Madame Turlupin
Opéra-comique en deux actes, livret d'Eugène CORMON et Charles GRANVALLET, musique d'Ernest GUIRAUD.
Création au Théâtre-Lyrique de l'Athénée le 23 novembre 1872.
Première à l'Opéra-Comique (salle du Châtelet) le 05 mars 1888 avec Dimanche et Lundi d'Adolphe Deslandres.
personnages |
emploi |
Athénée 23 novembre 1872 |
Opéra-Comique 05 mars 1888 |
Maguelonne | première chanteuse | Mmes Joséphine DARAM | Mmes Cécile MERGUILLIER |
Isabelle | dugazon | CHAIN | Mathilde AUGUEZ |
la Duègne | duègne | BONNEFOY | BRILLOIN |
Turlupin | premier baryton | MM. LEPERS | MM. Lucien FUGÈRE |
Olivier | ténor | LAURENS | Pierre CORNUBERT |
Coquillard | ténor | GALABERT | François-Antoine GRIVOT |
le Capitaine Rodomont | basse | LEMAIRE | José BUSSAC |
Piphagne | ténor | Adolphe GIRARDOT | Pierre Julien DAVOUST |
Isidore | basse | VINCHON | TESTE |
Chef d'orchestre | Charles CONSTANTIN | Jules DANBÉ |
Mathilde Auguez (Isabelle) lors de la première à l'Opéra-Comique (atelier Nadar) [BNF]
Les auteurs de la pièce ont imaginé un Turlupin tout autre que celui de la tradition. Il tient plutôt de l'arlequin sensible et bon de M. de Florian, que du joyeux compagnon de Gaultier-Garguille et de Tabarin. Le pauvre comédien doit de l'argent à l'aubergiste, et défend sa femme contre les entreprises du capitaine Rodomont. Mme Turlupin, par ses stratagèmes, réussit à assurer la recette de la troupe, et à berner l'audacieux galantin. La pièce est faible, et les moyens scéniques surannés. La musique en a fait un fort joli opéra-comique ; nous ne sommes pas gâtés sur ce point. Les scènes lyriques sont tellement encombrées de méchants ouvrages, que celui-ci a été accueilli avec une vive satisfaction par les gens de goût. La partition du Kobold m'avait fait espérer que le compositeur prendrait rang parmi les maîtres ; car, dans la pléiade des musiciens qui ont remporté le prix de l'Institut, c'est à mon avis celui qui écrit le mieux ; mais il faut qu'il se montre difficile sur le choix de ses livrets. Je signalerai dans l'opéra de Madame Turlupin l'ouverture, dont l'instrumentation est d'une sonorité charmante, sobre et élégante ; les couplets : Enfants de la balle, et le chœur de la retraite qui termine le premier acte. L'entr'acte est une petite symphonie, écrite avec une délicatesse et une clarté qui dénotent un travail aussi intelligent que consciencieux. Je goûte peu la scène du Printemps, et, dans le reste de l'ouvrage, je n'ai remarqué de saillant que la romance et un petit trio.
