Sainte Odile

 

 

 

Drame lyrique en trois actes, livret de Victor Eugène Georges LIGNEREUX (Paris 17e, 19 février 1878* – Paris 16e, 07 août 1937*), musique de Marcel BERTRAND.

 

   partition

 

         

 

Air d'Odile, manuscrit du compositeur publié dans les Annales

 

 

Création à l'Opéra-Comique (3e salle Favart) le 05 novembre 1923, avec la Griffe de Félix Fourdrain. Mise en scène d'Albert Carré. Décors de Lucien Jusseaume et Deshays-Arnaud. Costumes de Marcel Multzer, réalisés par Mme Solatgès et M. Mathieu. Au 2e acte, danses réglées par Jeanne Chasles.

9 représentations à l’Opéra-Comique au 31.12.1950.

 

 

 

personnages emplois créateurs
Odile soprano dramatique Mmes Marguerite ROGER
l'Abbesse mezzo-soprano FERRAT
Bertrade, servante d'Atalric   Yvonne DUCUING
Ilse, servante d'Atalric   Germaine EPICASTE
Clotilde, servante d'Atalric   Jeanne BILLA-AZÉMA
Sigewinde, religieuse   Jeanne CALAS
Edwige, religieuse   Olympe GARCIA-FRAPPA
Vénérande, religieuse   MARZANNE
La Tourière   Marguerite VILLETTE
Jeunes Filles   CALAS, GARCIA, Mimi JULLIOT, MARZANNE, LECCA, DELORME, Rosa HOLT, JULLIOT, MATHO
Adalbert, frère d'Odile ténor MM. Maurice OGER
Atalric, duc d'Alsace, père d'Odile basse chantante Julien LAFONT
Clodomir baryton Maurice SAUVAGEOT
Odulf basse Louis MORTURIER
un Mendiant   Francis DONVAL
Chef d'orchestre   Maurice FRIGARA

 

 

 

 

Mettre à la scène la légende de Sainte Odile, la patronne de l'Alsace, est une idée qui vint à M. Georges Lignereux quand il était commandant en Alsace. Ayant rencontré M. Marcel Bertrand après la guerre, il lui parla de son projet qui fut accueilli avec enthousiasme par le musicien.

M. Marcel Bertrand est né en 1883, il a donc 40 ans, c'est par conséquent un jeune, car en musique, à moins de se livrer à de véritables exhibitions de cirque, on ne peut guère compter arriver à la notoriété avant cet âge ; il est petit­fils d'Obin, le chanteur et le professeur bien connu, et le neveu d'Eugène Bertrand, qui fut directeur de l'Opéra. Cette dernière qualité, loin de lui servir, lui a plutôt nui dans ses débuts, car il s'est heurté à l'hostilité de certains compositeurs dont son oncle avait refusé de représenter les œuvres. Mais tout cela est loin et M. Marcel Bertrand a déjà un bagage dramatique important. On a de lui : Ghyslaine, représentée en 1908 à l'Opéra-Comique, les Heures de l'Amour, montées à Monte-Carlo en 1911, et la Terre qui meurt, jouée au Théâtre des Arts à Rouen en 1914.

En dehors de Sainte Odile dont l'apparition est prochaine, M. Marcel Bertrand a toute prête une autre œuvre : la Petite Papacoda, tirée du roman de Paul Reboux, et il met la dernière main à un ballet roumain qu'il destine à l'Opéra.

Sainte Odile fut entreprise, comme nous le disions, aussitôt l'armistice et écrite en dix-huit mois. Le sujet en est touchant, à la fois humain et mystique, religieux et païen. M. Marcel Bertrand y mit tout son cœur et toute sa sincérité, une œuvre pareille ne saurait être traduite scientifiquement, c'est dire qu'il ne faudra pas y chercher de musique compliquée, mais coulant de source et mélodique.

L'opéra est divisé en trois actes : le premier se passe au couvent où Odile est enfermée par ordre de son père Atalric, duc d'Alsace, le second à Obernay, dans le château d'Atalric, et le troisième au pied de la montagne Sainte-Odile où se trouve aujourd'hui le couvent du même nom. Chacun de ces actes a un caractère particulier : le premier, mystique et doux ; le second, brutal comme les héros francs qu'il met aux prises ; le troisième, tout de pitié humaine et de foi religieuse.

Pas d'amour en cette pièce.

C'est à l'Opéra de Strasbourg que devait être représentée Sainte Odile et l'Opéra-Comique devait accueillir la Petite Papacoda, mais M. Albert Carré, alsacien, comme chacun sait, ne voulut laisser à personne d'autre le soin de glorifier la grande sainte alsacienne, et c'est ainsi que nous verrons le miracle de Sainte Odile à Paris.

