Madame Chrysanthème

 

couverture de la partition

 

Conte lyrique en quatre actes un prologue et un épilogue (six tableaux), livret de Georges HARTMANN et André ALEXANDRE, d’après Madame Chrysanthème, roman (1888) de Pierre Loti, musique d’André MESSAGER.

 

   partition

 

 

Création au Théâtre Lyrique (Théâtre de la Renaissance) le 26 janvier 1893 ; divertissement du 3e acte réglé par Mlle Bernay de l'Opéra.

 

Représentations en français : Monte-Carlo le 21 décembre 1901 ; Monnaie de Bruxelles le 09 novembre 1906 ; Montréal en 1912 ; Chicago le 19 janvier 1920 ; New York le 28 janvier 1920 ; Québec durant l’été 1929.

  

 

 

personnages

emplois

Théâtre de la Renaissance

26 janvier 1893

(création)

Monnaie de Bruxelles

09 novembre 1906

(1re)

Madame Chrysanthème soprano Mmes Jane GUY Mmes Francès ALDA
Madame Prune, vieille Japonaise contralto CAISSO Jane PAULIN
Oyouki, sa fille soprano Nettie LYNDS Cécile EYREAMS
Madame Fraise, amie de Chrysanthème mezzo-soprano MICOT Henriette DE BOLLE
Madame Jonquille, amie de Chrysanthème soprano BERTHE DEWIN
Madame Campanule, amie de Chrysanthème soprano DEVINCK FRERY
Pierre, enseigne de vaisseau ténor MM. Louis DELAQUERRIÈRE MM. Léon DAVID
Yves, matelot baryton Emile JACQUIN Jean BOURBON
Monsieur Kangourou ténor Charles LAMY Victor CAISSO
Monsieur Sucre basse DECLERCQ Charles DANLÉE
un Gabier   GESTA Arthur FRANÇOIS
Charles, Officier de Marine, ami de Pierre basse CHASSAING DESHAYES
Raoul, Officier de Marine, ami de Pierre   VICTOR BRUN
René, Officier de Marine, ami de Pierre basse HALARY Raoul DELAYE
Danse   Mlle RIVOLTA et le corps de ballet  
Officiers, Matelots, Japonais, Japonaises, Danseuses      
Chef d'orchestre   Léon JEHIN Sylvain DUPUIS

 

L'action se passe au Japon, de nos jours (1893).

 

 

 

 

Jane Guy (Chrysanthème), Louis Delaquerrière (Pierre) et Emile Jacquin (Yves) lors de la création, dessin de Paul Destez (l'Univers illustré, 04 février 1893)

 

 

 

 

Louis Delaquerrière (Pierre) lors de la création

 

 

 

Nettie Lynds (Oyouki) lors de la création

 

 

 

Analyse.

 

Madame Chrysanthème fut créé le 30 janvier 1893 au Théâtre Lyrique. Quelques années plus tard, en 1904, Madame Butterfly de Puccini n'avait pas de peine à détrôner la pauvre Chrysanthème, aujourd'hui bien oubliée. Pourtant la partition de Messager est exquise.

 

Le livret est tiré du roman de Pierre Loti : un lieutenant de vaisseau séjournant pour quelques mois au Japon a contracté un mariage « pour rire » avec une ravissante petite Japonaise, « un bibelot détraqué » : Chrysanthème. Quand le devoir rappellera l'officier à bord de « la Triomphante », il quittera sans grand chagrin la poupée dont il s'est amusé quelques semaines. Tel est l'argument de Loti ; mais les librettistes ont voulu dramatiser le sujet et ont fait de la séparation des deux époux éphémères un déchirement douloureux.

 

A citer parmi les plus jolies pages de la partition : la chanson de la mousmé au premier acte, le duo des fleurs, la chanson des cigales, la complainte du Frère Yves au quatrième acte : « Je reverrai dans la lande bretonne », et les airs de ballet, finement orchestrés.

 

 

 

 

 

Il y a, dans le goût très marqué des compositeurs pour les œuvres de Pierre Loti, un enseignement au point de vue des actuelles tendances de notre théâtre musical. La passion se substitue à l'action, le sentiment au drame ; plus d'aventures compliquées, une étude délicate de l'âme humaine, un milieu pittoresque, une saveur de fruit exotique, un parfum subtil, voilà tout ce qu'il faut pour un poème et pour une partition qui se veillent placer hors du terrain tant labouré et piétiné par les fidèles du répertoire ancien. C'est d'un art simple, parfois un peu nu, mais dont la nudité satisfait ceux qui ne daignent — ou ne peuvent — enchevêtrer les fils d'une trame dramatique, pour se donner ensuite le plaisir de les débrouiller. La langue musicale, à leur sens, se fait mieux entendre dans le vide ; elle exprime des souffrances et des joies, des impressions et des sensations ; elle n'a que faire des mouvements et des actes.

