Louis-Henri OBIN

 

Louis-Henri Obin en 1874 [photo Liébert]

 

 

Louis Henry OBIN dit Louis-Henri OBIN

 

basse française

(Ascq, Nord, 04 août 1820* – Paris 2e, 09 novembre 1895*)

 

Fils de Joséphine OBIN, dame accoucheuse.

Epoux (puis divorcé) de Marie Maxime Alice LEROY (Paris ancien 3e, 14 septembre 1838 – Paris 17e, 16 septembre 1892*), fille d'Hippolyte LEROY, directeur de la scène à l'Opéra.

Parents de Marthe Marie Alice OBIN (Paris ancien 1er, 22 juillet 1858* – Saint-Germain-en-Laye, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], juillet 1955), épouse à Paris 8e le 29 novembre 1880* Ernest Noël BERTRAND (16 rue Saint-Maur, Paris ancien 8e [auj. 11e], 24 avril 1850* – 31 rue de Berlin, Paris 8e, 09 mars 1905*), directeur de théâtre [frère d'Eugène BERTRAND, directeur de théâtre], parents de Marcel BERTRAND, compositeur.

 

 

Il fit ses études musicales au Conservatoire de Lille et à celui de Paris de 1842 à 1844. Il débuta à l'Opéra (salle Le Peletier), en 1844, dans des rôles secondaires, quitta ce théâtre peu de temps après et chanta à Toulouse, à Marseille et à La Haye. En 1850, il fit une brillante rentrée à l'Opéra en créant l'Enfant prodigue d'Auber, et parut avec succès dans Moïse, le Dieu et la Bayadère, Don Juan, etc. Ses principales créations furent dans les Vêpres Siciliennes, Pantagruel, l'Africaine et Don Carlos. Excellent comédien et d'une souplesse de talent rare, il a pu aborder des rôles de caractère tout opposé, avec un égal succès. Il quitta l'Opéra de la rue Le Peletier en 1869 et ne chanta pas au Palais Garnier. Le 1er janvier 1870, il succéda à Levasseur dans la classe de déclamation lyrique (opéra) au Conservatoire de Paris ; il se démit de ses fonctions le 1er février 1874, et les reprit le 1er janvier 1877, et démissionna à nouveau le 10 janvier 1889. Il fut à ce titre nommé chevalier de la Légion d'honneur le 13 juillet 1880.

En 1858, il habitait 7 boulevard des Capucines à Paris ancien 1er [auj. 2e] ; en 1880, à Saint-Cloud, Seine [auj. Hauts-de-Seine]. Il est décédé en 1895 à soixante-quinze ans, en son domicile, 16 rue Daunou à Paris 2e. Il est enterré au cimetière de Montmartre (33e division).

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 21 octobre 1844 dans Othello (Brabantio) de Gioacchino Rossini.

 

Il y créa le 06 décembre 1844 Marie Stuart (lors Seyton) de Louis Niedermeyer ; le 06 décembre 1850 l'Enfant prodigue (Bocchoris) d'Esprit Auber ; le 06 août 1851 les Nations (le Travail) d'Adolphe Adam ; le 23 avril 1852 le Juif errant (Nicéphore) de Fromental Halévy ; le 01 mai 1853 la Fronde (duc de Beaufort) de Louis Niedermeyer ; le 17 octobre 1853 le Maître chanteur (Maximilien) d'Armand Limnander ; le 13 juin 1855 les Vêpres siciliennes (Jean de Procida) de Giuseppe Verdi ; le 24 décembre 1855 Pantagruel (Panurge) de Théodore Labarre ; le 17 mars 1856 Cantate d'Adolphe Adam ; le 20 avril 1857 François Villon (François Villon) d'Edmond Membrée ; le 21 septembre 1857 le Cheval de bronze (Tchin-Kao) d'Esprit Auber [version en 4 actes] ; le 04 mars 1859 Herculanum (Nicanor ; Satan) de Félicien David ; le 09 mars 1860 Pierre de Médicis (Fra Antonio) du prince Poniatowski ; le 15 août 1862 la Fête de Napoléon III, cantate de Théophile Semet ; le 28 avril 1865 l'Africaine (le Grand Prêtre de Brahma) de Giacomo Meyerbeer ; le 11 mars 1867 Don Carlos (Philippe II) de Giuseppe Verdi.

