Pierre Jules MICHOT

 

Pierre Jules Michot [BNF]

 

 

Pierre Jules MICHOT

 

ténor français

(Lyon, Rhône, 22 mai 1828* – Chatou, Seine-et-Oise [auj. Yvelines], 22 avril 1896*)

 

Fils de Jean Samuel MICHOT (1797 –), fabricant d’étoffes, et d’Antoinette HAHN, mariés à Saint-Rambert-l'Île-Barbe [auj. dans Lyon], Rhône, le 24 septembre 1825.

Epouse 1. Louise MATHIEU (– av. 1859).

Epouse 2. en mars 1862 Marie-Louise BRÉCHON-CORNERI (Paris ancien 12e, 27 octobre 1831* – Chatou, 22 juin 1898*), contralto [voir ci-dessous] ; parents de Jules Antoine MICHOT (Paris, 11 septembre 1859* – 54 avenue de Wagram, Paris 17e, 19 janvier 1899*), négociant [épouse à Paris 17e le 17 août 1895* Blache Anna Ismaria SEVIN (Marcilly-en-Villette, Loiret, 05 mai 1860* – Paris 10e, 30 juin 1948*), marchande de nouveautés].

 

 

Il vint à Paris à l'âge de vingt ans et fit ses premiers débuts dans un café-concert. Des études suivies avec M. Guillot ayant développé son talent et les qualités natives de sa voix, il fut engagé au Théâtre-Lyrique en 1856, et y débuta avec succès dans Richard Cœur de lion. Obéron, Euryanthe, la Perle du Brésil, la Harpe d'or, la Fée Carabosse, les reprises de Gastibelza, de l'Enlèvement au sérail, le mirent bientôt au premier rang. Il fut appelé à l'Opéra pour y succéder à Roger (1860). A ce théâtre, la Favorite, Lucie de Lammermoor, les Huguenots, le Trouvère, Pierre de Médicis, Alceste, et surtout la Muette de Portici, lui valurent de légitimes succès. Le 21 août 1862, il créa à Bade Erostrate (Scopas) d’Ernest Reyer. En 1864, il revint au Théâtre-Lyrique pour y chanter Mireille, Faust, Roméo et Juliette, la Flûte enchantée, Don Juan, Martha, etc., avec un talent encore plus admiré. En 1867 enfin, il alla se faire applaudir à Marseille. Après les guerres de 1870-1871, Michot, accusé d'avoir pris part aux événements de la Commune, vit se fermer devant lui les portes de nos grandes scènes lyriques. Il parvint cependant à reprendre la scène avec succès à Marseille en 1875, et à Paris l'année suivante. Depuis cette époque il n'a plus chanté que dans les concerts.

En 1859, il habitait 5 rue de Tracy à Paris ; en 1870, 3 rue Neuve-des-Martyrs [auj. rue Manuel] à Paris 9e. Il est décédé en 1896 à soixante-sept ans, en son domicile, 6 boulevard de la République à Chatou.

 

Sa seconde femme, Marie-Louise BRÉCHON-CORNERI dite Mme MICHOT, contralto, est entrée au Théâtre-Lyrique en 1864 et y a fait ses débuts le 12 novembre 1866 dans Martha (Nancy).

 

 

 

Sa carrière au Théâtre-Lyrique

 

Dans la salle du boulevard du Temple, il débuta le 23 mai 1856 en participant à la première de Richard Cœur de Lion (Richard) de Modeste Grétry.

Il y chanta Robin des Bois [Der Freischütz] (Max, 28 septembre 1856) de Weber [version française de Pacini et Berlioz] ; la Perle du Brésil (Lorenz, 1858) ; Gastibelza ; Faust (Faust, 13 novembre 1859).

Il participa aux premières le 27 février 1857 d’Obéron ou le Cor magique (Huon de Bordeaux) de Weber [version française de Nuitter, Beaumont et de Chazot] ; le 01 septembre 1857 d’Euryanthe de Weber [version française de Saint-Georges et de Leuven] ; le 11 mai 1859 de l’Enlèvement au sérail (Belmont) de Mozart [version française de Prosper Pascal].

Il y créa le 08 septembre 1858 la Harpe d'or (Horatio) de Félix Godefroid ; le 28 février 1859 la Fée Carabosse (Albert) de Victor Massé.