 

Voilà, d'une manière générale, ce qui dérivera des œuvres dramatiques empruntées à l'œuvre littéraire de Pierre Loti. Il y faudra, plus qu'en telle ou telle autre adaptation, une rare dextérité de main, et encore y manquera-t-il toujours cette atmosphère, dont l'exquis conteur enveloppe ses figures et ses paysages. Mais, en semblable occurrence, le spectateur devient le collaborateur du librettiste et du musicien. Il a lu Pierre Loti, il s'est imprégné de sa saveur et de sa couleur et quand on lui présente une de ses créations, encore bien que le théâtre la dépouille de sa luminosité native et de sa mystérieuse séduction, il se plaît à la revoir telle qu'elle s'est présentée à son esprit une première fois.

 

Quand parut, dans la Nouvelle Revue, le Mariage de Loti, ce fut comme la révélation d'un art nouveau et tout de suite la petite Rarahu commença à vivre dans la mémoire des lecteurs avec une intensité extraordinaire. Elle toucha les cœurs aussi profondément qu'elle charma les esprits et, aussitôt, on vit naître dans le monde de la musique une contre-épreuve de cette délicieuse figure, contre-épreuve inconsciente peut-être, mais qui n'en recevait pas moins, au hasard de la rencontre, le rayonnement de l'original. Ce fut Lakmé qui nous chante encore les douces mélodies de Léo Delibes. Voilà aujourd'hui Madame Chrysanthème, dont l'aventure n'est pas sans analogie avec celle de Lakmé et par conséquent avec celle de Rarahu ; demain Pêcheur d'Islande viendra nous dire la mélancolique chanson des landes bretonnes et les nostalgiques plaintes des marins dans les solitudes de la mer polaire ; plus tard, sous le soleil brûlant du Sénégal, nous entendrons les mélopées des griots et les colères amoureuses du Spahi, et les gémissements de la noire Fatou-Gaye.

 

Sur tout cela, la musique jette son enveloppe légère et changeante qui doit — et ce n'est pas petite affaire — nous faire oublier, ou, plus modestement, nous rappeler la séduction des phrases chantantes de Pierre Loti.

 

La première de toutes ces œuvres ouvertement inspirées de ses récits nous est venue sous la forme de cette Madame Chrysanthème, livret de MM. Georges Hartmann et André Alexandre, musique de M. André Messager, dès l'ouverture du nouveau Théâtre-Lyrique que M. Léonce Détroyat a entrepris de fonder à la Renaissance.

 

Très petite scène où la comédie lyrique sera tout à fait à l'aise et dont le drame lyrique, comme l'opéra, ne saurait s'accommoder. Mais ce sera déjà une très heureuse fortune, si la comédie lyrique trouve là sa vie assurée. M. Léonce Détroyat a fait acte de foi artistique et, de très louable audace en ouvrant à la vraie musique ce théâtre jusqu'ici consacré à l'opérette et au simple vaudeville. La première soirée encourage les espérances qu'il a pu fonder sur cette entreprise.

 

Le poème de Madame Chrysanthème dénote un réel souci de rester dans la donnée originale. A peine si l'action se corse vers la fin d'un grain de jalousie, dont on aurait pu sans inconvénient se passer et qui, peut-être, va à l'encontre de son objet, car il ne fait que mieux sentir la simplicité naïve de ce qui précède.

 

Le lieutenant Pierre et son « frère Yves », son matelot, naviguent vers le mystérieux Japon où, dès la première scène, comme dès la première page du livre, le lieutenant se promet de se marier, pour le temps de l'escale, avec une petite femme aux yeux de chat. Et il se marie en effet, et on voit défiler l'interprète Kangourou, et Mme Prune, et M. Sucre, et Mlle Oyaki, et tout ce monde déjà connu, aux grâces précieuses, aux visages fardés, dans un paysage tout fleuri de pommiers roses, parmi des architectures polychromes. Ce n'est rien et c'est charmant. Et la musique là-dessus s'étale gracieuse et agréablement tortillée, avec une instrumentation ravissante, sans parti pris de japonisme exagéré, pourtant abondante et variée en ses formules. C'est le fait d'un musicien qui n'a abandonné le faire de l'ancien opéra-comique que tout juste assez pour donner le témoignage de son intelligent modernisme.