 

Il y participa à la première le 09 janvier 1860 de Sémiramis (Assur) de Gioacchino Rossini [version française de Joseph Méry].

 

Il y chanta le Comte Ory (le Gouverneur, 1844) ; les Huguenots (Marcel, 1850) ; la Favorite (Balthazar, 1851) ; la Juive (Cardinal de Brogni, 1851) ; le Dieu et la Bayadère (Olifour) ; Moïse et Pharaon (Moïse, 25 octobre 1852) ; le Prophète (Zacharie, 1852) ; la Vestale (le grand Pontife, 17 mars 1854) ; Don Juan (Leporello, 02 avril 1866 ; 100e le 12 mai 1866).

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il y débuta le 10 octobre 1875 dans une reprise du Val d'Andorre (Jacques Sincère).

 

 

 

 

Il entra au Conservatoire en 1842, suivit les cours de chant de Ponchard, dont il fut un des meilleurs élèves, et débuta à l'Opéra le 21 octobre 1844, dans le rôle de Brabantio d'Othello. Quelques mois après ce début, il quitta Paris et se fit entendre à Marseille et à Bordeaux. Il revint en 1850 à Paris et reparut dans l'Enfant prodigue d'Auber. Depuis, il tint sur notre première scène lyrique des rôles importants dans l'Africaine (1865), dans le Don Carlos de Verdi (1867), dans Moïse et Don Juan (1868). M. Obin possède une fort belle voix de basse et chante avec goût. En 1869, il quitta tout à fait le théâtre. Il est aujourd'hui professeur de déclamation lyrique au Conservatoire.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1876)

 

On a pu, comme chanteur, le remplacer à l'Opéra ; il sera plus difficile de lui trouver un successeur de son mérite au Conservatoire. Il s'est fait une réputation plus grande encore que Laget et Revial, qui sont pourtant deux excellents professeurs. M. Obin a pris sa retraite en 1888. Il est chevalier de la Légion d'honneur depuis le 13 août 1880.

(Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 2e supplément, 1888)

 

 

 

 

 

Après avoir commencé ses études au Conservatoire de Lille, il fut admis comme élève pensionnaire au Conservatoire de Paris, le 10 mai 1842, dans la classe de Ponchard ; il en sortit en 1844, sans s'être distingué dans les concours, et débuta à l'Opéra, le 21 octobre de cette année, par le rôle de Brabantio dans Othello. Il ne resta que peu de temps à ce théâtre, mais il y rentra en 1860 pour créer un rôle dans l’Enfant prodigue, d'Auber. Depuis lors, il fit plusieurs autres créations importantes dans l'emploi des basses chantantes, auquel convenait sa voix, entre autres dans les Vêpres Siciliennes, Pantagruel, l'Africaine et Don Carlos, tout en reprenant un certain nombre de rôles du répertoire, dans Moïse, Don Juan, le Dieu et la Bayadère. Doué d'une voix pleine et sonore, qu'il conduisait avec goût, comédien habile et souple, aussi remarquable dans les personnages dramatiques comme Moïse, ou Procida des Vêpres Siciliennes, que dans des rôles comiques tels que le Leporello de Don Juan, M. Obin sut se faire à l'Opéra une situation importante et enviable. En 1869, M. Obin quitta ce théâtre après avoir fait régler sa pension, mais y rentra en 1871, pour se retirer définitivement peu de temps après. À la mort de Levasseur, cet artiste fut nommé professeur de déclamation lyrique au Conservatoire ; après avoir, au bout de deux ans environ, abandonné ces fonctions, il les a reprises au mois de janvier 1877. M. Obin a fait une courte apparition sur le théâtre de l'Opéra-Comique.

