Piccolino

 

 

 

 

Opéra-comique en trois actes, livret de Victorien SARDOU et Charles NUITTER, d'après Piccolino, comédie en trois actes de Victorien SARDOU (Gymnase-Dramatique, 18 juillet 1861), musique d'Ernest GUIRAUD.

 

 

   partition ; partition d'orchestre ; livret

 

 

Création à l'Opéra-Comique (2e salle Favart) le 11 avril 1876, mise en scène de Charles Ponchard.

 

Première à la Monnaie de Bruxelles le 04 novembre 1876.

 

 

 

personnages

Opéra-Comique

11 avril 1876

Monnaie de Bruxelles

04 novembre 1876

Marthe et Piccolino Mmes GALLI-MARIÉ Mmes DERIVIS
Elena, soeur de Strozzi FRANCK-DUVERNOY  
Denise NADAUD  
Charlotte Lina BELL  
Madame Tidmann Marguerite DECROIX ISMAËL
Rosette THIBAULT  
Angélique EVA RENAUD
Violina MARGUERITE  
le petit Jost SCHMIT  
Frédéric, peintre MM. Léon ACHARD MM. BERTIN
Musaraigne, musicien Auguste Armand BARRÉ MORLET
Tidmann, pasteur ISMAËL DAUPHIN
Annibal, sculpteur FRANCK-DUVERNOY PELLIN
Comète BARNOLT GUÉRIN
Marcassone, aubergiste Armand POTEL CHAPPUIS
Vergaz, crieur de nuit DUFRICHE  
Strozzi BERNARD CHATILLON
Beppo TESTE  
Valentin ALPHONSE  
Christian, gendre de Tidmann AMBROISE  
Jonas, maître d'école MICHAUD  
Didi et Loulou, enfants de Christian ; rapins, paysans suisses et italiens ; pifferari ; masques, etc.    

 

 

 

Galli-Marié (Piccolino) lors de la création, lithographie de Prudent Louis Leray [BNF]

 

 

 

La pièce de M. Sardou avait été jouée au Gymnase quinze ans auparavant qu'il n'ait songé à en faire un opéra-comique. Mme la comtesse de Grandval l'avait aussi mise en musique et fait représenter. Le sujet est donc très connu. Il s'agit d'une jeune fille séduite et abandonnée par son amant, méconnue par lui jusqu'au dénouement. Le rôle de celui-ci est odieux, ce qui est toujours d'un mauvais effet, surtout dans un opéra-comique. La musique porte la marque d'un artiste de beaucoup de talent ; mais elle a paru manquer d'unité, de caractère. La partition est considérable. Je signalerai, dans le premier acte, la romance de Marthe, l'air du pasteur ; dans le second, la sorrentine, les couplets de la réception : Pan, pan, qui frappe à l'atelier ? Dans le troisième, un solo de violon, le rondo sur le petit pont-neuf : Il était une bergère ; enfin le Carnaval romain, petite symphonie qui accompagne un ballet. Il y a dans cet ouvrage plusieurs morceaux qui sont d'assez mauvais goût.

 

(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1876)

 

 

 

 

 

La soirée de mardi a été fort belle pour l'Opéra-Comique et nous sommes doublement heureux de proclamer le succès obtenu par Piccolino ; d'abord parce que l'œuvre est charmante et que son auteur est l'un des plus sympathiques de la jeunesse musicale française, ensuite parce que ce succès va rendre à un intéressant théâtre une partie de son ancien éclat. Avec Piccolino, les beaux jours doivent commencer à renaître ; M. Perrin saura bien arrêter la fortune au passage et faire que les beaux jours continuent. Notre confiance en lui est grande, et le passé du directeur la justifie.

Le public était admirablement disposé mardi. A part les quelques maniaques qui ne songent qu'a l’opérette et ceux qui voudraient voir la maison de Boieldieu, d'Hérold, d'Auber, vouée au drame lyrique, l'auditoire se composait de véritables amis de l’opéra-comique, et tous ont applaudi, tous ont eu le pressentiment que la renaissance tant désirée affirmait son aurore.

