Mme CHARTON-DEMEUR
Mme Charton-Demeur par E. Dubuffe, 1849 [galerie E. Turquin, Paris]
Anne Arsène CHARTON dite Mme CHARTON-DEMEUR
soprano français
(Saujon, Charente-Inférieure [auj. Charente-Maritime], 03 mars 1824* – Paris 17e, 30 novembre 1892*)
Fille de Jacques CHARTON (1797–), ferblantier, et de Marie DAVID.
Epouse à Bruxelles le 04 septembre 1847 Jules Alexandre DEMEUR (Hodimont-lez-Verviers, 23 septembre 1814 – 5 rue de Vienne, Paris 8e, 21 août 1882*), flûtiste belge.
Elève d'un professeur nommé Léon Bizot, elle débuta sur le Grand-Théâtre de Bordeaux, à peine âgée de seize ans, dans Lucie de Lammermoor, et joua ensuite Isabelle de Robert le Diable, Eudoxie de la Juive et Pauline des Martyrs. Sa belle voix de soprano, forte, souple et étendue, et son incontestable intelligence scénique la firent bien accueillir du public. L'année suivante elle était engagée à Toulouse comme chanteuse d'opéra-comique, et en 1846 elle faisait les beaux jours du théâtre de la Monnaie, de Bruxelles, où elle épousait un flûtiste belge distingué, M. Demeur. Après une courte apparition à l'Opéra-Comique en 1847-1848, Mme Charton-Demeur embrassa la carrière italienne, et se produisit avec des succès éclatants sur les scènes les plus importantes de l'étranger, à Saint-Pétersbourg, à Madrid, à New York, à Bade, à La Havane. En 1853, elle reparaissait pour un instant à l'Opéra-Comique, qu'elle quittait une seconde fois pour retourner à l'étranger. En 1862, elle débutait au Théâtre-Italien de Paris par le rôle de Desdemona dans Otello, et dans le 05 août de la même année allait créer à Bade celui de Béatrice dans un opéra de Berlioz, Béatrice et Bénédict. Berlioz en fut si satisfait que bientôt il avait de nouveau recours à son talent et la faisait engager au Théâtre-Lyrique pour établir le rôle de Didon dans son opéra les Troyens. Son énergie dramatique et passionnée, son grand sentiment poétique, l'éclat et la puissance de sa voix de soprano lui valurent un immense succès personnel. Peu de temps après elle faisait une nouvelle et courte apparition au Théâtre-Italien, puis repartait encore pour l'étranger. Puis, la mort de son mari lui fit abandonner la carrière.
En 1882, elle habitait 5 rue de Vienne à Paris 8e. Elle est décédée en 1892 à soixante-huit ans, en son domicile, 199 boulevard Malesherbes à Paris 17e. Elle est enterrée au cimetière de Passy (2e division).
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Elle y débuta le 01 juin 1847 dans Ne touchez pas à la reine (la Reine).
Elle y chanta le Domino noir (Angèle, juin 1847) ; Fra Diavolo (Zerline, décembre 1847) ; Haydée (Haydée, janvier 1848) ; le Caïd (1853) ; le Domino noir (1853). |
Sa carrière au Théâtre-Lyrique
Elle y débuta (place du Châtelet) en créant le 04 novembre 1863 les Troyens à Carthage (Didon) d'Hector Berlioz.
