Passionnément !
Comédie musicale en trois actes, livret de Maurice HENNEQUIN et Albert WILLEMETZ, musique d'André MESSAGER.
Création à Paris, Théâtre de la Michodière, le 15 janvier 1926 ; mise en scène d'Edmond Roze.
personnages |
créateurs |
Ketty (Mrs Stevenson) | Mlles Jeanne SAINT-BONNET |
Julia, femme de chambre de Ketty | Denise GREY |
Hélène Le Barrois | Renée DULER |
William Stevenson, businessman américain | MM. René KOVAL |
Robert Perceval | Geo BURY |
Captain Harris | Lucien BAROUX |
Le Barrois | Charles LORRAIN |
John, domestique | Julien CARETTE |
Auguste, domestique | Emile SAINT-OBER |
Chef d'orchestre | Ernest GEORIS |
Catalogue des morceaux
Acte I |
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01 | Introduction - Légende | Terre ! Terre ! droit devant nous ! | Ketty, Julia, Stevenson, Harris |
Légende | Quand l'Eternel, au Paradis | Ketty | |
02 | Duo | Il ne faut pas croire aux serments des femmes | Ketty, Stevenson |
03 | Couplets | Si l'Amérique est le plus grand pays du monde | Stevenson |
04 | Couplets | L'amour est un oiseau rebelle... Je ne suis pas très exigeante | Julia |
05 | Couplets | Pour sortir, en toutes saisons | Hélène |
06 | Trio | Dès que l'âge sème sur nous des fils d'argent | Ketty, Hélène, Robert |
07 | Finale | Allons, soyez raisonnable ! | Ketty, Robert |
Acte II |
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08 | Ensemble et Couplets | Non ! je n'ai pas souvenance | Ketty, Robert, Stevenson |
09 | Couplets | Ah ! madame, J'ai comme un pressentiment | Hélène |
10 | Duetto | Je lui ai dit : Ne fais pas de folies | Ketty, Robert |
11 | Ensemble et Chanson "Le petit bateau" | Nous apportons nos valises | Ketty, Julia, Robert, Stevenson, Harris |
12 | Couplets | Moi, tout' la vie je me la représente | Julia |
13 | Duetto du Contrat | Voulez-vous bien signer ces pièces | Robert, Stevenson |
14 | Valse "Passionnément" | Puisqu'elle ne peut elle-même | Robert |
15 | Finale | Non, non, vous n'irez pas là-bas | Ketty, Julia, Robert, Harris |
Acte III |
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Entr'acte | |||
16 | Couplets | J'ai lu dans la sainte Ecriture | Julia |
17 | Couplets | Oh ! Oui, mon bonheur fut immense ! | Ketty |
18 | Trio | Cette nuit, la chose est trop forte | Julia, Robert, Harris |
19 | Rondeau | N'imaginez pas qu'il m'en coûte | Helène |
20 | Couplets | Julia, jusqu'à cette heure | Stevenson |
21 | Finale | Le bon et le doux vin de France | Tous |
Résumé. L'Américaine Ketty Stevenson fait en France la connaissance de Robert Perceval. A cause d'un déguisement imposé par le mari, Perceval la prend pour la nièce du businessman et s'en éprend « passionnément ». Hélène Le Barrois, la maîtresse de Robert, sauvée par Ketty d'une périlleuse situation, rompt alors avec son amant. Quant à Stevenson, grisé par le champagne de France, il propose simplement de divorcer, ce qui fait l'affaire de tout le monde.
Analyse. Acte I. — Le salon de l’ « Arabella », le yacht de Stevenson. « L'Arabella », venant de New York, s'approche des côtes françaises. Mais Stevenson, un trusteur de pétrole et de corned-beef, n'a consenti à venir en France qu'à une condition expresse : sa femme Ketty, ex-vedette du Théâtre new-yorkais n'y paraîtra devant un étranger qu'en perruque blanche et lunettes bleues [Duo : Il ne faut pas croire aux serments des femmes...]. Ketty en doit faire le serment sur la Bible. Toutefois Stevenson se trompe, et c'est sur un livre beaucoup moins recommandable que le serment est réellement prêté... Stevenson, défenseur du régime sec, entend que les lois américaines continuent à être scrupuleusement respectées par ses gens [Couplets de Stevenson : Si l'Amérique est le plus grand pays du monde...]. Julia, la femme de chambre, rompt avec le capitaine Harris, désireuse qu'elle est de connaître en France le frisson véritable de l'amour [Couplets de Julia : L'amour est un oiseau rebelle...]. Le yacht aborde. Robert Perceval, mandé d'avance par Stevenson, qui compte acquérir de lui à bas prix une propriété américaine inculte dont le Yankee sait la richesse pétrolifère, monte sur le pont, suivi de sa maîtresse, Hélène, et du mari de celle-ci, Le Barrois. Hélène s'arrange pour renvoyer Le Barrois et fait une scène de jalousie à Robert [Couplets de Robert : J'ai un rendez-vous d'affaires...]. Elle se rassure quand Ketty apparaît en vieille dame, et se retire rapidement. Le marché est rapidement conclu entre Stevenson et Robert. Le Français, en se retirant, rencontre Ketty non déguisée et la prend pour la nièce de Stevenson [Finale (Ketty) : Allons, soyez raisonnable !]. Ketty, qui prétend se nommer Margared, lui fait jurer — toujours sur la pseudo-Bible — de ne jamais chercher à la revoir !