Nos lecteurs ont sans doute souvenance de ce gentil Piccolino qui fut jadis si bien accueilli au Gymnase, quand débuta la sympathique enfant qu’alors on nommait Victoria. Quelques mots seulement au sujet de la pièce.

Une naïve fillette est séduite par un peintre-touriste, Frédéric Auvray. Le séducteur, oubliant ses promesses, s'éloigne bientôt, et la fillette, lasse de l'attendre, part, retrouve sa trace et le rejoint à Rome. Là, sous les habits d'un marchand de statuettes, elle sauve la vie de ce fou de Frédéric qui s’était lancé dans une dangereuse intrigue d’amour avec une patricienne ornée d'un frère féroce. Marthe l'abandonnée devient Piccolino, apprenti rapin, et a le bonheur de vivre auprès de l'infidèle qu'elle adore. Ce bonheur a de cruelles intermittences : Frédéric est volage, il ne se gêne pas pour dire qu'il n'a jamais aimé sérieusement et ne se cache guère du petit Piccolino dans ses aventures amoureuses. Cela pourrait durer longtemps ainsi, sans le frère féroce de la patricienne, le seigneur Strozzi, qui vient parler à Frédéric ; il fait comprendre au peintre le danger que sa poursuite fait courir à la jeune fille noble qui mourra dans un couvent plutôt que d'être sa femme. Le drame se présente : la demoiselle Strozzi était cachée dans l'atelier et a tout entendu. Alors Frédéric Auvray, furieux, veut tout braver et enlever sa belle patricienne. Mais Piccolino joue serré contre le séducteur et va faire échouer ce projet insensé. Frédéric, encore plus furieux, menace le petit rapin et le chasse. Pauvre Piccolino ! il va aller demander un asile au prochain couvent : il se couvre, en pleurant, d'un domino et ôte son béret d'atelier. Frédéric le voit ainsi, l'arrête et dit : — Non, tu n'es pas Piccolino, tu es Marthe, ma chère Marthe !... Et le peintre repentant épouse l'amante dévouée.

Voilà l'histoire. Nous ne dissimulerons pas qu'elle a plus d'apparence sur le papier qu'à la scène, en opéra-comique. Le sujet n'est pas très musical et puis... il faut bien le dire, malgré tout son talent, M. Sardou n'a pas encore compris le genre lyrique, il est probable qu'il ne le comprendra jamais. Dans Piccolino, la musique est presque toujours incidente ; les deux morceaux le plus dans l'action, soit le duo entre Frédéric et Elena au second acte, celui des deux femmes au troisième, ne sont malheureusement pas des meilleurs de la partition. C'est donc bien par la musique incidente que le succès se produit ; c'est fâcheux. Un autre reproche : les personnages principaux, à part Piccolino, sont faiblement tracés et sont peu sympathiques. Frédéric est un pauvre petit Don Juan d'atelier, et Mlle Elena Strozzi est le type de la femme insignifiante. Alors, la gaieté, la vie de la pièce est dans le jeu des personnages se­condaires : ces bons types d'atelier, renouvelés de Murger, et ces grisettes arrivent toujours à temps pour ragaillardir le public ; mais avec quel art Sardou les fait revenir, comme on voit qu'il a bien senti lui-même le défaut de sa pièce ! Jamais, dans aucune autre, il n'a fait preuve de plus d'habileté et d'esprit. Nous lui adresserons cependant un grand reproche : il n'a pas ménagé son dénouement comme aurait dû le faire un auteur de sa force ; la scène du troisième acte, entre Marthe-Piccolino et Frédéric, est brusque ; au lieu du crescendo qui captive le public et assure le succès, il y a un choc dangereux, si dangereux que, mardi, l'auditoire a murmuré. M. Sardou aime ces surprises, mais il a le tort de ne pas s'en méfier. Il nous semble que ce dénouement commence trop tard, et en tous cas, nous croyons qu'il aurait fallu là un grand duo ; la musique seule, avec ses puissants moyens d'expression, pouvait fournir une fin émouvante à cette grande scène où se résume toute la poésie de la pièce.

