les Premières armes de Louis XV
Opéra-comique en trois actes, livret d'Albert CARRÉ, d'après les Beignets à la Cour, comédie en deux actes mêlés de chants, de Benjamin ANTIER (Palais-Royal, 25 mars 1835), musique de Firmin BERNICAT remaniée par André MESSAGER.
Il s'agit d'une version remaniée des BEIGNETS DU ROI, d'Albert Carré et Firmin Bernicat, créés aux Fantaisies-Parisiennes de Bruxelles le 10 février 1882, avec Mmes CHEVRIER, NADAU, BOULAND, MM. DESCHAMPS, LANG, MERCIER.
Création à Paris, au théâtre des Menus-Plaisirs le 16 février 1888.
personnages | créateurs |
le Roi Louis XV | Mmes NIXAU |
Antoinette d'Humière | PIERNY |
la Marquise d'Hunière | BERTHIER |
Atalante de Sartonne | THIERRY |
la Supérieure | C. LEMONNIER |
la Tourière | CURNIER |
Eléonore | LARGINI |
Mme de Nesles | LOYS |
Amadis, maître de danse | MM. DARMAN |
le Duc de Blagnac | BARTEL |
le Chevalier de Norcy | WOLFF |
Don Rodriguez | PERRIER |
De Montmorin | VAVASSEUR |
un Caporal | PERENOT |
Seigneurs, Dames, Pensionnaires, Chasseurs, Piqueurs, Garde-Française et Suisse, Roués, Valets.
Catalogue des morceaux
Ouverture | |||
Acte I. | |||
01 | Introduction - Menuet | Le soir, après la danse | Antoinette, Atalante, Amadis, la Tourière, les Pensionnaires |
Introduction - Ronde | Un lapin broutant l'herbette | Antoinette | |
02 | Sérénade | Pour retrouver sa belle | De Norcy, Antoinette |
03 | Trio des Lettres | De notre amour parlons encore | De Norcy, Amadis, Rodriguez |
04 | Madrigal | Enveloppé dans du coton | la Marquise |
05 | Couplets de la Liberté | Vive la liberté ! | le Roi |
06 | Duo | Vous ne le direz pas | le Roi, Antoinette |
07 | Final - Chœur | Hallali ! Hallali ! | le Roi, Atalante, la Marquise, la Supérieure, la Tourière, Chœur de pensionnaires et de chasseurs |
Final - Couplets de la Marquise | Votre regard est trop brillant | la Marquise | |
Final - Couplets du Roi | Crédié ! comme on s'amuserait | le Roi | |
Acte II. | |||
Entr'acte | |||
08 | Introduction | Selon les lois de l'étiquette | Amadis, Montmorin, Mme de Nesles, Mme de Gontaut, Mme de Béthune, Mme d'Epernon, Chœur |
09 | Couplets à deux voix | Vous connaissez son caractère | Antoinette, le Duc de Blagnac |
10 | Scène | Me voici, me voici | le Roi, la Marquise, le Duc de Blagnac |
Couplets de la Queue de la Poële | Savez-vous faire une omelette | le Roi | |
11 | Duo de la Dînette | L'un près de l'autre assis | le Roi, Antoinette |
12 | Chœur | Pst ! Pst ! Eh ! bien ? mon cher Amadis | Chœur |
13 | Scène et Ensemble | Qui ça peut-il être | la Marquise, Amadis, De Norcy, le Duc de Blagnac, Rodiguez, Chœur |
14 | Couplets | Le Roi m'a dit : "C'est assez me priver" | Antoinette |
15 | Couplets de l'Amour | Mon fils, vous êtes à l'âge | le Roi |
16 | Final - Chœur | Courbons-nous avec grâce | le Roi, Antoinette, la Marquise, Mme de Nesles, Mme de Gontaut, Mme de Béthune, Mme d'Epernon, Amadis, le Duc de Blagnac, Chœur |
Final - Couplets du Roi | C'est un père que je vous donne | le Roi | |
Final - Valse des Beignets | Vous aimez les beignets | Chœur | |
Acte III. | |||
Entr'acte Valse | |||
17 | Chœur de Soldats | Portez armes ! | Chœur |
18 | Romance | Je vais où l'amour enchanté | De Norcy |
19 | Airs de Ballet : a) Pas guerrier - b) Pastorale | ||
20 | Trio de la Pendaison | Pour quitter cette terre | le Roi, De Norcy, Rodriguez |
21 | Duetto de la Leçon d'amour | Une leçon d'amour | le Roi, la Marquise |
22 | Chœur des Patrouilles | Nous protégeons les belles | Gardes-françaises, Suisses |
23 | Duo | Vous, mon ami | le Roi, Antoinette |
24 | Final | Si nos beignets vous semblent bons | le Roi, Chœur |
