Joseph CAILLOT
Joseph Caillot par Guillaume Voiriot, gravure de Simon-Charles Miger (1770)
Joseph CAILLOT
baryton et acteur français
(rue Saint-Honoré, Paris, 24 janvier 1733* – Paris ancien 10e, 30 septembre 1816*)
Fils de Pierre CAILLOT, orfèvre, et de Catherine FIET.
Epouse le 16 août 1779 Marie Augustine SAŸDE (1758 – av. 1816), fille de Marc SAŸDE (– 1795), opticien du roi, et de Marie-Claude LEMOYNE.
Père d’Augustine Catherine CAILLOT (1780 – ap. 1853) [épouse à Paris ancien 10e le 18 mars 1822 Pierre Simon GODAR (1790 – ap. 1840), capitaine au 9e régiment d’infanterie de ligne] ; et d’Armand Charles CAILLOT (1788 – 1812), capitaine au 12e régiment d’infanterie de ligne.
Il fut un des meilleurs artistes de la Comédie-Italienne. Laharpe a fait de lui les plus grands éloges ; Grimm assurait que son talent était plus flexible et plus rare que celui de Lekain ; le grand tragédien anglais Garrick le tenait en très haute estime, et Grétry, dont il fut longtemps l'un des meilleurs interprètes, ne tarit pas de louanges à son égard dans ses Mémoires. Et il faut constater que Caillot, doué d'une belle voix qui tenait à la fois du ténor et du baryton, était aussi remarquable dans le genre patriotique que dans les rôles comiques et même bouffons. Il débuta à la Comédie-Italienne le 26 juillet 1760 dans Ninette à la cour (Colas). Il y créa un grand nombre de rôles ; entre autres, dans Rose et Colas, le Sorcier, le Huron, le Déserteur, Lucile, le Roi et le Fermier. Atteint fréquemment d'un enrouement, il quitta le théâtre en 1772 et devint plus tard capitaine des chasses du comte d'Artois et, en 1800, la quatrième classe de l'Institut le nomma membre correspondant.
Il est décédé en 1816 à quatre-vingt-trois ans.
Sa carrière à l'Opéra-Comique
Il avait débuté le 26 juillet 1760 à la Comédie-Italienne ; le 01 février 1762, l’Opéra-Comique et la Comédie-Italienne fusionnèrent sous le nom de Comédie-Italienne.
Il y créa le 22 novembre 1762 le Roi et le Fermier (Richard) de Pierre Alexandre Monsigny ; le 02 janvier 1764 le Sorcier (le Sorcier) de Philidor ; le 08 mars 1764 Rose et Colas (Mathurin) de Pierre Alexandre Monsigny ; le 27 février 1765 Tom Jones (Monsieur Western) de Philidor ; le 20 août 1768 le Huron (le Huron) d’André Grétry ; le 05 janvier 1769 Lucile (Blaise) d’André Grétry ; le 06 mars 1769 le Déserteur (Alexis) de Pierre Alexandre Monsigny ; le 19 février 1770 Sylvain (Sylvain) d’André Grétry. |
Joseph Caillot dans Tom Jones (Monsieur Western) [musée Carnavalet]
Fils d'un orfèvre qui fut arrêté pour dettes, il trouva un asile chez des porteurs d'eau. Son père, sorti de prison, ayant obtenu une place subalterne dans la maison du roi, Caillot le suivit dans la campagne de Flandre, et plut à tous les généraux par sa gentillesse et sa jolie figure. Louis XV, à qui le duc de Villeroy l'avait présenté, lui demanda son nom : Sire, répondit l'enfant, je suis le protecteur du duc de Villeroy ; il voulait dire le contraire. Le roi rit de cette naïveté, et attacha le petit Caillot au spectacle dit des petits appartements, pour jouer les jeunes pâtres et les amours. Lorsque Louis XV distribuait lui-même les rôles, il disait : En voilà un pour le petit protecteur. La voix de Caillot ayant mué, il perdit sa place et fut réduit, par l'inconduite de son père, à s'engager comme musicien au théâtre de la Rochelle, où il remonta bientôt sur la scène pour remplacer un acteur malade. Après avoir joué l'opéra-comique à Bourges, à Lyon et au théâtre de l'infant duc de Parme, il fut rappelé à Paris. Il y débuta, le 26 juillet 1760, à la Comédie-Italienne, et fut si bien accueilli, surtout dans le rôle de Colas de Ninette à la cour, qu'on l'admit sociétaire dès la même année. Une taille avantageuse, une figure