Michel EZANNO
Michel Ezanno à l'Opéra de Paris en 1912
Michel EZANNO
basse française
(Chantenay [auj. dans Nantes], Loire-Inférieure [auj. Loire-Atlantique], 11 avril 1879* – 96 rue Didot, Paris 14e, 12 juin 1948*)
Fils de Jean Michel EZANNO (1840 – av. 1902), garçon de magasin, et de Marie Caroline MONFORT (1852 – ap. 1902).
Epouse à Paris 14e le 23 décembre 1902* Jeanne Alexandrine Fernande LESŒUR (Nantes, 6e canton, Loire-Inférieure [auj. Loire-Atlantique], 28 mai 1884* – Paris 14e, 17 janvier 1962*), couturière, fille de Gustave LESŒUR (1854 – ap. 1902), menuisier, et de Marie Françoise COUËDIC (1860 – ap. 1902), ménagère.
Parents de Renée Marie Jeanne EZANNO (voir ci-dessous) (Paris 14e, 06 mars 1905* – Nice, Alpes-Maritimes, 26 novembre 1985), épouse 1. à Paris 14e le 23 avril 1929* André NAVEAU (Paris 11e, 02 juin 1904* – av. septembre 1930), architecte décorateur ; épouse 2. à Paris 14e le 18 septembre 1930* (divorce le 07 mars 1934) Robert Marius COUSIN (Blainville-Crevon, Seine-Inférieure [auj. Seine-Maritime], 27 février 1907 – La Celle-sur-Loup, Alpes-Maritimes, 08 février 1988), avocat à la Cour d’Appel de Paris, puis préfet à partir de 1941.
En 1902 et 1905, il était typographe. De 1909 à 1921, il chanta au Palais Garnier. Le 20 janvier 1913 il fut nommé officier d’académie. En 1923, il chanta la Damnation de Faust (Brander) à Rennes. Le 28 avril 1925, il créa au Théâtre de l’Ambigu à Paris l’opérette Nuit d’amour (Serge) de Valentinoff. D’octobre 1928 à mars 1929 il appartenait à la troupe du Théâtre municipal de Rennes (Guillaume Tell, Louise, la Juive, Faust, Parsifal, etc). De 1929 à 1931, à celle du Théâtre des Arts de Rouen, où il chanta dans Aïda, Tannhäuser, le Chemineau, la Juive, Patrie !, etc., et où il participa à la première en 1929 de Plus que reine (Lucien Bonaparte) de Marcel Bertrand. Le 08 décembre 1937, il créa au Théâtre municipal de Caen Charlotte Corday (le vieillard et le bourreau) de Léon Manière.
En 1902, il habitait 78 rue du Moulin-Vert à Paris 14e ; en 1905, 61-63 rue de Gergovie à Paris 14e ; en 1929, 7 rue Lecuirot à Paris 14e, où il était domicilié lors de son décès en 1948 à soixante-neuf ans.
Sa fille, Renée Ezanno, fut chanteuse à l’Opéra de Nice (1935), compositrice et pianiste, auteur de l’opérette Mon bel aventurier (1965), des mélodies Vieux bouquet (paroles de Louis Amade, 1948), la Dernière feuille.
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Il y débuta le 02 mai 1909 en créant Bacchus (un Moine) de Jules Massenet.
Il y créa également le 06 mai 1914 Scemo (2e Berger) d’Alfred Bachelet ; le 09 juin 1920 la Légende de saint Christophe (un Empereur) de Vincent d’Indy.
Il y participa à la première le 06 mai 1910 de Salomé (un Soldat) de Richard Strauss [version française de Marliave et Gailhard] ; le 09 juin 1911 de Sibérie (l’Inspecteur) d’Umberto Giordano [version française de Paul Milliet] ; le 08 janvier 1913 de Fervaal (Helwrig) de Vincent d’Indy ; le 12 septembre 1913 des Joyaux de la Madone (un Camorriste) d’Ermanno Wolf-Ferrari [version française de René Lara] ; le 04 janvier 1914 de Parsifal (un Chevalier) de Richard Wagner [version française d’Alfred Ernst] ; le 02 juillet 1919 de Salomé (2e Soldat) d'Antoine Mariotte ; le 10 juin 1921 des Troyens (Panthée) d’Hector Berlioz.
