Albert ALVAREZ
Albert Alvarez dans Sigurd (Sigurd)
Albert Raymond GOURRON dit Albert ALVAREZ
ténor français
(20 rue Calvimont, Cenon-Labastide [auj. Cenon], Gironde, 16 mai 1861* – Paris 15e, 27 janvier 1933*)
Fils de Jean Gustave GOURRON (Bordeaux, Gironde, 06 décembre 1831 – av. 1910), charcutier puis contrôleur de boucherie [fils de Raymond GOURRON (Jugazan, Gironde, 22 septembre 1788 – Sainte-Terre, Gironde, 16 août 1865)], et de Marie Eulalie AMOUROUX (Cenon-Labastide, 25 juillet 1843 – ap. 1910), mariés à Cenon-Labastide le 08 mai 1860.
Epouse 1. à Marseille, Bouches-du-Rhône, le 22 avril 1891* Marie Thérèse Emilie Magdeleine FERCHAT (Digne, Alpes-de-Haute-Provence, 10 novembre 1873* – Paris 17e, 25 mars 1894*).
Epouse 2. à Paris 3e le 17 janvier 1910* Hélène BENJAMIN (Paris 3e, 12 septembre 1883* – ap. 1935) [remariée à Paris 17e le 24 juillet 1935* avec Jules Henri LALOU (Lille, Nord, 22 janvier 1873* –)].
Père d'Yvonne Madeleine Victorine Jeanne GOURRON [1] (Paris 17e, 26 juillet 1892* – Angicourt, Oise, 10 novembre 1981) [épouse à Paris 17e le 29 juin 1918* Paul Jean Marie MILLET (Paris 7e, 06 janvier 1893* – Paris 15e, 19 novembre 1969*)].
Il fut d'abord musicien militaire, et tenait l'emploi de cornet au café-concert de la Pépinière, lorsqu'on l'engagea à tirer parti de sa superbe voix de ténor. Il travailla dans ce but et, après s'être produit à Lyon d'abord, à Marseille ensuite, il fut engagé à l'Opéra, où il débuta avec un immense succès dans Faust le 14 mars 1892. Sa voix claire et puissante et ses heureuses qualités de comédien lui valurent la faveur du public, et Alvarez prit possession successivement de tous les rôles du répertoire, jouant tour à tour : Roméo et Juliette, Lohengrin, Samson et Dalila, la Walkyrie, Tannhäuser, Aïda, Rigoletto, la Favorite, Sigurd, les Huguenots, Patrie !, le Cid, le Prophète, etc. En même temps, il en créait de nombreux dans : Thaïs, la Montagne noire, Frédégonde, Hellé, Messidor, les Maîtres chanteurs de Nuremberg, Astarté, les Barbares. Entre temps, Alvarez se produisait à Londres, au théâtre Covent-Garden, dans le répertoire italien. Un différend, qui s'éleva entre lui et l'administration de l'Opéra, lui fit quitter ce théâtre et accepter un engagement pour l'Amérique, où il fut accueilli avec enthousiasme. De retour en France, il donna une série de représentations à l'Opéra-Comique, où il joua Carmen (Don José) et Manon (Des Grieux), puis enfin il rentra à l'Opéra. Ses dernières apparitions parisiennes eurent lieu à la Gaîté-Lyrique en 1910 dans le Prophète (Jean) et Martha (Lionel).
En 1891, il habitait 79 cours Pierre Puget à Marseille (Bouches-du-Rhône) ; en 1895, 38 rue de la Muette à Maisons-Laffitte (Yvelines). En 1902, il se fit construire un hôtel particulier de style néo-gothique par l'architecte Albert Sélonier au 23 ter boulevard Berthier à Paris 17e [à côté de celui d'Yvette Guilbert au 23 bis, qui a été détruit en 1950]. En 1913, il possédait également la Villa de Saint-Arnaud à Arcachon (Gironde). Il est décédé en 1933 à soixante-et-onze ans, en son domicile, 147 avenue de Suffren à Paris 15e. Il a été enterré le 30 janvier 1933 au cimetière de Montmartre, puis exhumé et enterré le 04 juillet 1934 au cimetière des Batignolles (30e division).
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Il y débuta dans Faust (Faust) le 14 mars 1892.
Il y chanta Roméo et Juliette (Roméo, 1892) ; Lohengrin (Lohengrin, 1892) ; Samson et Dalila (Samson, 1893) ; la Walkyrie (Siegmund, 1893) ; Tannhäuser (Tannhäuser, 21 août 1895) ; Aïda (Radamès, 1895) ; la Favorite (Fernand, 1896) ; Sigurd (Sigurd, 1896) ; les Huguenots (Raoul, 1897) ; le Prophète (Jean, 1898) ; Patrie ! (Kerloo, 1900) ; le Cid (Rodrigue, 1900) ; Othello (Othello, 1903) ; le Trouvère (Manrique, 1904) ; Paillasse (Canio, 1906) ; Salammbô (Mathô, 1906).
