Eugène LORRAIN

 

Eugène Lorrain en 1879 [photo Mulnier]

 

 

Eugène Jérôme LORRAIN dit Eugène LORRAIN

 

basse française

(Limonest, Rhône, 21 avril 1856* – Paris 9e, 20 décembre 1924*)

 

Fils de Christophe Valentin LORRAIN (Bionville, Meurthe-et-Moselle, 25 février 1820 – Presles, Seine-et-Oise [auj. Val-d’Oise], 08 juillet 1902), gendarme [fils de Jean-Baptiste LORRAIN (Luvigny, Vosges, 27 janvier 1791 – Luvigny, 09 août 1839)], et de Marie Anne CÉSARD (Luvigny, 02 juin 1820 – Presles, 26 mai 1890), couturière, mariés à Luvigny le 26 mars 1848.

Epouse à Paris 9e le 29 décembre 1923* Marie Louise GEBHARDT (Strasbourg, Bas-Rhin, 14 octobre 1847* – Paris 9e, 10 janvier 1924*) [le mariage a eu lieu au domicile du chanteur, sur le vu d'un certificat d'un docteur en médecine].

 

 

Elève, au Conservatoire, de Henri Potier et d'Obin, il y obtint en 1876 une 2e médaille de solfège, en 1877 une 1re médaille de solfège et les seconds prix de chant et d’opéra, et, aux concours de 1878, les deux premiers prix de chant et d'opéra. Engagé aussitôt à l’Opéra, il débuta à ce théâtre le 15 janvier 1879, et y resta jusqu'en 1884. Il passa ensuite plusieurs années en Italie, puis vint débuter à l'Opéra-Comique le 08 octobre 1890, dans le rôle de Lothario de Mignon, se montra dans quelques autres ouvrages du répertoire et fit notamment deux créations, dans le Rêve et dans Kassya. En 1893, il quitta l'Opéra‑Comique. Il fut professeur de chant au Conservatoire de Paris (classe IX, 1905-1906, et classe VII, du 19 mars 1906 à sa mort). Il a été nommé chevalier de la Légion d’honneur le 03 août 1909 en sa qualité de capitaine au 19e escadron territorial du train des équipages militaires (il fut nommé capitaine le 08 octobre 1899).

En 1895, il habitait 2 rue Bochard-de-Saron à Paris 9e ; en 1899, 2 rue Manuel à Paris 9e. En 1906, il habitait 37 rue des Martyrs à Paris 9e, où il est décédé en 1924 à soixante-huit ans.

 

 

 

Sa carrière à l'Opéra de Paris

 

Il y débuta le 15 janvier 1879  dans les Huguenots (Comte de Saint-Bris).

 

Il y créa le 05 mars 1883 Henry VIII (Duc de Norfolk) de Camille Saint-Saëns.

 

Il y chanta Faust (Méphistophélès, 24 mai 1879) ; le Freischütz (Gaspard, 1880) ; Guillaume Tell (Gessler, 1880) ; le Prophète (Oberthal, 400e le 18 juillet 1881) ; le Tribut de Zamora (Hadjar, 1881) ; Françoise de Rimini (Guido, 03 mai 1882).

Sa carrière à l'Opéra-Comique

 

Il y débuta le 08 octobre 1890 dans Mignon (Lothario).

 

Il y créa le 03 décembre 1890 Benvenuto (De Montsolm) d'Eugène Diaz ; le 18 juin 1891 le Rêve (Hubert) d’Alfred Bruneau ; le 24 mars 1893 Kassya (Kotska) de Léo Delibes.

 

Il y participa à la première le 09 juin 1892 des Troyens à Carthage (Narbal) d'Hector Berlioz.

 

Il y chanta Carmen (Escamillo, 22 mai 1891) ; le Roi d’Ys (le Roi, 22 février 1892).

 

 

 

 

Eugène-Jérôme Lorrain, la nouvelle basse chantante de l'Opéra, est né à Limonest (Rhône) le 21 avril 1856.

Fils d'un ancien soldat, il a fait ses premières études en vue d'entrer à l'Ecole des vétérinaires de Lyon.

Après la guerre de 1870, son père ayant été obligé de lui faire prendre un état, le jeune Lorrain cessa les travaux préparatoires qu'il avait fait jusqu'à ce jour, pour se livrer à toutes sortes de métiers susceptibles de lui rapporter quelque argent. Tour à tour il fut apprêteur, marchand de cannes, etc.. etc.

Mais comme cela ne lui apportait aucune satisfaction ni aucun agrément, et qu'il se sentait un goût tout particulier pour le théâtre, il allait le soir offrir ses services comme figurant au Grand-Théâtre de Lyon. Son ambition était d'être admis parmi les choristes, mais il ne fut point accepté pour un emploi aussi considérable.

Il avait alors dix-huit ans, et s'engagea sous la direction de M. Morel, au théâtre du Gymnase pour remplir des petits bouts de rôle de comédie. Ayant demandé une augmentation au bout de quelques temps, elle lui fut refusée, ce qui le fit quitter Lyon et l'amena à Paris.

Doué d'une voix juste et d'un bon timbre, Lorrain vint frapper aux portes du Conservatoire. Reçu à son premier examen, il entra en 1875, dans la classe de solfège de M. Danhauser, et dans celle de chant alors dirigée par Laget et bientôt après par Henri Potier.