(François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1878-1880)

 

 

Obin devint clerc de notaire à l'âge de seize ans, mais ce travail ne lui plaisant pas, il donna des leçons de dessin, entra comme maître d'études dans une école, puis chez un pharmacien, car tout lui était bon pour vivre.

En grandissant, il se reconnut une assez belle voix de basse et se présenta au Conservatoire de Lille sans succès. Il finit cependant par être admis à celui de Paris où il resta de 1842 à 1844 dans les classes de Ponchard et de Levasseur sans y remporter d'ailleurs aucun succès. Ce fut Habeneck, alors chef d'orchestre à l'Opéra, qui le fit entrer comme coryphée à ce théâtre qu'il quitta en 1845, après avoir chanté des rôles secondaires, pour aller tenir à Toulouse les grands rôles du répertoire. De là, il passa à Marseille et à La Haye et ce n'est qu'en 1850 qu'il fut engagé à l'Opéra, à des appointements dérisoires.

Il ne tarda cependant pas à s'affirmer et à faire apprécier sa belle et puissante voix dans des rôles comme Marcel des Huguenots, Bertrand de Robert le Diable, et fit de magnifiques créations dans le Moïse de Rossini, la Vestale de Spontini, l'Africaine, les Vêpres siciliennes, et surtout, le Don Carlos de Verdi où il campa un superbe Philippe II. Obin, parfait chanteur, était aussi un excellent comédien qui savait composer ses personnages.

Pendant vingt ans, il tint le sceptre des premières basses à l'Opéra et, en 1869, il fut nommé professeur au Conservatoire qu'il quitta définitivement en 1873.

 

(Célébrités lyriques de l'Opéra au XIXe siècle, extrait d'un programme de l'Opéra de Paris, 1928)

 

 

 

 

 

Louis-Henri Obin dans l'Africaine (le Grand Brahmine) lors de la création, lithographie de Lamy, 1865

 

 

 

Obin et Depassio.

Le talent du premier de ces artistes est au talent de l'autre ce que le pôle arctique est au pôle antarctique. Obin est une organisation distinguée mais frêle, un chanteur de savoir et de talent, servi par un instrument médiocre et borné dans le grave. Sa taille est élevée, son physique beau de lignes et imposant. Obin est, après Roger, le seul chanteur de l'Opéra qui sache s'habiller et créer un rôle. Son engagement expire en 1856, à pareille époque ; il gagne 22.000 fr. par an.

(H. de Villemessant et B. Jouvin, Figaro, 09 juillet 1854)

 

 

Forme avec Cazaux et Belval un trio de basses magnifiques. Ce n'est pas une basse profonde comme Belval ; ce n'est pas un baryton-basse comme Cazaux, c'est une basse chantante qui tient le juste milieu entre ces deux genres de voix.

Obin est un fouilleur ; tout ce qui peut contribuer au succès de ses rôles, il le cherche et le trouve ; sait se grimer d'une façon remarquable, porte la recherche du costume jusqu'à l’infini. A l’Opéra, il est surtout aimé pour la douceur de son caractère.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Opéra, 1866)

 

 

M. Obin reprend, au Conservatoire, la direction de la classe d'Opéra en remplacement de M. Ismaël, qui lui avait, succédé l'année dernière, lorsqu'il s'était retiré.

On sait que M. Ismaël a refusé de donner la démission qui lui était demandée et qu'il réclame une enquête sur les faits qui ont motivé sa révocation.

(le Monde artiste, 20 janvier 1877)

 

 

 

Louis-Henri Obin en 1870 (photo Pierre Petit) [BNF]

 

 

Tout chemin mène à Rome, dit le proverbe. Obin, avant de rencontrer sa véritable voie avait, lui aussi, suivi bien des sentiers écartés.

Né à Ascq (Nord), le 4 août 1820, de parents sans fortune, il devint clerc de notaire à l'âge de 16 ans.