On prend son bien où on le trouve, et lorsque le tour est bien joué personne ne songe à vous chercher chicane là-dessus. C'est ainsi que M. Albert Carré, en quête d'un canevas divertissant, a arrangé en livret d'opérette un vaudeville dans lequel Déjazet parut en 1835, et dont le principal rôle lui valut un long succès. La pièce, en ce temps lointain, s'appelait : les Beignets à la cour, et n'avait que deux actes. Sous le titre des Beignets du roi, cette bluette remaniée, dont Firmin Bernicat écrivit la musique, a été jouée à Bruxelles en 1882, et voici qu'après avoir été fort goûtée par les amateurs du Brabant elle nous revient, intitulée : les Premières Armes de Louis XV. Tandis que bien des nouveautés sur lesquelles on faisait fond tombent à plat, déroutant les espérances et trahissant les présomptions, cette vieillerie aimable, habilement rajeunie, a fait bonne figure et a été bien accueillie par le public parisien. Louis XV est à cet âge heureux où les friandises et les plats sucrés font battre le cœur encore inconscient. Les hasards d'une chasse l'amènent aux abords d'un couvent. Las des exigences de l'étiquette, l'espiègle couronné se dérobe à la foule des courtisans, franchit les hautes murailles et se trouve, en un clin d'œil, à l'intérieur de la clôture. Il est tombé dans un pensionnat de jeunes filles. Deux des pensionnaires, Antoinette d'Humières et Atalante de Sartonne, y attendent, l'une le vieux duc de Blagnac, auquel sa noble famille a promis sa main, l'autre son mari, don Rodriguez, un bouillant Espagnol dont elle désire être la femme pour de bon, car après le mariage, pour cause d'excessive jeunesse, la pauvre épousée a été reconduite au couvent, afin d'y mûrir. Rodriguez, n'entendant pas de cette oreille-là, fait prévenir Atalante que le soir même il l'enlèvera, et qu'elle ait, en conséquence, à se trouver près de la grille, où il l'attendra, la nuit venue, avec une chaise de poste. Cependant le petit roi se trouve en présence d'Antoinette. Après quelques mots échangés, les voilà les meilleurs amis du monde. Antoinette possède, dit-elle, un talent tout particulier pour faire des plats appétissants, des beignets surtout. Des beignets... Louis XV les adore, mais, hélas ! son sévère précepteur lui a défendu d'en goûter depuis certaine indigestion dont on veut éviter le retour. « Venez m'en faire à Versailles, » dit alors le jeune Louis, en révélant son titre et son rang à sa jeune amie. Et il lui donne un mot d'introduction pour pénétrer jusqu'à sa royale personne. Sur ces entrefaites, la suite a retrouvé les traces du roi. Le couvent est envahi par les dames et les seigneurs, et la belle duchesse d'Humières, tante d'Antoinette, se trouve là fort à propos pour offrir son carrosse au monarque de quinze ans. Antoinette qui veut rejoindre Louis à toute force, ne trouve rien de mieux que de se faire enlever à la place d'Atalante par don Rodriguez, qui arrive à l'heure convenue, et une fois dehors, elle lui glisse dans les mains et s'en va droit à Versailles, où nous la retrouvons la poêle à la main, régalant de beignets dorés et succulents le gourmand qui s'en donne à cœur-joie, et lui promet de la récompenser en lui accordant tout ce qu'elle voudra. Antoinette n'est pas exigeante. Elle demande seulement que le roi intercède auprès de sa tante pour rompre le mariage projeté entre elle et le duc de Blagnac, et qu'il favorise son union avec le chevalier de Norcy, un beau jeune homme dont elle est aimée et qu'elle aime de tout son cœur. Mais le bruit s'est répandu dans le palais que le roi a fait la dînette, et qu'en lui confectionnant des beignets une ingénue, venue l'on ne