(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément, 1872)
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[création à l'Athénée]
Je n'ai pas été des derniers, Dieu merci ! à affirmer, dans le livre comme dans la critique courante, la richesse de talents de notre école musicale contemporaine ; or un des principaux caractères de la richesse c'est la variété des ressources. Aussi dans le nombre des jeunes compositeurs qui se pressent en ce moment à l'entrée de la carrière, je voudrais bien savoir, en vertu de quelles lois nouvelles il serait interdit à tel ou tel qui se sentirait doué en ce sens, de reprendre et de continuer les traditions de l'opéra-comique léger, souriant, lumineux ? Je sais bien que la mélancolie et les recherches ambitieuses sont à la mode ; et je comprends que certains juges austères ou certains artistes, préoccupés de l'enfantement de quelque apocalypse, refusent de contresigner le succès si vif, si franc, si complet de l'auteur de Madame Turlupin. — « Comment ! disent-ils, on voit clair à travers cette musique ! quelle pauvreté ! — le naturel, l'ingéniosité, la belle humeur, la grâce... est-ce que cela compte ?... » Pourtant, si c'est la musique du sujet, faut-il traiter tristement les sujets gais ? C'est une nouvelle variante du Roman comique, que M. Cormon a proposé à M. Guiraud de mettre en musique. Maguelonne, naguère Mlle Maguelonne, chanteuse de vaudevilles dans les carrefours, est maintenant, l'épouse du beau Turlupin, chef de comédiens ambulants. C'est en même temps le boute-en-train et le bon génie de toute la troupe. Cette fois, l'on s'est rabattu, par mégarde, sur une hôtellerie dont le propriétaire a gardé souvenir d'une ancienne note non payée : l'interdit est jeté sur le déjeuner. Autre interdit sur la représentation annoncée, de par la mauvaise humeur d'un prévôt dont Madame Turlupin a berné naguère les prétentions galantes. Elle arrangera tout pour le mieux ; il lui en coûte bien une œillade par-ci, un baiser par-là, dont Turlupin enrage, mais rien de grave. L'action est peu de chose, mais les incidents sont drus et amusants. Là-dessus, M. Guiraud a fait courir une musique vive et ensoleillée. L'ouverture est jolie, mais sans trop frapper l'attention : l'auteur a fait ses preuves ailleurs, comme symphoniste. Nous préférons le premier chœur prestement découplé, plein d'allures. L'entrée des comédiens est très pittoresque. Mlle Daram y a enlevé un premier bis. Le second n'a pas tardé : il était pour le quintette à table, pétillant de belle humeur : « Enfants de la balle. » Il a été répété tout entier. L'air de Turlupin aurait besoin d'être mieux nuancé. Le finale est très bien distribué ; de jolies bribes d'ariettes et de terzetto y enguirlandent le chœur des mousquetaires qui passent, faisant la ronde. Nous sommes de ceux qui préfèrent le premier acte, mais le second a aussi ses partisans. Citons les couplets de Turlupin, puis la grande scène de la répétition, où Maguelonne exécute son morceau de bravoure trop sérieux, trop poétique pour le sujet et pour le personnage, mais très brillant d'ailleurs, et chanté avec une rare perfection par Mlle Daram. Cette gracieuse artiste, qui était déjà très aimée à l'ancien Théâtre-Lyrique, nous revient avec un talent encore plus accompli. L'Athénée avait déjà une Dugazon « di primo cartello » : il a maintenant sa « prima donna sfogata » dans la pimpante et souriante Mlle Daram. Le baryton Lepers a fait un heureux début dans Turlupin ; Galabert est un bon comique, et Girardot est un bouffe expérimenté. Petit à petit, M. Jules Ruelle complète sa troupe, et le succès de l'œuvre de MM. Guiraud et Cormon, en donnant raison aux plans du nouveau directeur, assure l'avenir de ce théâtre, si précieux pour la jeune école.
(Gustave Bertrand, le Ménestrel, 01 décembre 1872)
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[première à l'Opéra-Comique]