Le travail aride des bureaux ne lui plaisait point, et de bonne heure, il eût des goûts artistiques très prononcés. Seulement, ce ne fut pas vers la musique mais vers la peinture qu'il se sentit porté tout d'abord.

Il quitta donc son apprentissage du notariat et se mit à suivre les cours de dessin de l'Ecole de Lille.

Toutefois, comme il fallait gagner de l'argent pour vivre, il tenait les livres chez les petits boutiquiers, donnait des leçons d'écriture et de dessin ; entrait dans une école comme maître d'études, puis chez un pharmacien comme employé. Tout lui était bon, et son intelligence répondait à son activité.

En grandissant, il voyait s'accentuer son organe sonore et il se reconnut bientôt une fort belle voix de basse-taille ; il frappa à la porte du Conservatoire de musique de cette même ville de Lille, où on ne lui trouva point d'aptitudes suffisantes.

Il vint alors à Paris, entra au Conservatoire en 1842, y resta jusqu'en 1844 dans les classes de Ponchard et de Levasseur, mais n'y remporta pas de succès.

Ce fut Habeneck alors chef d'orchestre à l'Opéra, qui lui vint en aide, et le fit entrer comme coryphée à ce théâtre avec de très modestes appointements.

Pendant la première année, Obin joua des rôles secondaires dans le Comte Ory, le Dieu et la Bayadère, Othello, sans pouvoir inspirer assez de confiance à son directeur pour qu'il lui proposât un engagement sérieux.

Il dut donc quitter l'Opéra en 1845, et partit pour Toulouse l'année suivante, pour remplir les principaux rôles du répertoire courant.

En 1847, il alla remplacer Alizard à Marseille, et y resta jusque vers la fin de 1848. A cette époque, il frappa de nouveau, mais en vain, à la porte de l'Opéra de Paris, et se vit obligé d'accepter un engagement en Hollande au Théâtre‑Royal de La Haye.

Enfin, le 1er octobre 1850 il est définitivement admis à l'Académie nationale de Musique, où, bien qu'on l'eût engagé pour les premiers rôles, il ne reçut que des appointements dérisoires. Mais il ne tarda pas à s'affirmer. Son talent se développa avec une grande sûreté ; sa voix acquit bientôt toute sa puissance, et il devint alors le premier sujet de son emploi.

Et, qu'on le remarque bien ; il fallait en ce temps-là une flexibilité de talent bien autre que celle qui est nécessaire aujourd'hui, pour tenir dignement le premier rôle dans l'emploi des basses chantantes. On n'était pas engagé, comme cela se fait actuellement, pour jouer deux ou trois rôles : Marcel ou Bertram ; mais il fallait être un comédien d'une rare souplesse et un chanteur rompu à tous les styles, afin de pouvoir se montrer dans tout le répertoire qui était alors bien plus varié qu'aujourd'hui.

C'est ainsi qu'Obin, après avoir été chargé de toutes les reprises importantes et avoir rempli les principaux rôles du grand répertoire, comme ceux du Cardinal dans la Juive ; de Marcel des Huguenots ; de Bertram de Robert le Diable ; de Balthazar dans la Favorite, et s'être montré sous un autre jour, dans le Philtre ou le Comte Ory, fut, choisi par les auteurs, pour créer dans leurs pièces tous les rôles de basse.

Voici la liste des rôles les plus importants qu'il a créés ou repris, et si on songe que l'on a affaire à un artiste du Grand-Opéra, on trouvera que M. Obin est un de ceux dont les créations sont les plus nombreuses :

1850. — Rôle du Grand'Prêtre dans l'Enfant prodigue (Auber), création ;

1852. — Moïse dans Moïse (Rossini), reprise ;

1852. — Nicéphore dans le Juif errant (Halévy), création ;

1853. — Le duc de Beaufort dans la Fronde (Niedermeyer), création ;

1853. — Maximilien dans le Maître chanteur (Limnander), création ;

1854. — Le grand Pontife dans la Vestale (Spontini), reprise ;

1855. — Jean de Procida dans les Vêpres Siciliennes (Verdi), création ;

1855. — Panurge dans Pantagruel (Théodore Labarre), création.