A la fin de sa seconde année d'études, il prend part pour la première fois au concours de chant, à l'âge de vingt ans, avec le grand air du Siège de Corinthe, et j'écrivais à ce moment : « M. Lorrain a la voix pleine et d'une bonne sonorité. Il a traîné un peu l'air du Siège de Corinthe, ce qui l'a empêché d'avoir un accessit. »

Cette année-là, il obtenait une seconde médaille de solfège.

L'année suivante, le 23 juillet 1877, avec l'air de Falstaff du Songe d'une nuit d'été, pour le concours de chant, et une scène d'Herculanum, rôle de Nicanor, pour le concours d'Opéra, il remportait deux seconds prix, après avoir gagné d'abord sa première médaille de solfège. Il fut dès lors pensionné de l'Opéra, l'ayant déjà été du Conservatoire l'année précédente.

Continuant dans la classe de M. Obin ses études d'opéra commencées avec M. Ismaël, il passa une année encore au Conservatoire et concourut en 1878 avec Falstaff, du Songe d'une nuit d'été pour le chant, et Saint-Bris dans la grande scène de la conjuration des Huguenots pour l'Opéra.

Il remporta cette année-là ses deux premiers prix et fut immédiatement engagé à l'Opéra.

Voici le jugement que je portai sur lui à cette époque, — on aime toujours à se répéter lorsqu'il s'agit des impressions premières que l'avenir a confirmées, il y a là une petite satisfaction d'amour-propre bien permise.

Donc je disais au concours de chant :

« M. Lorrain, s'élève pour moi, un peu au-dessus de ses camarades ; ce n'est plus un élève, mais un chanteur expérimenté. Sa voix est tout-à-fait posée. Il a de la chaleur, du goût, chante simplement. Dans l'air de Falstaff, excellemment interprété dans son ensemble, il a particulièrement détaillé certains passages avec une grande délicatesse et d'autres avec beaucoup d'éclat. »

Et après le concours d'Opéra :

« Le succès chez les hommes a été surtout pour M. Lorrain, chanteur et comédien plein d'autorité. Ce jeune homme a été parfait dans Saint-Bris ; il a conduit avec ampleur la grande scène de la Conjuration et de la Bénédiction des poignards, du quatrième acte des Huguenots. Sa place est bien à l'Opéra où il va certainement être engagé. »

Les débuts de Lorrain à l'Opéra eurent lieu dans le rôle de Saint-Bris, des Huguenots, au mois de janvier de cette année. Bien qu'un service spécial n'ait pas été fait à la presse en cette circonstance, presque tous les critiques de musique, instruits par l'affiche et se souvenant des brillants concours du jeune lauréat, assistèrent à la représentation. Le succès fut grand et légitime, et quand l'artiste fit son second début dans Méphistophélès de Faust, au mois de mai suivant, il recueillit les mêmes applaudissements.

Les qualités que possède Lorrain, comme chanteur et comme comédien, sont, en effet, de nature à être mises en évidence sur une grande scène. Il y a à la fois l'ampleur de la voix et du geste ; c'est un talent en dehors qui a forcément de l'action sur le public.

Vocalisant avec une grande facilité, il eût pu cependant tenir tout aussi bien son emploi avec une grande autorité sur la scène de l'Opéra-Cornique, où il eût été un excellent Pierre-le-Grand, un Max accompli et un Falstaff remarquable ; mais au Conservatoire, on ne voulut jamais lui faire suivre la classe d'opéra‑comique, et d'ailleurs maintenant, M. Vaucorbeil ne le laisserait pas certainement partir, et renouvellera l'engagement que M. Halanzier avait fait signer à Lorrain, et qui n'expire que dans un an.

Les rôles de Gaspard, du Freischütz, et de Leporello, de Don Juan, que Lorrain répète actuellement à l'Opéra, achèveront de mettre en lumière les précieuses qualités qui font de lui un artiste d'un grand avenir.

(Félix Jahyer, Paris-Portrait, 14 août 1879)

 

 

Fut un des pensionnaires les plus applaudis de l’Académie nationale de musique, où il interpréta tous les rôles du répertoire et fut pendant tout son engagement un des plus précieux collaborateurs chantant de l’Opéra.

M. Lorrain a fait aussi partie de l’Opéra-Comique où il créa Benvenuto de M. Eugène Diaz.

Non seulement sa voix était chaude et vibrante, mais sa diction était parfaite.

Avec de pareils dons il était indiqué que M. Lorrain serait un professeur remarquable.

Il s’est adonné depuis plusieurs années au professorat et a formé une pléiade de chanteurs et d’artistes qui tiennent le premier rang sur les théâtres de France et de l’Etranger.

(Annuaire des Artistes, 1899)

 

 

 

 

 

 

Eugène Lorrain en 1909

 

 

Très gros, très bruyant, très expansif. On le surnomme le capitaine. Une fois par an, il arrive à cheval, vêtu d'un uniforme d'officier d'artillerie qui lui sied fort bien et rehausse encore son prestige. Il demande que les sons soient appuyés sur la ceinture (une idée à lui...) et jure par sainte Barbe que ses élèves ne l'écoutent pas. S'évade de la classe pour en griller une, tout comme les collégiens, mais ne pousse pas sa promenade aussi loin qu'eux : c'est dans la cour qu'il satisfait son innocente passion. Un beau jour, ses élèves eurent l'idée de lui voter une adresse de félicitations : et personne n'en fut plus surpris que lui.

(les Concours au Conservatoire, Comœdia illustré, 01 juillet 1909)

 

 

 

 

 

 

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