Adolphe ALIZARD
caricature d’Adolphe Alizard dans Jérusalem (Roger), le Charivari, 1847 [BNF]
Adolphe Joseph Louis ALIZARD dit Adolphe ALIZARD
basse française
(Paris, 29 décembre 1814 – Marseille, registre 1, Bouches-du-Rhône, 23 janvier 1850*)
Fils de Jean-Baptiste ALIZARD (Saint-Florentin, Yonne, 23 janvier 1768 –), chef de la statistique des droits réunis [fils de Michel ALIZARD (– Saint-Florentin, 07 août 1794), propriétaire], et de Louise Augustine TAVIEL DE MASTAING (Lille, Nord, 07 avril 1787 –), mariés à Dompierre, Oise, le 25 août 1812*.
Chanteur dramatique remarquable, dont la carrière et l'existence furent courtes. Il fit ses études à Montdidier, puis à Beauvais, où sa mère dirigeait une pension de jeunes filles. Destiné d'abord à l'enseignement, son goût le porta bientôt à l'étude de la musique, dans laquelle il fit de rapides progrès. Victor Magnien, qui lui donna des leçons de musique, le décida à se rendre à Paris, où il étudia le violon sous la direction de Chrétien Urhan. Celui-ci, frappé de la beauté de la voix d'Alizard, le fit entrer en 1834 au Conservatoire de Paris, où il partagea en 1836 le premier prix de chant avec Pierre Frédéric Achard. Après avoir été attaché comme chantre aux églises des Missions et de Saint-Eustache, Alizard débuta, le 23 juin 1837, au Grand-Opéra dans le rôle de Saint-Bris des Huguenots. Sa belle voix de basse profonde d'un timbre puissant et sonore fit merveille dans ce rôle, mais l'accueil qu'il reçut du public fut cependant très réservé, parce que le jeune artiste, petit, trapu, court et fortement musclé, était doué de qualités physiques qui confinaient à la difformité et qui rendaient sa vue peu agréable. Malgré son talent très réel, il resta pendant plusieurs années dans une position secondaire et indigne de lui, si bien qu'en 1842 il quitta l’Opéra et signa un engagement pour le théâtre de la Monnaie de Bruxelles (1842-1843) ; il y chanta notamment le 04 août 1843 la première de Don Pasquale (le Docteur) de Gaetano Donizetti [version française de Vaez et Royer]. Malheureusement, il eut la fâcheuse idée de transformer sa voix, et, en la déplaçant par un travail opiniâtre, d'en faire un baryton, de basse profonde qu'elle était. De tels tours de force sont toujours funestes, Alizard ne devait pas tarder à l'éprouver. Il fut atteint d'une maladie des bronches, pour le traitement de laquelle on lui conseilla un voyage en Italie. Il suivit ce conseil, retrouva toute la plénitude de son organe et put chanter sur divers théâtres italiens, où il fut accueilli de la façon la plus favorable. Rappelé alors à l'Opéra, il y rentra, en août 1846, comme chef d'emploi, et son talent de chanteur, ses grandes qualités dramatiques, sa rare intelligence de la scène, lui valurent cette fois des succès retentissants dans les Huguenots, Robert le Diable, le Prophète, la Favorite, etc. ; c'est presque avec de l'enthousiasme que le public accueillait maintenant l'artiste qu'il avait dédaigné naguère. Mais, au bout de deux années, le mal qu'Alizard avait ressenti jadis à Bruxelles, reparut avec plus d'intensité ; il se rendit à Marseille, et y mourut de langueur à l'âge de trente-cinq ans. Alizard, qui avait toute l'étoffe d'un grand artiste, et qui prenait son art au sérieux, serait certainement devenu célèbre s'il avait pu fournir une plus longue carrière. Il avait également chanté aux Concerts du Conservatoire (sociétaire du 25 janvier 1841 au 07 mai 1844).
Il est mort, célibataire, en 1848 à trente-cinq ans, étant domicilié à Paris.
Sa carrière à l'Opéra de Paris
Il participa à la création des Huguenots (le Crieur) de Giacomo Meyerbeer à la salle Le Peletier le 29 février 1836 alors qu'il était élève au Conservatoire.
Il y débuta le 23 juin 1837 dans les Huguenots (Comte de Saint-Bris).
