Jeanne HATTO
Jeanne Hatto en 1901 [photo Reutlinger]
Marguerite Jeanne FRÈRE dite Jeane ou Jeanne HATTO
soprano français
(4 place Croix Paquet, Lyon 1er, Rhône, 30 janvier 1879* – Paris 17e, 26 février 1958*)
Fille de Charles FRÈRE (Faverney, Haute-Saône, 08 mars 1846 –), employé de commerce, et de Marie Josephte Antoinette BOISSON (Andelot-lès-Saint-Amour [auj. Andelot-Morval], Jura, 09 janvier 1852 –), dégraisseuse, mariés à Lyon 1er le 26 juillet 1873*.
Elle fit son éducation au lycée de Laon, et ses études musicales aux Conservatoires de Lyon puis de Paris, où elle obtint en 1897 un 1er accessit de chant, en 1898 un second prix de chant, et en 1899 un premier prix de chant, un premier prix d’opéra et un second prix d’opéra-comique. Elle entra cette année-là au Palais Garnier où elle fit l’essentiel de sa carrière. Elle fut choisie pour interpréter Iphigénie en Tauride (Iphigénie) au théâtre antique d'Orange le 12 août 1900. Le peintre Ferdinand Humbert a peint son portrait en 1908. Elle fut ensuite professeur de chant et de déclamation lyrique. Elle a eu une liaison avec l'industriel Louis Renault (Paris 8e, 12 février 1877 – prison de Fresnes, Seine [auj. Val-de-Marne], 24 octobre 1944).
En 1911, elle habitait 24 bis rue Alphonse-de-Neuville à Paris 17e. En 1924, elle possédait une propriété à Roquemaure (Gard). En 1942, elle habitait 6 rue Alfred-Roll à Paris 17e, où elle est décédée en 1958 à soixante-dix-neuf ans, célibataire. Elle est enterrée à Saint-Amour (Jura).
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Elle y débuta dans Sigurd (Brunehilde) le 22 décembre 1899.
Elle y créa le 15 février 1901 Astarté (Iole) de Xavier Leroux ; le 23 octobre 1901 les Barbares (Floria) de Camille Saint-Saëns ; le 09 décembre 1915 Mademoiselle de Nantes (Hermione) ; le 27 janvier 1921 Néron (une esclave) d’Humberto Lami.
Elle y participa aux premières le 30 mars 1912 du Cobzar (Iana) de Gabrielle Ferrari ; le 30 mars 1916 du Roi Arthus (Genièvre) d’Ernest Chausson [3e acte seul].
Elle y chanta Salammbô (Salammbô, 1900) ; Tannhäuser (Élisabeth, 06 mai 1901) ; les Maîtres chanteurs de Nuremberg (Eva, 1901) ; Don Juan (Elvire, 1902) ; Paillasse (Nedda, 1902) ; la Statue (Margyane, 1903) ; la Walkyrie (Sieglinde, 1904) ; le Freischütz (Annette, 1905) ; Thamara (Thamara, 1907) ; Faust (Marguerite, 1907) ; Hippolyte et Aricie (Diane, 1908) ; Lohengrin (Elsa, 1908) ; Monna Vanna (Monna Vanna, 1909) ; l'Apothéose de Beethoven (Septième Symphonie, 1909) ; Sibéria (Stéphana, 1912) ; Fervaal (Guilhen, 1913) ; le Miracle (Alix, 1913) ; la Damnation de Faust (Marguerite, 1919) ; la Légende de saint Christophe (Nicéa, 1920) ; Castor et Pollux (Ténaïre, 1921). |
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Elle y débuta le 13 octobre 1910 dans Werther (Charlotte).
Elle y créa le 26 avril 1911 le Voile du bonheur (Si-Tchun) de Charles Pons.
