Alix FOURNIER
Émile Eugène Alix FOURNIER dit Alix FOURNIER
compositeur français
(34 rue de l’Echiquier, Paris 10e, 11 octobre 1864* – 20 route de la Brie, Joinville-le-Pont, Seine [auj. Val-de-Marne], 12 septembre 1897*)
Fils de Louis Alix Armand FOURNIER (Montreuil-Bonnin, Vienne, 29 octobre 1822 – Cannes, Alpes-Maritimes, 28 décembre 1866), négociant, et de Marie Pauline LOUIS (Dun, Meuse, 03 avril 1834 – Cannes, 20 août 1904), mariés à Saint-Maur-des-Fossés, Seine [auj. Val-de-Marne], 08 juillet 1857.
Il a obtenu le 2e second prix de Rome en 1889 avec la cantate Sémélé et le 1er second grand prix en 1891 avec la cantate l’Interdit. On lui doit notamment l’opéra Stratonice.
Il est décédé, célibataire, en 1897 à trente-deux ans, domicilié 4 rue de la Paix à Nice.
œuvres lyriques
Stratonice, opéra en 1 acte, livret de Louis Gallet, prix Cressent de l’Académie des Beaux-arts en 1891, créé à l’Opéra le 09 décembre 1892, mise en scène d'Alexandre Lapissida, décors d'Eugène Carpezat, costumes de Charles Bianchini, avec Mme Rosa Bosman (Stratonice), MM. Auguste Dubulle (le Roi), Albert Vaguet (Antiochus), Gaston Beyle (Cratès), sous la direction de Raoul Madier de Montjau. 14e à l’Opéra, le 04 mars 1893, avec les créateurs. 14 représentations à l’Opéra au 31.12.1961. (voir ci-dessous) Histoire de chevalerie, légende écrite par Louise Rousseau (1895) Carloman, opéra en 3 actes, livret de P.-B. Gheusi, non représenté
mélodies
Ave Maria (l’) Chanson moldave Fil de la Vierge (le) Floréal J’ai vu s’envoler mon beau rêve Soir tombe (le) |
La critique a été vraiment sévère pour l’œuvre de M. Alix Fournier. Stratonice est un opéra conçu évidemment avec des théories modernes exagérées, mais de là à dire que cette œuvre — première œuvre d'un tout jeune homme — ne renferme aucune qualité, il y a tout un monde. M. Alix Fournier a pu se tromper, mais il n'en est pas moins vrai qu'il connaît déjà son métier. Son orchestration est exquise quoique par moment touffue. Cet accompagnement de la romance, Amour, Amour, si bien soupirée par Mme Bosman, est aussi délicat que bien venu. N'y a-t-il pas encore quelques jolies phrases qui servent de thèmes et que M. Fournier développe avec une rare habileté. Il se peut, je le répète, que la musique de M. Fournier soit trop « de l'avenir » mais il est incontestable que la partition de Stratonice renferme, à côté d'erreurs inconscientes, de très belles pages. Tel est mon avis. L'interprétation est de premier ordre. Mme Bosman, MM. Vaguet et Dubulle, quel incomparable trio ! On ne pouvait souhaiter meilleurs interprètes pour une œuvre qui est certainement celle d'un homme d'avenir. (Gaston Lemaire, la Revue diplomatique, 17 décembre 1892)
La partition de Stratonice a été désignée à l'unanimité par le jury du dernier concours Crescent pour ce prix très envié, qui, comme on le sait, comporte, de par la volonté de son fondateur, dix représentations sur la scène d'un de nos théâtres subventionnés. Le jury a même, par une demande très flatteuse pour le jeune lauréat, exprimé le vœu que Stratonice fût représentée, non à l'Opéra-Comique où, d'ordinaire, les ouvrages couronnés dans le concours Crescent reçoivent l'hospitalité, mais à l'Académie nationale de musique. Le directeur de l'Opéra a accédé avec empressement à ce désir, et il a très galamment, très généreusement fait les choses : M. Bertrand aime les « jeunes », et il a saisi cette occasion de le prouver une fois de plus. M. Alix Fournier a eu la joie de voir confier l'interprétation de sa petite et remarquable partition à des artistes de tout premier ordre, d'entendre exécuter les parties symphoniques de son ouvrage par l'incomparable orchestre de notre grande scène lyrique et de voir encadrer la pièce dans une luxueuse mise en scène réglée par M. Lapissida, si expert en cet art délicat. Le décor de M. Carpezat est superbe, et les costumes, dessinés par M. Bianchini, sont admirables. Le livret de M. Louis Gallet est extrêmement bien fait, les vers en sont harmonieux et les situations très scéniques. Du reste, l'auteur exquis de tant de beaux poèmes est depuis longtemps passé maître dans l'art de condenser en quelques scènes les épisodes historiques ou légendaires qu'il croit dignes d'inspirer un compositeur. Le sujet de Stratonice est bien connu : c'est l'histoire de la maladie mystérieuse d'Antiochus Soter, qui, amoureux de la jeune femme de son père, le roi syrien Séleucus Nicator, va mourir de langueur, quand un médecin découvre la cause de son mal, en fait part au monarque désolé, et obtient de son amour paternel qu'il cède Stratonice au jeune désespéré... Bien entendu, avec un tact parfait, M. Gallet a fait de Stratonice non plus l'épouse du roi, mais sa fiancée, et rien n'est plus touchant que cette poétique histoire d'amour. La partition de M. Alix Fournier a été fort bien accueillie par le public : le tour moderne de son inspiration, la science d'instrumentation dont il a fait preuve, la grâce de quelques-unes de ses mélodies ont soulevé de vifs et sincères applaudissements. Mme Bosman a remporté un succès très éclatant dans le rôle de Stratonice. MM. Dubulle, Vaguet et Beyle ont également récolté de nombreux bravos. (Fernand Bourgeat, l’Univers illustré, 17 décembre 1892)
