Winkelried

 

 

 

Grand opéra héroïque en quatre acte et cinq tableaux, livret de MOREAU-SAINTI fils et Lionel BONNEMÈRE, musique de Louis LACOMBE (1876-1881).

 

   partition

 

 

Création, après la mort du compositeur, au Grand-Théâtre de Genève le 17 février 1892.

 

 

 

personnages emplois

créateurs

Anna, comtesse de Valengin, dame de Willisau soprano Mme LAVILLE-FERMINET
Bæteli, femme de Winkelried mezzo-soprano Mlle de BASTA
Winkelried ténor MM. IMBART DE LA TOUR
Hans Reding, maître chanteur basse chantante Maurice FABRE
Gundoldingen, avoyer de Lucerne baryton haut Octave LABIS
Schotz, député de Sempach basse LUGRIN
Bramegg, citoyen d'Entlibuch ténor VILBERT
Lautrach, ambassadeur du duc Léopold d'Autriche ténor BONJOUR
Hemman, écuyer de la comtesse Anna de Valengin baryton VAN LAER
un Buveur, citoyen de Lucerne basse  
un Héraut d'armes    
Suisses, Autrichiens    

 

L'action se passe en 1385.

Acte I. Lucerne.

Acte II. L'intérieur du château de Willisau.

Acte III. Une grande salle dans le château de Willisau.

Acte IV. 1er tableau. Une place de Sempach.

2e tableau. La campagne entre la ville et le champ de bataille.

 

 

 

 

 

Il s'agit en second lieu de la représentation à Genève du Winkelried de Louis Lacombe. Ce n'est plus ici un musicien jeune, acclamé, fêté en France et à l'étranger, jouissant de cette pure joie que donne le succès d'une série de belles œuvres chèrement caressées, venues au jour avec éclat, tel que l'auteur de Werther ; c'est un compositeur vieilli dans la désillusion, mort dans la désespérance.

 

J'ai dit ici même ce que fut Louis Lacombe ; j'ai conté ailleurs ses rêves et son désenchantement ; j'ai pénétré assez profondément dans l'intimité de cette âme répandue en de nombreux écrits : vers, prose, philosophie, morale, théories d'art, pour en avoir rapporté un sentiment de profonde estime et de réelle pitié.

 

Mais, l'homme disparu, l'œuvre reste. C'est de l'œuvre seule qu'il faut aujourd'hui parler pour dire quelle impression elle a produite, en attendant que sa représentation à Paris nous donne la tâche et le moyen de dire ce qu'elle est musicalement.

 

Louis Lacombe a raconté lui-même, dans une conférence faite à Lyon, à une époque où il espérait y voir jouer son ouvrage, ce qu'est le sujet de Winkelried.

 

L'auteur du poème, disait-il alors, suppose Winkelried marié depuis huit jours à une jeune fille appelée Baëteli. Une certaine comtesse Anna de Valengin, dame de Villisau, éprise de Winkelried, voulait l'épouser. En apprenant son mariage, la jalousie s'empare d'elle. Cette jalousie arrive à un tel degré qu'Anna prend la résolution de perdre Winkelried et sa compagne. Enfermée avec les époux amants dans son propre château, assiégé par les Autrichiens, elle se décide à trahir son pays dans l'espoir de voir mourir celle qu'elle abhorre. Les Autrichiens, ayant pénétré dans la forteresse par un souterrain dont la comtesse leur ouvre la porte, se jettent sur les Suisses, se rendent maîtres de la place et célèbrent leur prétendue victoire par une orgie, qui a pour dénouement l'incendie du château. Au dernier acte, la comtesse accuse Winkelried du crime commis par elle ; les Suisses ajoutent foi à cette accusation et considèrent leur plus grand héros comme un traître. Cependant Winkelried les désabuse, leur confie sa femme, car il sait qu'il va mourir, et les entraîne au combat. Vous devinez le reste. La trahison de la comtesse se découvre. Winkelried, justifié, meurt victorieux... Un vieux maître chanteur, Hans Reding, avise un chêne, y cueille une branche et en forme une couronne qu'il pose pieusement sur la tête du cher mort pendant que les drapeaux suisses flottent sur son front inanimé, que les tambours battent aux champs et que Baëteli, agenouillée, demeure comme ensevelie dans sa douleur.