 

Dans la salle de la place du Châtelet, il chanta Faust (Faust, 15 septembre 1864) ; Mireille (Vincent, 15 décembre 1864) ; Robin des Bois [Der Freischütz] (Max, 02 décembre 1866) de Weber [version française de Pacini et Berlioz].

Il y participa aux premières le 23 février 1865 de la Flûte enchantée (Tamino) de Mozart [version française de Nuitter et Beaumont] ; le 18 décembre 1865 de Martha ou le Marché de Richmond (Lyonel) de Friedrich von Flotow [version française de Saint-Georges et Crevel de Charlemagne] ; le 08 mai 1866 de Don Juan (Ottavio) de Mozart [version française].

Il y créa le 27 avril 1867 Roméo et Juliette (Roméo) de Charles Gounod.

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 29 février 1860 dans la Favorite (Fernand).

 

Il y créa le 07 décembre 1860 Ivan IV (Frédéric Ouvaroff) d’Emile Paladilhe.

 

Il y chanta Lucie de Lammermoor (Edgard, 1860) ; Faust (Faust, 1860) ; le Trouvère (Manrique, 1860) ; Alceste (Admète, 1861) ; les Huguenots (Raoul de Nangis, 1861) ; Pierre de Médicis ; la Muette de Portici (Masaniello, 1863).

 

 

 

 

Au Théâtre-Lyrique, l'insuffisance de M. Guardi a décidément fait suspendre Faust, qui sera repris le mois prochain par M. Michot, avec récitatifs au lieu de dialogue.

(le Ménestrel, 25 septembre 1859)

 

 

C'est dans un petit café-concert, situé rue de la Lune, appelé café Moka, qu'Adolphe Adam découvrit Michot. On le fit débuter au Théâtre-Lyrique, et bientôt sa voix, qui était fraîche et pure, fut très remarquée dans Robin des Bois. Ses succès ne firent qu'augmenter dans la Harpe d'or, Obéron, Euryanthe ; c'est alors que l'Opéra lui fit des propositions d'engagement que l'artiste s'empressa d'accepter. Il eut tort ; son organe était trop fragile pour résister à l'accompagnement de l'orchestre de l'Opéra, Effectivement, après avoir joué la Favorite, Lucie, il dut s'arrêter pendant les représentations du Trouvère, sa voix était trop fatiguée, et il était menacé de la perdre. C'est alors qu'il rompit son engagement avec l'Opéra et se rendit en Italie pour refaire son organe.

Revenu depuis à Paris, il est rentré au Théâtre-Lyrique, où il chante la Flûte enchantée.

Michot est un petit homme, à la tournure vulgaire et peu gracieuse, ne sachant pas plus s'habiller que Ponchard, et jouant ses rôles à la manière italienne, c'est-à-dire par-dessous de la jambe.

Quelqu'un lui en faisait la remarque dernièrement ; il répondit : A quoi cela, sert-il de jouer la comédie ? qu'est-ce que cela nous rapporte à nous, chanteurs d'opéra ?

Vous avez tort, monsieur, il ne suffit pas de bien chanter, il faut aussi savoir remplir convenablement le personnage que l'on représente. Voyez un de vos aînés, Couderc, il ne chante plus, eh bien ! informez-vous : les habitués de l'Opéra-Comique aiment beaucoup mieux Couderc avec son peu de voix que Michot, chantât-il comme Rubini.

(Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Théâtre-Lyrique impérial, 1866)

 

 

 

 

 

Pierre Jules Michot dans la Flûte enchantée (Tamino) [photo Pierre Petit]

 

 

 

 

Quand, sortant d'un café chantant, Michot débuta au Théâtre-Lyrique en 1857, il fit entendre  une admirable voix de ténor, pure, vibrante, homogène, souple, sympathique, et se prêtant à toutes les délicatesses du chant.

Cet organe était un diamant brut, mais on pouvait espérer que, en habile ouvrier, l’art viendrait y tailler mille facettes resplendissantes.

Sans doute, le jeune chanteur n'était pas beau, encore moins, distingué. Mais Duprez, à son début, valait-il beaucoup mieux comme homme, lui qui n'avait qu'une voix rebelle !

Disons-le de suite : si Michot, a conservé jusqu'à aujourd'hui, les sons enchanteurs et purs avec lesquels il chantait Oberon, et l'Enlèvement au sérail, si, en plusieurs circonstances, il a montré un certain sentiment dramatique, on ne peut lui reconnaître l'intuition véritable des grands maîtres qui seule fait les grands artistes. Il a touché aux créations les plus sublimes des génies de la musique et ne leur a jamais prêté que le secours de sa voix magnifique. C'est beaucoup sans doute, pourtant nous eussions voulu mieux.

