Alphonse ROYER
Alphonse Royer, caricature par Nadar [BNF]
Alphonse ROYER
littérateur et auteur dramatique français
(417 rue Batave, Paris ancien 1er, 10 septembre 1803 [23 fructidor an XI]* – Paris 9e, 11 avril 1875*)
Fils de Louis Jacques ROYER (1763 – 1828), homme de loi, et Claudine BOULLEMET, mariés à Paris en 1788.
Frère de Charles Jean Désiré ROYER (Paris, 01 avril 1784 –), maire de Chantilly (1830-1837).
Tout jeune, il s'enrôla dans la phalange romantique. Un roman moyen âge, les Mauvais garçons (1830), fut son début littéraire. Une première tentative théâtrale, Henri V et ses compagnons (théâtre des Nouveautés, 1830), fut assez heureuse ; puis Alphonse Royer publia des romans : Manoël (1834) ; Venezia la bella (1834) ; le Connétable de Bourbon (1838) ; Robert Macaire en Orient (1840) ; les Janissaires (1844). A la Renaissance, il donna en 1839, avec Gustave Vaez, le livret de Lucie de Lammermoor (1846), et celui de la Favorite (1840). On lui doit de plus : Don Pasquale, opéra bouffe (1843) ; Mademoiselle Rose, comédie (1843) ; Othello, opéra en trois actes, musique de Rossini (1844) ; la Comtesse d'Altemberg, drame en cinq actes (1844) ; Robert Bruce, opéra, musique de Rossini (1846) ; Jérusalem, opéra, musique de Verdi (1847). Alphonse Royer a dirigé le théâtre de l'Odéon de 1853 à 1856, et fut directeur du Théâtre Impérial de l’Opéra (salle Le Peletier) du 01 juillet 1856 à décembre 1862, avec Gustave Vaez, associé à son administration. En 1862, il fut nommé inspecteur général des beaux-arts. Il a publié d'excellentes études sur la littérature dramatique espagnole ; entre autres, une traduction du Théâtre d'Alarcon (1864) et un intéressant ouvrage anecdotique, intitulé Histoire de l’Opéra (1875). Il fut nommé chevalier (1844), puis officier (07 août 1867) de la Légion d'honneur.
Il est décédé en 1875, célibataire, à soixante-et-onze ans, en son domicile, 9 place Bréda [auj. place Gustave-Toudouze] à Paris 9e.
livrets
Lucie de Lammermoor, opéra italien en 3 actes, version française avec Gustave Vaez, musique de Gaetano Donizetti (Monnaie de Bruxelles, 05 septembre 1839 ; Opéra, 20 février 1846) la Favorite, opéra en 4 actes, avec Gustave Vaez et Eugène Scribe, musique de Gaetano Donizetti (Opéra, 02 décembre 1840) Don Pasquale, opéra bouffe italien en 3 actes, version française avec Gustave Vaez, musique de Gaetano Donizetti (Monnaie de Bruxelles, 04 août 1843 ; Théâtre-Lyrique, 09 septembre 1864 ; Opéra-Comique, 20 juin 1896) Othello ou le More de Venise, opéra italien en 3 actes, version française avec Gustave Vaez, musique de Gioacchino Rossini (Opéra, 02 septembre 1844) Robert Bruce, opéra en 3 actes, avec Gustave Vaez, musique de Gioacchino Rossini (Opéra, 30 décembre 1846) les Premiers pas ou les Deux génies, scène-prologue en 1 acte, avec Gustave Vaez, musique de Michele Enrico Carafa, Adolphe Adam, Fromental Halévy et Esprit Auber (Opéra-National, 15 novembre 1847) Jérusalem, opéra en 4 actes, avec Gustave Vaez, musique de Giuseppe Verdi (Opéra, 26 novembre 1847) Georgette ou le Moulin de Fontenoy, opéra bouffe en 1 acte, avec Gustave Vaez, musique d’Auguste Gevaert (Théâtre-Lyrique, 28 novembre 1853) le Retour de l'armée, cantate, musique d’Auguste Gevaert (Opéra, 15 août 1859) |
Il était fils d'un ancien commissaire-priseur auteur de quelques essais administratifs. Tout jeune, il s'enrôla dans la phalange romantique, dont le chef était Victor Hugo, alors dans tout l'éclat de sa gloire ; la rénovation politique et littéraire de la France s'affirmait chaque jour davantage, les idées libérales gagnaient du terrain et tout jeune homme doué de quelque imagination se posait en réformateur. Un roman moyen âge, les Mauvais garçons, fut le début littéraire d'Alphonse Royer (1830), début qui fut remarqué, même au milieu de cette époque si féconde en livres curieux et entraînants. L'éclat du style, la richesse de l'imagination, l'étude des mœurs firent comparer ce roman à Notre-Dame de Paris ; il manquait seulement à son auteur une plus grande expérience de la vie et des passions. Une