Dimanche et Lundi est un très aimable lever de rideau. Madame Turlupin, est un opéra-comique d'une allure plus corsée, d'une plus grande importance musicale, et dans lequel, on peut le dire, ou reconnaît la main d'un maître. Bien que l'apparition de cet ouvrage remonte à plus de quinze ans déjà, le tempérament scénique de M. Guiraud s'y montre dans toute son ampleur, sa main y déploie une étonnante sûreté, et son inspiration y coule avec une abondance, une fraîcheur et une élégance qui sont pour l'oreille un véritable enchantement. Bien que le poème de Madame Turlupin ne se fasse pas remarquer par une très grande nouveauté, bien que ses auteurs, MM. Cormon et Grandvallet, aient pris avec l'histoire véritable de Turlupin de fortes licences, ce qui d'ailleurs doit laisser le public parfaitement indifférent, ce poème est agréable, varié de tons et très suffisamment fertile en situations musicales. Quant à la partition, on peut dire d'elle ce que le marquis de Talmay dit de la jeune Philiberte : Elle est charmante, elle est charmante, elle est charmante ! Elle a le mouvement et la vie, la couleur et la passion, parfois la poésie et un grain de mélancolie, et par-dessus tout la grâce vivace et une allure vraiment française. Ah ! si nos petits abstracteurs de quintessence, nos jeunes chercheurs de midi à quatorze heures, voulaient prendre un instant modèle sur M. Guiraud, abandonner leurs procédés insupportables et nous donner une musique aussi franche, aussi saine, aussi pleine de cette inspiration généreuse et de cette bonne humeur élégante, quelle joie pour nous, quelle joie pour le public et — je ne crains pas de le dire — quelle joie pour eux-mêmes ! Il faudrait tout citer dans cette adorable partition : l'ouverture, la cavatine de Maguelonne (une cavatine ! comble de l'horreur !) les couplets délicieux de Turlupin, la jolie ronde : Enfants de la balle, et cette exquis finale de la retraite, que le public, charmé et enchanté, a voulu réentendre après le rideau baissé. Puis, au second acte, un entr'acte piquant, l'air de Maguelonne, ses couplets pleins de tendresse et que Mlle Merguillier a chantés d'une façon délicieuse, et un quatuor écrit de main de maître. Voilà de la musique, voilà du théâtre, et voilà de l'opéra-comique ! Que les jeunes farceurs qui passent leur temps à nous donner des problèmes à résoudre demandent au public ce qu'il en pense. Mais celui-ci leur a déjà répondu en acclamant et en applaudissant à tout rompre M. Guiraud. Il a applaudi aussi ses interprètes, et c'était justice. On n'est pas plus excellent que M. Fugère en Turlupin ; on n'est pas plus parfaite que Mlle Merguillier en Maguelonne. M. Fugère, par une annonce préalable, avait fait solliciter la bienveillance du public ; il n'était, en effet, pas tout à fait remis de son indisposition, et devait se ménager. Il n'en a pas moins chanté son rôle adorablement, et il l'a joué avec une verve, une gaîté, un esprit endiablés, toujours tempérés par le goût le plus parfait. Quant à Mlle Merguillier, ses progrès sont vraiment étonnants, et elle est aujourd'hui une cantatrice de premier ordre. Toutefois, je la dispenserais volontiers des contre-mi et des contre-fa dont elle émaille son chant ; ce sont là des tours de force dont l'agrément pour l'oreille est absolument nul, et qui sont uniquement pour étonner les badauds. C'est ce que Berlioz appelait « l'école du petit chien ». Mlle Merguillier a assez de talent pour n'avoir pas recours à de tels moyens. Je n'en veux pour preuve que le sentiment tendre, pénétrant et plein de charme qu'elle a mis dans sa romance du second acte. Je donnerais tous les contre-fa du monde pour un seul de ces couplets ainsi chantés. Je termine en faisant la part de la jolie Mlle Auguez, de MM. Grivot, Cornubert, Davoust et Bussac, qui avec l'orchestre de M. Danbé, complètent excellemment un excellent ensemble.
(Arthur Pougin, le Ménestrel, 11 mars 1888)
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Catalogue des morceaux
Acte I | |||
Ouverture | |||
01 | Introduction, Choeur, Scène | Joyeux mousquetaires | Piphagne |
02 | Choeur, Scène et Air | Gloire au célèbre Turlupin | Maguelonne, Turlupin, Piphagne, etc. |
03 | Couplets | De sa force, l'homme se vante | Turlupin |
04 | Ronde | Enfants de la balle | Maguelonne, Turlupin, Piphagne, Rodomont, Coquillard |
05 | Duetto | Mon Dieu comme j'ai peur | Isabelle, Olivier |
06 | Terzetto | C'est la retraite | Maguelonne, Isabelle, Olivier |
Acte II | |||
Entr'acte | |||
07 | Rondo et Choeur | La Recette ! La Recette ! | Turlupin |
08 | Air et Choeur | Je reverrai dans la prairie | Maguelonne |
08bis | Mélodrame | ||
09 | Terzetto | C'est moi | Maguelonne, Turlupin, Coquillard |
10 | Romance | J'aimais ce front que le génie inspire | Maguelonne |
11 | Quatuor | Ah ! quelle ivresse | Isabelle, Olivier, Piphagne, Rodomont |
12 | Scène et Choeur final | Enfants de la balle | Maguelonne, Isabelle, Turlupin, Piphagne, Olivier |