André BLOCH

 

 

 

Andreas BLOCH dit André BLOCH

 

compositeur et chef d'orchestre français

(Wissembourg, Alsace-Lorraine, Empire Allemand [auj. Bas-Rhin], 14 janvier 1873* – Viry-Châtillon, Seine-et-Oise [auj. Essonne], 07 août 1960)

 

Fils de Jacques BLOCH (Ingwiller, Bas-Rhin, 21 janvier 1832* – Paris 17e, 14 octobre 1920*), rabbin [fils de Lazare BLOCH (Ingwiller, 1798 – Ingwiller, 14 avril 1843), marchand de bestiaux], et de Marie Adrienne Berthe MANHEIMER (Mulhouse, Haut-Rhin, 02 juin 1837* – Paris 17e, 18 avril 1908*), mariés à Uffholtz, Haut-Rhin, le 27 août 1862*.

Epouse à Paris 14e le 09 juillet 1902* Suzanne Charlotte Salomé LŒWY (Paris 14e, 15 juin 1877* – Paris 17e, 06 mars 1966*), fille de Maurice LŒWY (Vienne, Autriche, 15 avril 1833 – Paris 7e, 15 octobre 1907*), astronome autrichien naturalisé français en 1864, directeur de l’Observatoire de Paris ; soeur de Berthe LOWELLY, soprano.

Parents d’Yvonne BLOCH (Paris 14e, 31 mai 1905* – Vernon, Eure, 02 août 2004) ; et de Jean BLOCH (Paris 14e, 26 juin 1907* – Paris 17e, 08 janvier 1909*).

 

 

Elève au Conservatoire de Paris, il y obtint : en solfège, une 2e médaille en 1883 et une 1re médaille en 1884 ; en piano préparatoire, une 3e médaille en 1884, une 2e médaille en 1885 et une 1re médaille en 1886 ; en piano, un 2e accessit en 1887, un second prix en 1888 ; en harmonie, un 2e accessit en 1889 et le premier prix en 1890. Il obtint le 2e second grand prix de Rome en 1892 avec la cantate Amadis et le premier grand prix en 1893 avec la cantate Antigone, sur des paroles de Fernand Beissier. Il est l’auteur de poèmes symphoniques d’une écriture distinguée : Au béguinage (1931), Kaa (1931), les Moissons de l’éternité (1932), avec violoncelle principal, une Suite palestinienne (1948), rhapsodie folklorique avec violoncelle principal. On lui doit également deux ouvrages lyriques : Brocéliande (Opéra, 1925), qu’il dirigea au Palais Garnier le 03 décembre 1926, et Guignol (Opéra‑Comique, 1949), ainsi que des mélodies. Il fut professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris du 01 novembre 1927 au 19 décembre 1940. Il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur.

En 1902, il habitait 11 place Malesherbes [auj. place du Général-Catroux] à Paris 17e ; en 1905, à l’Observatoire de Paris ; en 1909, 22 avenue Carnot à Paris 17e. Il est décédé en 1960 à quatre-vingt-sept ans. Il est enterré au cimetière de Montmartre (3e division).

 

 

 

œuvres lyriques

 

Feminaland, ballet, livret du compositeur (Monte-Carlo, 19 mars 1904)

Maïda, conte musical en 4 actes et 5 tableaux, livret de Charles Réty-Darcours (Aix-les-Bains, 1909) => détails

Une nuit de Noël, opéra en 3 actes, livret de Jules Méry (Théâtre Royal de Liège, mars 1922 ; Casino municipal de Cannes, 15 janvier 1925 avec Mmes Madeleine Beyre, Louise Borde, MM. Cochera, Eugène Graux, Jean Aquistapace, sous la direction du compositeur)

Brocéliande, conte bleu en musique en 1 acte, livret de Fernand Gregh (Opéra, 23 novembre 1925) => fiche technique

Guignol, opéra bouffe de cape et de trique en 3 actes, livret de Henri Fabert et Justin Godard (Opéra-Comique, 18 janvier 1949) => fiche technique

 

mélodies

 

A une petite mousmé, ballade, poésie de Pierre Fradèle (1904)

Accident, poésie d’Auguste Villeroy (1934)

C’est en avril, poésie de Gaston A. Guérin (1898)

Cloches du soir (les), poésie d’André Barde (1898)

Laï louli, poésie de Victor Melnotte (1911)

M’amour, poésie de Jean Richepin (1900)

Menuisier des trépassés (le), nocturne, poésie de Jean Moréas (1905)

Poule (la), poésie de Miguel Zamacoïs (1930)

Veillée des cloches (la), poésie de G. E…

 

 

 

     

 

la Veillée des Cloches, mélodie d'André Bloch

 

Au matin rose, romance d'André Bloch

 

 

 

 

André-Bloch, né à Wissembourg, le 14 janvier 1873, 1re médaille de solfège en 1884, 1re médaille de piano préparatoire en 1886, 1er prix de piano en 1889, 1er prix d'harmonie en 1890, l'un des rares musiciens qui aient été Grand Prix de Rome à vingt ans (1893), pianiste, chef d'orchestre, professeur distingué, compositeur délicat et habile.

