Ferdinand CŒUILTE

 

 

 

 

Laurent Ferdinand CŒUILTE dit Ferdinand CŒUILTE

 

ténor français

(Eu, Seine-Maritime, 08 décembre 1827* Bourges, Cher, 05 mai 1894*)

 

Fils de Pierre François CŒUILTE, badestamier, et de Félicité TOUROUL.

Frère de l'actrice Caroline CŒUILTE dite FERNEY ( naufrage en mer, 03 octobre 1866).

Epoux de Jenny LASSERRE (Bayonne, Pyrénées-Atlantiques, 22 avril 1850* Bourges, 14 rue Viala, 19 juin 1896*).

 

 

Au Conservatoire de Paris, il obtint en 1854 un second prix de chant, en 1855 un premier prix de chant (élève de Revial) et un second prix d’opéra (élève de Duvernoy), et en 1856 un premier prix d’opéra. En décembre 1856, il a été engagé par Léon Carvalho au Théâtre-Lyrique. Le 19 janvier 1860, il créa à la Monnaie de Bruxelles Phœdé (Luizzi) d’Oscar Stoumon. Il chanta à Rouen (1861), Gand (1862), Nantes (1863), Angers (1864), Toulon (1865), Strasbourg (1866-1868), Abbeville (1869), la Martinique (1870-1872), New York (1873-1875), Santiago (1876-1878), Bourges (1879), Santiago (1880-1887), Bourges (1888-1893). Sa sœur Caroline Ferney, actrice du théâtre des Folies-Nouvelles, fut engagée pour la Californie ; embarquée sur le fatal Evening Star, en 1866, elle périt en route ; ses deux petits enfants laissés en France furent recueillis par son frère. En 1888, Cœuilte, âgé de 60 ans, obtint une pension de 500 francs de la Société des artistes.

Il est décédé en 1894 à soixante-six ans, en son domicile, 14 rue Viala à Bourges.

 

 

 

Sa carrière au Théâtre-Lyrique

 

Il y débuta le 20 juin 1857 dans Si j'étais roi ! (Zéphoris).

 

Il y chanta Faust (Faust) le 05 mai 1864.

 

 

 

 

Découverte d’un ténor.

Notre bonne ville d'Eu accueillait dimanche dernier, de toutes ses sympathies, un ténor que, depuis dix-huit mois, on prépare pour l'Opéra : c'est un de ces enfants que, selon la romance de Mme Loïsa Puget, le ciel nous envoie, à nous autres provinciaux, et que vous nous prenez, gens de Paris. Cœuilte est le nom de ce chanteur ; il est né ici, d'une famille de mélomanes, dans laquelle tous, jeunes, vieux, filles, garçons, musiciens jusqu'à la moelle des os, apprennent à bégayer les notes avec les premières paroles.

Cependant Cœuilte était une exception : trop pauvre pour avoir les loisirs plus ou moins dorés qui permettent l'étude de l'art, il faisait ombre dans la famille par le négligé de son éducation musicale. En revanche, la nature l’avait doué d'une belle voix, dont il charmait les voisins et ses heures d'ouvrage en polissant et vernissant des meubles ; c'était là le métier de notre virtuose.

On dit qu'un de vos recruteurs parisiens flairant ce trésor, alla trouver l'ouvrier et le pria de filer un son. Cœuilte, qui n'avait jamais chanté ni pour or ni pour argent, mais à son caprice, fut interloqué de cette demande faite sérieusement. Le voilà donc troublé, vox faucibus hæsit ; il détonne.

« Retirons-nous à quelques pas, dit à voix basse le patron de l'ouvrier, je le connais : dès qu'il se croira seul, vous ne serez pas longtemps sans l'entendre. »

L'ébéniste, en effet, rendu à lui-même et à son ouvrage, ne tarda point à chanter de tous ses poumons, suivant sa coutume, et cela avec d'autant plus de bravoure et d'aise qu'il était ravi du départ de l'importun, et qu'il ne soupçonnait pas que, de près ou de loin, personne songeât à l'écouter. Le pauvre Cœuilte avait compté sans le chercheur d'ut de poitrine, et toutes ses protestations, toutes ses répugnances furent vaines, quand le patron et l'amateur, revenant à la charge, l'arrachèrent à son établi pour le conduire à l'école.