Acte II. — Un élégant salon chez Robert, à la Villa des Roses. Le dîner s'achève, à l'entière satisfaction de Stevenson [Trio : Non ! je n'ai pas souvenance...]. Hélène arrive, enchantée du départ subit de son mari. Robert l'est beaucoup moins. Hélène, qui a comme un pressentiment, demande à Ketty d'interroger Perceval. Robert avoue bientôt à Ketty son inclination subite pour la jeune fille aperçue la veille sur le yacht de Stevenson. Sur ces entrefaites, le capitaine Harris et Julia font irruption avec leurs valises, car l’ « Arabella » a subi une avarie, et il n'y a plus possibilité de coucher à bord. Ketty voudrait partir, et confie ses scrupules à Julia qui en a certainement beaucoup moins qu'elle [Couplets de Julia : Moi, tout' la vie...]. Il faudra se résoudre à accepter l'hospitalité de Robert. Au moment de signer le contrat de vente, Robert reçoit un billet de « Margared », l'engageant à se méfier de cette affaire. Robert effeuille la marguerite en songeant à sa chère petite correspondante [Air de Robert : Passionnément !...]. Julia, qui fait en vain des propositions à tous les hommes qu'elle rencontre, révèle à Robert que « Margared » est moins loin de lui qu'il ne le suppose, puis Le Barrois vient esquisser une fausse sortie, dans le dessein de surprendre sa femme. Toutefois, quand il revient à l'improviste, c'est Ketty, sans déguisement, qui s'avance et, à la stupéfaction de Robert, se fait passer pour sa maîtresse, confondant ainsi le jaloux. Hélène ayant jugé prudent d'éviter son mari en passant par la fenêtre, Ketty et Robert se trouvent bientôt seuls. Julia et Harris font le simulacre de fermer à clé la chambre de la « vieille dame ». Au baisser du rideau, le Français et l'Américaine sont dans les bras l'un de l'autre...
Acte III. — Même décor qu'au IIe acte. Le jour est déjà levé, Julia sommeille encore dans un fauteuil [Couplets de Julia : J'ai lu dans la sainte Écriture...]. Ketty sort discrètement. Robert se demande s'il a rêvé ; Hélène vient rompre avec lui, lui réclamant ses lettres. Puis Ketty, en vieille dame, fait jurer à Hélène de ne plus tromper son mari [Couplets d’Hélène : N'imaginez pas qu'il m'en coûte...]. Se retrouvant seule avec Robert, elle feint l'indignation quand le Français lui avoue son aventure, et tâche de le dissuader de suivre l’ « Arabella » en Amérique. Stevenson rentre du Casino complètement gris [Couplets de Stevenson : Julia, jusqu'à cette heure il me semble...] et embrasse Julia. Robert arrive et demande à Stevenson, qui est en excellentes dispositions maintenant à l'égard de tout le monde, la main de Margared. L'Américain ouvre de grands yeux. Ketty se présente sans perruque ni lunettes, et tout commence à devenir clair. Stevenson divorcera, ce qui fait l'affaire de chacun, même de Julia.... [Finale : Le bon et le doux vin de France...].
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C'est un vaudeville à tiroirs et l'on a rempli ces tiroirs d'airs, duos, trios et quatuors. Formule tant soit peu hybride, dont on voit tout de suite le défaut. Les quiproquos et autres ressorts du genre, pour tromper la réflexion qui, sans cela, en décèle au fur et à mesure l'invraisemblance et l'artifice, veulent la marche continue d'une action rapide. Chaque morceau de musique, même légère, qu'on y introduit, arrête cette marche, si bien que la page la plus réussie produit l'effet d'un « raté », dans le sens mécanique où les chauffeurs prennent ce terme. D'où une impression assez incommode de surcharge et de lenteur.
La comédie de M. Hennequin, sans musique, serait peut-être assez plaisante ; la musique de M. Messager, prise à part, porte à chaque mesure la marque de ce maître charmant, et c'est tout dire. Comédie et musique restent étrangères l'une à l'autre.