 

(Raymond Charpentier, Grands virtuoses, Cinquante ans de musique française, 1925)

 

 

 

 

 

André Bloch au milieu de ses élèves dans sa classe d'harmonie 1929-1930 au Conservatoire de Paris (photo L. Roosen, 1930) [BNF]

 

 

 

 

On ne saurait douter que le signe particulier d'André Bloch ait été tout d'abord la précocité, non pas celle des petits prodiges, qui épuise prématurément la substance vitale, mais celle qui trahit l'impatience d'une vocation. Originaire de Wissembourg, disciple de Guiraud et de Massenet, il devenait, à vingt-trois ans, titulaire du grand prix de Rome dans la classe de ce dernier, après avoir remporté deux premiers prix de piano et d'harmonie. Aussi, comme il l'a confié à notre confrère José Bruyr, était-il à la Villa Médicis où ses condisciples s'appelaient : Letorey, Büsser et Rabaud et où il faisait figure de benjamin, représenté sur le « cahier des charges », entendez l'album des caricatures, en chaussettes, culotte courte et col marin.

Cette jeunesse, il en a gardé l'aubaine dans la simplicité, dans l'effacement où il aime d'accomplir ses tâches multiples et dans la sollicitude affectueuse dont il entoure la musicale adolescence de ses élèves. Professeur d'harmonie au Conservatoire, professeur de fugue au Conservatoire américain de Fontainebleau, secrétaire général de l'Association Rome-Athènes, il est également inspecteur de l'enseignement musical, fonction primordiale par les responsabilités qu'elle implique et l'autorité qu'elle confère touchant le développement de la culture musicale sur notre territoire. Et puisqu'aussi bien la voix des ondes dépasse les bornes de la zone, je ne saurais manquer de dire ici tout le bien qu'André Bloch pense du zèle provincial et pour reprendre ses propres termes, « du travail obscur et excellent, présage d'une prochaine renaissance que font sans appui et sans argent certaines écoles dans les petites villes même les plus éloignées de la métropole ». « Et ceci, dit André Bloch de sa besogne didactique, vaut bien une partition. » Cette abnégation ne l'a pas, comme nous le verrons, condamné à la stérilité. Ajouterai-je qu'il a bien mérité de la musique de chambre pendant les quelques années où il a dirigé la Trompette ? Et il a de très près entendu, pendant quatre ans, tonner ces canons dont les voix n'ont rien de commun avec celle des contrepoints savants du même nom.

Elève de Massenet, André Bloch a, lui aussi, travaillé surtout pour le théâtre. Il a débuté en 1909 à Monte-Carlo, avec un ballet, Feminaland, suivi de la Nuit de Noël, œuvre de jeunesse commencée à Rome et demeurée inédite, mais qui depuis l'accueil que lui a fait le Théâtre royal de Liège, a essaimé un peu partout. Pareillement, du Grand Cercle d'Aix-les-Bains, où elle est apparue en 1909, Maïda, conte musical en quatre actes et cinq tableaux, d'après un poème de Charles Réty-Darcours, s'est répandue à travers le monde. Mais Brocéliande, d'après le Prélude féerique de M. Fernand Gregh, franchissait le seuil de l'opéra le 25 novembre 1925, trente-deux ans après que son auteur avait été couronné par l'Institut. Si les lauréats du Palais Mazarin acquièrent, de ce fait, un droit à l'hospitalité de l'Académie nationale de musique, ils n'échappent pas au devoir d'être patients.

Le sujet de Brocéliande n'est autre que le mythe de la Belle au Bois dormant et Louis Aubert l'a repris à son tour dans la Forêt bleue. Les amateurs de parallèles trouveront là matière à juger. On sait du reste que la forêt de Brocéliande, dont il ne reste plus que de rares vestiges, couvrait une partie des Côtes‑du-Nord et qu'elle abritait, à défaut de sylvains et de dryades, des abbés et des ermites dont les exorcismes ont réussi à mettre en fuite les divinités païennes.