Pantagruel ne fut joué qu'une seule fois. Cet ouvrage fut interdit par ordre de l'empereur, présent à la première représentation et qui crut trouver dans le livret des allusions malveillantes pour lui et pour son entourage.

Continuons la nomenclature des ouvrages créés par Obin :

1857. — François Villon, dans François Villon (Membrée), création ;

1857. — Tchin-Kao, dans le Cheval de bronze (Auber), reprise ;

1859. — Nicanor, dans Herculanum (Félicien David), création ;

1860. — Fra Antonio, dans Pierre de Médicis (Poniatowski), création ;

1860. — Assur, dans Sémiramis (Rossini), reprise ;

1865. — Le grand brahmine, dans l'Africaine (Meyerbeer), création ;

1866. — Leporello, dans Don Juan (Mozart), reprise ;

1867. — Philippe II, dans Don Carlos (Verdi), création.

Dans tous ces ouvrages, Obin se fit remarquer non seulement comme chanteur de cette grande école dont M. Faure est resté aujourd'hui le seul représentant, mais aussi par la façon dont il savait composer son personnage. Peu d'artistes ont su rendre à un degré aussi élevé la physionomie véritable de leurs rôles. Il a fait de Moïse une figure aussi puissante que celle qu'enfanta le génie de Michel‑Ange. Et soit qu'il fût Assur ou Jean de Procida, Leporello ou le grand brahmine, il savait nous ramener par la pensée aux époques de l'histoire où se passait l’action dont il était un des héros.

Pendant vingt années il tint le sceptre de première basse à l'Académie nationale de Musique, où il avait succédé dignement à Levasseur, et où il n'a point encore remplacé complètement.

Le 1er janvier 1869, il fut désigné pour succéder à ce grand artiste comme professeur au Conservatoire de musique. Le 1er mars suivant, il prenait sa retraite comme pensionnaire de l'Opéra, bien qu'il fût en encore en pleine possession de son talent ; mais, fatigué par une grave maladie nerveuse, il crut prudent de se reposer.

Au Conservatoire, Obin était un maître unanimement respecté. Il tenait à lui seul les deux classes d'opéra, hommes et femmes. Depuis cinq ans, tous les prix des concours ont donc été ses élèves.

L'année dernière, en présence des jugements du jury, jugements que le public lui-même n'avait pas ratifiés, Obin songea un moment à donner sa démission. L'intérêt de ses élèves le retint cependant, mais désireux de se retirer pour se consacrer à des études particulières et à l'éducation de sa charmante fille, il a cédé la place tout dernièrement à Ismaël, le chanteur du jour qui se rapproche le plus de lui par la science de composition et la façon magistrale de poser la voix.

Obin a sa place marquée parmi les artistes les plus intelligents de ce siècle. Je le répète, ce n'était point uniquement un organe, ni même, ce qui est davantage, un grand virtuose c'était un comédien, dans la plus haute acception du mot.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 09 avril 1874)

 

 

 

 

Louis-Henri Obin [BNF]

 

 

 

L’éminent chanteur Obin qui a appris à tant de générations d'artistes le secret de triompher sur la scène, s'éprit à seize ans d'une belle passion pour la peinture et il suivit les cours de dessin de l'Ecole de Lille avec une assiduité qui indiquait une véritable vocation.

Il découvrit un jour plus d'harmonie dans sa voix que dans ses esquisses, et il abandonna sans trop de regrets ses premiers maîtres pour étudier la musique. Du Conservatoire de Lille il passa à celui de Paris, où il travailla sous la direction de Ponchard et de Levasseur.

Ponchard tenait avec une incontestable autorité la classe de son maître Garat, et, parmi ses élèves, on citait les noms d'Alexis Dupont, Valère, Dabadie aîné, Thyanni, Guillot, Andrieux, Poultier, et plus tard, Faure, Mmes d'Hennin, Cambardi et Prévost. Dans les airs de Joseph, de Stratonice, des Abencérages et de Piquillo, on admirait en lui le premier chanteur de concerts de l'époque.