 

L'héroïsme de Winkelried, qui décida du résultat de la bataille de Sempach, en saisissant à pleins bras et en ramenant sur sa poitrine les lances des Autrichiens, afin d'ouvrir dans leurs rangs un passage à ses propres soldats, ce sacrifice simplement accompli par le robuste chef, était fait pour toucher l'âme enthousiaste de Louis Lacombe. On comprend, d'autre part, ce qu'un pareil sujet a pu faire naître d'émotion patriotique sur le théâtre même d'événements dont plusieurs siècles écoulés n'ont pas affaibli la mémoire.

 

La soirée du mercredi 19 février comptera dans les annales de Genève. Le succès de Winkelried a été très grand. Plusieurs morceaux ont été bissés. Après une ouverture à la fois rustique et héroïque, on a beaucoup remarqué l'originale chanson de la « Plume de paon », le choral : « Un pour tous, tous pour un », le duo charmant de Winkelried et de Baëteli, sa femme, l'ensemble de la déclaration de guerre, pour ne parler que du premier acte.

 

Les autres sont de valeur non moins haute et ont pour couronnement la belle apothéose guerrière du héros de Sempach.

 

L'interprétation, m'écrit notre correspondant, a été très bonne. Mlle Laville-Ferminet a fait une remarquable création dans le rôle de la comtesse de Valengin ; M. Imbart (Winkelried) a été l'objet d'une véritable ovation ; Mme de Basta (Baëteli) et M. Maurice Fabre (Reding) ont eu aussi leur part du succès.

 

Enregistrons avec joie cette nouvelle victoire de la musique française, et qu'une satisfaction plus immédiate encore nous soit donnée, celle d'entendre sur un théâtre parisien cette partition que le dévouement de Mme Lacombe, son culte pieux de la mémoire du compositeur disparu, ont, après bien des luttes et bien des épreuves, mise finalement en pleine lumière.

 

(Louis Gallet, la Nouvelle Revue, 01 mars 1892)

 

 

 

 

 

On connaît la légende de Winkelried, l'un des héros des luttes séculaires de la Suisse contre les Autrichiens, ses oppresseurs : ce patriote, dit-on, sacrifia sa vie, à la bataille de Sempach, pour assurer la victoire de ses compagnons, et mourut en s'écriant : « Confédérés, prenez soin de ma femme et de mes enfants ! » C'est sur cette légende, qui tient tout entière dans un fait et dans un mot, que les auteurs du livret de Winkelried ont construit leur pièce. On comprendra qu'il n'y avait point là les éléments d'un drame, et qu'ils ont dû imaginer une action pour la conduire, tant bien que mal, jusqu'à la catastrophe finale. C'est sur cette action, d'un intérêt médiocre, que Louis Lacombe, un musicien de savoir et d'inspiration, a écrit une partition souvent remarquable, d'un accent très personnel et très sincère, et dans laquelle on a applaudi surtout des ensembles vigoureux et une partie chorale traitée de main de maître. Malheureusement, le pauvre grand artiste était mort depuis quelques années déjà lorsque son œuvre put paraître à la scène, et il n'eut pas la joie, lui, si négligé et si méconnu de son vivant, d'assister à son succès. L'effet de la musique de Winkelried fut réellement très grand.

(Félix Clément, Dictionnaire des opéras, supplément d’Arthur Pougin, 1903)

 

 

 

 

 

dédicace de la partition de Winkelried par le compositeur à sa femme, Andrée Favel

 

 

 

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