Il y créa le 11 septembre 1839 la Vendetta d’Henri de Ruolz ; le 06 janvier 1840 le Drapier (frère Benoist) de Fromental Halévy ; le 13 octobre 1841 la cantate Lionel Foscari (le Doge) d'Aimé Maillart ; le 21 mars 1846 l’oratorio Moïse au Sinaï (Moïse) de Félicien David ; le 26 novembre 1847 Jérusalem (Roger) de Giuseppe Verdi ; le 16 juin 1848 l’Apparition (Nugnes) de François Benoist ; le 25 août 1848 l’Eden (Lucifer) de Félicien David.
Il y participa à la première le 07 juin 1841 du Freyschütz (l’Ermite) de Carl Maria von Weber [version française de Pacini et Berlioz].
Il y chanta Guillaume Tell (Gessler, 1837 ; Guillaume, 1841 ; Walter, 1848) ; Benvenuto Cellini (Fieramosca, janvier 1839) ; les Huguenots (Maurevert, 100e le 10 juillet 1839) ; la Juive (Cardinal de Brogni, 100e le 05 juin 1840) ; la Muette de Portici (Pietro, 1840) ; Lucie de Lammermoor (Raymond, 24 avril 1841) ; Don Juan (Leporello, 1841) ; le Comte Ory (le Gouverneur, 1847) ; Robert le Diable (Bertram, 1847) ; le Prophète ; la Favorite. |
Le ténor Tachinardi, père de madame Persiani, qui n'était pas favorisé sous le rapport extérieur, disait tout haut devant ce public de Paris si moqueur : « Je suis venu pour me faire entendre et non pour me faire voir. » Alizard peut en dire autant, car la voix de cet artiste est si belle, si large, si puissante, qu'on oublie tout ce que son petit corps a de difforme. Il a fallu en effet un bien grand talent pour forcer à l'admiration ce peuple athénien, je veux dire parisien, chez qui les yeux sont plus grands que les oreilles. (Acteurs et actrices de Paris, Académie royale de musique, 1842)
Il entra fort jeune au collège de Montdidier, dirigé par des Lazaristes. Là, moyennant une modique somme annuelle, beaucoup de jeunes gens apprenaient la musique comme art d'agrément et comme complément d'éducation. Le jeune Alizard fit tant d'instances auprès de sa mère pour être admis dans les cours de musique, qu'enfin elle obtempérât, à regret cependant car aucun membre de sa famille n'était musicien ; et pieuse et maîtresse de pension, elle ne rêvait pour son fils que le professorat ou la cléricature. En 1830, Mme Alizard étant venue s'établir Beauvais (Oise), son fils l'y suivit et entra au collège communal de cette ville pour terminer ses études. Le jeune Alizard n'avait aucune vocation pour les professions auxquelles sa mère le destinait ; la passion de la musique le dominait tout entier, et ce qui l'accrut encore, ce fut la rencontre d'un excellent musicien, M. Victor Magnien, professeur de violon à Beauvais. Aussi ses études achevées, Mme Alizard voyant qu'il était inutile de contrarier son fils dans ses goûts, l'envoya Paris pour travailler le violon sous la direction de M. Urhan, violon solo de l'Académie royale de musique, artiste éminent autant que modeste et d'un désintéressement rare. Il y avait à peine un mois que le jeune Alizard était Paris, quand il s'avisa de fredonner le thème d'un air varié qu'il était en train d'étudier : surpris de se trouver de la voix, il se fit entendre M. Urhan, son professeur, qui lui dit de fermer sa boîte à violon et le conduisit à l'instant même au Conservatoire. Il fut admis aussitôt (mai 1834) et on lui donna pour professeur M. Banderali. Cet excellent maître, un des meilleurs de l'école sans contredit, avait pris en grande affection son élève, à cause des heureuses dispositions qu'il manifestait ; il le faisait venir tous les jours chez lui et consacrait son éducation musicale des soins tout particuliers. Grâces une pareille impulsion, Alizard fit des progrès tels qu'au bout de peu de temps il obtint le premier prix de chant au concours public du Conservatoire (3 août 1836). L'année suivante il fut engagé au Grand-Opéra et débuta le 23 juin 1837 par le rôle de Saint-Bris dans les Huguenots. Artiste consciencieux et modeste, sachant tout ce qu'il pouvait par lui-même, indépendant de caractère et par conséquent ennemi de l'intrigue, Alizard ne voulut que se servir de ses propres moyens pour réussir, ce qui ne suffit pas toujours au théâtre, comme on sait car, outre les rivalités des camarades, il