Esther, princesse d'Israël
Costume du personnage d'Esther par René Piot pour la création à l'Opéra
Tragédie lyrique en trois actes, livret d'André DUMAS et Charles Sébastien Henri dit Sébastien-Charles LECONTE (Calais, Pas-de-Calais, 23 octobre 1860 – Paris, 1934), d'après leur drame en quatre actes créé au Théâtre de Monte-Carlo le 05 janvier 1912, musique d'Antoine MARIOTTE.
Air d'Hylas (acte II)
Création à l'Opéra de Paris (Palais Garnier) le 01 mai 1925 (répétition générale le 28 avril avec les créateurs). Mise en scène de Pierre Chereau. Chorégraphie de Léo Staats. Décors et costumes d'après les maquettes de René Piot (Paris, 1869 – Paris, 1934) ; décors exécutés par Georges Mouveau et Oreste Allegri ; costumes exécutés par la Maison Muelle. => maquettes des costumes.
9e représentation à l'Opéra le 29 juin 1925 avec les créateurs, sauf André PERRET (Mardochée).
9 représentations à l'Opéra au 31 décembre 1961. Mireille BERTHON y a interprété le rôle d'Esther en 1925.
personnages |
Opéra de Paris 28 avril 1925 / 01 mai 1925 / 25 mai 1925* |
Esther | Mmes Yvonne GALL |
Sita | Marcelle DENYA |
Lyda | |
Thamar | Madeleine LALANDE |
Amensé | Yvonne COURSO |
Mnasis | |
Hylas | Georgette FROZIER-MARROT |
Mardochée | MM. Paul FRANZ |
Assuérus | Edouard ROUARD |
Aman | Marcellin DUCLOS |
le Héraut | DALERANT |
le Scribe | Charles CAMBON |
le Chef du Palais | Edouard MADLEN |
un Officier | Georges RÉGIS |
un Blessé | |
Ballet des Roses (2e acte) | Mlles Jeanne SCHWARZ, Olga SOUTZO, Suzanne LORCIA et le Corps de Ballet |
Chef d'orchestre | François RÜHLMANN |
* 25 mai 1925 : Ballet des Roses avec Mlles Jeanne Schwarz, Olga Soutzo, Suzanne Lorcia. Mlles M. Cébron, Simoni, Morenté, Valsi, G. Franck, Barban, Licini, Lerville, Rolla, Marionno, Constans, Thuillant, Gency, Emonnet, Demessine, Tersen, Gélot, Céres, Soulé, Binois.
Costume du personnage du Héraut par René Piot pour la création à l'Opéra
Argument
Esther — l'étoile — qui, par sa beauté seule, assura le salut de tout son peuple, a souvent inspiré les auteurs dramatiques. Racine, écrivant pour les demoiselles de Saint-Cyr, lui prêta une virginale douceur. Mais ni Judith, ni Déborah, ni aucune autre héroïne biblique n'égale en grandeur farouche celle dont la fête du phurim célèbre encore le triomphe après vingt-cinq siècles. De son extraordinaire aventure, les histoires anciennes ne disent rien. Celle d'Hérodote finit trop tôt, celle de Plutarque commence trop tard. Sans doute fut-elle une des sept cents concubines d'Assuérus — apparemment Xercès — que nous pouvons imaginer dans son palais de Suse, orné de taureaux ailés et de briques peintes. Le récit de la Bible, où le nom de Dieu n'est pas même prononcé, a tout l'imprévu d'un conte des Mille et une Nuits. Pour couronner un festin de sept jours, Assuérus, réjoui par le vin, ordonne à Vasthi de comparaître devant les seigneurs des cent-vingt-sept royaumes. Vasthi refuse : il la condamne pour le regretter aussitôt, capricieux comme un despote oriental. Pour remplacer Vasthi, qui hante l'esprit du Roi, une razzia de vierges est faite dans tout l'empire. Il ne reste qu'à choisir celle qui prendra la place de la morte. C'est à ce moment que s'engage l'action d'Esther, Princesse d'Israël. Premier acte. — Rassemblée dans une cour intérieure, la foule bigarrée des femmes chante la gloire du Roi des rois, anxieuse d'apprendre qui sera l'Elue. Précédé d'archers, le Chef achéménide passe, toujours prostré dans sa douleur, et les femmes ont suivi son cortège quand Mardochée se glisse dans le palais. Il invoque l'Eternel, qui, vers sa nièce Esther, peut abaisser les regards d'Assuérus. Des acclamations lui révèlent que sa prière est entendue. Le Héraut proclame la volonté royale. Esther reçoit l'hommage de ses compagnes qui la suivent dans le gynécée. Mais Mardochée sera surpris par le ministre Aman qui assouvit sur lui sa haine d'Amalécite. Israël doit périr dans trois jours. Resté seul, Mardochée comprend que Dieu a suscité Esther pour le salut de sa race. A son appel, elle sort du gynécée d'où montent des chants d'amour. Qu'elle aille vers le Roi, bravant l'édit qui ferme à tous sa porte ! Prévoyant la vengeance prochaine, parmi les grondements d'un orage, Esther et Mardochée entonnent ensemble l'hymne de guerre de Déborah. Acte II. — Poursuivi par le spectre de Vasthi, Assuérus cherche en vain le repos. En vain Aman lui rappelle-t-il que l'ombre offensée attend une hécatombe humaine. En vain, par leurs chants et leurs danses, les filles d'Asie et d'Europe, (ballet des roses), tentent de dissiper son ennui. Pour lui faire revivre ses jours de gloire, qu'un scribe lui relise les fastes de son règne ! Mais l'évocation du geste qui condamna Vasthi ranime la colère du Monarque. Malheur à l'imprudent qui passera sa porte ! Et