expressive, un débit simple et gracieux, un jeu plein de naturel, de sentiment et de gaieté, une voix de basse-taille ronde et pleine, mais si étendue et si flexible, qu'il chantait la haute-contre ou le ténor comme si c'eut été sa voix naturelle, telles furent les qualités qui concilièrent à Caillot la constante et juste bienveillance du public. Dès qu'il paraissait, ses manières franches, sa physionomie ouverte, intéressaient les spectateurs avant même qu'il eût parlé, et son jeu achevait bientôt l’entrainement. « Caillot, dit le baron de Grimm, était sublime sans efforts, et son talent, qu'il gouvernait à son gré, était, sans qu'il s'en doutât, plus rare peut-être que celui de Lekain ; il le croyait fait pour chanter avec agrément, pour jouer avec une mine bien réjouie ; mais il ne se croyait point pathétique. Garrick devina son talent et lui apprit qu'il serait acteur quand il voudrait. » Caillot réalisa les prédictions du Roscius anglais, et ses succès furent aussi étonnants que rapides dans plusieurs rôles où il déploya une profonde sensibilité. Il créa ceux du Sorcier, de Mathurin dans Rose et Colas, du Déserteur, du Huron, du Sylvain ; de Western dans Tom Jones ; mais il était inimitable, et il n'a jamais été remplacé dans les rôles de Lubin (Annette et Lubin), de Blaise dans Lucile, et de Richard dans le Roi et le Fermier. « Pour se faire une idée de la perfection où l'art du comédien peut atteindre, dit encore Grimm, il fallait voir Caillot dans ce dernier rôle. On remarquait dans tout son maintien l'homme qui avait reçu de l’éducation : à travers ses brusqueries et sa mauvaise humeur contre les gardes-chasse, perçait la douceur naturelle du personnage. Avec quelle mesure il reprenait sa mère un peu ridicule ! comme il souffrait de son bavardage ! avec quelle finesse il cherchait à la dérouter et affectait de la gaieté pour ne pas la choquer ! » Narbonne, un des successeurs de Caillot, fit voir l'énorme distance qui le séparait de lui, dans ce rôle qu'il joua d'une manière grossière et brutale. Non moins distingué par ses qualités morales que par son esprit, ses connaissances et son goût sûr dans le jugement des ouvrages dramatiques, Caillot attachait un grand prix à l'opinion publique. Il poussa la délicatesse jusqu'à refuser le rôle de Cliton que Marmontel lui avait réservé dans l'Ami de la maison. « Ce caractère ressemble trop, dit-il à celui qu'on nous attribue ; si je jouais ce rôle comme je le sens, aucune mère ne voudrait me laisser auprès de sa fille. Je jouerais plutôt Tartufe ; ce personnage est plus loin de nous, et l'on ne craint pas dans le monde que nous soyions des tartufes. » A mesure que le jeu de Caillot s'était perfectionné, sa voix était devenue capricieuse et sujette à des enrouements subits, mais passagers, occasionnés souvent par sa passion pour la chasse. Cet accident, joint à une mémoire naturellement ingrate, et la crainte que ces torts involontaires, en le privant de l'affection du public, ne le fissent survivre à sa réputation, lui donnèrent le désir de se retirer, quoiqu'il fût encore dans la force de l’âge et du talent. Des tracasseries de coulisses le dégoûtèrent enfin d'un art dont il faisait ses délices, et non un métier. En septembre 1772, il quitta le théâtre avec une pension de 1.000 francs, mais continua d'y jouer sans rétribution pendant six semaines, pour suppléer à l'absence de plusieurs acteurs malades. Il avait offert de paraître sur la scène quelquefois l'hiver, même dans les rôles nouveaux que les auteurs voudraient bien lui confier : on rejeta cette proposition désintéressée. Il joua encore le Déserteur, en juin 1773, devant le dauphin et la dauphine, avec autant de talent que de succès ; mais on trouva sa voix très affaiblie. Dès le mois