Il y participa à la première le 10 novembre 1897 des Maîtres chanteurs de Nuremberg (Walther) de Richard Wagner [version française d'Alfred Ernst] ; le 11 décembre 1904 de Tristan et Isolde (Tristan) de Richard Wagner [version française d'Alfred Ernst].
Il y créa le 16 mars 1894 Thaïs (Nicias) de Jules Massenet ; le 08 février 1895 la Montagne noire (Mirko) d'Augusta Holmès ; le 18 décembre 1895 Frédégonde (Mérowig) d'Ernest Guiraud et Camille Saint-Saëns ; le 24 avril 1896 Hellé (Jean) d'Alphonse Duvernoy ; le 19 février 1897 Messidor (Guillaume) d'Alfred Bruneau ; le 23 décembre 1898 la Burgonde (Gauthier) de Paul Vidal ; le 15 février 1901 Astarté (Hercule) de Xavier Leroux ; le 17 avril 1904 le Fils de l'Etoile (Bar-Kokéba) de Camille Erlanger. |
Sa carrière à l'Opéra-Comique
En représentation, il a chanté Carmen (Don José) le 02 octobre 1902, et Manon (Des Grieux) le 16 octobre 1902. |
Albert Alvarez en 1904
Albert Alvarez dans Faust (Faust) à l'Opéra en 1904
Albert Alvarez dans le 1er acte de Faust (Faust)
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Albert Alvarez dans les autres actes de Faust (Faust) à l'Opéra en 1907
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Albert Alvarez dans les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Walther) [photo Paul Berger]
Ancien sous-chef de musique dans un régiment de ligne, chanta d'abord à Lyon et à Marseille, sous la direction Campo-Casso ; il débuta à l'Opéra en 1892 dans Faust, et chanta depuis Roméo et Juliette, Samson et Dalila ; créa Nicias de Thaïs, et Mirko de la Montagne noire. Après une brillante année à Londres, cet excellent artiste a chanté à l'Opéra Tannhäuser et Lohengrin. Sa création de Mérowig, de Frédégonde, l'a placé désormais au premier rang des artistes de l'Opéra. — Créateur de Jean de Brienne, dans Hellé, et de Guillaume dans Messidor. — Voix chaude et pénétrante ; beau cavalier. Alvarez possède toutes les qualités désirables chez un premier ténor. (Adrien Laroque, Acteurs et actrices de Paris, juillet 1899)
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Albert Alvarez dans Roméo et Juliette (Roméo) à l'Opéra en 1901
Albert Alvarez dans Roméo et Juliette (Roméo) à l'Opéra en 1904
Albert Alvarez dans le Fils de l'Etoile (Bar-Kokéba) lors de la création à l'Opéra en 1904
Albert Alvarez dans le Prophète (Jean) à l'Opéra en 1905
Enfin, il a chanté ! Celui dont nous parlons ainsi n'est toutefois pas un débutant, puisque c'est du premier ténor de l'Opéra qu'il s'agit. Mais M. Alvarez n'avait jusqu'à présent jamais voulu chanter dans un phonographe ! Le célèbre artiste, sollicité bien souvent, avait toujours hésité à léguer aux générations le souvenir de sa voix, craignant d'être trahi par certains inconvénients dont il avait été désagréablement frappé alors que les phonographes, gramophones, etc., n'avaient pas encore atteint le degré de perfection auxquels ils sont arrivés aujourd'hui. M. Alvarez, convaincu des améliorations considérables apportées à l'industrie phonographique, a donc enfin consenti à faire enregistrer sa voix admirable et c'est la maison Pathé qui a eu la bonne fortune d'obtenir le monopole de cette audition ou plutôt « ces auditions » ; car ce sont les principaux morceaux de tout son répertoire que notre grand ténor a fait entendre dans le phonographe. (Phono-Gazette, 01 avril 1905)
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Enregistrement d'Albert Alvarez à la Compagnie Pathé (Emile Gautier, le Phonographe, 1905)
Tout récemment enfin, M. Alvarez, ténor de l'Opéra, assignait le journal Comœdia en 100.000 francs de dommages-intérêts. Il se plaignait d'une série d'articles qu'il estimait constituer contre lui une campagne d'hostilité systématique, et fixait à cette somme le montant du préjudice que leur publication lui avait fait subir. Il se fondait en particulier sur un article paru dans le numéro du 10 octobre 1907 et qui l'attaquait dans les termes suivants : « On m'affirme que la prochaine direction s'est assuré le concours de M. Alvarez à des conditions exorbitantes ; ce serait une faute et une maladresse. Je refuse d'y croire ; si l'engagement est signé, le public se chargera, j'espère, de le faire résilier. Au besoin, je l'y aiderai, par haine du faux art. » Le Tribunal Civil