Des divers sentiments de l'âme et du cœur, il a su exprimer la tendresse et la grâce, parce que son organe possède un charme extrême, mais la passion véritable n'a que bien rarement débordé de ses lèvres.

Comme virtuose, son chant, sans manquer de goût, ne s'élève pas au style véritable.

Il a de l'étendue dans le son, sans posséder l'ampleur dans la phrase.

Aussi Michot n'est-il ni le vrai fort ténor de l'opéra, ni le ténorino, ni le ténor d'opéra-comique. Il participe de tous ces genres dans l'un desquels se peuvent classer sûrement presque tous les ténors.

Son organe a la force et l'étendue des premiers, les sons mixtes des seconds, la légèreté des derniers, et pourtant l'artiste ne pourrait prétendre offrir le type réel de Raoul ou ceux de Faust et de Georges Brown.

Il n'a personnifié aucun personnage de façon à lui laisser son empreinte, ce que des artistes moins bien doués que lui, sont souvent arrivés à faire.

Dans tous ses rôles il a fait applaudir particulièrement certains passages, ne sachant pas composer un personnage, lui donner une physionomie, lui imprimer un caractère.

Dans la Favorite, ce n'est pas le Fernand du poème, mais comme il soupirait : Ange si pur ! Dans la Muette, il fut encore moins le vrai Mazaniello, et cependant : qui chanta l'air du Sommeil, avec une voix plus pénétrante ! Avec quel charme il donnait la réplique à Mme Carvalho, dans la chanson de Magali, de Mireille !

Michot débuta au Théâtre-Lyrique en 1857, par Oberon et Euryanthe. Il dut parler là une langue musicale qu'il ne connaissait pas. Il n'était d'ailleurs pas le seul ; dans Euryanthe ses camarades passèrent comme lui, à côté du génie de Weber sans le rencontrer. Mais sa voix fut remarquée, et toute la presse la trouva si belle, qu'elle voulut bien l'admettre comme suffisante pour suppléer à l’art, dont elle manquait absolument.

En mars 1858, il reprit la Perle du Brésil, de Félicien David, avec Mme Carvalho. L'adorable mélodie du compositeur aida puissamment au développement de la qualité suprême de la voix

de Michot qui est la pureté.

Puis vinrent deux créations : la Harpe d'or, de Godefroy, en septembre 1858, et la Fée Carabosse, de Victor Massé, en mars 1859. Toutes deux n'augmentèrent point la réputation de l'artiste.

L'Enlèvement au sérail, de Mozart, en mai 1859, lui permit de montrer du charme et de la sensibilité et lui valut un engagement à l'Opéra.

Il débuta à l'Académie de musique le 29 février 1860, par le rôle de Fernand, dans la Favorite. Le peu d'élégance de sa tournure fut racheté par la beauté de son organe. Cet opéra et celui de Lucie lui valurent souvent de chauds applaudissements.

Mime Pauline Viardot étant alors engagée, on songea pour elle à reprendre le répertoire ancien. Alceste pouvait être un pendant à Orphée, dont le succès avait été immense au Théâtre-Lyrique. Michot fut désigné comme partenaire à l'illustre tragédienne lyrique, et si cet

opéra de Gluck, représenté le 21 novembre 1861, n'obtint pas une longue série de représentations, la faute n'en est pas au ténor, qui y déploya une solidité de voix et un sentiment dramatique qu'il ne dépassa jamais.

La Muette de Portici est encore un des ouvrages où Michot chanta avec un réel éclat. Ce fut le dernier qu'il joua à l'Opéra, avec lequel il rompit brusquement, en 1864 étant réengagé par M. Carvalho au Théâtre-Lyrique.

De 1864 à 1867, période florissante du Théâtre-Lyrique de la place du Châtelet, Michot tint dignement la scène à côté de Mmes Carvalho, Charton-Demeur et Nilsson. Il joua dans sept ouvrages — on peut dire sept chefs-d'œuvre — d'un style différent, et si son défaut fut de ne pas leur donner une couleur absolue, ainsi que le firent les trois grandes cantatrices, on doit reconnaître qu'il montra souvent un sentiment dramatique appréciable et que toujours il charma par la beauté exceptionnelle de sa voix.