Levasseur avait aussi rendu les plus grands services à l'art du chant et si nous donnons ici un souvenir à ces maîtres d'Obin, c'est parce qu'il leur a gardé la reconnaissance que portent tous les cœurs d'élite à ceux qui les ont initiés aux splendeurs du Beau.

Pendant qu'il suivait cet enseignement fécond, l'élève de Ponchard et de Levasseur avait inspiré un vif intérêt à Habeneck. L'illustre chef d'orchestre obtint son admission à l'Opéra, aux appointements de 3.000 fr. par an, pour y chanter les petits rôles de basse dans Othello, le Comte Ory, le Dieu et la Bayadère, et dans la plupart des ouvrages du répertoire de l'Académie de musique.

L'engagement du jeune artiste fut résilié au bout de six mois, mais, malgré cette première désillusion, Habeneck et Levasseur, qui suivaient le travail persévérant d'Obin et comptaient sur lui avec la foi des connaisseurs, le firent engager à Toulouse où il débuta le 10 juin 1846.

Obin reçut du public toulousain un excellent accueil, et l'on sait qu'au théâtre du Capitole on se pique d'une juste sévérité ! Cette bienvenue souhaitée par un parterre enthousiaste inspira la confiance au débutant. Il fallait la chaleur des abonnés pour faire éclore l'âme d'artiste d'Obin. Quand il en sentit les premiers effluves, il se métamorphosa soudain.

Dans le monde artistique, de tels exemples ne sont pas rares, et plus d'un échoua qui ne sut pas vaincre la timidité native ou dont on ne sut pas apprécier le mérite et encourager l'essor.

A partir de ce moment, l'artiste se révèle, et, comme dit le poète, rien n'est plus doux que le premier rayon de la gloire naissante. Obin marche de succès en succès. En 1847 et en 1848 il remplace Alizard à Marseille, puis, pendant deux ans, attaché au Théâtre Royal de la Haye, sa réputation grandit de jour en jour.

Le 1er octobre 1850, il réalisa son rêve le plus cher : il rentra à l'Opéra, où il avait été presque méconnu, et, pour prendre sa revanche, il n'hésita pas à accepter des conditions dont ne voudrait pas aujourd'hui un chanteur de troisième ordre.

Après avoir brillamment débuté par le rôle de Marcel, des Huguenots, où il fut acclamé, Obin créa son premier rôle dans l'Enfant prodigue. Puis il reprit le rôle de Moïse, où il obtint un triomphe.

Le vaillant artiste se montra ensuite dans la Fronde, les Maîtres chanteurs, les Vêpres Siciliennes, le Cheval de bronze, la Juive, la Favorite, le Philtre, Herculanum, Pierre de Médicis, Sémiramis, l’Africaine, Don Juan, Don Carlos, et dans tous ses rôles, — il en a joué tant à Paris qu'en province plus de cinquante, — il fit les délices du public international de notre première scène lyrique.

Chanteur de cette grande école qui disparait chaque jour, Obin était surtout remarquable par le caractère particulier qu'il savait donner à chacun de ses personnages. Il s'imprégnait pour ainsi dire de leur vie, et si sa voix n'avait pas toujours conservé la puissance, la majesté virile qui la distinguaient, on n'aurait pas reconnu Obin sous ses merveilleuses transformations.

A chaque création nouvelle, on le trouvait plus maître de son art, et pendant vingt ans, il tint à l'Opéra l'emploi de première basse avec un talent dont la perfection n'est malheureusement pas héréditaire.

Atteint d'une grave maladie nerveuse, Obin se retira du théâtre en 1869, mais la haute expérience et les grandes qualités acquises pendant cette mémorable carrière n'ont pas été perdues pour la scène.