 

Le succès de la partition de M. Messager à été très grand et du meilleur aloi. Il a trouvé en Mlle Jane Guy une interprète intelligente et distinguée dont j'ai eu déjà l'occasion de noter ici même les réelles qualités, Elle a eu quelque appréhension du public parisien, le premier soir, je crois. M. Delaquerrière, que nous connaissons pour l'avoir entendu souvent à l'Opéra-Comique, a été bien accueilli sous les traits du lieutenant Pierre. M. Jacquin a trouvé au troisième acte, dans un morceau très en relief : « Je reverrai dans la lande bretonne », l'occasion de se faire longuement applaudir.

 

M. Ch. Lamy est amusant en Kangourou. Mme Caisso marque d'un trait comique très juste la figure de Mme Prune ; Mlle Nettie Lynds est fort agréable à entendre dans le petit rôle d'Oyaki et le vieux M. Sucre est très plaisamment présenté par M. Declercq.

 

Il y a dans Madame Chrysanthème un ballet exquisement réglé par Mlle Bernay et où brille au premier rang, en sa séduction souriante, Mlle Rivolta.

 

Il y a aussi de très jolis décors, de très jolis costumes. La mise en scène de cet ouvrage fait honneur au goût tout artistique de M. Détroyat.

 

(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 15 février 1893)

 

 

 

 

 

Comédie lyrique représentée au Théâtre-Lyrique de la Renaissance, pour son inauguration, le 30 janvier 1893. Il n'est pas besoin de dire sans doute que le sujet de cet ouvrage est tiré du roman de M. Pierre Loti qui porte le même titre. Pierre est lieutenant de vaisseau à bord de la Triomphante, qui arrive au Japon pour y rester quelques mois. Ne sachant que faire, il profite des usages du pays pour épouser une petite chanteuse du nom de Chrysanthème, qu'il abandonnera tout simplement, conformément à ces usages, lorsqu'il lui faudra rejoindre son bâtiment pour retourner en France. C'est ce qu'on pourrait appeler un mariage « à temps ». En effet, quand le devoir rappelle Pierre sur son vaisseau, il quitte la petite « poupée » avec laquelle il s'est amusé durant quelques semaines, et s'éloigne d'elle sans regret et sans chagrin. Les librettistes ont voulu seulement dramatiser un peu le sujet. Au lieu de faire de Pierre un indifférent, ils l'ont montré jaloux, et du petit joujou qui a nom Chrysanthème ils ont fait une femme aimante et sensible. De sorte que la séparation, pénible pour l'un, est, pour l'autre, empreinte d'une véritable douleur. Là est toute la différence.

 

La partition de M. Messager est d'un ordre essentiellement composite. Il semble qu'elle tend un peu la main à tous les systèmes, tout en restant assez volontiers dans le domaine et dans le ton de l'opéra-comique. Il n'est pas besoin de dire qu'elle est écrite avec un rare talent, orchestrée avec goût et élégance, claire et limpide en son ensemble, harmonisée d'une façon fine et délicate. Le nom de M. Messager est un sûr garant des qualités du compositeur. Ce que l’on souhaiterait à sa musique, même au prix d'une moindre perfection dans la forme, c'est un peu plus de solidité dans le fond, un peu plus de personnalité et, pour tout dire, une tendance mélodique plus fraîche, plus neuve et plus accusée. L'œuvre, assurément, se fait entendre avec plaisir, mais elle manque un peu trop, semble-t-il, de surprise et d'imprévu. Pour le prouver, il suffirait de signaler la joie expansive avec laquelle le public a accueilli, au quatrième acte, une page vraiment exquise, l'air du frère Yves : Je reverrai dans la lande bretonne. C'est là une inspiration délicieuse, et comme on n'en rencontre pas souvent peut-être, un de ces épisodes qui ressortent sur l'ensemble d'une œuvre et lui donnent sa couleur et son caractère. Il y a pourtant d'autres jolies pages dans la partition de Madame Chrysanthème, qu'il serait injuste de ne pas signaler. Entre autres, la délicate chanson de la « Mousmé » au premier acte, et le duo des fleurs, dont l'orchestre est plein de coquetterie ; puis la chanson des cigales, les airs de ballet du troisième acte, dont l'orchestre aussi est chatoyant, et plusieurs chœurs bien venus.

 

(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)

 

 

 

 

 

dessin de Jules-Armand Hanriot (1893)

 

 

 

 

morceaux séparés aux éditions Choudens

 

 

Catalogue des morceaux

 

Prologue - En mer. - La Passerelle.