Elle y chanta la Tosca (Floria Tosca). |
Jeanne Hatto dans Iphigénie en Tauride (Iphigénie) au théâtre antique d'Orange le 12 août 1900
Jeanne Hatto dans Sigurd (Brunehilde)
Mlle Jeanne Hatto est actuellement, à l'Opéra, l'incarnation la plus parfaite du soprano dramatique. Grande, d'allure superbe, avec une physionomie d'une mobilité extraordinaire, es yeux pétillants d'intelligence, et dans toute sa personne un air crâne qui en impose aux moins timides... elle est bien la femme pour personnifier, dans tout leur éclat, les héroïnes du répertoire lyrique. A fait son éducation au lycée de sa ville natale où elle a remporté le prix de... gymnastique. Au sortir du lycée, a travaillé le chant avec M. Perny, qui l'a envoyée à Paris pour entrer au Conservatoire. Elève de Warot pour le chant, de Giraudet pour l'opéra, d'Achard pour l'opéra-comique, elle a remporté, en 1899, le premier prix d'opéra, le second prix d'opéra-comique et le premier prix de chant. Engagée à l'Opéra, ses débuts eurent lieu dans Sigurd avec un éclatant succès et a chanté Eva des Maîtres Chanteurs de Nuremberg. Elle fut choisie pour chanter, le 12 août 1900, Iphigénie en Tauride de Gluck au théâtre antique d'Orange. Elle interpréta le rôle d'Iphigénie avec un style élevé et un charme pénétrant. En 1901, Mlle Jeanne Hatto a créé à l'Opéra le rôle d'Iole d'Astarté de Xavier Leroux, et au mois de novembre, de la même année, le rôle de Floria des Barbares de Camille Saint-Saëns où elle remporta un vrai triomphe. Après la répétition générale, le grand maître critique Gustave Larroumet écrivait dans son article sur cette artiste : « Jeanne Hatto, dont la tête est d'une Valkyrie et le corps d'une Canéphore !... » Mlle Jeanne Hatto a été nommée officier d'Académie. (Annuaire des Artistes, 1902)
La charmante créatrice des Barbares est née à Saint-Amour. Elle est si jolie, si séduisante que vraiment c'est là qu'elle devait venir au monde. Elle ne se contente point de sa grâce qui commence la conquête du public, c'est par son talent fin et distingué qu'elle l'achève. Elle est une des meilleures parmi les nouvelles venues à l'Opéra. (Participation de Jeanne Hatto à la matinée de gala donnée au Trocadéro le 21 avril 1903 avec la Patti au bénéfice de la Maison de retraite des vieux comédiens, Paris qui chante n°17, 17 mai 1903)
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Jeanne Hatto dans Paillasse (Nedda) à l'Opéra en 1904
Jeanne Hatto dans le Freischütz (Annette) à l'Opéra en 1905 |
Jeanne Hatto dans la Walkyrie (Sieglinde) à l'Opéra en 1904 |
Jeanne Hatto dans Faust (Marguerite) à l'Opéra
Jeanne Hatto dans Faust (Marguerite) à l'Opéra en 1908
Jeanne Hatto (Marguerite) et Lucien Muratore (Faust) dans l'acte III de Faust à l'Opéra en 1908
Louis Renault. Jusqu'au jour où, au volant de l'une de ses voitures, la 8 CV 2 cylindres, il aperçoit sur le boulevard, une ravissante jeune femme étendue dans une calèche, parmi un extraordinaire amas de fleurs. Cette « beauté rayonnante » le frappe. Il suit la calèche jusqu'à la gare de l'Est. La jeune femme en descend, accueillie par une véritable cour qui la conduit jusqu'à son train. Ce timide s'enhardit à interroger : qui est-ce ? Son interlocuteur se récrie : comment ne connaît-il pas Jeanne Hatto, l'illustre chanteuse de l'Opéra ? Ignore-t-il qu'elle s'en va donner un récital à Spa ? Parmi les admirateurs venus saluer le départ de la vedette, Louis reconnaît Gailhard, le directeur de l'Opéra, à qui il a vendu une voiture. Il s'approche, paralysé par le trac, et, en balbutiant, lui demande s'il connaît l'adresse de Jeanne Hatto. Le directeur, qui s'amuse, la lui donne. Quand elle rentrera, la chanteuse trouvera chez elle une invraisemblable montagne de fleurs. Aucune mention de l'envoyeur. Cela continue le lendemain. Et chaque jour. Pas la moindre carte de visite. Chez Jeanne, au bout d'une semaine, la curiosité l'emporte. Elle interroge le fleuriste qui vend la mèche : il s'agit de Louis Renault, le célèbre constructeur d'automobiles. Prévenu par le même fleuriste, Louis Renault osera frapper à la porte de Jeanne. Elle s'ouvrira toute grande. Si largement qu'il restera. (Alain Decaux, Historia, juillet 1987)
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(Grand concours de beauté de Paris qui chante, 22 janvier 1905)
Jeanne Hatto en 1913 [photo H. Manuel]