de mars 1765, il avait reparu au théâtre de la cour avec le fameux Jélyotte. Louis XV, qui se souvenait toujours avec plaisir du petit protecteur, le prit en amitié, goûta son esprit, et de nouveau l'admit aux spectacles des petits appartements. Il y joua, en 1776, dans la Matinée des boulevards, de Favart, continua d'y être attaché quelque années en qualité de répétiteur, et retourna vivre avec sa mère et une de ses trois sœurs qui exerçait le commerce de la bijouterie. Il se retira ensuite à Saint-Germain-en-Laye, où il possédait au bas de la terrasse une petite maison que lui avait donnée le comte d'Artois, dont il était capitaine des chasses. Il y vivait dans une heureuse médiocrité, lorsque la révolution lui enleva ses pensions et le fruit de ses économies. Il supporta ces revers en philosophe, vendit sa maison, et continua de résider à Saint-Germain où il avait ouvert un cours de musique et de déclamation. Il y faisait les agréments des meilleures sociétés par sa gaieté, sa bonhomie et son talent de mime. On l'a vu, dans une extrême vieillesse, jouer des scènes muettes avec la plus rare perfection (1). En 1800 l'Institut de France l'admit au nombre de ses correspondants pour la classe des beaux-arts. En 1810, les acteurs du théâtre Feydeau lui décernèrent une pension de 1.200 francs. En 1814, le roi lui en accorda une de 1.000 francs. La mort de deux de ses sœurs l'avait rendu copropriétaire d'une maison sur le quai Conti à Paris. Mais il ne jouit pas longtemps de cette aisance. Sa femme était morte depuis longtemps à Saint-Germain, soit de consomption, soit du poison qu'elle avait pris afin de ne pas succomber, dit-on, à une passion malheureuse. Caillot en avait eu deux enfants ; son fils, major d'un régiment, périt dans l'expédition de Russie en 1812, à 28 ans. La douleur de cette perte causa au vieillard une attaque de paralysie qui l'obligea de revenir à Paris avec sa fille ; une seconde attaque l'emporta le 30 septembre 1816, à l'âge de 84 ans. Sa fille, qui lui survécut, est morte en état de démence. La conduite de Caillot prouve que c'est à tort que des envieux l'ont accusé d'aimer l'argent et d'avoir mis des conditions à sa retraite, comme la promesse d'un intérêt dans les poudres. On rapporte de lui un mot assez piquant. Il avait été lié avec J.-J. Rousseau, qui mieux que personne appréciait un talent si naturel. Celui-ci, lui voyant un couteau de chasse richement monté, s’étonnait qu'il eût fait une pareille dépense. « Je ne l'ai point acheté, dit Caillot, je l’ai accepté du prince de Conti. — Vous acceptez donc les cadeaux des princes, vous que je croyais philosophe ! je n'en accepte pas, moi. — C’est que vous êtes un philosophe qui refuse, et moi un philosophe qui accepte (2). » Il existe une lettre autographe de Caillot, écrite deux ans avant sa mort, et possédée par l'auteur de cette notice : elle offre un témoignage irrécusable de sa bienfaisance, de son humanité et de l'ardeur qu'il mettait encore à rendre service. On a toujours cru que Nainville, qui débuta en 1765 à la Comédie-Italienne, qu'il quitta en 1777, était fils naturel de Caillot, dont il avait pris l'emploi, et avec lequel il avait des rapports frappants pour la voix, la figure et même le talent. (1) Caillot, octogénaire, aimait encore à raconter que Grétry, arrivé à Paris depuis plus de deux années, sollicitait en vain la représentation de son premier opéra français, le Huron, paroles de Marmontel. Il avait mis Caillot dans ses intérêts en lui communiquant quelques airs de sa partition ; mais celui-ci ne pontait vaincre la résistance insoucieuse de ses camarades associés. Un jour enfin il traita à dîner les plus influents ; Grétry était du nombre des convives, et quand on fut au dessert, Caillot se mit à