Le grand artiste fut nommé professeur au Conservatoire de musique, et pendant vingt ans encore, il a prodigué son zèle et son dévouement à tous les pensionnaires, relevé l'enseignement du chant par l'excellence et la clarté de sa méthode et compté parmi les plus dignes propagateurs de l'art auquel il a dû une éclatante renommée.

 

(Figures contemporaines tirées de l'album Mariani, 1894)

 

 

 

 

 

Un grand artiste, qui fut en son temps un chanteur de premier ordre, et qui, survivant à sa gloire, consacrait sa vieillesse à l'éducation de ses jeunes émules, Obin, est mort hier des suites d'une affection cancéreuse de l'estomac : il était âgé de soixante-seize ans.

Louis-Henri Obin était né à Ascq, près Lille, le 4 août 1820. Il étudia d'abord au Conservatoire de Lille et entra au Conservatoire de Paris en 1842, dans la classe de Ponchard. Bien qu'il n'eût pas été nommé aux examens de fin d'année, il entra à l'Opéra, où il débuta le 21 octobre 1844, par le rôle de Brabantio, dans l'Otello de Rossini. Peu de temps après, il quitta Paris pour aller poursuivre son éducation théâtrale en province, à Marseille entre autres, où il remporta de grands succès.

La direction de l'Opéra le rappela en 1850, pour lui confier la création d'un rôle important dans l'Enfant prodigue, d'Auber. Depuis lors, il reprit ou créa les rôles de son emploi, celui de basse chantante, dans la Favorite, les Huguenots, la Juive, l’Africaine, Herculanum, Don Carlos, les Vêpres siciliennes, Moïse, Sémiramis, Guillaume Tell, le Comte Ory, Don Juan, Pierre de Médicis, le Dieu et la Bayadère, Pantagruel, écrit exprès pour lui.

En 1869, il demanda la liquidation de sa pension de retraite. Il y rentra en 1871, mais n’y demeura pas. Trois ou quatre ans après, nous le revîmes encore à l'Opéra-Comique, où il chanta le rôle du chevrier dans le Val d'Andorre.

Les deux plus beaux rôles de sa carrière — on allait tout exprès à l'Opéra pour l'y entendre — furent le Moïse, de Rossini, et le Leporello, de Don Juan, rôles bien différents cependant ; ce double succès ne prouve que mieux combien était souple, comme était varié le talent de l'artiste qui vient de mourir.

Au Conservatoire, il avait succédé à Levasseur et, sur la désignation de celui-ci, comme professeur titulaire de la classe d'opéra. Il apportait, dans ces nouvelles fonctions la fougue et la conviction qu'il avait montrées comme artiste, et ses boutades de caractère sont demeurées légendaires à l'école du faubourg Poissonnière. Il l'abandonna pendant deux ans et fut rappelé en 1877, pour recevoir quelques années plus tard, le 12 juillet 1880, la croix de chevalier de la Légion d'honneur.

Obin était sous une enveloppe souvent rugueuse un homme excellent. D'un abord difficile, il était charmant dans l'intimité.

Il était le beau-père de M. Ernest Bertrand, ancien directeur du Vaudeville et frère de M. Eugène Bertrand, directeur de l'Opéra.

Les obsèques d'Obin seront célébrées mercredi prochain, à midi, en l'église de la Madeleine. L'inhumation aura lieu au cimetière Montmartre.

Un détail à ce sujet : Obin, en prévision de sa fin, avait fait exécuter son monument funéraire, situé sous le pont Caulaincourt, près de la tombe de son ami, le baryton Bonnehée. Il l'a fait exécuter dans le goût égyptien, en souvenir du Moïse qu'il avait si magistralement interprété. Toutes les inscriptions et tous les titres en étaient gravés à l'avance. Seulement, pour la date de la mort, il n'avait fait graver que le chiffre 1..., espérant bien dépasser le dix-neuvième siècle et parvenir à l'année 1900 !

 

(le Temps, 11 novembre 1895)

 

 

 

 

         

 

chapelle et buste de Louis-Henri Obin au cimetière de Montmartre [photos ALF, 2022]

 

 

 

 

 

 

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