Le 12 septembre dernier Eugène-Alix Fournier s'est éteint à l'âge de 32 ans après une longue et douloureuse maladie. Compositeur d'un rare mérite, il avait obtenu en 1892 le premier second Grand Prix de Rome et la même année le Prix Crescent lui était décerné à l'unanimité. Stratonice, la partition couronnée, fut jugée tellement supérieure que le jury, qui comptait parmi ses membres Chabrier et Monsieur Théodore Dubois, exigea que cette œuvre fut représentée sur la scène de l'Académie Nationale de Musique, au lieu de l'Opéra-Comique, lieu ordinaire de ces sortes d'exécutions. Bien que sévèrement jugée par la Presse, Stratonice n'en eut pas moins quinze représentations. Première œuvre d'un tout jeune compositeur, Stratonice n'était point un ouvrage parfait, mais par ses qualités mélodiques et la hardiesse de ses harmonies, elle annonçait un musicien de tout premier ordre, ennemi de la banalité et cherchant avant tout le plus pur idéal artistique. C'est qu'Alix Fournier était avant tout un artiste dont toutes les facultés intellectuelles étaient dirigées vers le beau. Erudit, autant en littérature qu'en musique, il était armé pour faire honneur à la jeune école française et à son cher et regretté maître Leo Delibes. En dehors de Stratonice, Alix Fournier a composé un grand nombre de mélodies charmantes ; l'une d'entre elles, le Soir tombe, sur de délicieuses paroles de M. Emile Hinzelin, est un pur chef-d'œuvre du genre. Lesbos, idylle lyrique, véritable tour de force musical, est une des œuvres musicales les plus curieuses et les plus inspirées qui aient été produites en ces dernières années, malheureusement le nombre de ceux qui ont eu le bonheur d'entendre cette œuvre si intéressante est fort restreint. Enfin, Alix Fournier laisse complètement terminé et orchestré un drame en 3 actes, Carloman, dont le poème est de M. Gheusi et que M. Carvalho a l'intention de monter prochainement à l'Opéra-Comique. Alix Fournier n'était pas seulement un grand artiste, c'était encore le meilleur et le plus excellent des amis, un cœur dévoué et généreux. Il avait une réputation terrible, causée par ses jugements souvent fort durs concernant les musiciens et leurs œuvres, mais s'il jugeait sévèrement, c'était toujours pour condamner des tendances qu'il considérait comme contraires à l'art ; et si Alix Fournier n'obtint pas le premier Grand Prix de Rome, malgré une cantate bien supérieure au niveau habituel du concours, c'est qu'il avait eu la dent dure pour certains membres de l'Institut dont il avait jugé les œuvres avec trop de sévérité et de justice et qui ne lui avaient pas pardonné. Qu'il repose en paix ce cher et bon ami, il laisse dans le cœur de ceux qui l'ont connu un souvenir impérissable. L'art musical a perdu un grand artiste sur lequel on fondait grand espoir et ses amis pleurent un camarade dans le cœur duquel n'entra jamais une mauvaise pensée. (Charles A. Garnier, la Lorraine artiste, 26 septembre 1897)
C'est tout au moins une idée singulière, pour un jeune compositeur, de choisir pour sujet de sa première œuvre celui d'un des plus admirables chefs-d'œuvre qu'ait produits notre école musicale française. Si, par une incurie criminelle de la part de nos administrations théâtrales, le public n'est pas mis à même de connaître la Stratonice de Méhul, qui lui arracherait certainement des cris d'enthousiasme, les musiciens la connaissent, et cela eut dû suffire pour engager M. Alix Fournier à s'abstenir de toucher à un tel sujet. C'est pourtant celui-là qu'il avait adopté pour prendre part au concours Cressent, et qui lui a valu le prix de ce concours. Le public de l'Opéra, par son accueil, n'a pas paru ratifier ce jugement, et l'œuvre, conçue dans une forme antimusicale, n'a rencontré que l'indifférence des spectateurs. M. Alix Fournier avait obtenu le second grand prix de composition musicale à l'Institut, en 1891. (Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)
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