couplets. Il ne plaît que médiocrement, et, bien que Chollet lui confie l'éducation musicale de sa fille, il juge à propos de quitter le théâtre Favart pour s'engager à l'Ambigu. Là, il crée deux ou trois rôles de mélodrame, puis, le théâtre faisant faillite, il se réfugie aux Variétés. Voilà donc le futur chantre de Lully, de Rameau et de Gluck sur le point de donner la réplique et de servir de compère à Vernet et à Odry ! Pourtant, il touche aux Variétés ses appointements durant trois ans, sans qu'on songe à le faire jouer. Mais, pendant ce temps, il travaille solitairement, silencieusement, se livre à des études profondes sur la déclamation parlée et lyrique, et, pour mieux se rendre compte des effets, il étudie aussi la physiologie et l'anatomie, et, cherche à se rendre familière la construction du larynx et approfondir le phénomène de la phonation. En un mot, il se rendait maître, petit à petit, de tous les secrets de son art. Mais Delsarte était un homme étrange. Bientôt il quitta les Variétés pour se faire saint-simonien, puis, du saint-simonisme, en vint à l'église de l'abbé Châtel, Dans cette dernière, il fut appelé à la direction des chœurs, et, pour la première fois de sa vie, se trouva livré à un travail digne de lui, et qui lui plaisait. On le voit alors ouvrir des cours, donner des concerts historiques, dans lesquels il fait apprécier un style dramatique singulier mais puissant, mélangé de grandeur et d'emphase, de noblesse et d'exagération, en interprétant quelques-uns des chefs-d'œuvre des vieux maîtres de l'école française. Il fait connaître au public des concerts, par fragments bien choisis, l'Armide de Lully et celle de Gluck, Castor et Pollux de Rameau, les deux Iphigénie, mettant en relief les principales beautés de ces divers ouvrages, et faisant courir tout Paris à leur audition. Bientôt les élèves affluent à ses cours. C'est d'abord Darcier, c'est Alizard, c'est Mme Barbot, puis Mlle Marie Dussy, puis Mmes Gueymard et Carvalho à leur début, et tant d'autres que je ne saurais nommer. La notoriété, presque la célébrité vient enfin à Delsarte, et tandis que Mlle Rachel veut, dit-on, l'avoir pour partenaire à la Comédie-Française, le Théâtre-Italien songe à lui pour remplacer Bordogni. C'est ainsi que la tragédie et l'opéra se disputent cet artiste fantasque, étrange, mais d'une si étonnante envergure. Mais lui ne veut plus entendre parler de théâtre. Avec l'aisance il a conquis la liberté, qui pour lui n'est que la liberté de s'instruire, et il la veut conserver. Car Delsarte travaillera toute sa vie, et jusqu'à son dernier jour, jusqu'à son dernier souffle, s'enquerra des moyens et recherchera les causes. Tout en continuant de professer, il se livre avec plus d'ardeur à ses étude d'ontologie, de physiologie, de psychologie, d'anatomie. Puis, comme son cerveau n'est exempt ni de fantaisie ni de bizarrerie, que du saint-simonisme son esprit s'est trouvé ramené aux pures doctrines chrétiennes, les spéculations philosophiques, les méditations religieuses contribueront à accaparer son existence. Si l’on ajoute à cela qu'il notait toutes ses impressions, qu'il préparait les matériaux innombrables de traités qu’il projetait toujours sans les faire jamais, qu'il se livrait enfin à des recherches incessantes sur la philosophie et l'esthétique de l'art, on comprendra que cet homme extraordinairement laborieux n'ait jamais eu une minute à lui. Delsarte a publié un certain nombre de mélodies, dont quelques-unes (une entre autres, les Stances à l'Éternité), se faisaient remarquer par un grand caractère. On lui doit aussi un important recueil intitulé les Archives du chant, dans lequel il a reproduit, entre autres chefs-d’œuvre, quelques-unes des magnifiques pages lyriques pour lesquelles il professait une si grande et si juste admiration. Le malheur est que cette publication a été faite par lui avec le parti pris de n'aider en rien à la bonne interprétation de ces chefs-d'œuvre, qu'il voulait répandre. Non seulement il se refusait à indiquer aucune nuance, aucun mouvement précis pour les morceaux qu'il reproduisait, mais il poussa même le scrupule du texte primitif jusqu'à respecter les fautes de gravure des éditions originales. Il avait retrouvé à Lyon un certain nombre de vieux poinçons dont il se servit tellement quellement, pour les nouvelles planches qu’il faisait faire, de tette sorte que sa publication représentait avec une fidélité absolue les anciennes éditions, à cela près, pourtant, qu'il en avait réalisé au piano les basses chiffrées, ou réduit les accords d'orchestre. Delsarte est mort à Paris, le 20 juillet 1871, dans sa soixantième année. Mme Angélique Arnaud a publié à son sujet la brochure suivante : Delsarte, ses cours, sa méthode (Paris, Dentu, 1859, in-18 de 57 p.). (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, supplément d'Arthur Pougin, 1878-1880)
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