Charlotte WYNS

 

 

 

Charlotte Félicie WYNS dite Charlotte WYNS

 

mezzo-soprano belge naturalisée française en 1890

(172 rue Saint-Maur, Paris 11e, 11 janvier 1868* ap. août 1923)

 

Fille de Pierre Édouard WYNS (Bruxelles, Belgique, 29 février 1836 – Paris 11e, 26 mai 1868*), fabricant bijoutier, et de Constance Adelphine LANDENNE (Chatel-Chéhéry, Ardennes, 14 janvier 1842* – Paris 15e, 17 août 1933*), modiste, mariés à Paris 11e le 29 janvier 1863*.

Sa mère avait épousé en premières noces à Paris 15e le 30 juin 1859 Hippolyte BOUCHARD (Plailly, Oise, 16 octobre 1837 – Paris 6e, 03 octobre 1861*), orfèvre, dont elle avait eu Jeanne Mélanie BOUCHARD (Paris 15e, 07 août 1860* – Paris 15e, 25 novembre 1940*), artiste peintre [épouse à Paris 9e le 06 juin 1895* Pierre Henri BRYOIS (Paris ancien 10e, 02 novembre 1854 mort pour la France, fort de la Malmaison, Aisne, 23 octobre 1917*), journaliste puis consul] ; elle épousa en troisièmes noces à Paris 3e le 27 mai 1890 Alcide Jean Baptiste SEURON (Cambrin, Pas-de-Calais, 06 février 1837 – Paris 15e, 01 septembre 1907).

Epouse à Paris 9e le 06 décembre 1899* Edmond Joseph Charles Hubert [Edmundus Josephus Carolus Hubertus] DE BRUYN (Anvers, Belgique, 13 décembre 1875* – septembre 1956), avocat belge ; parents de Nicole Hubertine Marie Albertine DE BRUYN (Cannes, Alpes-Maritimes, 27 février 1901* – Dreux, Eure-et-Loir, 27 avril 1998) [épouse à Anet, Eure-et-Loir, le 06 août 1923 Jean Louis HUBERT (Paris 17e, 09 septembre 1901* – Dreux, 17 janvier 1993), agriculteur].

 

 

Son père est né à Bruxelles, fils d'un boulanger établi dans cette ville. Elle débute en public, dans un concert donné par Mlle Bréjean ; elle chante un air de Proserpine de Paisiello. Différents concerts en province, à Cognac, à Saint-Brieuc, puis à la Salle Vivienne, au Cercle de l'Union artistique, etc. Entre au Conservatoire en 1891, où elle est élève de Crosti, Achard et Giraudet. Quelques mois après, en juillet 1891, elle obtient le deuxième prix de chant (air de la Reine de Chypre) et un deuxième accessit d'opéra (air d'Azucena du Trouvère). L'année suivante, elle obtient les trois premiers prix : dans Fidès du Prophète pour le chant, Eros de Psyché d'Ambroise Thomas pour l'opéra-comique, et la scène de la reconnaissance du Prophète pour l'opéra. Le 18 mai 1892 elle créé au Conservatoire de Paris la Vie du Poète (une Voix au 2e acte) de Gustave Charpentier. Elle signe un engagement avec l'Opéra-Comique, mais est réclamée par MM. Bertrand et Campo-Basso, l'Opéra passant avant l'Opéra-Comique. Elle reste un an sans chanter, puis entre à l'Opéra-Comique et débute dans Mignon le 31 octobre 1893. Seconds débuts dans Carmen le 05 février 1894. Soit à Paris, soit à Aix, à Trouville, à Vichy, joue le Portrait de Manon ; la Vivandière, de Godard ; Meala, de Paul et Virginie ; Charlotte, de Werther ; Santuzza, de Cavalleria Rusticana ; la mère, de Sapho. Elle faisait partie du programme à la soirée de retraite de Got, à la Comédie-Française. Elle chante avec succès Orphée de Gluck à une soirée du Cercle de l'Union. En 1897, elle crée Moïna à Vichy, qu'elle créa à Aix-les-Bains en 1899. Elle joue à Nice, à Royan, où elle crée plusieurs ouvrages, puis elle passe l'année 1898 à la Monnaie de Bruxelles, où elle chante Carmen, Werther, Mignon et la première de Princesse d'Auberge (Rita) de Jan Blockx le 14 décembre 1898. Elle rentre triomphalement, en 1899, à l’Opéra-Comique, où sa place n'avait pas pu être prise, malgré des essais nombreux, et se marie avec Edmond de Bruyn, docteur en droit. Elle chante Werther et Cavalleria rusticana à Pau (1900). Elle joue, pour la première fois, Carmen en plein air, d'abord aux Arènes de Bayonne, puis aux Arènes de Bordeaux (1901). Elle chante les premières de la Navarraise et de la Bohème au Casino de Biarritz (septembre 1901). Elle avait été nommée officier d'académie le 16 janvier 1895.