  (Orchestre)    
    Quand les Bretons la Voix du Gabier
    Frère ? - Yves ? Pierre, Yves
    Au milieu d'un petit jardin sombre Pierre
  Changement (Orchestre)    

Acte I - En rade de Nagasaki. - Le Pont du navire.

Scène I   Les matelots ! Les matelots ! Marchands, Marchandes, Matelots
Scène II Entrée des Guéchas Les Guéchas ! Les Guéchas !  
  La mousmé dans ses doigts frêles Chrysanthème, Oyouki, Fraise
Scène III   Que chantiez-vous ?... Quand on veut devenir Guécha Chrysanthème, Pierre
Scène IV   Frère ! là-bas, regardez donc ! Pierre, Yves, Kangourou
  Je suis Kangourou-San, Vi Missieu ! Kangourou
  Suis très flatté, Missieu Pierre, Kangourou
Cortège nuptial    

Acte II - La Maison de Chrysanthème

  Entr'acte    
Scène I   Je vous estime et vous implore Madame Prune
Scène II (texte parlé)   Madame Prune, Yves, Kangourou
Scène III   Du papier de riz de qualité fine Monsieur Sucre
Scène IV Air Oui ! c'est bien lui, c'est bien le pays Pierre
Scène V   Ces fleurs ici !... Là ce dahlia fauve Chrysanthème, Pierre
Scène VI Chanson bretonne Eh ! Madame la mariée ! Chrysanthème, Pierre
    Par un ciel en fête Oyouki, Campanule, Jonquille, Fraise, Yves, Charles, Raoul, René

Acte III - Fête sur une place publique aux abords du Temple d'Osueva

Scène I   Namou ! Amidah ! Boutsou !... C'est fête ! La Fête des Dieux ! les Prêtres, la Foule
  Entrez, entrez, Missieurs, Mesdames ! Kangourou
Scène II   Ah ! la course folle à travers les rues ! Chrysanthème, Oyouki, Pierre, Yves, les Officiers
  Faites quelques emplettes ! les Marchands et Marchandes
Scène III   Pourquoi rêver ainsi, petite sœur ?... Ah ! la vie au grand air ! Chrysanthème, Yves
Scène IV   Qui veut des louanges aux dieux du Japon ? Chrysanthème, Oyouki, Pierre, Yves
  O grand Daï-Nati, lumière de la vie ! Pierre
  Un éventail c'est un bon ami Chrysanthème
Air Colombe ! Colombelle ! petit oiseau béni ! Oyouki
Scène V (texte parlé)   Pierre, Kangourou
Scène VI (texte parlé)   Oyouki, Pierre
Scène VII   L'air est pur, la foule lentement s'écoule ! la Foule
Danses    
Scène VIII Valse des Cigales Le jour sous le soleil béni Chrysanthème
Scène IX   Non ! je ne me suis pas trompé ! Chrysanthème, Pierre, Yves
Scène X   Ah ! Missieurs ! la colère ! mauvaise conseillère ! Pierre, Kangourou
Scène XI   Namou ! Amidah ! Boutsou ! les Prêtres, la Foule

Acte IV - Le Jardin de la maison de Chrysanthème

  Entr'acte    
Scène I Duo-nocturne Les harpes d'or qui chantent dans la nuit Chrysanthème, Oyouki
Scène II   Comme je suis ému ! c'est étrange ! Pierre
Scène III   Vous ne m'en voulez plus ? Chrysanthème, Pierre
Scène IV   Lieutenant ! Lieutenant ! Chrysanthème, Pierre, Yves
Scène V Air Je reverrai dans la lande bretonne Yves
Scène VI   Ah ! Sainte Kami ! Vous partez tous deux ! Oyouki, Madame Prune, Pierre, Yves, M. Sucre, Kangourou
Scène VII   Allons ! séparons-nous ! Chrysanthème, Pierre
  Quand vous serez partis ! Chrysanthème, Yves

Epilogue

    Quand les Bretons la Voix du Gabier
    Frère ? - Yves ? Pierre, Yves
    Tu n'as pas cru à mon amour Pierre

 

 

 

 

 

maquette de décor du 2e acte

 

 

 

 

    

 

Acte III. Valse des Cigales

Aïno Ackté (Chrysanthème) et Orchestre

Disque Pour Gramophone G.C.-33529, enr. vers 1905

 

 

 

Acte IV. "Allons ! séparons-nous !"

Emile Marcelin (Pierre) et Orchestre

Disque Pour Gramophone P 557 et U 45, mat. 4-32454, enr. le 20 mai 1926

 

 

 

 

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