première tentative théâtrale, Henri V et ses compagnons (théâtre des Nouveautés, 27 février 1830), fut assez heureuse ; ce n'est qu'une imitation habile, avec quelques développements nouveaux, de la première partie du Henri V de Shakespeare. Chose bizarre ! le gouvernement de Louis-Philippe eut peur de ce titre de Henri V et interdit la représentation de la pièce.... en province seulement. Quelques romans suivirent ces débuts de bon augure, Manoël, un Divan, Venezia la bella (1834, 2 vol. in-8°). D'un séjour de quelques années en Orient, Alphonse Royer rapporta des articles remarqués sur la Législation musulmane, insérés de 1836 à 1837 dans la Gazette des tribunaux, et un livre très original, Aventures de voyage (1837, 2 vol. in-8°). Le Connétable de Bourbon (1838), Robert Macaire en Orient (1840), les Janissaires (1844) complètent l'œuvre d'Alphonse Royer comme romancier. Sa carrière théâtrale est encore mieux remplie ; comédies, vaudevilles, drames, libretti d’opéras, Alphonse Royer a abordé tous les genres avec succès et fait preuve d'un mérite incontestable. En 1839, il fit jouer Ecorce russe et cœur français, un acte, en collaboration avec Auguste Jouhaud. Représentée sur une scène inférieure, le théâtre Saint-Marcel, cette petite pièce méritait un meilleur sort, ainsi que l’Agent matrimonial, joué la même année au même théâtre. Le hasard l'ayant mis en rapport avec Gustave Vaëz, dont le caractère et le genre de talent sympathisaient merveilleusement avec le sien, il l'eut dès lors pour collaborateur assidu. On doit à cette collaboration d'excellentes traductions et des livrets d'opéras d'une véritable valeur ; le premier fut celui de Lucie de Lammermoor, pour la musique de Donizetti (théâtre de la Renaissance, 1839 ; Opéra, 20 février 1846). Ce libretto révéla chez ses deux auteurs une grande aptitude scénique et des mérites de style qu’on ne rencontre guère dans ce genre de production. Ils donnèrent ensuite à l'Odéon le Voyage à Pontoise, comédie en trois actes et en prose (14 avril 1842). Le succès de cette pièce, que recommandent une intrigue originale, une franche gaieté, détermina bon nombre de Parisiens de la rive droite a entreprendre le voyage à l'Odéon. A ces deux ouvrages succéda le livret de la Favorite, le célèbre opéra de Donizetti. C'était d'abord un opéra en trois actes, appelé l'Ange de Nisida et destiné au théâtre de la Renaissance. La fermeture de ce théâtre décida les auteurs à remanier leur plan, pour en faire un opéra en quatre actes, et ils s'adjoignirent, dit-on, Scribe. Cette assertion, émise par M. Victor Moulin dans son livre Scribe et son théâtre, a été contredite par Alphonse Royer ; la partition seule de la Favorite porte le nom de Scribe. Ils donnèrent ensuite, toujours en collaboration, le Bourgeois grand seigneur (comédie en trois actes, jouée à l'Odéon le 3 novembre 1842) ; Don Pasquale, opéra-bouffe (Théâtre-Italien, 3 janvier 1843) ; Mademoiselle Rose, comédie en trois actes (Odéon, 22 mai 1843) ; Othello, opéra en trois actes, musique de Rossini (Opéra, 2 septembre 1844) ; la Comtesse d'Altemberg, drame en cinq actes (Odéon, 11 mars 1844) ; Robert Bruce, opéra en trois actes, musique de Rossini (Opéra, 30 décembre 1846) ; c'est la traduction de la Donna del lago ; la retraite de Mme Stoltz, qu'un malentendu fit siffler par quelques impatients, arrêta cette œuvre dès sa première représentation ; Jérusalem, opéra en trois actes, musique de Verdi (Opéra, 26 novembre 1847), traduction de I Lombardi, représenté à Milan dès 1843 et au Théâtre-Italien de Paris le 10 janvier 1843 ; les Premiers pas ou les Deux génies, musique d'Adam, d'Halévy et d'Auber (Opéra, 15 novembre 1848). Alphonse Royer a encore donné aux Variétés, en collaboration avec M. Charles Nancy, un vaudeville en un acte, Déménagé d'hier (17 mai 1852). Chevalier de la Légion d'honneur depuis 1844, Alphonse Royer a dirigé le théâtre de l'Odéon de 1853 à 1856, et ensuite jusqu'en 1862 le grand Opéra, avec Gustave Vaëz, associé à son administration. En 1862, il fut nommé inspecteur général des beaux-arts. Ayant renoncé à écrire pour le théâtre après la mort prématurée de son collaborateur assidu, Gustave Vaëz, il publia d'excellentes études sur la littérature dramatique espagnole, entre autres une traduction du Théâtre d'Alarcon (1864, in-18) et un intéressant ouvrage anecdotique, intitulé l'Opéra (1875), qui parut quelques jours avant sa mort. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