Il y chanta Roméo et Juliette (Grégorio, 1909) ; Faust (Wagner, 1910 ; 1400e le 26 mars 1922) ; Salammbô (le Grand-Prêtre d'Eschoum, 1910) ; Lohengrin (un Vassal, 1910) ; les Huguenots (un Moine, 1910 ; le Crieur, 1910) ; Rigoletto (Céprano, 1910 ; Monterone, 1910 ; un Officier, 1920) ; les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Schwarz, 1911) ; Thaïs (un Cénobite, 1911) ; Gwendoline (Aella, 1911) ; Tannhäuser (Bitteroff, 1911) ; le Cid (Alonzo, 1911) ; le Prophète (un Paysan, 1912) ; Salomé (un Soldat, 1912) ; Armide (un Officier, 1913) ; Samson et Dalila (Abimélech, 1913 ; un Philistin, 1919) ; Patrie ! (Rincon, 1919) ; Paillasse (un Paysan, 1920) ; Hamlet (Horatio, 1920) ; la Légende de saint Christophe (un Bourgeois, 1921). |
[En janvier 1929, Ezanno dans Parsifal (Gurnemanz) au Théâtre municipal de Rennes] M. Michel Ezanno déclame d’une voix bien posée et avec un sentiment très juste des nuances et du texte les longs monologues de Gurnemanz. On voit qu’il a profité, au cours des représentations de Parsifal, auxquelles il collabora plus modestement à l’Opéra, de l’admirable exemple de Delmas, puis de Marcel Journet, ces maîtres de la déclamation wagnérienne. Il fut très apprécié. (Paul Grégorio, Comœdia, 13 janvier 1929)
[En 1929, reprise de Patrie ! au Théâtre des Arts de Rouen] M. Ezanno n’est pas une basse noble ordinaire. Il ne se contente pas de « donner la note » en levant les bras vers le cintre. C’est un artiste qui chante avec infiniment de goût et qui joue ses personnages de façon très intéressante. Bien que chargé de figurer le peu sympathique duc d’Albe, il a su en faire un grand personnage, donner un relief énorme aux scènes pathétiques et capter l’attention par sa belle puissance vocale et de jolies nuances qui furent admirées dans l’air de la chambre. (Lyrica, 01 novembre 1929)
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Michel Ezanno
Dix minutes avec Michel Ezanno, basse profonde de l'Opéra.
Il y a des physionomies qui inspirent la sympathie. On ne sait souvent pas pourquoi. Mais, de tel personnage qu'on voit pour la première fois, on se trouve enclin à dire, avant même de lui avoir adressé la parole : « Voilà une figure de brave homme et d'homme aimable. » Lorsque j'aperçu M. Michel Ezanno pour la première fois, ce fut la réflexion qui me vint de suite à l'esprit. Et j’en ai pu reconnaître l'exactitude, après l'entretien qu'il m'avait réservé l'autre soir. Son visage est souriant. Ses yeux sont doux et expressifs. Sa voix est chaude, bien timbrée. Il parle avec calme et toutes ses attitudes sont celles d'un homme tranquille, sûr de lui et ayant suffisamment vécu pour connaître toutes les embûches de l'existence et ne plus s'en faire un monde. Ses cheveux déjà gris pourraient donner à penser que Michel Ezanno est vieux... Quelle erreur ce serait ! Il est jeune, jeune de caractère et jeune de volonté. On devine dans son regard, une volonté extraordinaire sur laquelle les évènement n'ont nulle emprise. D'ailleurs, il a derrière lui un passé qui répond de sa situation présente et de son avenir. Certains artistes se présentent « de l'Opéra »... et n'y ont guère séjourné. Quand Michel Ezanno dit qu'il est de l'Opéra, c'est parce qu'il y a chanté durant dix-sept ans. C’est une référence, n'est-ce pas ? Nous avons plaisir à nous rappeler l'excellente impression qu'il produisit pour ses débuts, au cours de cette première soirée de la saison, où l'on massacrait Hérodiade. Heureusement, il y avait Demarcy et Ezanno ! Depuis, notre basse noble a conquis les sympathies du public et nous nous en félicitons. — « C'est un bien mauvais temps », lui disais-je lundi soir, alors que la pluie faisait rage... — « Oh, me répondit-il, je suis Nantais... et je sais ce que c'est... » Car si on a pu appeler un jour — et on eut tort — Rouen, le Pot de Chambre de la Normandie, que