Il faut que les auteurs diminuent sensiblement le premier acte et retouchent le troisième. Nous avons tout lieu de croire que cela est déjà fait. Avant de quitter la pièce, complimentons M. Nuitter pour la coupe excellente et la grâce des morceaux de musique. Cela, sans doute, a été sa principale part dans la collaboration. Et puis pour finir, disons que les trois actes de Piccolino, malgré nos petites critiques, forment un spectacle charmant et des plus variés ; ils sont, mis en scène avec un art suprême.

La nouvelle partition de M. Guiraud mérite toute l'estime des musiciens et tous les bravos du public. Ce dernier a spontanément applaudi et il a salué par de longues acclamations le nom du jeune au­teur de Madame Turlupin, une perle musicale que l'Opéra-Comique placera quelque jour dans son écrin. Quoique tous les morceaux de Piccolino ne soient pas d'une égale valeur, ils portent tous l'empreinte du talent, ils sont tous finement écrits et dénotent le parfait styliste. Cette musique est du genre pur opéra-comique ; elle a les grâces, le sentiment, la verve qui caractérisent les bons ouvrages véritablement français. Elle a aussi la variété, cet élément puissant de réussite.

Au premier acte, tout est sérénité, calme et douce expression, depuis le charmant, trio des femmes, jusqu'au finale si pittoresque. Dans cet acte, on remarque surtout ce refrain, ce rien ravissant qu'a gazouillé une petite fille, puis la belle mélodie qu’Ismaël a fort bien chantée. Au second, voici la gaité, le soleil, le rire et la lumière qui se répandent à flots.

Là, on applaudit tout avec enthousiasme, et l'on bisse l'originale chanson de « la brune et la blonde », la sérénade comique, type d'esprit ; enfin l'adorable fabliau de la Sorrentine, une mélodie qui ira aussi loin que la chanson des Djinns, du Premier jour de bonheur, que l'Abeille de Topaze et que la Mandolinata ; elle est aussi fine et suave que les deux premières. Dans cet acte, on applaudit même le duo entre la patricienne Strozzi et le jeune Frédéric, un morceau que nous n'aimons pas.

Au troisième, la part, musicale est moins considérable. Les airs de ballet sont fort jolis et l'historiette de Piccolino : « Il était une bergère », est encore une adorable page. Après cela, il y a un grand diable de duo entre les rivales.... Mais à partir de ce moment, le musicien se trouve fort en peine, parce que la pièce ne le soutient plus, la pièce se dérobe.... et le meilleur est de promptement finir. Nous conseillons plus haut à MM. les auteurs de finir le plus vite possible.

Piccolino, disons-le pour nous résumer, est une œuvre solide, une œuvre qui place Guiraud au premier rang des modernes auteurs français. En écoutant sa musique, les fanatiques de l'opérette, s'ils ont des oreilles sérieuses, ont dû vaguement comprendre qu'entre la verve d'un véritable musicien et les flons-flons des faiseurs, il y a une sensible différence.

Excellente exécution. Jamais Mme Galli-Marié, dont nous ne sommes pas fanatique, ne nous avait plu comme dans Piccolino. Elle a été simple, jeune, charmante et a chanté avec beaucoup de talent et de cœur. Achard semblait n'avoir que vingt ans, mardi : sa voix était fraiche comme aux meilleurs jours, et l'aimable comédien a tiré tout le parti possible d'un rôle difficile, presque dangereux. Ismaël à droit à tous les éloges pour la façon dont il joue et chante le pasteur. Barré est charmant de jeunesse et d'entrain dans celui du musicien Musaraigne. Il a obtenu un grand succès de chanteur. Complimentons aussi Duvernoy, très spirituel Annibal ; Potel qui a beaucoup amusé et qui ressemblait énormément au célèbre Brébant ; Barnolt, Mmes Decroix, Franck-Duvernoy, Lina Bell, etc., tout le monde enfin, car tout le monde mérite des bravos ; la pièce est supérieurement jouée. Une mention spéciale, par exemple, à M. Bernard qui a tenu le rôle du patricien Strozzi de façon à nous étonner. On trouverait difficilement, même dans les théâtre, de genre, comédien pouvant arriver à mieux remplir ce rôle, qui n'a que deux scènes, mais deux scènes d'une haute difficulté. M. Bernard les a jouées bien remarquablement.