On lui doit les livrets, originaux ou traduits, des opéras suivants, tous écrits en société avec Gustave Vaëz : Lucie de Lamermoor, la Favorite, Othello, Don Pasquale, Jérusalem (I Lombardi), Robert Bruce. Alphonse Royer, qui avait été directeur du théâtre de l'Odéon, devint directeur de l'Opéra le 1er juillet 1856 et conserva cette situation jusqu'au mois de décembre 1862. Depuis cette époque, renonçant au théâtre d'une façon active, il en fit l'objet d'études littéraires importantes, traduisant les œuvres d'Alarcon, de Tirso de Molina, de Carlo Gozzi, et publiant une médiocre Histoire universelle du Théâtre (Paris, Franck, 1869-1877, 6 vol. in-8°). Lors de l'inauguration de la nouvelle salle de l'Opéra, il a publié aussi une Histoire de l'Opéra (Paris, Bachelin-Deflorenne, 1875, petit in-8° avec portraits), qui peut être agréable aux gens du monde complètement ignorants des phases historiques de notre première scène lyrique, mais pour laquelle l'auteur a négligé de remonter aux sources, et qui, par conséquent, ne contient aucun fait nouveau, aucune vue particulière, aucun document inédit, et bien moins encore de vues d'ensemble et de résumé philosophique. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, supplément d'Arthur Pougin, 1878-1880)
Tout l'Opéra, directeur en tête, assistait, mardi dernier, aux obsèques d'Alphonse Royer, un auteur dramatique, qui dirigea avec honneur, de 1856 à 1862, l'Académie de musique et y laissa de vrais regrets. Alphonse Royer n'était pas seulement un homme de lettres des plus distingués, il avait aussi fait preuve de grandes qualités administratives pendant sa direction de l'Odéon. Aussi peut-on affirmer qu'il administra l'Opéra avec toutes les qualités requises, y joignant, de plus, un caractère essentiellement honorable et paternel. Sans être musicien, il avait un grand goût de la musique. Ses poèmes lyriques : la Favorite, Lucie et Don Pasquale en témoignent. Le théâtre lui était connu, et ses études linguistiques lui avaient même permis d'en écrire l'histoire universelle, on peut le dire. Nommé plus tard inspecteur général des Beaux-Arts, Alphonse Royer prouva que le goût des lettres ne pouvait que développer chez un esprit bien doué l'amour des arts. De même qu'il avait appris à aimer la musique, il se prit d’une affection non moins éclairée pour la peinture. Infatigable travailleur, il lisait ou écrivait du premier au dernier jour de l'année. Dans ces derniers temps, on le voyait encore aux prises avec les langues les moins vivantes, afin de pouvoir arriver à exhumer dans les livres anciens de tous pays les premiers agissements de l'art théâtral dont il avait fait sa vie. Une fluxion de poitrine l'a enlevé en quelques jours, à la profonde désolation de ses amis. Officier de la Légion d'honneur, les honneurs militaires lui ont été rendus par un détachement du 37e de ligne. Une messe en musique a été dite par la maîtrise de l'église de la Trinité, dirigée par M. Grisy, de l'Opéra, et M. Faure a chanté le Pie Jesu, composé par lui pour les obsèques de Ponchard, son professeur. Au Père-Lachaise, plusieurs discours ont été prononcés sur la tombe d'Alphonse Royer. Voici celui de M. Halanzier, directeur actuel de l'Opéra et ami du si sympathique et si honorable défunt, que le Ménestrel s'honorait de compter parmi ses collaborateurs :
