Brocéliande
Conte bleu en musique en un acte, livret de Fernand Charles Félix GREGH (Paris 9e, 14 octobre 1873 – Paris 16e, 05 janvier 1960) [fils du compositeur Louis Gregh], d'après son Prélude féerique (1908), musique d’André BLOCH.
Création au Théâtre de l’Opéra (Palais Garnier) le 23 novembre 1925 (répétition générale publique le 19 novembre). Mise en scène de Pierre Chereau. Chorégraphie de Léo Staats. Décors et costumes de Maxime Dethomas.
11 représentations à l’Opéra au 31.12.1961.
personnages |
emplois |
Opéra de Paris 23 novembre 1925 (création) |
Opéra de Paris 03 décembre 1926 (11e) |
la Fée Carabosse | contralto | Mmes Ketty LAPEYRETTE | Mmes Ketty LAPEYRETTE |
la Fée Ormonde | Marisa FERRER | Marisa FERRER | |
la Fée Roselys | Jane LAVAL | Jane LAVAL | |
la Fée Ondine | Jeanne BONAVIA | Tina DUBOIS-LAUGER | |
la Fée Liliane | Georgette CARO | Georgette CARO | |
la Fée Marimonde | Yvonne COURSO | Yvonne COURSO | |
les Grenouilles | Madeleine LALANDE | Madeleine LALANDE | |
Andrée MARILLIET | Andrée MARILLIET | ||
Louise BARTHÉ | Louise BARTHÉ | ||
Cécile REX | Cécile REX | ||
l'Ambassadeur | baryton | MM. Jean MAURAN | MM. Jean MAURAN |
le Crapaud | ténor | Georges THILL | Gaston DUBOIS |
le Récitant | rôle parlé | Pierre MORIN | LEJEUNE |
Gnomes, Lutins, une Vieille Femme, la Belle au bois, Seigneurs et Dames, Valets, Suisses, Chiens | |||
Danses |
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Mlles Blanche KERVAL, BADY, Colette SALOMON MM. Paul BARON, CUVELIER |
Mlles Blanche KERVAL, BADY, Colette SALOMON MM. Paul BARON, CUVELIER |
Chef d'orchestre | M. Philippe GAUBERT | M. André BLOCH |
Autres interprètes à l'Opéra :
La Fée Carabosse : Mme Georgette FROZIER-MARROT (1926).
A l’Opéra : Spectacle coupé : Brocéliande. – l’Ile désenchantée. – Rencontres. Notre première scène lyrique annonce pour le jeudi soir 19 novembre la répétition générale du premier spectacle nouveau qu'elle compte offrir à ses abonnés. Il sera composé de deux ouvrages lyriques et d'un court ballet. Brocéliande est un « conte bleu en musique », en un acte, tiré du Prélude féerique que le poète Fernand Gregh écrivit en 1901 et publia en 1908, c'est-à-dire avant le Chantecler d'Edmond Rostand. Il n'est pas indifférent de le rappeler, en raison d'un rapprochement que l'on pourrait être tenté de faire entre les deux ouvrages, qui, l'un et l'autre, comportent comme personnages des animaux, fait qui n'est d'ailleurs qu'accidentel et accessoire dans le poème de M. Fernand Gregh. Le Prélude féerique était le prologue d'une Belle au Bois dormant qu'il avait projeté d'écrire pour Sarah Bernhardt. Il avait jugé amusant de mettre, dans ce seul prologue, toute l'essence du conte de Perrault, comme pour laisser à un musicien le soin d'en dégager tout le parfum. Ce musicien s'est rencontré en la personne de M. André‑Bloch qui, pressenti en 1922 par le directeur des Beaux‑Arts en vue de la représentation, en sa qualité de Grand Prix de Rome, de l'un de ses ouvrages à l'Opéra, se sentit particulièrement séduit par le Prélude féerique et décida de traiter ce sujet de préférence à tout autre. M. André-Bloch, qui obtint le premier prix de piano au Conservatoire en 1889, et, élève de Massenet, le Grand Prix de Rome en 1893, a déjà composé pour le théâtre Maïda, cinq actes sur un livret de M. Réty, représentés à Aix-les-Bains en 1909, et la Nuit de Noël, trois actes joués à Liège en 1921. Il est en outre l'auteur de nombreuses compositions de musique pure, notamment