Lise TAUTIN
Lise Tautin dans Orphée aux enfers, lithographie de Bertrand (1858)
Louise Emelie Victorine VAISSIÈRE dite Lise TAUTIN
actrice et soprano français
(rue des Arpents, Yvetot, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 31 janvier 1834* – Bologne, Italie, 12 mai 1874)
Fille de Jacques Adolphe VAISSIÈRE dit Adolphe Jacques TAUTIN, peintre puis acteur (Paris, 24 septembre 1804 [2 vendémiaire an XIII]* – Paris 10e, 24 mars 1876*) [fils de Jean Anne François VAISSIÈRE, employé, et de Julie TAUTIN, sœur de l’acteur Jean-Baptiste TAUTIN (Paris, 09 mars 1770 – Paris ancien 2e, 04 mai 1841)], et de Victorine Adélaïde MARCOTTE (Yvetot, 19 février 1813*– av. 1876), couturière, mariés à Yvetot le 30 janvier 1832*.
Mère naturelle de Léonie Adolphine VAISSIÈRE TAUTIN, artiste dramatique (Paris, 1854 –), qui fut la mère de Jeanne Amélie VAISSIÈRE TAUTIN (Nice, Alpes-Maritimes, 18 octobre 1876* – Paris 9e, 22 janvier 1882*), et d’Élise Juliette TAUTIN VAISSIÈRE (Paris 10e, 02 novembre 1877* – Mayet, Sarthe, 18 mars 1921), cultivatrice [épouse à Mayet le 30 avril 1900* Paul Charles TAILLECOURT].
Son père créa à ses côtés des opérettes d’Offenbach : Geneviève de Brabant (le deuxième savant), Orphée aux enfers (Cerbère), le Pont des Soupirs (Gibetto), et était en 1874 régisseur de la scène du théâtre du Palais-Royal. Elle joua en province des rôles d’enfant. Jacques Offenbach l’engagea aux Bouffes-Parisiens où elle débuta le 27 juillet 1857 dans Une demoiselle en loterie. Elle avait une voix métallique, mais flexible, et un jeu séduisant plein de finesse. Le 19 avril 1858, elle créa un rôle dans la Chatte métamorphosée en femme, mais remporta un succès éclatant dans le rôle d'Eurydice d'Orphée aux enfers, le 21 octobre suivant. Ce fut l'apogée de sa carrière. D'un talent très souple, on la vit tour à tour chanter une jolie tyrolienne dans Un mari à la porte (22 juin 1859), jouer cinq rôles de caractères différents et distribuer des coups d'épée dans Geneviève de Brabant, danser dans le Carnaval des revues où elle jouait également plusieurs rôles. Après avoir créé Monsieur Choufleuri restera chez lui le… le 31 mai 1861 au Palais-Bourbon en présence de l’Empereur, elle fut engagée aux Variétés, où elle créa en 1862 le vaudeville la Boîte au lait, puis au Châtelet où elle créa en 1863 Aladin. Plus tard, aux Variétés, toujours interprète d'Offenbach, elle succéda à Hortense Schneider dans la Belle Hélène et la Grande-Duchesse de Gerolstein, et revint aux Bouffes pour créer les Bergers (11 décembre 1865). Après la guerre de 1870 elle joua surtout en province et à l'étranger. Elle tomba malade à Constantinople et mourut en 1874 en Italie, à quarante ans.
Il ne faut pas la confondre avec la sœur de son père, l’actrice Anne Louise Théodorine VAISSIÈRE dite Lise TAUTIN (8 rue de la Vieille Draperie, Paris 9e, 19 décembre 1810* – Chamigny, Seine-et-Marne, 13 octobre 1903*) [épouse à Paris 11e le 11 mai 1843 Charles Victor COR (Paris 8e, 22 septembre 1818 – Chamigny, 07 octobre 1891*), acteur].