sait d'où, trouvait le moyen d'obtenir de Sa Majesté tout ce qu'elle voulait. Tout aussitôt, dames et gentilshommes se donnent le mot, et peu après les voilà tous qui paraissent portant en grande pompe, bien dressés sur de riches plateaux, les beignets les plus appétissants du monde. Le roi, rassasié, et croyant à une moquerie, veut se venger d'Antoinette, et, retirant la parole donnée, il accorde solennellement la main de la fillette au duc de Blagnac. Tout s'arrange au dénouement. Gaston de Norcy, trompé par les apparences, croit Antoinette coupable. De son côté, Rodriguez, qui croit avoir enlevé sa femme et qui la soupçonne de s'être réfugiée près du roi, ne décolère point. Les deux désespérés, ne trouvant pas mieux, vont se pendre haut et court, et à cet effet ils choisissent un maître arbre du parc, admirablement disposé pour rendre ce dernier service. L’enfant-roi, pendant ce temps, ne s'est-il pas avisé de faire à Antoinette une déclaration très nette en sentant son cœur s'éveiller ; mais Antoinette l'a repoussé d'une façon fort catégorique. Il suffit pour désoler cette âme candide. Louis XV va se pendre lui aussi. Fort à point, Antoinette, Atalante et la duchesse d’Humières arrivent tout courant, pour empêcher un triple suicide. Louis XV renonce à quitter la vie, Gaston et Rodriguez ne se pendront pas non plus, car ils ont reconnu qu’ils avaient mieux à faire, et la belle duchesse consolant le petit monarque d'un premier déboire amoureux, lui enseignera charitablement la manière de traiter les femmes... comme elles le méritent. C’est à elle que reviendra l'honneur d'avoir fourni à Louis le Bien-Aimé l'occasion de faire ses premières armes. Nombre d'épisodes amusants semés çà et là dans le canevas que nous venons de résumer, quelques mots heureux, plusieurs situations gaies, ont fourni très suffisamment le motif de la gentille musique écrite par Firmin Bernicat. Un charmant madrigal, le duetto de la « Barbe qui pique », la valse bien rythmée des Beignets, la Chanson de la Queue de la poêle, etc., tout est d'une franchise de bon aloi, d'une facile gaieté et d'un aimable tour. Le public a fort goûté les autres numéros de l’agréable partition, où l’on remarque des qualités de grâce et d'élégance qui font regretter que l'inspiration musicale du pauvre musicien ait été si brièvement éteinte. Certains remaniements ont été apportés par M. A. Messager, qui avait complété déjà la partition de François les Bas-Bleus, et qui, en mettant au point les Premières Armes de Louis XV, a donné une nouvelle preuve d'expérience et d'ingéniosité. La direction a monté la pièce avec goût et avec soin. Les principaux interprètes sont excellents. Mlle Nixau (Louis XV) porte agréablement le travesti. Sa voix a de l'éclat et souvent du charme, et c’est à l'heure actuelle l'une de nos meilleures chanteuses dans le genre léger. Mlle Pierny (Antoinette) est très gentille et fort naïve. Une saveur de fruit vert prête à son talent naissant un véritable attrait. Mme Berthier a de la verve sous les traits de la duchesse d'Humières. Elle porte bien le costume de cour et chante avec esprit plusieurs couplets. Du côté masculin, M. Darman mérite seul une mention. Il est réellement amusant sous les traits du maître de danse Amadis, et on lui a fait bisser le pas guerrier et le pas pastoral, qu'il exécute avec beaucoup de drôlerie. En somme, franc succès pour le gentil théâtre des Menus-Plaisirs, dont la direction a eu la main heureuse depuis le commencement de la saison. (A. Boisard, le Monde illustré, 25 février 1888)