de la Seine devant qui l'affaire fût portée, retint le fait, tout en consacrant les droits de la critique : « Si, dit-il dans son jugement, il importe de maintenir hors d'atteinte les droits de la critique, et si, d'autre part, les artistes, en se consacrant au théâtre, doivent faire abandon de toute susceptibilité et se résigner à être l'objet des appréciations les plus diverses, fussent-elles des plus acerbes, fussent-elles même injustes, cette critiqué ne saurait toutefois s'exercer sans contrôle et sans limites, et dépasser le but qu'elle poursuit. » Et il considérait avec raison que le fait d'exciter la nouvelle direction d'un théâtre à ne pas signer, ou à résilier, s'il était déjà contracté, l'engagement d'un artiste, avec la promesse d'un appui personnel, excédait ces limites. Il reconnaissait d'autre part que les divers articles désobligeants pour le demandeur, autres que celui du 10 octobre, joints au fait d'avoir désigné M. Alvarez dans les programmes de l'Opéra, sous son nom patronymique : Albert Raymond Gourron, dit Alvarez, « constituaient par leur ensemble une sorte de dénigrement systématique qui lui avait causé un préjudice moral incontestable. » Et, sur ce point, il semble que le jugement se soit contredit lui-même en venant limiter un droit que, plus haut, il jugeait absolu sur le talent de l'artiste. Comment en effet est-il possible d'incriminer divers articles parce qu'on les considère en bloc alors qu'isolément, ils sont inattaquables ? Faudra-t-il donc que le critique mécontent d'un acteur ne donne son opinion sur lui qu'une fois sur deux, et que, pour faire passer le blâme, il lui prodigue des éloges qu'il ne pense pas ? L'intention malveillante qui, sans aucun doute, peut servir de base à une plainte, en dehors de toute diffamation et de toute injure, ne paraît pas ici suffisamment prouvée. Mais l'article du 10 octobre pouvait à lui seul fonder une condamnation. Le journal dut payer à M. Alvarez 1.500 francs à titre de dommages-intérêts, et faire les frais de l'insertion du jugement dans quatre journaux de Paris (Trib. de la Seine, 9 janvier 1908 ; Gaz. Trib., 12 janvier 1908).
(Max Buteau, le Droit de Critique en matière littéraire, dramatique et artistique, 1910)
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Albert Alvarez dans Samson et Dalila (Samson), photo Boyer et Bert, 1908
Albert Alvarez dans les Huguenots (Raoul) |
Albert Alvarez dans Thaïs (Nicias) |
Il a tenu, à l'Opéra de Paris, pendant une quinzaine d'années, une place des plus remarquables, entre Jean de Reszké et Ernest Van Dyck. Découvert, par la grande cantatrice Nellie Melba, en province, où il chantait depuis plusieurs années, après avoir appartenu, comme instrumentiste, à des musiques militaires et divers orchestres, il débuta le 14 mars 1892, sur notre première scène. C'était un superbe ténor, de haute taille, de beau visage, doué d'une voix puissante, surtout dans le médium, dont le timbre était particulièrement riche. Il lui fallait, pour être mis en pleine valeur, des rôles de prestance, représentatifs, somptueux. Le répertoire lui en apportait plus d'un, qui lui ménagèrent de magnifiques succès. Faust fut le premier ; puis vinrent Roméo et Juliette, Lohengrin, Samson et Dalila, la Walkyrie, Tannhäuser, Aïda, Rigoletto, la Favorite, Sigurd. A vrai dire, et malgré de très belles qualités, il décevait trop souvent par son sans-gêne avec les rythmes et la vérité d'expression. Aussi, quoi qu'on ait dit, les héros de Wagner lui convenaient mal, et seul, le personnage de Walther des Maîtres Chanteurs, qu'il créa ici (1897), garde de lui un souvenir inoubliable d'ampleur et de beauté. Sa première création fut le petit rôle de Nicias, dans Thaïs, en 1894. L'année suivante, il fut Mirko dans la Montagne Noire, d'Augusta Holmès, éphémère succès, et Merowig dans Frédégonde, de Guiraud (achevé par Saint-Saëns), qui ne fut pas plus heureuse. De même encore, en 1896, Jean dans Hellé, d'Alphonse Duvernoy. Mais, en 1897, Raoul des Huguenots, et surtout, en 1898, Jean, du Prophète, furent de vrais triomphes. Il venait alors de créer, coup sur coup, le beau Guillaume du Messidor d'Alfred Bruneau, très lyrique évocation (1897) et le rude Gautier de la Burgonde, de Vidal (1898). Les reprises de Patrie (Karloo), du Cid (Rodrigue), d'Othello, où il fut d'un pittoresque achevé, du Trouvère (Manrique) et de Salammbô (Mathô), ne furent pas moins favorables à ce laborieux artiste. Voici encore deux créations : celle d'Hercule dans Astarté, de Xavier Leroux (1901), et celle de Bar-Koleba dans le Fils de l'étoile, de Camille Erlanger (1904). La dernière fut celle de Tristan dans Tristan et Isolde (à la fin de la même année), mais elle parut moins heureuse : il fallait à Alvarez des rôles « en dehors » et non concentrés. On l'entendit encore plusieurs années sur cette scène, jusqu'en 1907 ; mais déjà il avait commencé à voyager, à se faire entendre en Amérique et à Londres — où il créa la Navarraise, de Massenet (rôle d'Araquil) et Amy Robsart, d'Isidore de Lara (rôle de Leicester). On se souvient encore, en 1902, c'est-à-dire pendant son engagement à l'Opéra, de quelques représentations de Carmen et de Manon, données à l'Opéra-Comique, où sa voix puissante n'était pas sans écraser un peu son entourage. Il semblait avoir pris une retraite définitive quand les saisons de la Gaîté en théâtre lyrique (sous la direction des frères Isola) l'engagèrent à paraître encore. On remonta pour lui Martha, de Flotow, dans le rôle de Lionnel qui avait, disait-il, marqué, en province, ses premiers pas dans la carrière. Il se retira ensuite et s'installa dans une petite propriété aux environs de Nice.
(Henri de Curzon, Larousse mensuel n°319, septembre 1933)
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hôtel particulier d'Albert Alvarez, au 23 ter boulevard Berthier à Paris 17e
tombe d'Albert Alvarez au cimetière des Batignolles [photo ALF, 2022]
Discographie
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"Salut ! ô mon dernier matin !" extrait de l'acte I de Faust de Gounod Albert Alvarez (Faust) et Piano Pathé saphir 90 tours n° 244, réédité sur 80 tours n° 24, enr. en 1904
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Cavatine extrait de l'acte III de Faust de Gounod Albert Alvarez (Faust) et Piano Pathé saphir 90 tours n° 241, réédité sur 80 tours n° 24, enr. en 1904
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Cavatine extrait de l'acte II de Roméo et Juliette de Gounod Albert Alvarez (Roméo) et Piano Pathé saphir 90 tours n° 1625, enr. en 1903
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Cavatine extrait de l'acte II de Roméo et Juliette de Gounod Albert Alvarez (Roméo) et Orchestre Pathé saphir 90 tours n° 1625, réédité sur 80 tours n° 25, enr. en 1908
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Air de la Fleur extrait de l'acte II de Carmen de Bizet Albert Alvarez (Don José) et Piano Pathé saphir 90 tours n° 1644, enr. en 1903
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"O noble lame étincelante" extrait de l'acte I du Cid de Massenet Albert Alvarez (Rodrigue) et Orch. du Metropolitan Opera de New York enr. dans ce théâtre le 19 février 1902 sur un cylindre par Mapleson
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Air des Larmes "Lorsqu'à mes yeux" extrait de l'acte III de Martha de Flotow [version française] Albert Alvarez (Lionel) et Orchestre Pathé saphir 90 tours n° 1628, réédité sur 80 tours n° 25, enr. en 1908
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mélodie de Gounod Albert Alvarez et Piano Pathé saphir 90 tours n° 1646, enr. en 1903
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Pour faire sa voix chez Pathé frères chanson de marin (par. Théodore Botrel / mus. Paul Delmet) Albert Alvarez et Piano Pathé saphir 90 tours n° 1632, enr. en 1903
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la Rosilla chanson espagnole (par. Joseph Dieudonné Tagliafico / mus. Sebastian Yradier) Albert Alvarez et Piano Pathé saphir 90 tours n° 1629, réédité sur 80 tours n° 3023, enr. en 1903
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Me cal mouri chanson en patois gascon (Jacques Boé dit Jasmin, trad fr J. Lalanne) Albert Alvarez et Piano Pathé saphir 90 tours n° 233, réédité sur 80 tours n° 3023, enr. en 1904
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le Biniou chanson bretonne (par. Hippolyte Guérin / mus. Emile Durand) Albert Alvarez et Orchestre Pathé saphir 90 tours n° 1626, enr. en 1908
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