La poésie du texte et d'un décor scintillant sous la clarté lunaire a inspiré à André Bloch une partition où l'invention, la fantaisie descriptive, teintée parfois d'ironie, s'allient à la distinction en même temps qu'à la fermeté du trait, et trahissent une personnalité qui ne doit rien qu’à la vivacité des impressions et à la qualité de la technique. Le colloque des grenouilles qui emprunte au « Bre ke ke kex koax koax » d'Aristophane ses onomatopées, les commentaires et les sages pensées du crapaud s'opposent dans le plus savoureux contraste aux danses légères et aux menus propos des fées, où passe un écho de nos vieilles chansons, et à l'officielle solennité de l'ambassadeur croquée sur le vif avec une malice dont le tact n'est pas la moindre vertu. Et la fable s'évapore dans l'hymne de délivrance des crapauds et des grenouilles, heureux de recouvrer leur silencieuse solitude.

C'est à l'Opéra-Comique que nous rencontrerons probablement André Bloch avec un Guignol traité selon l'esprit du Guignol lyonnais et qui a été joué à Lyon, à l'occasion d'un gala de presse, au mois de mars 1936.

Nous allons, avec le concours de Mlle de Lapeyrette, de l'Opéra, et de l'auteur au piano d'accompagnement, vous donner l'audition de quelques fragments de la longue scène de la fée Carabosse qui, furieuse de n'avoir pas été invitée au baptême de la jeune Princesse, va se venger en endormant l'enfant pour un siècle lorsqu'elle aura atteint seize ans.

Voici Carabosse dégringolant d'un vieil arbre d'où elle a surpris l'invitation adressée aux autres fées de la forêt de Brocéliande.

« L'injure est sans égale et je la vengerai », dit-elle. Elle appelle quelques petits gnomes qui lui apportent un chaudron dans lequel elle va faire bouillir les ingrédients nécessaires à une incantation : un œil de vipère, deux cœurs de crapaud, trois très vieilles peaux, une paire de lézards, etc., etc. Elle est cependant prise de pitié à la pensée du crime qu'elle va commettre contre une enfant sans défense.

Jours futurs, devenez présents

Bien... Là... nous voici dans seize ans.

Le fond de la scène s'éclaire. On voit la petite Princesse errant — comme dans le conte de Perrault — à travers les combles d'un antique manoir, y trouvant la vieille femme qui file au fuseau, jouant avec cet objet inconnu, se piquant et tombant inanimée.

Le château de la Belle au Bois apparaît. Des arbres ont poussé de toutes parts. Des toiles d'araignée se balancent au vent. Valets, suisses, chiens, seigneurs et dames et toute la Cour dorment fraternellement.

Le Prince Charmant entre et tombe en extase. Il s'approche et baise la Belle au Bois. Celle-ci se réveille, ainsi que toute la Cour, tout le manoir, toute la forêt pleine d'oiseaux qui participent à l'allégresse générale.

Et c'est sur un thème du XVIIe siècle, reconstitué et harmonisé par le compositeur, que se termine la scène de Carabosse extraite de l'opéra féerique Brocéliande.

L'activité d'André Bloch ne s'est point bornée à la scène. On lui doit des mélodies, de la musique de chambre, une Fantaisie pour piano et, plus particulièrement, deux poèmes symphoniques : Au béguinage, extrait de la suite intitulée Voyages, et Kaa, donnés en première audition l'un, le 25 octobre 1931, aux Concerts Lamoureux, l'autre, le 2 avril 1933, aux Concerts Colonne, avec un succès ratifié par la province et l'étranger.

Qu'il s'agisse d'Au béguinage — où s'esquisse une vision de la vénérable cité de Courtrai dans la paix du soir que chante, selon le mode dorien, la cantilène d'un cor anglais, parmi l'écho des cantiques et des carillons aériens, mariant le babil des flûtes, le célesta, l'appel des cuivres et le bourdon du tam-tam, cependant que les vieillards regagnent en clopinant leurs retraites ; qu'il s'agisse, au contraire, de Kaa, le serpent python monstrueux décrit par Rudyard Kipling, rampant à travers les lianes, dont l'apparition interrompt les ébats de la tribu des Bandar Log et dont la danse, la danse de la faim et de la mort, entraîne dans son envoûtement à leur perte les singes fascinés — le suffrage universel de la critique a rendu hommage au réalisme saisissant de la symbolique sonore, telle dans Kaa et, pour emprunter la prose de M. Florent Schmitt, « la reptation du serpent à travers les hautes herbes tropicales, en l'espèce d'immenses et denses glissandi de quatre octaves et, improvisée par le saxophone sur une sinistre et nonchalante timbale en rythmes de habanera, cette mélopée d'agonie dont les périodes se resserrent en replis tortueux et s'alanguissent de plus en plus pour expirer dans le mystère de l'épouvante ».

 

(Paul Locard, le Théâtre lyrique en France, Radio-Paris, 1937-1938)

 

 

 

 

André Bloch par Henri Etlin (1925)

 

 

 

 

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