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les Beignets du roi Le livret est tiré du vaudeville de Benjamin Antier et met en scène un épisode de la jeunesse de Louis XV. Le premier acte est spirituel et charmant ; le second nous a semblé reproduire quelques scènes du Café du roi, de M. Deffès ; une complication de quiproquos rend le dernier un peu confus. C’est dans cette pièce, croyons-nous, que Bernicat, après avoir beaucoup écrit pour les cafés-concerts, fit ses débuts dans la carrière de compositeur, interrompue presque aussitôt par une mort prématurée. Sa musique, qui dénote un bon sentiment de la scène, présente, à côté de réminiscences mal déguisées, quelques phrases gracieuses, d'un tour fin et délicat, qui faisaient bien augurer de l'avenir du jeune musicien. Signalons au début le chœur des Pensionnaires, le trio des Lettres, quelques airs de gavottes entendus ça et là, la Patrouille et le trio des Pendus au dernier acte. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)
les Premières armes de Louis XV Ce gentil petit ouvrage avait été joué d'abord à Bruxelles, en 1882, avec un véritable succès. Lorsqu'on eut l'idée de le reproduire à Paris, le compositeur était mort déjà depuis cinq ans, en ayant quarante à peine. C'était dommage, car sa partition était charmante, toute pleine de grâce et de fraîcheur. On y remarquait surtout l'introduction délicate du premier acte et le joli duo : La barbe me pique, au second, le duo de la dînette et plusieurs gentils couplets, avec un finale tout à fait bien venu, enfin, au troisième, divers morceaux qui ne le cédaient en rien aux précédents. M. André Messager avait été chargé de faire quelques légères retouches à la partition pour la représentation à Paris. (Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)
La Salle des « Menus-Plaisirs » bien dirigée par Messieurs Derenbourg et Oscar de Lagoanère, fit, au contraire des « Nouveautés », une année fructueuse. Après la reprise de François-les-Bas-bleus avec le baryton Jacquin, c'est une autre opérette du regretté Firmin Bernicat qui fut mise à la scène dès le 16 février. Les Premières armes de Louis XV faisaient connaître aux parisiens un nouvel et jeune auteur dramatique très distingué, co-directeur, en même temps, du théâtre du Vaudeville : Albert Carré, dont la carrière directoriale allait éclipser bientôt le talent d'écrivain. Les Premières armes de Louis XV s'étaient déjà affrontées avec les feux de la rampe à Bruxelles, aux « Fantaisies-Parisiennes » en 1882 sous le titre les Beignets du Roi avec un succès très marqué. Comme pour François les Bas-bleus, on décida de compléter l'opérette de Bernicat et d'en confier les soins musicaux à celui qui avait déjà si bien réussi : André Messager. Reprenant les finals des deux premiers actes, les remaniant et les élargissant, le jeune compositeur ajouta encore quelques airs et duos de sa manière et ce fut ainsi que, transformée et adaptée au goût parisien, l'opérette de feu Bemicat remporta un incontestable succès. La rencontre fortuite d'Albert Carré et d'André Messager ne devait pas rester sans lendemains et une solide amitié s'établit entre les deux hommes dont la collaboration allait produire plus d'un chef-d’œuvre. Après quarante-cinq représentations des Premières armes de Louis XV, pendant lesquelles le public avait applaudi sans se lasser la musique de Bernicat ou de Messager et les excellentes artistes, Mesdemoiselles Nixau (le Roi) et Pierny (Antoinette), le théâtre des Menus-Plaisirs produisit un nouveau compositeur Edmond Missa dans une opérette agréable, la Belle Sophie. (Florian Bruyas, Histoire de l'opérette en France, 1974)
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