Beaux décors, brillante mise en scène : tous les éléments de succès avaient été soigneusement réunis. Ou ne peut terminer sans complimenter M. Constantin de l'exécution musicale de Piccolino. Cette exécution est irréprochable comme délicatesse, comme fini ; artistes, chœurs et orchestre marchent avec un ensemble digne d'éloges ; on sent dans cette excellente exécution la volonté, l'âme d'un chef d'orchestre possédant science et sentiment.

Notre article est bien long, mais depuis si longtemps nous n'avions pu dire de bien d'une œuvre musicale et de ses interprètes, qu'on nous pardonnera peut-être nos deux cents lignes.

 

Jules Ruelle, le Monde artiste, 15 avril 1876)

 

 

 

 

 

C'est encore à mon humble plume, lecteurs, qu'échoit l'honneur de vous rendre compte des hauts faits de Piccolino salle Favart.
Après ses premiers exploits au Gymnase, — où déjà la musique pointait sous forme de rondes et couplets, — après son apparition lyrique au Théâtre-Italien, en janvier 1869, — qui n'a pas laissé que de marquer par plus d'une belle inspiration de Mme de Grandval, — Piccolino se trouvait évidemment voué à la musique. D'ailleurs, l'ancien Opéra-Comique (en 1794) n'avait-il pas déjà chanté la Claudine de Florian, qui n'est autre que le Piccolino de M. Sardou ? C'est donc presque un retour au bercail et c'est à M. Ernest Guiraud que M. du Locle a confié la succession du vieux Bruni, en donnant M. Charles Nuitter pour collaborateur du nouveau livret à M. Victorien Sardou.

Pour briguer les lauriers de l'opéra-comique, M. Ernest Guiraud n'a pas oublié qu'il était symphoniste ; peut-être même s'en est-il un peu trop souvenu dans son ouverture. Elle nous a semblé trop modulante et, tranchons le mot, trop prétentieuse pour le cadre et pour le tableau.

L'introduction :

Ah ! mon Dieu, les coquettes,

Encore à leurs toilettes,

est  une agréable toile de genre, mais d'une couleur un peu grise comme presque tout ce premier acte, où la muse rieuse et bonne fille de M. Guiraud s'est évidemment trouvée mal à l'aise. Le sentimentalisme un peu trop précieux de cet intérieur presbytérien ne convient guère au jeune musicien, qui, dans la partition de Piccolino du moins, a le rire plus facile que l'émotion.

Il convient pourtant de noter au passage une phrase de Mme Galli-Marié : « Il me disait : Marthe, je t'aime », où l'on croit voir poindre une larme ; mais il serait difficile de décider s'il faut la porter au compte du compositeur ou à celui de l'interprète. Je pencherais volontiers pour cette dernière solution.

L'entrée des rois mages, précédés des ménétriers villageois, a du rythme et de l'éclat ; mais un éclat toujours un peu voilé ; les ombres ne se dissipant décidément qu'au 2e acte, auquel nous avons hâte d'arriver. On nous permettra donc de sauter à pieds joints sur des couplets peu réussis de Barré, dont le refrain :

Voilà la Suisse,

Que Dieu la bénisse !

n’est pas exempt de quelque vulgarité.

Passons également sur un morceau qui n'a d'autre importance que celle qui lui donne la belle diction d'Ismaël

Ne suis-je pas votre pasteur ?

et citons pour mémoire le finale, traité on mélodrame plutôt qu'en véritable morceau d'opéra-comique.

Avec le second acte, le compositeur entre de plain-pied sur la terre ensoleillée de l'Italie et marche d'un pas allègre dans la voie du succès. La complainte des mendiants, Le métier ne va plus, est bien trouvée, et le boniment des cicerone montrant les collines de l'antique Tibur à toute une nichée de flegmatiques Américains, est une excellente caricature musicale.

Un bon point également au petit air chanté par Achard et dont l’andante :

Les oiseaux chantant dans l'espace
Tout rempli du parfum des fleurs.

est d'un très joli tour mélodique, et au duo suivant qui se termine par une strette vraiment neuve : J'ai peur, j’ai peur.