Les décors, comme toujours splendides, sont de MM. Jusseaume et Deshays.

L'interprétation a été confiée à Mlle Marguerite Roger, touchante Odile, à M. Lafont, sauvage Atalric, et M. Oger personnifiera le malheureux frère d'Odile.

Les études musicales ont été dirigées avec compétence par M. Maurice Frigara qui conduira l'orchestre.

(le Ménestrel, 26 octobre 1923)

 

 

 

 

 

              

 

de g. à dr. Marguerite Roger (Odile), Maurice Oger (Adalbert), Mme Ferrat (l'Abbesse), Maurice Sauvageot (Clodomir), dessins de Louis Morturier

 

 

A l'âge de 22 ans, Marcel Bertrand eut sa première œuvre (Ghyslaine) représentée à l'Opéra-Comique. Monte-Carlo lui joua les Heures de l'Amour et le Théâtre des Arts de Rouen sa première grande œuvre, la Terre qui meurt (4 actes). MM. Carré et Isola viennent à nouveau d'accueillir le jeune et sympathique compositeur et ont monté Sainte Odile.

Son collaborateur Georges Lignereux a présenté simplement la légende de la patronne de l'Alsace ; l'action se développe très clairement et nous pouvons suivre Odile depuis son séjour dans la paisible abbaye de Baume-les-Dames, jusqu'au moment, où chassée par son père après le meurtre de son frère Adalbert, elle se réfugie au sein de la montagne alsacienne et laisse son père vaincu et converti.

Le dénouement, seul, a paru un peu rapide : on a l'impression de quelque chose qui aurait été arrêté dans son élan.

Marcel Bertrand a parfaitement réalisé et appuyé les intentions de son collaborateur.

Moderne, certes, sa musique, mais non exempte de mélodie, comportant des airs, des duos, des scènes, des marches, des chœurs. Elle est vivante, vibrante et sincère avant tout.

Le calme reposant de l'abbaye est souligné d'un accompagnement d'orchestre d'une poésie charmante. Le chœur d'entrée du deuxième acte avec les rondes enfantines, le chœur des jeunes files devant le tombeau d'Adalbert ainsi que les ensembles sont admirablement tenus et ont été chaleureusement applaudis. Il a été très heureux dans son second acte qui fait opposition par sa brutalité et sa véhémence, au calme de l'acte précédent.

Enfin, le final du troisième acte nous élève dans les sphères mystiques avec des accents pénétrants de foi religieuse.

Son orchestration est claire, limpide, puissante quand la situation l'exige, et distinguée dans la juxtaposition des différents timbres.

Au surplus, nous pouvons constater que Marcel Bertrand écrit bien pour les voix. C'est le plus pur compliment que je puisse lui adresser en complet accord avec ses interprètes.

Mlle Roger a été une Odile intelligente, simple, de voix claire et pure. je souhaiterais seulement un peu plus de netteté dans son articulation.

Mme Ferrat sut donner les accents justes à l'abbesse.

M. Lafont campa solidement le farouche Atalric et lui donna l'appoint d'une voix solide et bien articulée. M. Oger mit toute sa fougue vocale au service du jeune Adalbert si injustement sacrifié. Un jeune artiste, M. Sauvageot (Clodomir), nous fit entendre un joli organe, et les autres rôles furent parfaitement tenus et chantés par Mmes Billa-Azéma, Epicaste, Ducuing, Calas et par MM. Morturier et Donval.

De sincères louanges doivent être adressées au chef Frigara qui a conduit avec maîtrise, autorité et vaillance Sainte Odile après la Griffe.

Je ne parlerai des décors de Jusseaume et Deshays-Arnaud, ainsi que de la mise en scène, que pour constater une fois de plus que les ouvrages présentés par MM. Carré et Isola sont toujours un ravissement pour nos yeux quand se lève le rideau.

Le public de la générale, et surtout celui de la première, fit un accueil très chaud et très sincère à l'œuvre de Marcel Bertrand et Georges Lignereux. Le maître Paul Vidal peut être fier de son élève.

P.-S. Je ne pense pas commettre d'indiscrétion en annonçant que Marcel Bertrand a une œuvre ravissante, à la fois légère et profonde, qui est achevée depuis quelque temps, et qui est tirée de la Petite Papacoda de Paul Reboux.

(Jean Bourbon, Lyrica, 01 décembre 1923)

 

 

 

Julien Lafont (Atalric), dessin de Louis Morturier

 

 

 

 

 

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