En 1895, elle habitait 13 rue Laffitte à Paris 9e ; en 1902, 25 rue Louis-le-Grand à Paris 2e ; en 1905, 14 rue de Richelieu à Paris 1er.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Elle y débuta le 31 octobre 1893 dans Mignon (Mignon), dont elle chanta la 1000e le 13 mai 1894.

 

Elle y chanta Carmen (Carmen, 05 février 1894) ; Paul et Virginie (Meala), et, depuis 1900, Cavalleria rusticana (Santuzza) ; Grisélidis (Grisélidis) ; la Navarraise (Anita) ; le Pardon de Ploërmel (une Chevrière) ; Proserpine (Proserpine) ; Werther (Charlotte) ; le Portrait de Manon (Jean).

 

Elle y créa le 08 février 1897 Kermaria (Annette) de Camille Erlanger ; le 27 novembre 1897 Sapho (Divonne) de Jules Massenet.

 

 

Charlotte Wyns dans la Bohème (Mimi) de Puccini à l'Opéra-Comique [photo Reutlinger]

 

Charlotte Wyns dans Carmen (Carmen) à l'Opéra-Comique en 1902

Charlotte Wyns et Maurice Renaud dans Amica de Mascagni aux Arènes de Nîmes en 1905

 

Charlotte Wyns dans Messaline (Messaline) d'Isidore de Lara

 

 

Charlotte Wyns dans Messaline (Messaline) d'Isidore de Lara au Cercle d'Aix-les-Bains en 1904

 

 

 

 

Madame Charlotte Wyns est la Mignon et la Carmen si souvent fêtée à l'Opéra-Comique.

Mignon, c'est l'amour chaste, l'amour souriant, un peu doucereux, c'est l'amour avant la vie... Carmen, au contraire, c'est la vie, l'amour (sans épithète ou avec toutes les épithètes, comme il plaira), la joie et la mort mêlées. C'est un des plus beaux poèmes qui aient été chantés. Tout l'imprévu, toutes les félineries, toutes les audaces, toutes les terreurs, toutes les méchancetés, toute la poésie et toute la brutalité de la passion, Carmen les crie, les chante, les caresse. Mérimée et surtout Bizet ont produit un chef-d’œuvre unique, sans similaire.

Eh bien, Mme Charlotte Wyns réalise admirablement et Mignon, la douce, et Carmen, la terrible. La jeune cantatrice, fort intelligente, sait varier son jeu avec une souplesse qui lui est bien personnelle. A. son premier concours, en 1891, un critique fort écouté s'exprimait ainsi : « Si j'avais eu l'honneur de faire partie du jury — ce dont Dieu me préserve ! — j'aurais associé aux deux titulaires de la récompense suprême, Mme Wyns, un contralto délicieux, qui a chanté de façon supérieure un morceau de la Reine de Chypre. C'est une des plus jolies voix que j'aie entendues depuis longtemps et c'est assurément l'élève la mieux douée et la plus intelligente qui se soit présentée à ce concours. » Et Victor Wilder continuait ainsi : « Malgré ces qualités rares — j'allais dire uniques — mes amis Capoul et Gailhard, d'accord avec leurs complices, n'ont accordé qu'un second prix à Mme Wyns, considérant, sans doute, d'après les traditions séculaires du Conservatoire, que l'insolente élève, — qui se permettait d'avoir de la voix et du talent — n'en était encore qu'à sa première année de classe et n'avait obtenu aucune distinction antérieure. » Ce fut d'ailleurs, dans les journaux, un unanime concert d'éloges pour la jolie lauréate et de blâme pour le trop timide jury. « La personnalité, disait Henry Bauër, voilà ce qui fait de cette nouvelle la victorieuse d'hier avec son second prix. » « Mme Wyns, disait M. L. Puech, est une artiste, la seule qui se soit révélée dans ce concours. » Il faudrait dix pages de cet album pour recopier toutes les dithyrambiques appréciations de la presse qui s'est montrée fort bon prophète. L'année d'après, en effet, M Charlotte Wyns remportait d'acclamation ses trois premiers prix, cas tout à fait rare : 1er prix de chant, 1er prix d'opéra et 1er prix d'opéra-comique.