Ce morceau, lancé à toute vapeur, ne rend malheureusement pas l’effet rêvé par M. Guiraud, et cela tout simplement parce que la voix de Mme Franck-Duvernoy est à la fois trop solide et trop opulente pour se mouvoir avec facilité dans ces motifs légers, véritables toiles d'araignée, où passent les petites voix, où les grandes se prennent. Tel qu’il a été rendu pourtant, ce duo a fait grand plaisir et on l'a très chaudement applaudi.

C’était le prélude d'une suite d'ovations qui s'est prolongée jusqu’à la fin de l'acte. La sérénade de Barré, Parais à ta fenêtre, a ouvert une série de morceaux qu'on a bissés à la file. C'est en effet une très jolie mélodie accompagné d'une manière très piquante, bien qu'un peu style opérette, par les voix imitant les pizzicati des guitares.

Les couplets de la brune, de la blonde et de la chauve n'ont pas un succès moins vif que la sérénade, mais la perle de la partition est évidemment la délicieuse chanson napolitaine :

Sorrente ! Sorrente !

Sur ta rive odorante,

Les fleurs en toute saison
Cachent une humble maison.

Quoique d'une tournure mélodique très simple, qui la destine à une prompte popularité, cette chanson est un vrai morceau de musicien, par sa fine orchestration surtout. Mme Galli-Marié la dit du reste avec une grâce charmante et une langueur toute italienne.

Après cette heureuse inspiration qui a été le succès de la soirée, il serait injuste pourtant de ne pas citer le duo d'Achard et de Mme Galli-Marié :

Allons, petit chanteur !

qui renferme de très bonnes parties, et surtout le morceau de la réception burlesque de Piccolino dans le cénacle des artistes, dont le refrain : « Cela viendra ! » est enlevé par le compositeur avec infiniment d'esprit.

Un finale développé où s'enchâssent un Ave Maria et une tarentelle pleine de verve, termine victorieusement ce deuxième acte, excellent de tous points et qui seul suffirait à assurer le succès de la partition de M. Ernest Guiraud.

Nous nous étendrons moins sur le troisième acte, parce que, tout en continuant avec bonheur la partie si heureusement engagée, il renferme moins de choses neuves. Toute la scène des Mocoletti, morceau capital qui fait le fond de ce troisième acte, est empruntée par M. Guiraud à son Carnaval, que l'orchestre de MM. Pasdeloup et Colonne nous ont fait connaître depuis longtemps et le rondo : Il était un' bergère, appartenait à la muse populaire avant d'avoir été revendiqué par celle de M. Guiraud, qui a du reste enchâssé cette bagatelle dans sa partition avec une dextérité charmante et un art souverain.

Somme toute, et pour nous résumer, la première bataille de M. Guiraud à l'Opéra-Comique où il n'avait encore tenté que deux escarmouches avec Sylvie et le Kobolt, est une victoire incontestée. Il a prouvé d'une manière irréfragable, ce que nous savions du reste pour notre compte, c'est qu'il est parmi la jeune école française l'un de ceux sur qui l'on peut compter à bon droit pour relever l'opéra-comique, dédaigné si mal à propos, et pour rendre à ce genre national l'éclat et la fortune que lui avaient donné les Adam et les Auber. — Et nul besoin pour cela de friser les vulgarités de l'opérette. C'est là un danger dont nos jeunes musiciens doivent se défendre avec soin. Il ne faut pas, en vue de restituer le genre opéra-comique à la salle Favart, coudoyer l'opérette ; ce serait abdiquer et dans de regrettables conditions.

Mais parlons des interprètes de Piccolino : M Galli-Marié a eu les honneurs de la soirée. Elle a joué et même chanté en artiste de tout premier ordre. Piccolino, Mignon, Lara, Carmen sont des créations types qui témoignent chez elle d'une inspiration théâtrale absolument hors ligne.