d'une Fantaisie pour piano et orchestre jouée par lui aux Concerts-Colonne il y a une vingtaine d'années. Le très sympathique musicien, auquel nous posons quelques questions au sujet de Brocéliande, évite avec la plus délicate modestie de parler de lui. Il exprime la plus chaleureuse admiration pour le poème dont il s'est inspiré et qu'il nous dit s'être efforcé d'envelopper le mieux possible d'une ambiance appropriée, en en exprimant la poésie par le langage des sons. Il s'est attaché à le faire simplement, sincèrement, traduisant avec fidélité les impressions qu'il a ressenties. « C'est ainsi, nous dit-il, qu'en évoquant musicalement le réveil de la forêt qui retentit du chant des oiseaux, je me suis souvenu de l'impression ressentie par un clair matin de printemps, place du Théâtre-Français, où le pépiement de milliers de moineaux produisait un scintillement sonore que j'ai cherché à rendre à l'orchestre. » M. André-Bloch nous dit sa gratitude pour l'accueil que M. Rouché a fait à son œuvre, pour le zèle éclairé apporté par M. Philippe Gaubert à sa réalisation musicale et par M. Pierre Chereau qui s'est surpassé dans la réalisation scénique. Et il nous vante ses éminents et dévoués interprètes, notamment Mlle Lapeyrette, qui fera du rôle pittoresque de la Fée Carabosse une de ses plus remarquables créations, MM. Mauran et Thill, Mlles Ferrer, Jane Laval, Bonavia, Georgette Caro, Yvonne Courso, Lalande, Marilliet, L. Barthé, Cécile Rex. Un rôle parlé de récitant sera tenu par M. Pierre Morin. Il vante aussi le goût très sûr dont a fait preuve M. Maxime Dethomas dans l'agencement des décors et des costumes.
(le Ménestrel, 13 novembre 1925)
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Vive la Bretagne pour les légendes et les contes de fées ! L'Opéra n'a pas eu tort d'y songer : il n'est pas de meilleurs thèmes à développements lyriques. Mais il n'a pas craint les contrastes ; car si le conte nous ramène à nos imaginations d'enfant, la légende est sauvage, sanglante et nous enlève en un souffle d'épopée... D'épopée primitive même. Nous sommes ici en pleine archéologie... ; que dis-je ? avant même l'archéologie : au temps où les grenouilles conversaient avec les fées et où les fée étaient marraines des princesses ; au temps, aussi, des sacrifices humains, des cavernes et des rocs battus par la mer en furie. Nous sommes dans la forêt de Brocéliande et dans l’île de Sein. Brocéliande..., le beau nom, fastueux, ample, mystérieux et magnifique ! Il séduisit tout le moyen âge. On y évoqua Merlin et la fée Morgane, Obéron et le Chevalier au lion ; on en fit un séjour d'élection et une relation réellement « historique » assurait, bien plus tard encore, qu'au centre d'icelle, en un lieu sacré entre tous (tel le Montsalvat de Parsifal), si quelque bête venimeuse « osait pénétrer, elle mourait aussitôt ; et si « les bêtes pâturantes » égarées dans la forêt étaient « couvertes de mouches » et pouvaient atteindre cet asile, « soudainement les dites mouches se départaient » !... Bref, c'était, évidemment, une magnifique forêt. Car rien n'est moins mythique que la forêt de Brocéliande, qui s'étendait jadis sur une grande partie de notre département des Côtes-du-Nord et n'abritait pas moins de six grandes abbayes et une multitude d'ermitages, mais qui dut à sa population forestière, progressivement accrue, de disparaître peu à peu et de ne laisser que des traces de bois, des miettes de forêt, des « buissons ». C'est dans ces retraites