L'histoire est celle d'un businessman américain, adepte intransigeant du régime sec, et qui vient en yacht de New York à Trouville pour enlever, auprès d'un jeune viveur français, une affaire de gisements pétrolifères the biggest in the world. Jaloux par avance de nos polissons de compatriotes, il exige de sa jeune femme que, pendant son séjour sur la côte normande, elle ne paraisse que vieillie par une perruque blanche et des lunettes bleues. Vous devinez, je pense, que, malgré cette nouvelle « précaution inutile », l'inévitable s'accomplit... Converti par trois bouteilles d'extra-dry, notre yankee accepte avec bonne humeur son infortune. Il divorcera, pour marier sa femme à son nouvel associé, tandis que lui-même instruira les curiosités amoureuses d'une soubrette toute pareille aux allumettes de la Régie (j'entends par là que, malgré des essais répétés, elle n'arrive pas à prendre feu...).
La partition de M. Messager n'a pas moins de grâce que celle de Monsieur Beaucaire, si applaudie au Théâtre Marigny. Peut-être a-t-elle encore plus de gentillesse. Elle est plus menue, ne comportant point de chœurs et étant conçue à l'échelle d'un petit théâtre. Quoique brodée en marge d'un vaudeville, elle ne s'abandonne pas à la gaîté d'une farce débridée ; même dans les couplets comiques (ceux du « régime sec » et du « petit bateau de pêche ») elle garde une sorte de réserve ; elle fuit de même les molles facilités de la langueur et respecte le seuil du sentiment. Il en résulte que, riche en tours ingénieux et en inventions aimables, elle n'est pas toujours aussi différenciée que le voudraient les exigences du théâtre et le grand nombre des morceaux. Mais elle est souple, fine, joliment écrite, instrumentée à ravir, avec des pages (entre autres le duo « Je lui dis : ne fais pas de folies » ou le quatuor « Non, non, vous n'irez pas là-bas ») où revit l'esprit du vieil opéra-comique français.
L'interprétation est inégale. M. Koval figure avec une drôlerie magistrale l'Américain irascible et Mlle Denyse Grey avec bonne humeur la chambrière ingénument perverse. Mais l'élégance de l'amoureux est un peu lourde et le personnage de la fausse vieille femme (qui paraît aussi une jeune nièce supposée) voudrait un double talent de comédienne et de chanteuse, auquel n'atteint pas l'honorable bonne volonté de l'interprète. Les rôles secondaires sont tenus de façon correcte, sans plus.
M. Messager conduisait l'orchestre (souterrain comme celui de Bayreuth) : il a dû bisser la moitié de la partition et la soirée tout entière n'a été pour lui qu'un long triomphe.
(Jean Chantavoine, le Ménestrel, 22 janvier 1926)
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Comédie vaudevillesque. L'Américain Stevenson vient acheter au Français Perceval un terrain situé au Colorado. Pour éviter à sa femme les poursuites du Français, il la fait déguiser en vieille personne. Naturellement les évènements déjouent ce stratagème ; Mme Stevenson, sous le nom de Margaret, se laisse fort bien faire la cour ; Perceval quittera pour elle sa maîtresse ; Stevenson divorcera, et tout s'arrangera par le plus honnête des mariages entre l'Américaine et le Français. La musique d'André Messager est délicieuse, franche, pleine de gaieté, de joliesse et de charme. Le style musical est extrêmement soigné, mais sans pédantisme aucun ; toute l'orchestration témoigne d'une recherche du meilleur goût. (Larousse Mensuel Illustré, mars 1926)
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Acte I. "l'Amour est un oiseau rebelle" Germaine Féraldy (Julia) et Orchestre dir Jean Jacquin Columbia BF 9, enr. en 1930
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Acte I. "l'Amour est un oiseau rebelle" Soprano et Orchestre Eldorado DS 159, mat. 70342, enr. vers 1930
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Acte I. Trio "Dès que l'âge sème sur nous des fils d'argent" Lina Dachary (Ketty), Christiane Harbell (Hélène), Aimé Doniat (Robert) et Orchestre Lyrique de l'ORTF dir Jean-Paul Kreder enr. les 22 et 23 juillet 1964
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Acte II. Duetto du Contrat Louis Arnoult (Robert), René Koval (Stevenson, créateur) et Orchestre Ultraphone dir Maurice André Ultraphone AP 821
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Acte II. Valse "Passionnément" Georges Foix (Robert) et Piano Starr 18015, mat. 3689, enr. vers 1927
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Acte II. Valse "Passionnément" Henri Le Clézio (Robert) et Orchestre dir Jean Jacquin Columbia BF 9, enr. en 1930
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Acte II. Valse "Passionnément" Louis Arnoult (Robert) et Orchestre Ultraphone dir Maurice André Ultraphone AP 821, enr. vers 1930
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Acte II. Valse "Passionnément" Camille Maurane (Robert) et Orchestre enr. vers 1960
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