y a encore les caprices des directeurs et de leurs maîtresses. La vie dramatique à Paris est malheureusement composée de tout cela. Malgré tout son talent, malgré les pas de géant marqués dans sa carrière, Alizard fut tenu pendant longtemps dans une position secondaire ; mais le jugement des hommes de goût vint l'en arracher, et chaque fois qu'il parut en scène dans les rôles les plus importants du répertoire, les applaudissements publics, les applaudissements de bon aloi, ne lui firent point faute, l'égal des Duprez et des Barroilhet. Ces succès-là auraient bien dû dédommager l'artiste de toutes les tracasseries dont on l'abreuvait : il n'en fut rien cependant ; car, au mois d'août 1842, Alizard demanda et obtint la résiliation de son engagement pour suivre en pays étranger un entrepreneur de concerts. MIle Lia Duport, cantatrice très remarquable, était aussi engagée pour ce voyage. Les deux artistes commencèrent leur tournée par la Belgique et arrivés à Bruxelles, en octobre, ils se firent entendre pour la première fois le 22, dans la salle de la société philharmonique. Leur succès fut magnifique : on s'en rappelait peu d'aussi brillants. Après une excursion à Gand, où ils donnèrent trois concerts, Alizard et Mlle Duport revinrent à Bruxelles, s'y firent de nouveau en tendre deux fois et se virent bientôt libres de leur engagement par suite de l'insolvabilité de leur impresario. L'administration des théâtres de Bruxelles saisit avec avidité cette circonstance pour retenir Alizard parmi nous, jusqu'en mai 1843. Si ce fut une bonne fortune pour nos directeurs, au milieu des embarras où ils se trouvaient alors, que de mettre la main sur un artiste du mérite d'Alizard, c'en fut une bien meilleure encore pour les plaisirs du public. L'ex-pensionnaire de l'Académie royale de musique de Paris parut pour la première fois sur la scène bruxelloise le 21 novembre dernier par le rôle de Guillaume Tell dans l'œuvre immortelle de Rossini ; il y fut admirable en tous points. Il a chanté depuis, avec un égal succès les rôles d'Alphonse de la Favorite, d'Aslon de Lucie de Lammermoor, de Saint-Bris des Huguenots, du cardinal de la Juive, de Bertram de Robert le Diable. Alizard a l'une des plus belles voix de basse que l'on puisse entendre. Les sons de l'octave supérieure, du fa au fa, ont une fermeté, un volume, un éclat remarquable, et les notes les plus élevées de cette gamme sortent avec une étonnante facilité. Il a même fait en tendre, sa première représentation, dans le duo avec Arnold de Guillaume Tell, un sol aussi hardiment attaqué, aussi vigoureux, aussi plein que pourrait le donner un bon ténor. Alizard est un artiste du premier ordre, qui connaît à merveille les ressources de sa voix et des morceaux qu'il chante. Il sait tour à tour employer la force, la grâce, la légèreté, l'expression pathétique, et tient le public en haleine par la variété des effets qu'il produit. Attentif aux ensembles comme aux solos, il sait tantôt se placer au second plan, tantôt faire ressortir à propos sa partie. Ardent, chaleureux, dévoué pour son rôle, se possédant lui-même pour maîtriser le public, il est consommé dans son art et ne manque jamais le succès. (Annuaire dramatique, Bruxelles, 1842)
Il fit ses études au collège de Montdidier. Sa mère le destinait à l'enseignement, et ne consentit qu'avec peine à lui laisser suivre le penchant qu'il avait pour la musique. En 1830, cette dame alla diriger un pensionnat à Beauvais : son fils l'y suivit, et entra au collège de cette ville, où il trouva pour professeur de musique M. Victor Magnien, qui découvrit ses dispositions pour cet art, et lui fit faire de rapides progrès. M. Magnien détermina enfin la mère d'Alizard à l'envoyer à Paris, pour y terminer ses études musicales. Urhan fut le maître qu'il y rencontra d'abord et qui se chargea de son éducation de violoniste ; mais le hasard ayant fait connaître au professeur la beauté de la voix de son élève, il lui fit abandonner son instrument, et le fit entrer au pensionnat du Conservatoire, où il reçut les leçons de Banderali. Alizard entra dans cet établissement au mois