justement, le rideau tremble, Esther paraît. Mais un trouble nouveau s'empare du Roi des rois. Le charme opère. Esther, qui s'offre et se refuse, obtient la promesse désirée. Assuérus ira la retrouver chez elle. La nuit du lendemain sera la nuit royale. Dans l'enchantement de l'amour qui transforme toutes choses, le Dompteur du monde serait-il dompté lui-même pour la première fois ? Acte III. — Les suivantes d'Esther l'attendent sur la terrasse de son palais. Nuit d'amour, nuit de mort aussi, puisqu'elle doit voir le châtiment d'un révolté ! Esther supplie le Dieu des Juifs de mettre en elle la beauté nécessaire au salut des siens. Aman étant venu saluer sa Reine, elle essaie sur lui ses charmes et lui fait promettre que le condamné passera sur sa terrasse. Assuérus arrive, et le duo d'amour s'engage. Mais quel est ce captif qu'Aman mène au poteau ? Mardochée ! Esther tient sa vengeance. Elle révèle au Roi sa naissance et sa race. Après la mort d'Aman, qui jette un dernier anathème, elle obtient la mort de ses dix fils. Elle obtient que, jusqu'à l'aurore, les enfants d'Israël puissent massacrer leurs ennemis. Le roi vaincu accepte tout. Nuit d'amour et nuit de mort, les noces d'Esther seront des noces de sang. Mardochée reçoit le glaive d'Aman, et, tandis qu'aux gémissements se mêlent les chants de victoire, que les blessés s'entassent autour du trône comme les épaves autour d'un écueil, les amants s'enlacent, jusqu'à l'heure où, dans l'aube renaissante, Esther et Mardochée, avec une joie sauvage, chanteront le triomphe de leur peuple éternel.
(programme de l’Opéra, 25 mai 1925)
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Il serait présomptueux de porter un jugement définitif sur une œuvre de cette importance et de cette valeur après une unique audition et une rapide lecture préliminaire de la partition, dont l'analyse complète exigerait un long article ; je dois me borner à constater la haute valeur de M. Mariotte et le féliciter de l'accueil très sympathique qu'a reçu son ouvrage. Je ne crois pas que l'Opéra ait, depuis longtemps, monté un ouvrage avec un plus grand luxe de costumes et de décors. M. Piot a réalisé un ensemble d'inventions et de couleurs véritablement admirable. La mise en scène de M. Pierre Chereau est absolument remarquable. L'entrée successive des groupes de femmes descendant l'escalier qui ferme le décor du premier acte est merveilleux de mouvement et de combinaisons de coloris. Le ballet qui se développe au second acte dans un admirable décor complètement rouge est fort bien réglé par M. Staats. Trois danseuses en sont les principaux sujets, toutes trois charmantes : Mlle Schwarz, aux nobles attitudes ; Mlle Soutzo, à la grâce ondulente et souple ; Mlle Lorcia, dont on a spécialement remarqué la vivacité et la précision. L'interprétation vocale est excellente. Mlle Yvonne Gall n'a peut-être jamais rencontré un rôle qui mette mieux en valeur ses qualités vocales et plastiques que celui d'Esther, rôle écrasant, mais qu'elle soutient avec une vaillance remarquable. M. Franz, Mardochée fanatique et inspiré, fait tonner victorieusement sa voix magnifique. Ces deux artistes ont chanté l'hymne qui termine le premier acte d'une manière absolument impressionnante. M. Rouard est un Assuérus à la fois cruel et passionné, dont la voix se prête mieux à la tendresse qu'aux fureurs de la jalousie. M. Duclos est un Aman farouche auquel je reprocherai de sacrifier quelquefois le chant à une déclamation saccadée où le son s'écrase au lieu de gagner en énergie. Mmes Denya, Lalande, Y. Courso et Frozier-Marot, dans des rôles courts mais importants, sont les esclaves chargées de séduire Assuérus. Elles s'efforcent de s'en acquitter avec des voix charmantes de timbre et de fraîcheur. Pour y rester insensible, il faut que ce Roi des Rois ait bien peu de goût ! Les chœurs ont été irréprochables et l'orchestre, sous la direction de M. Rühlmann, impeccable, comme toujours.
(André Messager, programme de l’Opéra, 25 mai 1925)
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Assuérus, ayant répudié la reine Vasthi, choisit, pour la remplacer, la nièce du juif Mardochée, qui prend le nom persan d'Esther. Mais le roi regrette le passé, et pour le distraire, un ballet est donné, prétexte facile imaginé pour les besoins de l'Opéra. Esther profite de sa situation pour venger son peuple et ordonner un massacre des ennemis des Juifs. La partition de M. Mariotte est imposante et touffue ; elle n'est pas sans longueurs. Mais son inspiration a de la grandeur ; le duo d'Assuérus et d'Esther est une page très émouvante ; l'orchestration est extrêmement nourrie, et peut-être nuit-elle un peu trop à l'intelligence des voix.
(Larousse Mensuel Illustré, juin 1925)
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