Opérettes créées
Une demoiselle en loterie (Aspasie) de Jacques Offenbach (Bouffes-Parisiens, 27 juillet 1857) le Mariage aux lanternes (Fanchette) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 10 octobre 1857) Mesdames de la Halle (Croûte-au-pot) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 03 mars 1858) la Chatte métamorphosée en femme (Minette) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 19 avril 1858) Orphée aux enfers (Eurydice) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 21 octobre 1858) Un mari à la porte (Rosita) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 22 juin 1859) Geneviève de Brabant (Mathieu Lansberg ; Gracioso ; le Chevalier noir ; Isoline ; la Bohémienne) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 19 novembre 1859) le Carnaval des revues (Constantine ; Geneviève ; la Bacchante ; le Diapason ; les Bouffes-Parisiens) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 10 février 1860) le Sou de Lise, de Caroline Blangy (Bouffes-Parisiens, 07 mai 1860) le Pont des Soupirs (Catarina Cornarino) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 23 mars 1861) Monsieur Choufleuri restera chez lui le… (Ernestine) d’Offenbach (Palais-Bourbon, 31 mai 1861) Aladin ou la Lampe merveilleuse (Badroubbour) d’Adolphe de Groot (Châtelet, 03 octobre 1863) les Bergers (la Sincère) d’Offenbach (Bouffes-Parisiens, 11 décembre 1865) le Pont des Soupirs (Catarina Cornarino) d’Offenbach [version en 4 actes] (Variétés, 08 mai 1868)
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La personnification du théâtre des Bouffes. Il y a cinq ans, lorsque l'on parlait de mademoiselle Tautin, on voulait dire les Bouffes. Sa grande popularité ainsi que celle du théâtre date d'Orphée aux Enfers, dans lequel elle dansait ce fameux pas de bacchante que toute l'Europe vint voir. Une physionomie provocante, des yeux tellement pétillants qu’ils feraient sauter, rien qu'en la regardant, toute une rangée de caissons d'artillerie, une bouche mignonne, des épaules et une jambe parfaites, une tête blonde toute frisée, en faut-il plus pour réussir au théâtre ? Ajoutez à cela une bonne voix et une bonne entente de la scène : les succès en tous genres qu'a obtenus mademoiselle Tautin ne vous étonneront pas. Tenez, à Vienne en Autriche, elle avait mis les Allemands à l'envers ; les pipes et les choppes étaient délaissées ; tous couraient applaudir et admirer l'artiste française qui levait si bien la jambe. On avait parlé dernièrement de son entrée au Théâtre-Lyrique ou de son départ pour l'Italie, afin de former sa voix. Ce départ ou cet engagement eussent été un tort, à mon avis, elle n'aura jamais plus de succès qu'elle en trouvera aux Bouffes, et pourquoi quitter un public qui nous aime pour tenter l'inconnu ? Il faut croire que l'artiste a raisonné comme nous, puisqu'elle nous est restée. Tant mieux. (Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Bouffes-Parisiens, 1866)
Petite-nièce de l’acteur Jean-Baptiste Tautin. Enfant de la balle, guidée par son père et sa tante, elle affronta, en province, le feu de la rampe avant l’âge de quatorze ans. Elle était encore bien jeune, quand elle débuta à Bruxelles, en 1850, aux Galeries-Saint-Hubert, qu'elle quitta bientôt pour le Vaudeville. De retour à Paris en 1854, sa mère l’accompagna à Lyon, où elle avait un engagement pour le Grand-Théâtre de cette ville. Elle y resta jusqu'en 1857, époque à laquelle elle entra aux Bouffes-Parisiens des Champs-Elysées. Son succès fut très vif dans Une demoiselle en loterie de Jaime fils et Offenbach, et la presse signala, dès son premier début, le mérite de la future diva de l’opérette. Elle joua avec non moins de réussite Ba-ta-clan, Tromb-al-Ca-zar, les Pantins de Violette, le Pont des soupirs, etc., et créa en 1858 le Mariage aux lanternes, Mesdames de la Halle et Orphée aux enfers (21 octobre), dont la vogue se prolongea jusqu'au mois de juillet 1859. Elle mérita les mêmes applaudissements dans Un mari à la porte et dans Geneviève de Brabant (novembre 1859). Elle fit sa rentrée aux Bouffes-Parisiens par deux créations moins importantes : le Carnaval des revues et le Sou de Lise (1860), et passa aux Variétés, où elle débuta, en 1862, dans la Boîte au lait de Jules Noriac et Eugène Grangé, puis se montra dans une revue de fin d'année. Engagée au Châtelet, elle créa, au mois d'octobre 1863, Badroubbour, d’Aladin ou la Lampe merveilleuse, et reprit, en 1864, le rôle de Regaillette, des Sept châteaux du diable. Elle