de mai 1834. Deux ans après, le premier prix de chant lui fut décerné dans un brillant concours, et le 23 juin 1837, il débuta à l'Opéra dans le rôle de Saint-Bris des Huguenots. Il y obtint un succès honorable ; mais l'espèce de difformité qui résultait du contraste de sa courte taille avec des proportions musculaires très développées ne le rendit pas sympathique au public, et sa position au théâtre resta longtemps secondaire. Le caractère de sa voix était une basse profonde, d'un timbre puissant et sonore, sorte d'organe très utile dans la musique, mais dont les avantages trouvent rarement l'occasion de se faire remarquer à la scène. Nonobstant l'appui que ses amis lui prêtaient dans les journaux, Alizard resta à l'Opéra dans une condition secondaire jusqu'en 1842 : alors il se décida à se retirer de ce théâtre, et accepta un engagement à celui de Bruxelles. Il y resta deux années, pendant lesquelles il força son organe vocal à se prêter à une transformation qui lui fut funeste ; car, de basse profonde qu'était naturellement cet organe, il en fit un baryton, et chanta tous les rôles de cet emploi dans le grand Opéra. Il y trouvait l’avantage d'une meilleure position momentanée, mais il préparait la ruine de sa voix et de sa santé. Les premières atteintes d'une maladie des bronches ne tardèrent pas à se manifester ; il dut suspendre son service au théâtre, et fut enfin obligé de se retirer. On lui conseilla alors le voyage de l'Italie comme efficace pour le mal dont il souffrait : il suivit ce conseil, et s'en trouva bien ; car la sonorité de son organe revint, et il put chanter avec succès sur quelques théâtres italiens. De retour en France en 1846, il se fit entendre dans quelques représentations et y fit une vive impression dans quelques-uns de ses meilleurs rôles. Rappelé à Paris au mois d'août de la même année, il rentra à l'Opéra avec le titre de chef d'emploi. Il y revenait avec une voix aussi puissante en apparence qu'autrefois, mais plus étendue, mieux exercée ; et l'artiste avait acquis cette confiance en soi-même sans laquelle on ne domine pas l'opinion publique. Alizard excita d'abord une sorte d'enthousiasme dans ses rôles principaux, et ses succès conservèrent leur éclat pendant deux ans environ ; mais, au mois d'octobre 1848, le mal dont il avait été atteint à Bruxelles reparut avec un caractère plus alarmant ; car ce n'étaient plus les bronches qui étaient attaquées, c'était le larynx lui-même. Dans l'espoir que le climat de la France méridionale le guérirait, l'artiste retourna à Marseille, d'où il ne devait plus sortir. Peu de semaines après son arrivée dans cette ville il expira, au mois de janvier 1850, à l'âge de trente-cinq ans. Alizard avait de l'instruction, aimait l'art sérieux et s'occupait de son histoire. Ce goût lui avait fait rassembler des livres rares et des curiosités musicales qui absorbaient toute ses économies. Il en résulta pour lui de la gêne dans la maladie longue et douloureuse qui le conduisit au tombeau ; mais cette circonstance fut l'occasion d'un noble trait de dévouement et de générosité que l'histoire doit enregistrer. Connaissant sa triste situation, quatre de ses amis se réunirent, se cotisèrent, et l'un d'eux alla le voir, lui portant 200 francs, et lui disant avec cette délicatesse d'expressions qu'on n'a qu'en France pour de pareils traits : « Cher Alizard, ta maladie est sans doute pour toi la cause de quelque gêne ; mais ta santé ne peut tarder à se rétablir. Tu reprendras ton service au théâtre, et tes succès auront bientôt comblé ton petit arriéré. Permets donc à tes amis d'être tes banquiers en attendant ce moment, et accepte comme un prêt ce que je suis chargé par eux de t'apporter. » Alizard, qui, seul, se faisait illusion sur son état, crut ainsi ne contracter qu'une dette momentanée. Tous les mois, la même visite se renouvela jusqu'au dernier moment, et l'artiste objet de cette belle action continua de faire ses reçus de la même somme avec la même sécurité. (François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens, 1866)
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