entonner un des plus beaux airs du Huron. Arrivé à cet endroit de son récit, il chantait d'une voix encore belle et sonore : En Huronie, et qu’y fait-on ? Y parle-t-on le bas breton ? Et non, non, non, etc. Puis, reprenant sa narration, mes camarades, disait-il, étonnés et charmés, demandent de qui est ce chant ravissant. Eh ! voilà, m'écriai-je, montrant Grétry, voilà l’homme que vous repoussez depuis deux ans !... La pièce fut reçue, montée sur-le-champ, et obtint un immense succès, qui, depuis 1769, n'est pas encore oublié. Mais à quoi tient la destinée des poètes et des artistes ! Grétry, découragé, était près de renoncer à la carrière dramatique qui a fait sa gloire et nos plaisirs. (2) Caillot allait voir souvent J.-J. Rousseau à l'Ermitage, et lui portait des produits de sa chasse. Les premières perdrix furent assez bien reçues, les secondes froidement, et les troisièmes positivement refusées. Lorsque Caillot s'en alla, Thérèse Levasseur courut après lui : « Quand vous apporterez du gibier, dit-elle, faites en sorte que M. Rousseau n'en sache rien ; donnez-le-moi secrètement. » Et ce fut ainsi convenu. Un jour que Caillot dînait à l'Ermitage, il regarda le petit couteau de Jean-Jacques, et le trouva joli. Jean-Jacques ne dit rien ; mais, au sortir de table, il prit le petit couteau, et s'avançant vers son hôte avec un embarras visible : « Vous le trouvez donc joli ? — Oui, sans doute. — Voulez-vous me faire le plaisir de l'accepter ? — Oh ! je m'en garderai bien. — Pourquoi ? — Vous refusez de recevoir mes perdrix qui sont le produit de ma chasse et ne me coûtent rien ! — Mon ami ! eh bien ! j’accepterai... encore une fois... prenez mon couteau. » Et il pleurait. « A la bonne heure », a dit Caillot ; il reçut le présent des mains du philosophe, et se souvint, dans la suite, de l’avis de Thérèse. (Biographie universelle ancienne et moderne, 1843)
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Il n'était âgé que de cinq ans lorsque son père, qui était orfèvre, fut obligé de déclarer sa faillite, et fut arrêté pour dettes ; les créanciers firent vendre tout ce qui était dans la maison, la boutique fut fermée et le petit Caillot se trouva dans la rue. Des porteurs d'eau touchés de sa misère, le recueillirent et en prirent soin comme de leur enfant. Son père, ayant enfin recouvré sa liberté, obtint un emploi subalterne dans la maison du roi ; il suivit Louis XV dans la campagne de Flandre, et il emmena avec lui l'élève des porteurs d'eau, dont la vivacité spirituelle et les manières gracieuses excitèrent l'intérêt des grands seigneurs de l'armée. Le duc de Villeroi prit de l’amitié pour lui et le présenta au roi, qui lui demanda comment il s'appelait : Sire, je suis protecteur du duc de Villeroi, répondit Caillot, qui voulait dire le contraire. Louis XV rit de cette méprise, et, à la prière de Villeroi, il attacha son protecteur aux spectacles des petits appartements pour y jouer les amours. Il avait une jolie voix ; on lui donna un maître de musique sous lequel il fit de rapides progrès. Après que sa voix eut changé de caractère par suite de la mue, il fut obligé de quitter la cour, à cause de la mauvaise conduite de son père, et de s'engager au théâtre de la Rochelle comme musicien d'orchestre. La maladie d'un acteur lui fournit l'occasion de remonter sur la scène, où il ne tarda pas à se faire remarquer. Après avoir joué avec succès la comédie à Lyon et dans plusieurs autres villes de province, il fut attaché pendant plusieurs années au spectacle de l'infant, duc de Parme ; enfin on l'appela à Paris, et il débuta, le 26 juillet 1760, à la Comédie-Italienne, par le rôle de Colas dans Ninette à la Cour. Sa belle voix, qui réunissait les registres de baryton et de ténor, la finesse de