Nous voici loin de la Carmencita, la belle effrontée, et de sa petite sœur aux yeux baissés. Mais toutes ces citations viendront à l'appui de nos dires et feront comprendre comment cette jeune artiste est capable de jouer dans la perfection les deux rôles si différents des petites bohémiennes. Point trop grande, blonde, des yeux bleus, avec de jolies ébauches de gestes, timide et croyante, peureuse et romantique, elle fut toute la Mignon d'Ambroise Thomas qui aura emporté dans la tombe le souvenir consolateur d'une ultime et parfaite interprète.

Mais c'est surtout dans Carmen qu'elle se montra personnelle. Ce rôle superbe eut de très belles créatrices. Mais trop l'ont transformé en un tissu de déclamation. Mlle Wyns a remis le personnage au point. Avec elle, nous avons bien en face de nous la petite bohémienne perverse et cependant naïve, comme toutes les vraies amantes ; elle en a l'entrain, la fantaisie, la verve scénique soutenue ; elle joue son rôle en grande comédienne ; elle le chante en artiste consciencieuse.

Depuis, Mme Charlotte Wyns n'a cessé de donner des marques de son talent. Sa merveilleuse voix a fait le bonheur des délicats ; elle a aidé à durer aux œuvres classiques ; aux œuvres inédites elle a donné le prestige d'un chant magistral. La Vivandière de Godard ; Charlotte, de Werther ou Meala, de Paul et Virginie, elle fut plus d'un soir la grande cantatrice à la voix douce et prenante dont les accents donnèrent le génie aux belles œuvres. Au nombre des dernières créations, le rôle de la mère, dans la Sapho lyrique tirée du roman d'Alphonse Daudet par MM. Cain et Bernède, avec musique de Jules Massenet, où elle fut artiste supérieure et parfaite. « Mme Wyns — la mère de Jean — écrivait M. Catulle Mendès, en rendant compte de la première, a été tout à fait admirable. »

Admirable, Mme Wyns n'a cessé de l'être. Sa voix est un enchantement à ceux qui l'écoutent ; son jeu, un geste pathétique à ceux qui l'admirent, son charme l'un des plus subtils, des plus précieux de nos deux scènes de chant. Il en est peu dont on puisse si hautement proclamer le beau et réel talent.

(Figures contemporaines tirées de l'album Mariani, 1903)

 

 

 

 

Charlotte Wyns en 1906

 

 

 

Les débuts de Mlle Wyns dans Mignon ont pu un instant déconcerter les prévisions de ceux qui comptaient sur le très grand succès de cette artiste, venue du Conservatoire, chargée de couronnes, en passant rapidement par l'Opéra. Une insurmontable terreur la dominait, le premier soir ; depuis, elle s'est remise et a fait apprécier ses très sérieuses qualités : l'Opéra-Comique compte maintenant en elle, pour le service de son riche répertoire, une bonne pensionnaire de plus.

(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 15 novembre 1893)

 

 

Une vraie artiste dans toute la force du terme, une fine parisienne, malgré son nom flamand, une physionomie touchante, un jeu très intelligent, un chant sûr et expressif, telle est Mlle Charlotte Wyns qui, à chacune de ses apparitions sur la scène, soulève l'enthousiasme. Elle est née à Paris. Entrée au Conservatoire en 1890, elle en sortit deux ans après, en 1892, et remportait sa première victoire artistique en enlevant le premier prix de chant (classe Crosti), le premier prix d'opéra-comique (classe Achard), le premier prix de déclamation lyrique (classe Giraudet).