Elle y participa à la première le 08 mai 1866 de Don Juan (Donna Anna) de Mozart [version française]. |
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Elle n'y chanta qu'une fois (salle Le Peletier), le 22 mars 1870 pour le festival Berlioz, le Septuor des Troyens, et le duo de Béatrice et Bénédict avec Christine Nilsson, sous la direction d'Ernest Reyer. |
Mme Charton-Demeur par E. Desmaisons, 1859
Mme Charton-Demeur, vers 1875 [BNF]
Une belle et admirable femme qui est un soprano peu aigu, madame Charton est une chanteuse hybride. Son talent ne peut être classé parce qu'il n'est bien nulle part ; elle n'est ni chanteuse italienne, ni chanteuse d'Opéra, ni chanteuse d'Opéra-Comique ; elle a abordé tous les genres, jusqu'à la chanson espagnole. C'est elle qui créa les Troyens, de malheureuse mémoire, au Théâtre-Lyrique. Elle habite une délicieuse villa à Ville-d’Avray. (Yveling Rambaud et E. Coulon, les Théâtres en robe de chambre : Italiens, 1866)
Douée d'excellentes dispositions musicales, elle fut confiée de bonne heure par ses parents, alors établis à Bordeaux, aux soins d'un professeur nommé Bizot, et à peine âgée de seize ans elle débutait sur le grand théâtre de cette ville dans Lucie de Lammermoor, de Donizetti (mai 1843). Douée d'une belle voix de soprano, forte, souple et étendue, d'une intelligence scénique incontestable, la jeune artiste se vit accueillir avec faveur par le public, et se montra successivement dons plusieurs rôles importants, Isabelle de Robert le Diable, Eudoxie de la Juive, et Pauline des Martyrs, qui ne firent qu'affermir son succès. L'année suivante, Mlle Charton fut engagée à Toulouse pour y tenir l'emploi de première chanteuse d'opéra-comique, et en 1846 elle faisait les beaux jours du théâtre de la Monnaie de Bruxelles. C'est en cette ville qu'elle épousa, le 4 septembre de l'année suivante, M. Demeur, flûtiste belge distingué, et depuis cette époque elle est connue au théâtre sous le nom de Mme Charton-Demeur. En 1847, la jeune cantatrice fit une première et courte apparition à l'Opéra-Comique, où les hasards du répertoire ne la favorisèrent pas comme elle le méritait. Elle prit alors le parti d'adopter la arrière italienne, et se produisît avec les succès les plus éclatants sur les plus importantes scènes de l'étranger, à Saint-Pétersbourg, à Madrid, à New York, à Bade, à La Havane. En 1853, elle rentrait pour un instant à l’Opéra-Comique, s'y montrait dans le Caïd, le Domino noir et quelques autres ouvrages, mais le quittait bientôt une seconde fois pour retourner à l'étranger. En 1862, Mme Charton-Demeur débutait sur le Théâtre-Italien de Paris par le rôle de Desdemona d'Otello, et méritait les éloges les plus flatteurs du public et de la critique. Dans le courant de la même année, elle créait, sur le théâtre que dirigeait alors à Bade M. Bénazet, le rôle de Béatrice dans l'opéra de Berlioz : Béatrice et Bénédict, et Berlioz était si charmé du talent qu'elle y avait déployé que bientôt il l’appelait à son aide pour venir établir celui de Didon dans l'œuvre magnifique et malheureuse qu'il donnait au Théâtre-Lyrique : les Troyens. La beauté sculpturale et noble de la grande artiste, son énergie dramatique et passionnée, son grand sentiment poétique, l'éclat et la puissance d'une voix dont elle était absolument maîtresse et qu'elle savait diriger avec le goût le plus sûr, convenaient merveilleusement au personnage qu'elle était chargée de représenter, et si, pour des raisons particulières, les Troyens ne réussirent pas à la scène, la cantatrice ne s'y montra pas moins admirable et pleine d'un enthousiasme qu'elle puisait dans son admiration pour l’œuvre et pour l'auteur. Peu de temps après, Mme Charton-Demeur reparaissait sur notre Théâtre-Italien, mais bientôt elle s’éloignait de nouveau de Paris pour aller retrouver ses succès sur les scènes étrangères. Depuis lors elle n'a plus reparu en France. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, suppl. d’Arthur Pougin, 1878-1880)
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Mme Charton-Demeur lors de la création des Troyens (Didon), caricature (le Journal amusant, 1863)