Ces opéras furent :

Mireille, repris en trois actes au lieu de cinq, en 1864 ;

Faust, 1864 ;

La Flûte enchantée, 23 février 1865 ;

Martha, 18 décembre 1865 ;

Don Juan, 1866 ;

Freischütz, 8 décembre 1866 ;

Roméo et Juliette, 25 avril 1867.

Roméo fut sa seule grande création au théâtre, et on ne l’a point encore remplacé dans ce rôle. M. Duchesne n'est ni plus élégant ni plus dramatique que lui, et il est loin de posséder la puissance et la grâce de son organe.

A la fin de 1867, Michot quitta le Théâtre-Lyrique et fit une saison complète à Marseille. On comprend sans peine que, sur une scène de province, il obtint de véritables triomphes. Il chanta successivement : la Muette, les Huguenots, Lucie, Roméo et  l'Africaine, avec le plus grand succès.

Il revint à Paris pendant le siège et ne trouva pas d'engagement après la Commune, à cause de l'attitude qu'on lui prêta alors, bien à tort peut-être, en raison de son apparition sur la scène de l'Opéra dans un concert donné par les fédérés. Et, bien que sa conduite n'ait encouru aucun blâme officiel, Michot, retourné à Marseille, se vit les premiers soirs en butte, sur la scène, à des attaques malveillantes ; mais son talent eut bien vite raison de ces quelques sifflets égarés au milieu des applaudissements de la masse des spectateurs.

 

(Félix Jahyer, Paris-Théâtre, 22 janvier 1874)

 

 

 

Pierre Jules Michot [photo Etienne Carjat]

 

 

Michot, qu’un dilettante avait découvert dans un infime café-chantant de la rue de la Lune, le café Moka, et qui se compromit plus maladroitement que sérieusement pendant la Commune, ce qui faillit lui coûter cher.

(Arthur Pougin, Acteurs et actrices d’autrefois, 1896)

 

 

Un artiste qui eut un moment de notoriété, le ténor Michot, vient de mourir à Chatou, où depuis plusieurs années il vivait dans la retraite. Né à Lyon, Michot avait commencé sa carrière en province, d'où il était venu s'enfouir dans un café-concert de bas étage, le café Moka, situé rue de la Lune. C'est là qu'il fut signalé à Adolphe Adam, qui, frappé de sa voix pleine de fraîcheur et de suavité, le fit engager au Théâtre-Lyrique, où il débuta le 23 mai 1856 dans Richard Cœur de Lion. L'éducation artistique de Michot était nulle, mais à une voix délicieuse il joignait un certain sentiment musical et obtenait, surtout dans la demi-teinte, des effets d'une grâce exquise. Par malheur il était, au point de vue physique, d'une vulgarité désespérante, et ne savait ni se tenir ni parler en scène ; de plus, extrêmement journalier comme chanteur, il était parfois excellent, et le lendemain se montrait exécrable. Il obtint néanmoins assez de succès au Théâtre-Lyrique dans Obéron, Euryanthe, Robin des Bois, la Harpe d'or, pour que l'Opéra voulut se l'attacher. Il débuta à ce théâtre en 1860, s'y montra successivement dans la Favorite, Lucie, Faust, le Trouvère, puis tout à coup, atteint d'une maladie du larynx, dut rompre son engagement pour aller se faire soigner en Italie. De retour à Paris, il rentra au Théâtre-Lyrique, y reparut dans la Flûte enchantée, Martha, Don Juan, et eut l’honneur d'y créer le Roméo et Juliette de Gounod. Arrivèrent les événements de 1870-71, et Michot se compromit sottement sous la Commune, ce qui le fit interner pendant quelque temps à l'Orangerie de Versailles. Après cette fâcheuse équipée il se vit obligé de retourner en province, où il ne fut pas sans éprouver à ce sujet quelques déboires. A Marseille notamment, sa présence au Grand-Théâtre donna lieu à des scènes bruyantes et presque scandaleuses. La voix d'ailleurs commençait à l'abandonner, et son habileté de chanteur était insuffisante à suppléer chez lui aux défauts de l'instrument. Il ne tarda pas à renoncer à la carrière, et se retira bientôt définitivement. Depuis plusieurs années déjà, Michot était devenu presque aveugle.

(le Ménestrel, 26 avril 1896)

 

 

 

 

 

 

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