Réclamée, à la fois, par les directeurs de l'Opéra et de l'Opéra-Comique, la direction des Beaux-Arts dut intervenir et se prononça pour l'Opéra où Mlle Wyns ne resta qu'un an et qu'elle quitta, de son plein gré, pour entrer à l'Opéra-Comique.

Ses débuts eurent lieu le 31 octobre 1893 dans Mignon. Elle fit sensation et son succès fut prodigieux. Ce rôle est son triomphe, elle l'avait chanté déjà plus de cent fois lorsqu'elle eut le bonheur d’être choisie par Ambroise Thomas pour l'interpréter à la millième représentation, donnée en l'honneur du Maître, et où le regretté président Carnot remit les insignes de grand croix de la Légion d'honneur à l'auteur de Mignon.

Outre cette incarnation de Mignon, Mlle Charlotte Wyns est supérieure dans Carmen qu'elle interpréta plus de cent fois à l'Opéra-Comique et qu'elle vient de jouer avec éclat dans les Arènes de Bayonne, Werther, les Dragons de Villars, Paul et Virginie, le Pardon de Ploërmel, Cavalleria rusticana, etc.

Elle vient de reprendre à l'Opéra-Comique Proserpine, à la satisfaction de M. Saint-Saëns.

Ses principales créations sont : Kermaria et Sapho, à Paris ; Moïna, à Vichy ; Princesse d'Auberge, à Bruxelles.

La charmante artiste s'est aussi fait vivement applaudir, en représentation, à Monte-Carlo, Nice, Pau, Aix-les-Bains, Vichy, Royan, Spa et Trouville, Rouen, Bayonne et Bordeaux.

Elle n'a jamais quitté l'Opéra-Comique sinon pour aller pendant une saison à Bruxelles où elle a remporté une suite de succès au Théâtre de la Monnaie, en chantant quarante fois la Princesse d'Auberge, aussi Carmen, Mignon, Werther, etc.

La délicieuse cantatrice a encore chanté en représentation la Favorite, la Vivandière, le Roi d’Ys, Rigoletto, etc.

Charlotte Wyns est officier d'Académie depuis 1895.

(Annuaire des Artistes, 1902)

 

 

Spa. — La saison s'est ouverte dimanche par une belle représentation de Werther, dans la nouvelle salle des fêtes du Casino. Mme Charlotte Wyns, à laquelle la direction avait eu recours pour cette soirée d'inauguration, fut acclamée dans le rôle émouvant de Charlotte, et le ténor Girod partagea son succès.

(Le Monde Artiste n° 27, samedi 06 juillet 1912)

 

 

 

 

 

Discographie

 

N° catalogue N° matrice Date d'enreg. Compositeur Librettistes Œuvre Extrait Interprètes Accompagnement
DUTREIH cylindres (Paris)
150205 18287 vers 1904 BIZET (Georges) Henri Meilhac & Ludovic Halévy CARMEN "Près des remparts de Séville" Charlotte WYNS Piano
150385   vers 1904 BIZET (Georges) Henri Meilhac & Ludovic Halévy CARMEN "Là-bas dans la montagne" Charlotte WYNS  
151783 22166 vers 1905 SCHUBERT (Franz) trad fr Guillot de Saix SéRéNADE   Charlotte WYNS Piano
    vers 1904 MASCAGNI (Pietro) trad fr Paul Milliet CAVALLERIA RUSTICANA "Vous le savez, ma mère" Charlotte WYNS  

 

 

 

Charlotte Wyns dans Princesse d'Auberge (Rita) de Jan Blockx à la Monnaie de Bruxelles en 1900

 

 

 

Séguedille "Près des remparts de Séville"

extrait de l'acte I de Carmen de Bizet

Charlotte Wyns (Carmen) et Piano

cylindre Dutreih 150205, mat. 18287, enr. vers 1904

 

 

 

   

 

 

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