Léon Achard est toujours l'artiste soigneux, consciencieux que nous connaissons. En fort peu de jours il a pris la double succession de MM. Duchesne et Lhérie et s'en est tiré tout à son honneur ; même bonne note est due au baryton Barré succédant à M. Melchissédec. C'est aussi, lui, un acteur-chanteur fait pour l'opéra-comique. MM. Ismaël, Duvernoy, Potel, Barnolt, Bernard, Dufriche ont fait de leur mieux dans des rôles peu importants ; il en a été de même de la part de Mmes Franck-Duvernoy, Decroix, Thibault, Nadaud et Lina Bell qui ont concouru au succès de la nouvelle œuvre lyrique dans la mesure de leurs rôles respectifs.

Peut-être bien y a-t-il abus de petits rôles dans le Piccolino de Victorien Sardou, sans compter certaines velléités chorégraphiques de nature à compliquer la mise en scène au préjudice de l'action trop souvent interrompue par des hors-d'œuvre qui feraient bonne figure à la Gaîté, mais pas à l'Opéra-Comique.

On a aussi fait le procès du dénouement, non sans raison. C'est bien mélodramatique, et il nous semble que le librettiste y a pris la place du musicien condamné à se taire au moment où on espérait lui voir prendre la parole.

Victorien Sardou a préféré compter sur lui tout seul pour dénouer la trame pas mal enchevêtrée de ses trois actes, et il n'y a réussi qu'à moitié. C'est qu'en matière d'opéra, le musicien est autrement éloquent que le librettiste.

 

(H. Moreno [Henri Heugel], le Ménestrel, 16 avril 1876)

 

 

 

 

 

 

 

Catalogue des morceaux

 

  Ouverture
Acte I
01 Trio et Quatuor Ah ! mon Dieu ! les coquettes Denise, Charlotte, Mme Tidmann, Vergaz
02 Cavatine Noël ! déjà Marthe
02bis Compliment Tu m'as dit le petit Jost
03 Noël, Scène et Choeur Les saints à la ronde Denise, Charlotte, les Enfants, Choeurs
03bis Sortie du Choeur Les saints à la ronde les Enfants, Choeurs
04 Couplets Tous les bois Musaraigne
04bis Sortie Adieu la Suisse Musaraigne, Annibal
05 Final. A. Arioso Ne suis-je pas Tidmann
Final. B. Adieux de Marthe Lui, partir Marthe, Vergaz, Choeurs
Acte II
06 Introduction Noble mendicité un Mendiant, Marcassone, Choeurs
07 Air Je l'ai revue Frédéric
08 Duo Ah ! vous ici Elena, Frédéric
08bis Mélodrame    
09 Morceau d'Ensemble. A. Sérénade Parais à ta fenêtre Musaraigne
Morceau d'Ensemble. B. Scène et Ensemble Ces chanteurs enragés Rosette, Angélique, Violina, Frédéric, Comète, Musaraigne, Annibal, Valentin, Marcassone
Morceau d'Ensemble. C. Couplets C'est la brune Comète, Annibal, Musaraigne
10 Chanson de Piccolino Sorrente sur ta grève Piccolino
10bis Sortie    
11 Duo du Portrait Allons petit, la pose Piccolino, Frédéric
12 A. Réception de Piccolino Pan ! pan ! qui frappe Piccolino, Rosette, Violina, Angélique, Frédéric, Comète, Musaraigne, Annibal, Valentin, Marcassone
B. Scène de l'Angélus Ah ! voici l'angélus les mêmes
C. Tarentelle Bravo petit Choeurs
Acte III
13 Introduction et Air bouffe Ah ! leur carnaval Comète, Musaraigne, Annibal, Valentin, Choeurs
13bis Musique du Char de l'Académie    
14 Mélodrame    
15 Air Il était un' bergère Piccolino, Choeurs
16 Scène, Choeur et Pantomime Folie, folie Choeurs
17 Duo Une femme ici Elena, Piccolino
17bis Mélodrame    
18 Prélude    
19 Musique de Scène et Choeur dans la coulisse Allons joyeux Matassins Choeurs
20 Nocturne et Final J'ai payé ta tendresse Marthe, Frédéric, Comète, Musaraigne, Annibal, Valentin, Choeurs

 

 

 

Encylopédie