sa diction, l'expression de sa physionomie et de ses gestes, tous ces avantages, dis-je, lui procurèrent un triomphe complet, et, dans la même année, il fut reçu au nombre des comédiens sociétaires. Dès qu'il paraissait sur la scène, son extérieur prévenait le public en sa faveur, et son jeu, dit La Harpe, achevait l'entraînement. Grimm assure que le talent de Caillot était plus flexible et plus rare que celui de Lekain ; mais il semblait ignorer son mérite, et ce fut Garrick qui, pendant son séjour en France, lui apprit qu'il serait pathétique quand il voudrait l’être. Il était, en effet, doué d'une profonde sensibilité, et ce qui se passait dans son âme, il savait le communiquer à son organe, de là vient qu'il n'obtint pas moins de succès dans le genre pathétique que dans le bouffe. Il s'identifiait avec les rôles qu’il jouait, se mettait à la place de l'auteur, et faisait toujours plus que celui-ci n'espérait. Il ne faut pas s'y tromper : Caillot, malgré la beauté de sa voix, était plus acteur que chanteur ; c'est ainsi qu’il fallait être pour plaire au public de son temps. Donner au chant le caractère de vérité de la parole, était le but des efforts de tous les comédiens de l'Opéra-Comique ; et, lorsqu'on y parvenait, il semblait qu'il ne restât plus rien à faire. Grétry, parlant dans ses Essais sur la musique de la première répétition de son opéra le Huron, dit : « Lorsque Cailleau (1) chanta l'air : Dans quel canton est l’Huronie ? et qu'il dit : Messieurs, Messieurs, en Huronie... Les musiciens cessèrent de jouer pour lui demander ce qu'il voulait. — Je chante mon rôle, leur dit-il. — On rit de la méprise et l'on recommença le morceau. » Cette vérité de déclamation musicale était alors considérée comme le comble de l'art. Les rôles les plus brillants de Caillot étaient ceux du Sorcier, du Mathurin dans Rose et Colas, du Déserteur, du Huron, de Sylvain, de Blaise dans Lucile, et de Richard dans le Roi et le Fermier. Un enrouement fréquent, et qui se déclarait d'une manière subite, vint contrarier cet artiste au moment où son talent d'acteur atteignait à la plus grande perfection ; il craignit que cet accident ne lui fit perdre la faveur du public, et il se retira en 1772, ayant à peine atteint l'âge de quarante ans. Il quitta le théâtre au mois de septembre, avec une pension de 1.000 francs, et ne parut plus qu'aux spectacles de la cour jusqu'en 1776, époque où il cessa tout à fait de jouer la comédie, ne conservant que l'emploi de répétiteur. Il retourna vivre avec sa mère et ses trois sœurs, qui avaient repris le commerce de la bijouterie. Plus tard il se retira à Saint-Germain-en-Laye, dans une petite maison que lui avait donnée le comte d'Artois, dont il était le capitaine des chasses. La quatrième classe de l'Institut l'admit en 1800 au nombre de ses correspondants. En 1810, les acteurs de l'Opéra-Comique informés que Caillot n'était pas heureux, lui assurèrent une pension de 1.200 francs. Quatre ans plus tard, Louis XVIII y joignit une autre pension de 1.000 francs sur sa cassette. La mort de deux de ses sœurs lui avait donné la copropriété d'une maison située sur le quai de Conti ; mais il ne jouit pas longtemps de l’aisance qu'il venait d'acquérir. Après la mort déjà ancienne de sa femme, il lui était resté deux enfants ; son fils, major de cavalerie, périt en 1812, dans la campagne de Moscou ; la douleur que Caillot en ressentit lui causa dans la même année une attaque de paralysie qui le força de revenir à Paris avec sa fille : il sembla d'abord avoir recouvré la santé, mais une seconde atteinte mit fin à ses jours le 30 septembre 1816. Il était dans sa quatre-vingt-quatrième année. Sa fille, qui lui a survécu, est tombée en démence. (1) Grétry a écrit partout dans son livre Cailleau pour Caillot ; il était dans l'erreur sur l'orthographe du nom de cet acteur : c'est Caillot qu’il faut écrire, car c'est ainsi qu'on trouve ce nom dans les registres de l’ancienne Comédie italienne. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866-1868)