retourna ensuite aux Variétés et interpréta les Bibelots du diable, la Belle Hélène, la Grande-duchesse de Gérolstein, etc. En juin 1869, elle jouait encore à ce théâtre Césarine, de Fleur de thé, et répétait le rôle principal du Temple du célibat de Charles Narrey, quand elle paya un dédit et partit pour la Russie, où l'appelait un brillant engagement. Après une tournée triomphale à Saint-Pétersbourg, à Moscou, puis jusqu'à Odessa et à Buenos-Aires, elle revint en France en avril 1873. Elle quitta de nouveau Paris pour aller donner une série de représentations au Théâtre-Français de Constantinople. C'est dans cette dernière ville qu'atteinte d'une maladie contagieuse, elle se hâta, mais trop tard, de changer de climat. Elle s'éteignit sous un beau ciel, aux premières émanations du printemps, loin de son pays natal et des siens. De son temps, Lise Tautin n'eut de rivale que Mlle Schneider. Si elle ne précéda pas cette dernière dans la carrière du théâtre, elle la devança du moins dans l'opérette-bouffe. Elle avait un talent original, et son nom restera attaché à un genre. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
Mlle Lise Tautin, ex-artiste des Bouffes et des Variétés, vient de mourir presque subitement à Bologne — Italie — de la variole noire. Elle revenait de Constantinople où elle était en représentation. Visitant les principales villes d'Italie, elle fut prise à Bologne de cette terrible maladie qui l'a enlevée si rapidement. Sa sœur et sa fille, prévenues par une dépêche, de la gravité de la maladie, partirent immédiatement, mais lorsqu'elles arrivèrent à Bologne il était déjà trop tard, la pauvre artiste avait succombé. Lise Tautin, fille d'artistes, a commencé le théâtre, enfant, en province. Ses débuts sérieux eurent lieu en 1853, à Bruxelles. C'est là que, remarquée par Offenbach, elle fut engagée, et débuta en 1856 aux Bouffes, que dirigeait alors le maestro. Le rôle d'Eurydice, qu'elle créa dans Orphée, en fit une étoile. Voici ses autres créations : Une demoiselle en loterie, le Mariage aux lanternes, le Pont des Soupirs, Un mari à la porte, etc. Elle quitta les Bouffes pour les Variétés où elle débuta avec grand succès le 15 mai 1862, dans la Boîte au lait, puis elle joua dans les Bibelots du diable ; les Farces dramatiques ; le Bouchon de carafe ; Eh, allez donc Turlurette. En 1863 nous retrouvons Lise Tautin aux Bouffes, dans les Bergers, puis elle fut jouer au Châtelet dans Aladin et les Sept châteaux du diable. Elle rentra en 1865 aux Variétés pour succéder à Schneider dans la Belle Hélène, dans la Grande-Duchesse pendant l'Exposition. Depuis quatre ou cinq ans elle exploitait son répertoire en France et à l'étranger. Lise Tautin était fille de M. Tautin en ce moment régisseur au Palais-Royal. (le Figaro, 20 mai 1874)
Cette pauvre Lise Tautin vient de mourir à Bologne (1874). Paris avait oublié cette étoile, disparue un beau soir sans qu'on sache pourquoi. C'était une charmante fille, enfant de la halle, folle du théâtre, qu'elle adorait. Jacques Offenbach, qui sait trouver les étoiles autrement que M. Le Verrier, l'avait découverte à Bruxelles et l'avait amenée aux Bouffes à raison de cent cinquante francs par mois ; c'était le prix des étoiles il y a dix-huit ans ; mais tout a bien augmenté depuis. Pendant sept ans, Tautin fut l'enfant gâtée du public. Puis un jour, le capricieux la délaissa pour Schneider. Le public resta froid. — Allons, pensa la pauvre Lise, il n'y a plus rien à faire pour moi ici. Et elle partit. Elle recommença sa vie nomade ; mais elle devint triste. — Ça ne durera pas, cette toquade-là, disait Tautin, qui avait vu Schneider jouer des bouts de rôles au théâtre où elle était la reine. Elle attendit en se mordant les lèvres que le caprice du maître passât ; mais le caprice persistait. Un jour, Schneider fut malade, et sa rivale pensa que son tour était revenu. — Je vais leur faire voir, dit-elle, comment on chante la Belle Hélène ! Je la rencontrai il y a deux ans. Elle me parla de ses succès, de ses couronnes, de ses bouquets, de ses triomphes ; et, quand elle eut finit cette nomenclature, deux larmes lui vinrent aux yeux. — C'est égal, fit-elle, il n'y a encore que Paris ! — Hélas ! oui il n'y a que Paris pour les artistes. Pauvre fille ! qui pouvait lui faire croire, quand le public lui faisait bisser l'air d'Évohé, qu'elle irait mourir oubliée dans le pays de la charcuterie, à Bologne ? (Jules Noriac, Paris tel qu’il est, 1884)
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