Ivan IV ou Ivan le Terrible
Opéra en quatre actes et six tableaux, livret d'Hippolyte LEROY et Henri TRIANON, musique de Georges BIZET (1864-1865).
Première représentation au château de Nühringen, en Allemagne, en 1946.
Représenté au Grand Théâtre de Bordeaux, après révision d’Henri Büsser, le 12 octobre 1951, mise en scène de J.-P. Changeur.
Le livret avait été écrit pour Charles Gounod, qui le mit partiellement en musique (1857) puis le détruit. Bizet le reprit, entre 1860 et 1862, et ne parvint pas non plus à le terminer tout à fait. L’opéra, qui ne put être représenté à Baden-Baden, comme Bizet l’avait espéré, fut également refusé par l’Opéra, auquel l’auteur l’avait offert.
personnages |
emploi |
Bordeaux, 12 octobre 1951 |
Marie, soeur de Temrouk | soprano | Mmes Georgette CAMART |
Olga, soeur d'Ivan | mezzo-soprano | Marthe COUSTE |
Ivan IV, tzar de Russie | basse | MM. Pierre NOUGARO |
Igor, frère de Marie | ténor | Miro SKALA |
Temrouk, prince de Circassie | basse | Michel TAVERNE |
Yorloff, un boyard | baryton-basse | Charles SOIX |
un Jeune Bulgare | ténor | René COULON |
Chef d'orchestre | Adolphe LEBOT |
Ivan IV
On ne sait trop pourquoi Ivan IV, ou Ivan le Terrible, est un « ouvrage posthume ». Les biographes de Georges Bizet en ont donné des explications variées, d'autant moins convaincantes qu'elles ne concordent que sur un point : la destruction du manuscrit par le compositeur lui-même. Or, la partition originale était si peu réduite en cendres qu'on l'a retrouvée pendant la dernière guerre, en excellent état, à la Bibliothèque du Conservatoire National de Musique. Les faits connus et incontestables sont les suivants : En fin novembre 1863, le jeune compositeur (vingt-cinq ans) venait de remporter un honnête succès au Théâtre-Lyrique avec les Pêcheurs de perles. Carvalho, directeur de la nouvelle salle de la place du Châtelet, lui proposa aussitôt un livret de François-Hippolyte Leroy et Henri Trianon, Ivan le Terrible, auquel Gounod avait déjà travaillé. (L'air du Petit Berger de Mireille est un vestige de cette ébauche.) Bizet se mit au travail avec sa facilité et sa rapidité coutumière. Les répétitions commencèrent. Pas pour longtemps. Le nouvel opéra de Bizet qu'afficha le Théâtre-Lyrique en 1867 ne fut pas l'infortuné Ivan, mais la Jolie fille de Perth que le fécond musicien avait écrit dans les six derniers mois de 1866. Que s'était-il passé ? Selon certains, Bizet aurait retiré son œuvre dès 1865, par scrupule artistique, jugeant qu'il avait trop sacrifié à son goût pour la manière italienne de Verdi. Cette ingénieuse hypothèse concorde parfaitement avec celle de l'autodafé, elle-même imaginée pour expliquer la prétendue disparition du manuscrit. L'existence avérée de celui-ci rend tout à fait gratuite une supposition qui était déjà bien peu vraisemblable. On dit que la création d'Ivan le Terrible, prévue pour 1867, fut ajournée pour des raisons d'opportunité politique, ou plus exactement de courtoisie à regard du tzar Alexandre II, l'un des nombreux souverains étrangers qui se rendirent à Paris, cette année-là, à l'occasion de l'Exposition Universelle. Enfin, des difficultés d'ordre financier peuvent avoir joué un rôle. Henry Malherbe cite dans son livre sur Carmen, le passage suivant d'une lettre de Bizet : « Ivan est encore retardé : le Théâtre-Lyrique n'a pas le sou ! » Quelles qu'aient été les causes précises de ces atermoiements, il est raisonnable de supposer, avec Emile Vuillermoz, que Bizet reprit son manuscrit dans l'attente d'une occasion meilleure. Jeune, en pleine santé, il ne pouvait soupçonner qu'il mourrait subitement moins de dix ans plus tard. La partition autographe de la Bibliothèque du Conservatoire n'est pas entièrement achevée. Henri Büsser, chargé par les Editions Choudens de combler les vides, a dû orchestrer les deux dernières scènes dont Bizet n'avait noté que les lignes de chant. L'absence de toute réduction pour piano ne saurait étonner de la part de Bizet, qui écrivait d'abord pour les voix et l'orchestre, retouchait et complétait l'ouvrage en cours de répétition, et ne procédait qu'ensuite à la transcription pour piano. Ce n'était qu'un petit travail pour ce virtuose, ce « lecteur » phénoménal, qui déchiffrait au clavier n'importe quelle partition d'orchestre avec une sûreté et une habileté confondantes dont Berlioz, entre autres, a témoigné. Nous ne savons qui était François-Hippolyte Leroy. Mais Henri Trianon, dont le patronyme sent si fort le pseudonyme, fut homme de lettres et co-directeur de l'Opéra-Comique, de 1857 à 1859, avec Nestor Roqueplan. Le fruit de leur collaboration à Ivan le Terrible n'est certes pas une merveille de construction dramatique, ni de versification. Mais leur livret abonde en syllabes sonores et en situations dont le compositeur a tiré un excellent parti. Ivan, parfois terrible, pleure et s'évanouit devant toute sa cour parce qu'une femme l'a déçu. Yorloff, sorte d'Iago russe, dupe à loisir cet homme d'État dont on se demande comment il a pu se maintenir au pouvoir. Les farouches patriotes tcherkesses oublient leurs griefs avec une spontanéité qui fait honneur à leur bon cœur. Nous sommes évidemment plus près des Pêcheurs de perles que de Boris Godounov. Cela n'empêche pas l'œuvre d'être musicalement fort séduisante. Très nettement influencée par Gounod (comme les Pêcheurs) en sa première partie, elle gagne constamment en originalité et en force jusqu'au « happy end » qui apporte in extremis leur récompense aux bons et son châtiment au traître. Chœurs et orchestration sont d'une grande richesse harmonique, et plus d'une mélodie figurerait avantageusement parmi les airs les plus célèbres du répertoire de soprano, ténor et baryton. Ivan IV a été brillamment créé en octobre 1951 au Grand Théâtre de Bordeaux. Une version en langue allemande a ensuite connu un très vif succès dans plusieurs villes d'Allemagne, en Suisse et en Autriche. (Maurice Tassart)
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Extraits enregistrés en 1958 (révision musicale d'Henri Büsser) :
Mme Janine Micheau (Marie) ; MM. Henri Legay (Igor), Michel Sénéchal (le jeune Bulgare), Michel Roux (Ivan IV), Pierre Savignol (Temrouk), Louis Noguéra (Torloff).
Chœurs et Orchestre National de la Radiodiffusion Française dir. Georges Tzipine (chef des chœurs René Alix)
01. Acte I - Duo (Marie - Le Jeune Bulgare)
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02. Final du 1er Tableau (Temrouk, Igor, Chœurs)
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03. Sérénade (Le Jeune Bulgare)
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04. Récit et Chant du Cosak (Ivan, Yorloff, Chœurs)
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05. Acte II - Chœur dansé
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06. Acte III - Air (Marie)
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07. Acte III - Récit et Air (Igor)
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08. Duo (Marie, Igor)
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09. Final (Ensemble)
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10. Acte IV - Finale (Ensemble)
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