pourrait-on dire de Nantes... quant à l'Ouest de la France ! Nantes est sans doute le pays des basses. Notre excellent ami Pierre Benoist est également Nantais. Il a fait ses études au même conservatoire qu'Ezanno. Un peu plus tard, car il est sensiblement plus jeune. Il n'empêche que le public rouennais conservera d'eux, lorsqu'ils nous auront quitté — souhaitons que ce soit le plus tard possible — le meilleur des souvenirs. Ezanno a débuté en 1905 à l'Opéra. Il était l'élève du créateur de Sigurd, Jourain, de la Monnaie de Bruxelles. Il ne cessa de tenir son rôle sur notre première scène lyrique de France jusqu'à la guerre. Puis, comme tant d'autres artistes, il partit se battre contre l'envahisseur. Jadis, on commençait par faire partie de l'armée active pour finir dans la territoriale. Ezanno, probablement pour se singulariser, se laissa mobiliser dans la territoriale et acheva la campagne dans un régiment actif... Quatre ans et demi de front, plusieurs fois cité, il a tenu le coup à Verdun pendant les plus rudes assauts... Mais la guerre lui a laissé des souvenirs qui ne sont pas seulement tragiques... Il raconte aussi d'agréables anecdotes. Certain jour, à l'arrière, le régiment auquel il appartenait devait recevoir un renfort de jeunes soldats. Le colonel fit appeler Ezanno et quelques autres militaires, artistes de profession ou amateurs. Il y avait notamment un pianiste, prix du Conservatoire, dont le talent était souvent mis à contribution. Le colonel fait organiser un concert. Et, au jour dit, devant les bleus enthousiasmés, le virtuose du clavier exécute une rapsodie de Liszt et une polonaise de Chopin... bien entendu. Après lui, Ezanno chante superbement les Deux Grenadiers de Schumann. Les poilus, enthousiasmés, applaudissent à tout rompre. Après le concert, le colonel fait comparaître les deux artistes, les félicite de leur succès, les remercie et entame la conversation. Il s'adresse d'abord au musicien : « C'est vraiment très bien, lui dit-il. Ah ! nos compositeurs ! quel talent ! quel art ! » — « Pardon, mon colonel, répond le pianiste. J'ai joué un morceau de Liszt, qui était un allemand, et un autre morceau de Chopin, qui était autrichien. » Le colonel lui dit : « Vous n'avez pas honte ! De la musique boche ! Prenez donc exemple sur votre camarade Ezanno qui nous a chanté une si belle chanson, au cours de laquelle nous avons entendu les accents de la Marseillaise... » Ezanno de répondre : — « Excusez‑moi, mon colonel, mais l'auteur des Deux Grenadiers, Schumann, était un boche tout ce qu'il y a de bon teint... » Evidemment, c'était là un colonel qui ne connaissait pas beaucoup la musique... Cela peut arriver même à des généraux. Cela n'empêche qu'Ezanno faillit y perdre ses galons de sous-officier, car son chef de corps ne comprenait pas qu'on put interpréter des œuvres étrangères pendant la durée des hostilités... De retour à l'Opéra, après la tourmente, Ezanno avait ramené du front des idées qui étaient celles de tous les anciens combattants. Il croyait que justice serait rendue à ceux qui avaient combattu pour le triomphe des idées de justice et de liberté. Roland Dorgelès, qui a écrit les plus belles pages sur la guerre, nous a aussi décrit, en termes qu'on ne peut oublier, les désillusions de ceux qui se figuraient que les hommes deviendraient meilleurs après avoir tant souffert... Ezanno connut l'injustice, l'ingratitude et l'égoïsme... Mais il en avait vu bien d'autres. Sa réputation d'artiste était intacte, son talent s'affirmait. Il quitta l'Opéra.... et recueillit d'éclatants succès d'abord à Nice, puis à Rennes où, l'an dernier il créait Parsifal. Enfin, chez nous, au Théâtre des Arts de Rouen, il s'apprête à fournir une belle saison. Et le public rouennais lui fait fête à chaque reprise.
(Rouen Gazette, 02 novembre 1929)
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