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Il n'était âgé que de cinq ans quand son père, orfèvre de son métier, tomba en faillite et fut mis en prison pour dettes. Les créanciers vendirent tout ce qui était dans la maison, et l'enfant fut mis sur le pavé. Des porteurs d'eau recueillirent Caillot et lui donnèrent du pain. Son père, ayant été rendu à la liberté, obtint un infime emploi dans la maison du roi, suivit Louis XV dans la campagne de Flandre, et emmena avec lui le petit Joseph, dont les manières gracieuses et la vivacité d'esprit furent fêtées par tous les grands seigneurs de l'armée. Le maréchal de Villeroi, qui l'avait pris lui-même en amitié, voulut un jour le présenter à Louis XV, qui demanda à l'enfant comment il s'appelait : « Sire, répondit celui-ci, je suis le protecteur de monseigneur de Villeroi. » Louis XV rit beaucoup de cette méprise, et il attacha le jeune Caillot au spectacle des petits appartements pour y remplir le rôle de l'Amour. Caillot avait une jolie voix ; on lui donna un maître de chant qui eut bientôt épuisé sa science avec un élève si avide d'apprendre et si heureusement doué. A l'époque de la mue de sa voix, Caillot quitta la cour et parcourut quelque temps la province. Enfin, sa réputation étant parvenue à Paris, Caillot y fut appelé et débuta à la Comédie-Italienne en 1760, par le rôle de Colas dans Ninette à la cour. L'étendue de sa voix, qui réunissait les deux registres du baryton et du ténor (avantage que posséda plus tard le fameux Martin, dont le nom qualifia les rôles écrits pour ces voix exceptionnelles), sa diction soignée, sa physionomie expressive, l'éloquence de ses gestes, lui procurèrent un véritable triomphe, et il fut presque immédiatement reçu sociétaire à ce théâtre. Le talent mimique de Caillot, au dire de Grimm et de La Harpe, était plus flexible et plus varié que celui de Lekain lui-même ; mais Caillot semblait ignorer toute l'étendue de son mérite ; il ne se considérait que comme acteur comique, et ce fut Garrick qui, pendant son séjour en France, lui apprit qu'il posséderait la corde pathétique quand il le voudrait. En effet, dans certains rôles, Caillot, avec une sobriété de moyens digne des plus grands éloges, entraînait le spectateur jusqu'aux dernières limites de l'émotion. Les rôles les plus brillants de Caillot furent ceux du Sorcier, de Mathurin dans Rose et Colas, d'Alexis dans le Déserteur, du Huron, de Sylvain, de Blaise dans Lucile, et de Richard dans le Roi et le fermier. Un enrouement, qui vint à l'improviste le saisir sur la scène, détermina Caillot, dans toute la maturité de son talent, à se retirer du théâtre, bien qu'il eût à peine quarante ans. En l'an IV, il partagea, avec La Chabeaussière, Mazade, etc., l'administration de l'Opéra, devenu le théâtre de la République et des arts. Il fut admis, en 1800, au nombre des correspondants de la quatrième classe de l'Institut. En 1810, les acteurs de l'Opéra-Comique, informés de l'existence précaire de Caillot, lui assurèrent une pension de 1.200 francs, à laquelle vint se joindre une autre rente de 1.000 francs, que le roi Louis XVIII lui donna sur sa cassette particulière. Caillot succomba, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, à une attaque de paralysie, laissant le souvenir d'un des plus parfaits acteurs qui aient paru sur la scène française. (Pierre Larousse, Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle, 1866-1876)
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