encore vierges, au bord d'un étang plein d'ombre, sous les hautes futaies scintillantes de clartés lunaires, que M. Fernand Gregh nous a conduits et que M. André-Bloch a traduit en musique les scènes évoquées par lui. Les grenouilles causent entre elles, en prenant le frais ; un crapaud commente toute chose d'un ton « lyrique et inspiré » ; Ormonde et ses sœurs fées dansent en se jouant, paraissent et disparaissent... Cependant des sons retentissent, qui ne sont qu'humains : c'est l'ambassadeur qui supplie les fées de se montrer et qui, très humblement, les prie de vouloir bien agréer pour filleule la fille qui vient de naître au Roi son maître. Et déjà chacune des fées formule le don qu'elle accordera à la princesse... Mais la vieille Carabosse veille, au sommet d'un arbre, et ricane, en songeant qu'on s'est bien gardé de l'inviter. Après tout, ce n'est pas à la nouveau-née qu'elle en veut ; mais elle en fera... la belle au bois dormant, et les gens seront bien attrapés de dormir leur nuit avec elle, jusqu'au jour où le Prince Charmant la délivrera... M. André-Bloch a écrit pour ce conte, ce « prétexte à vers, à chant, à danse » (comme dit « le Récitant » au début, avec toute la modestie de M. Fernand Gregh), une petite partition tout à fait jolie, finement, précieusement écrite à l'orchestre sans aucune « recherche », claire et aimable au point de vue lyrique, légère et charmante en ses rythmes de danse ou ses ironies discrètes de sonorités. Rien n'est plus suave que les hautes pensées du crapaud (il est vrai, d'ailleurs, que M. Thill les chante d'une voix délicieuse) et plus étrangement évocateur que les brékékékex des grenouilles (souvenir d'Aristophane). De pénétrantes harmonies précisent le lieu et ses brumes enchantées, comme elles enveloppent les danses des fées et leurs propos discrets. La solennité de l'ambassadeur et de ses hérauts est rythmée avec une bonne humeur qui n'est jamais de la charge et l'idée est excellente d'avoir mis dans la bouche des fées, lorsqu'elles annoncent les dons dont elles doteront leur filleule, des motifs anciens de chanson. Toutes ces scènes vivent avec grâce et sont tissues d'une trame instrumentale vraiment séduisante. A cet égard, la seconde partie de l'ouvrage n'est pas moins intéressante, peut-être plus encore. Mais, et ce sera ma seule critique, c'est trop qu'il y ait en effet une seconde partie ; et la scène de Carabosse, par son étendue, par sa lenteur, par la « méditation » au cours de laquelle la fée prépare et crée l'avenir de la petite princesse, prend des proportions qui rompent l'équilibre de ce petit drame. Terminer une comédie par un monologue est chose dangereuse. Ceci dit, on ne peut qu'apprécier le mouvement haletant de l'orchestre lorsque Carabosse commence sa cuisine, et son beau caractère de poésie mystérieuse quand apparaît, comme en rêve, l'avenir évoqué, le crescendo de ses sonorités, le mouvement des danses finales. — Au surplus, les grenouilles reprennent leur chant et le crapaud ses exquises inspirations dès que leur belle solitude leur est rendue et cette symphonie de la nature s'éteint peu à peu, de la façon la plus délicate. C'est Mlle Lapeyrette qui détaille, adroitement, nettement, spirituellement, les combinaisons de l'ingénieuse Carabosse. L'ambassadeur est plaisamment incarné par M. Mauran, et les fées par Mlles Ferrer, Laval, Bonavia, Caro, Courso. M. Philippe Gaubert dirige toute l'œuvre avec la finesse et la verve que nous lui connaissons de toujours.