Cœuilte paraît être une de ces bonnes natures que ne peuvent distraire de leurs affections, même les impérieuses exigences de l'art. Chez lui, la légitime ambition du travailleur nocturne et diurne n'envahit que la tête. L'ouvrier nous est revenu artiste modeste, timide, ému ; il avait voulu offrir les prémices de son talent à sa ville natale. C'est bien pensé à lui, et la récompense ne s'est pas fait attendre.

Le théâtre était plein ; la foule ondulant au dehors témoignait, par de nombreuses éclaboussures, son enthousiasme aux curieux des fenêtres. La musique de la ville d'Eu, couronnée cette année au concours du département de la Somme, remplissait les intermèdes ; deux dames ont gracieusement consenti à tenir tour à tour le piano ; le plus civique des recueillements régnait dans tout l'auditoire.

L'artiste a commencé par Famille, doux trésor, de M. Paul Henrion, mais d'une voix que gênaient les pulsations du cœur ; rassuré par d'unanimes témoignages d'intérêt, il a dit la Pâque de la Juive, les Souvenirs d'enfance, les Adieux du martyr et le Chant du retour, de M. A. Guillot ; il a terminé par un fragment de Dom Sébastien. Tout a été couvert de bravos mérités, particulièrement les derniers morceaux abordés avec plus de fermeté. La voix de Cœuilte s'est alors produite dans sa fraîcheur et sa pureté qui sont vraiment remarquables. Quant à l'étendue des sons, le défaut de sonorité presque absolu de la salle et l'émotion de l'artiste, n'ont guère permis d'en bien juger. Quoi qu'il en soit, on n'espérait pas un tel résultat d'une année et demie d'études. Il y a eu presque de l'enthousiasme, chose extraordinaire ici, noyés que nous sommes dans un océan de neiges, et toujours asphyxiés par une atmosphère d'ennui.

Une partie de l'assistance a guetté pendant quelque temps la sortie de Cœuilte ; mais il a été assez prudent pour ne pas courir la chance d'être écrasé sous une nouvelle avalanche de couronnes. Cœuilte sera, avec Delahay et Poultier, le troisième chanteur que, de notre temps, la Normandie aura envoyé à l'Opéra.

Dussiez-vous croire que je laisse poindre dans cette lettre un peu d'amour-propre de pays, je suis sûr que les colonnes de votre Revue, si constamment fidèles à tout ce qui intéresse l'art, ne refuseront pas quelque encouragement au talent encore en germe, mais sérieux et laborieux, d'un artiste, dont la timidité nous a semblé ici le plus saillant défaut.

Eu, 8 mars.

Gustave Louïs.

(Revue des Beaux-Arts, 1853)

 

 

[concours du Conservatoire]

M. Cœuilte, ex-aspirant de marine, aujourd'hui aspirant-ténor, a rempli, presque à lui seul, le concours de grand opéra. Il a chanté trois ou quatre fois le quatrième acte de la Favorite, avec ou sans costume (l'uni que moyen qu'il ait trouvé, apparemment, de varier son chant), le troisième acte de la Reine de Chypre, un acte de Jérusalem, des scènes du Comte Ory, etc. Il a gagné à cela un premier prix et un enrouement : il fallait prévoir celui-ci ; mais qui diable se fût attendu à celui-là ? — Voix mixte assez agréable, voix de poitrine cotonneuse et sans vibration ; pas de sentiment qui vienne de l'âme et de passion qui soit le cri des entrailles ; pas de spontanéité et de ce je ne sais quoi de l'artiste, et, — je le crains pour M. Cœuilte, — pas de vocation.

(B. Jouvin, Figaro, 03 août 1856)

 

 

Le théâtre à Bruxelles.

Quant à nos premiers ténors légers, ils possèdent en deux volumes toutes les qualités que l'on peut désirer pour un premier rôle d'opéra-comique. Si M. Audran possédait la voix étendue de M. Cœuilte, quel charmant Fra Diavolo nous pourrions applaudir ! Mais si M. Cœuilte savait chanter et dire comme M. Audran, quel brillant don Henrique nous aurions à fêter ! O imperfection humaine !

(Deschamps, le Ménestrel, 30 octobre 1859)

 

 

 

 

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