Messieurs, Des voix plus autorisées que la mienne vous rappelleront tout à l'heure ce que fut, comme écrivain, l'homme excellent dont cette fosse vient de recevoir la dépouille mortelle. Elles vous diront qu'Alphonse Royer, l'un des plus fervents adeptes de l'idée romantique, se fit d'abord connaître par un grand nombre de romans remarqués, même à cette belle époque de 1830, si féconde en talents de premier ordre dans toutes les branches de l'art et de la littérature. Elles vous diront encore qu'Alphonse Royer, ce Parisien par excellence, n'hésita pas à sacrifier ses goûts, ses habitudes, sa réputation déjà conquise, pour s'expatrier en Orient et aller défendre les intérêts de la politique française dans ce journal de Constantinople dont il fut le fondateur et, pendant plusieurs années, le rédacteur en chef. Mais nul n'exprimera avec plus de conviction et de chaleur, à défaut d'éloquence, combien Alphonse Royer était sympathique à tous, quelle estime inspirait sa vie toute d'honneur et de travail, quel vide nous laisse sa mort si prompte, si inattendue ! La raison en est simple, Messieurs ; c'est que je connaissais Alphonse Royer depuis vingt ans, et, vous le savez, le connaître c'était l'aimer. C'est au nom de l'Opéra, dont il fut pendant six années le directeur, que je vous demande la permission de dire à notre ami un dernier adieu. Pour rappeler son avènement à ce poste envié dont il se montra si constamment digne à tous égards et qu'il abandonna avec une résignation si calme, je ne saurais mieux faire que citer un passage de son dernier livre, l'Histoire de l'Opéra. Voici avec quelle modestie vraie, avec quelle touchante simplicité, Alphonse Royer s'exprimait sur son propre compte : « Le 1er juillet 1856, on venait me chercher à l'Odéon, que je dirigeais depuis trois ans, et on me donnait (bien malgré moi) la succession de Crosnier..... En décembre 1862, M. Émile Perrin, directeur de l'Opéra-Comique, me succédait. » Et c'est tout ! L'homme n'est-il pas tout entier dans ce résumé plus que succinct d'une direction de six années ? De ce qu'il fit pendant ces années, de ce qu'il dépensa d'activité, d'intelligence, de ce qu'il trouva de ressources dans son esprit sans cesse en éveil, pas un mot. Un silence si sévère sur soi-même serait invraisemblable, car la nature humaine a pris soin de mettre des bornes à la modestie ; mais ce silence n'a rien qui nous étonne, quant à nous. Il est pour ainsi dire une manifestation toute naturelle de ce cœur doux et bon, qui, rempli de bienveillance pour tous, attendait de tous avec confiance la justice due à ses qualités personnelles comme à ses actes. Cette justice, nous la lui rendrons ; cette place qu'il s'est faite si petite à lui-même, c'est à nous, Messieurs, de la lui restituer, dans cette douloureuse circonstance, telle qu'elle doit être, c'est-à-dire large et belle. Oui, de juillet 1856 à décembre 1862, le passage d'Alphonse Royer à l'Opéra fut une période brillante. C'est alors, en effet, que furent successivement montés les ouvrages suivants : le Trouvère, Marco Spada, le Cheval de Bronze, la Magicienne, Sacountala, Herculanum, Pierre de Médicis, le Papillon, Tannhäuser, et la Reine de Saba. Ces partitions, vous le savez, Messieurs, malgré leur mérite réel, eurent des fortunes diverses ; mais qu'elles aient obtenu les unes ou les autres plus ou moins de succès, il n'en reste pas moins acquis qu'Alphonse Royer eut le talent d'attirer à lui, comme créateurs et comme interprètes, les individualités artistiques les plus élevées de son temps. Que peut-on demander de plus ? Alphonse Royer, avant d'arriver à la direction de l'Opéra, avait brillamment prouvé, comme auteur de livrets, ses aptitudes spéciales. Il avait écrit les poèmes de Lucie, la Favorite, Othello, Jérusalem, Robert Bruce, et comme dans toute chose dans laquelle il s'est essayé, il avait rencontré le succès, grâce à l'étendue de ses connaissances qui doublait la valeur de son esprit facile, allègre, à la hauteur de toutes les tâches. Son administration a laissé à l'Opéra les meilleurs souvenirs ; son honorabilité parfaite n'avait d'égale que son exquise bonté. Voilà pourquoi sa mémoire vivra parmi nous, voilà pourquoi son souvenir sera toujours cher à l'Opéra, pourquoi enfin, Messieurs, vous tous qui m'entourez, vous vous associez à mes paroles, à mes regrets, à mes larmes ! (le Ménestrel, 18 avril 1875)
|