(Henri de Curzon, le Ménestrel, 27 novembre 1925)
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Ne croyez pas que Brocéliande évoque la grandiose épopée celtique, les amours de Myrdhinn et de Viviane, Arthus, les symboles contenus en ces superbes mythes. Non, Brocéliande est le prologue de la Belle au bois dormant — ce conte exquis que les auteurs ont placé dans la forêt enchantée, séduits uniquement par le charme de son nom. Donc l'Ambassadeur vient de la part du roi inviter au baptême de la petite princesse toutes les fées de la forêt qui partent joyeusement après avoir choisi les dons qu'elles lui apporteront en présent. La fée Carabosse n'a pas été invitée : c'est, au reste, sa faute car sur un arbre perchée, d'où elle a tout entendu et vu, elle attend pour en descendre l'exode général. Elle prépare son maléfice dont elle évoque l'image dans le temps... et un Récitant vient dévoiler que le Prince charmant symbolise le soleil et la Princesse la terre. Merci, nous le savions ; comme vous le savons de Siegfried et Brunnhild et de tant d'autres, car, le savant M. Van Gennep a sur cette question fait un ouvrage du plus haut intérêt — on retrouve la genèse de la Belle au bois dormant, comme celle du Petit Chaperon rouge et du Chat Botté, dans toutes les langues — même les plus anciennes, chez toutes les races — même parmi les peuplades sauvages de la Sibérie ou de l'Océanie. M. André Bloch a écrit pour ce conte une charmante musique. Il le faut louer d'avoir su rester lui-même, sans s’être cru obligé de suivre la mode du jour. Sa mélodie est d’un goût délicat ; Prix de Rome, il possède foncièrement son art. Sa souple et élégante écriture lui permet de rester musical en ses fantaisies — comme dans les scènes fort amusantes et subtiles des grenouilles ou de Carabosse. La marche de l’ambassade — pourquoi les hérauts embouchent-ils des trompettes alors que résonnent dans l’orchestre les cors — éveille, joyeuse et pimpante, les échos de la forêt. Les fées dansent sur une musique gracieuse et exposent les dons qu’elles porteront en un thème qui rappelle un chant populaire d’outre-Loire et qu’accompagnent d’ingénieuses variations. Une trame orchestrale, finement tissée, revêt cette partition, œuvre d'un bon compositeur qui, à son berceau, a dû, lui aussi, recevoir d'une fée le don rare d'écrire la musique qui convient exactement à la pièce. Mlle Lapeyrette, vocalement solide et sonore, est une fée Carabosse remplie d'intelligence, de verve spirituelle, ce qui après son extraordinaire création du Jardin du Paradis, n'a surpris personne. M. Thill s'est montré charmant et bien chantant ténor, rendant avec sentiment la jolie phrase du Crapaud. Il progresse visiblement : ses sons sont parfaitement placés et son aigu gagne en ampleur. M. Mauran, qui silhouette à souhait l'Ambassadeur de féerie, s'est habilement tiré d'un rôle à la tessiture par endroits un peu grave pour un baryton. Les fées, harmonieux ensembles aux gracieuses évolutions, sont Mmes Ferrer, Laval, Bonavia, G. Caro, Courso, dont on sait le talent, et Mmes Lalande, Marilliet, L. Barthé, Rex, piquantes et sautillantes rainettes, jouèrent et chantèrent parfaitement leur difficile scène. M. Ph. Gaubert qui, avec son coutumier et souple talent, conduisait la partition, sut en évoquer pleinement la finesse et la couleur.
(Raymond Balliman, Lyrica, décembre 1925)
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Brocéliande est un conte de fées. Lors de sa naissance, la fée Carabosse est venue lui prédire mille malheurs, et, comme dans les contes, le Prince Charmant saura désensorceler la princesse endormie. Une musique savante, mais sans caractère bien personnel, orne agréablement le poème de Fernand Gregh.
(Larousse Mensuel Illustré, janvier 1926)
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Catalogue des morceaux
Introduction | |
Scène I | le Récitant |
les Grenouilles et le Crapaud : Brékékékex ! | |
Scène II | les Fées |
Voici que le Petit Chaperon Rouge | |
Scène III | Cortège de l'Ambassadeur |
l'Ambassadeur : Personne hélas ! | |
Scène IV | Que dit-il ? |
l'Ambassadeur : Quoi ! vous daigneriez donc | |
les Dons des Fées : Nul visage au temps ancien | |
Scène V | Carabosse : C'est moi, c'est bien moi |
Hohé ! Matahé ! Rappaltikats ! | |
Apparition de la mansarde (Fileuse) | |
Apparition du château de la Belle au Bois | |
la Chasse | |
le Réveil | |
la Danse | |
Disparition de Carabosse | |
Scène VI | les Grenouilles et le Crapaud |
le Crapaud : Paix là !... Levez la tête ! | |
le Récitant |